Une graine et la montagne (Nirvana)

Les yeux clos, Nirvana méditait près de la fontaine de Dairo. L’eau orangé se reflétait sur les multiples coquillages à l’intérieur nacré disposé un peu partout dans le temple. C’était depuis son plus jeune âge que la sirène avait entreprit d’apporter un coquillage à sa déesse à chaque visite, même si depuis quelques temps elle rapportait principalement les plus gros (principalement à cause du manque de place).

Boum. Boum. Boum.

Les sourcils se froncent, mais la louvette s’efforce de demeurer concentrer. Ça ne devait pas être trop important…

Boum. Boum. Boum.

Cette fois Nirvana ouvrit un oeil qu’elle leva vers le plafond. Bon sang, quel genre d’individu pouvait créer pareil boucan ? Le vacarme aurait pu passer si ce n’était pas suivi de piaulement d’oiseau… D’accord cette fois c’était un peu de trop. La prêtresse sortit du temple à la recherche du gêneur. Il lui fallut peu de temps pour tomber sur le gamin de Sakura.
Cela explique le bruit…
Elle avait observé les enfants de loin sans trop s’en approcher (par manque d’intérêt pour les plus jeunes qu’elle considérait un peu trop niais généralement). La louvette affichait cette expression sérieuse, employée depuis son plus jeune âge.

« — Tu perturbes mes prières. »

La taille des autres ça ne l’avait jamais intimidé, aussi imposants soient-ils. La démarche est encore maladroite et lourde. Nirvana soutint le regard.

« — Nirvana, prêtresse de Dairo. »

Fille d’Hollyhock.
Elle ne connaissait que son affiliation à Sakura et au Direwolf, sans pour autant s’être intéressé aux noms que portaient les enfants. Sans pour autant abandonné son expression contrariée, Nirvana finit tout de même par lui retourner la question.

« — Et toi ? »

Juste Ottar. La sirène renifla légèrement, comme à chaque fois qu’elle restait trop longtemps sur la terre ferme, ses allergies revenaient. Nirvana fixa le demi-loup géant.

« — Tu n’es pas que ça. Tu partages le sang de ceux qui vivent par-delà la grève. »

Ceux qui ne craignent pas les prédateurs qui y résident.
Il est de ceux qui n’ont rien à craindre de ces terres.
Le regard se déporte pour observer l’océan.

« — Y es-tu déjà allé ? »

Une certaine curiosité dans sa voix.

Bien sûr qu’il y est déjà allé. Cela aurait été anormal. Nirvana se sentit envahit d’une certaine jalousie. Depuis gamine, c’était dans ses objectifs de se rendre dans le grand Nord.
Mais je dois attendre, à cause de la Rose Stupide et de son Oncle.
Un soupir léger qui franchit ses babines.

« — C’était comment ? »

Les détails, c’est ce dont elle devrait se contenter.

Un léger frémissement de babines trahissant une pointe de frustration. Ottar ne lui apprenait rien. Nirvana savait que ces terres restaient encore inconnues et qu’une cape était requise pour s’y rendre…

« — Tu n’es pas précis. »

Pas assez pour Nirvana en tout cas.
Fallait-elle se rendre obligatoirement dans le nord pour en apprendre plus ? Les prunelles claires étudient le pelage épais du demi-géant. Lui ne devait pas être incommodé par des soucis de température.
Les dinosaures il ne doit en faire qu’une bouchée.

« — Qu’as tu appris là-bas ? »

Nirvana savait que bien avant sa naissance, des expéditions dans le nord avaient été lancées concernant les dieux et les Direwolfs. D’un mouvement de patte, elle invite le loup a développé un peu les sujets.

« — Ils partagent les mêmes dieux que nous… mais il y a des différences concernant les valeurs que représentent nos dieux ici et là-bas, je me trompe ? »

Nirvana trouvait cela agaçant, ces réponses évasives, ces esquives pour ne révéler aucune informations. Les sourcils légèrement froncés, elle fixa un moment Ottar avant de prendre de nouveau la parole.

« — Qu’est-ce qui se passe ? On t’a demandé de ne rien révéler ? »

Tu te la joues agent-double, le géant ? Ceux du Nord peuvent apprendre à nous connaître, mais nous ne devons rien savoir ?

Une certaine méfiance qui naît dans le regard de Nirvana. Accorder sa confiance… ça n’avait jamais été son fort. Probablement pour cela que les amis étaient si rares et ses relations avec les autres… compliquées.

Calme, mais délivrant un peu plus d’informations. Nirvana continua de fixer le loup un moment, avant de détourner son regard vers l’océan.

« — Tu sembles en savoir si peux, alors que tu y es allé. »

Quelque peu inutile au final.
Cet échange ne lui apprenait rien de plus, que ce qu’ils savaient déjà. Nirvana n’avait croisé encore aucun Dire portant la couleur de Dairo, seulement des rouges… rattachés à Aka et à Alexandrine. Comment étaient-ils, les disciples de la Renarde dans le Nord ?
Cette fois son regard clair, se repose sur Ottar, son expression se faisant neutre.

« — J’espère que j’en apprendrai plus, lorsque je m’y rendrai. »

Cette expression.
Un regard noir qui suit le mouvement de la patte. Cela ramenait Nirvana des années en arrière, quand on leur interdisait à elle et sa fratrie de sortir pour ne pas se mettre en danger. Quand on piétinait leurs rêves, parce qu’ils étaient jugés encore trop faibles.
Ne me méprises pas, tu n’en as pas le droit.
La patte vint chasser celle du loup. La sirène conserva un moment le silence, se contenant de fixer Ottar, jusqu’à ce que ses babines ne viennent s’étirer en un sourire.

« — Je n’ai pas dit que je partirai sans me préparer… »

Ne me prends pas pour une imbécile, ce serait une erreur.

« — … ni que j’irai seule. »

Le silence n’était pas quelque chose qui dérangeait Nirvana. Elle soutint le regard du mâle, ne bougeant presque pas d’un cil. Ottar était plus calme que Sakura, bien plus patient. Curieux, quand on savait qu’il était le fils d’un sauvageon et d’une disciple d’Aka.

« — Partiras-tu vivre avec eux ? »

Eux qui sont aussi ton clan.
Après tout, tu dois te sentir incomplet ici, n’est-ce pas ?

Le temps qu’il réponde à sa question, la prêtresse a déjà compris. Bien sûr qu’il voulait allé de l’autre côté. Adolescente, Nirvana s’était posée la question aussi, concernant son peuple d’origine. Serait-elle partie vivre un temps avec eux si elle avait su où ils se trouvaient ?
Et bien vite la réponse avait été apportée.
Non. Elle était Etelkrus. Prêtresse de Dairo. Sa place était et serait ici.

« — Si tu souhaites être accompagné pendant ton voyage, tu sais où me trouver. »

Non pas que je t’apprécie, mais autant que nous nous rendions utile l’un à l’autre.
La louvette accorda un mouvement de tête en guise de salut avant de reprendre le chemin du temps.