Et devenir l'impossible - Nirvana.

Depuis la toute première séance passée ensemble nombreux avaient été les progrès.
Nirvana était élève appliquée, déterminée à progresser, et qui avait su surmonter toutes les différentes épreuves mises en travers de sa route. Ce qui était déjà un exploit en soit : Anita avait réalisé ne pas être la plus pédagogique des mentor - non pas par manque d'envie de transmettre mais simplement par la façon de faire qui lui venait naturellement.
Elle n'avait pas la rigueur militaire de Pepper, ni l'application méthodique de Dez, ou encore la vocation explicative de Tawana.
La Prêtresse de Kiro, elle, était spontanée et beaucoup guidée par l'instant. Si elle avait déjà su prévoir à l'avance certains entraînements en décomposant les meilleurs axes d'apprentissage, ça n'en restait pas moins minoritaire et éloigné de sa manière de faire.

Sa façon d'enseigner, c'était un peu sa façon de vivre. Déambuler jusqu'à trouver quelque chose qui l'inspire et inciter à se dépasser en accompagnant l'effort.
Il y avait bien, en revanche, une chose qu'elle était certaine de vouloir faire faire à tous ses élèves dès lors qu'ils arriveraient sur la fin de leur apprentissage - du moins, sur la fin de ce qu'elle pouvait leur transmettre. Stade duquel approchaient d'ailleurs ses trois apprentis à peu près au même rythme malgré les quelques disparités individuelles, qu'elle travaillerait individuellement.
Mais son élève du jour était peut-être bien la plus proche de ce terme.

Si les résultats de la sirène se montraient satisfaisants à l'issue de cette épreuve, il se pourrait bien que ce soit sa dernière.
Enfin, presque. Elle avait bon espoir avec eux de réaliser ce que Pepper avait souhaité pour ses apprenties mais n'avait jamais eu l'occasion - le temps - d'accomplir.

Tous trois les rassembler, prêts et efficaces, pour une ultime séance commune.

Mais en attendant ce jour futur, c'était aujourd'hui Nirvana qu'elle attendait après lui avoir donné rendez-vous à la Moere.
Et quand elle la vit paraître, elle ne tarda pas trop à expliquer ce qui l'attendait après l'avoir saluée d'un sourire affirmé et d'une patte sur les épaules.

— Aujourd'hui, la séance sera un peu différente. Je vais moins être à tes côtés pour te soutenir.

Elle marqua une pause par goût du suspense.

— Tu vas m'affronter sur mon propre terrain.

Son sourire s'étira un peu plus jusqu'à prendre un air de défi.

— Enfin, plus exactement, tu devras m'échapper et faire en sorte que je ne t'attrape pas. Et pour cela, tous les coups sont permis.

Anita lui fit un clin d'œil. Dans les épreuves qui pavaient le chemin de la vie il n'y aurait souvent pas de règle, et être agile pouvait permettre de se sortir d'une situation délicate... Mais pas toujours.

— Quand tu t'élanceras je te laisserai un peu d'avance, puis je tenterai de te rattraper. J'ai gagné si je t'attrape et que je te ligote.

Anita agita les sourcils, joueuse et fière de son jeu, en désignant du museau la longue liane enroulée qui attendait près de ses pattes.

— Et toi, tu as gagné si tu réussis à trouver un endroit sûr et que je ne peux plus t'atteindre.

Ce qui ne serait pas des plus aisés, au vu de sa souplesse et de la maîtrise qu'elle avait acquis dans la Moere.

— Dès que tu es prête...

Le corps d'Anita se tendit légèrement et elle s'abaissa, prête à démarrer.
Tu peux courir.


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La chasse à la Crevette - Déroulé :

Sur dé AGI, Nirvana doit obtenir 10 réussites (RC valant 2, EC faisant perdre 1) pour se mettre hors d'atteinte et gagner.
À chaque tour sur dé AGI également, Anita doit obtenir 3 réussites dans le même lancer (soit 3 RS ou 1 RS et 1 RC) pour attraper Nirvana et effectuer une tentative de capture.

Nirvana peut tenter d'esquiver la capture sur Dé Esquive. Une réussite vaut pour un tour nul, mais elle pourra relancer les dés habituels au prochain tour.
Une contre attaque de 1 ou 2 PVs équivaut à des réussite supplémentaires pour elle, en revanche.

Si l'esquive échoue, Nirvana est ligotée et Anita a gagné.

Les mois étaient passés. Nirvana s’était impliquée dans son apprentissage, bien que demeure la peur du vide. Le museau se fronce quand les pattes s’enfoncent par moment dans la boue des marais. La sirène ne se rendait jamais ici, parce que ce n’était pas ici que résidait sa déesse… et que l’océan était bien trop loin à son goût.
Attentive elle écoute les consignes de sa tante, quelque peu intriguée par cet exercice. Courir ou se faire attraper. La louvette observa le terrain un instant, les arbres aux racines noueuses, les mangroves, les lianes… tout cela rendait le terrain accidenté.

Tous les coups sont permis.

La disciple de Dairo vit le corps de sa Tante s’abaissait et bien que ce soit à elle de choisir le moment où l’exercice commençait, mieux valait ne pas traîner.

Profitant de sa petite silhouette, la jeune louve se glisse entre les racines des mangroves, les pattes dans l'eau qui déjà se recouvraient d'écailles.

Sans surprise, Nirvana ne tarda pas avant de filer dans la Moere, bien déterminée à réussir l'exercice. Comme promis, Anita se retint de la poursuivre pour lui laisser quelques secondes d'avance, impatiente de s'élancer à son tour.
Puis le délai passé, la Prêtresse démarra sur ses traces, portant loin le regard pour tenter de prévoir les trajectoires que la petite louve prendrait. Elle ne doutait pas qu'elle ferait usage aussi bien de sa taille que de son esprit brillant pour essayer de s'en tirer.

Mais Anita avait l'avantage du terrain et de l'expérience.

Surprends moi, Crevette.

La progression était bien plus lente les racines. Déjà Nirvana entend sa Tante non loin. Ce terrain était à son avantage, la sirène devait prendre garde aux longues pattes et au corps élancée de la louve.
Un instant.
Les prunelles pâles observent l’enchevêtrement de racines. Certains laisseraient passer sans mal une patte ou peut-être même la tête. Mais laisser passer…
Ne veut pas forcément dire laissé ressortir.

Là disciple de Dairo avança encore un peu jusqu’à trouver un endroit où les racines étaient un peu plus espacées. Anita verrait sûrement le piège venir, mais si elle tombait dedans… Nirvana gagnerait un peu de temps pour s’échapper.

Alors viens me chercher.

Parmi tous les recoins et les cachettes dont regorgeait la Moere, une analyse du terrain pouvait permettre à chaque individu de repérer des zones plus propices à ses atouts. Pour Nirvana et sa petite taille, un certain nombre d'endroits pouvait correspondre et le rôle de la Prêtresse était d'essayer de les prévoir pour ne pas elle-même se laisser duper.
Cela avait fait partie des leçons dispensées, après tout : à travers les années d'apprentissage, apprendre à apprivoiser rapidement un terrain pour l'exploiter avait été l'un des fondamentaux qu'elle tenta de transmettre dans son enseignement.

Alors quand Nirvana choisit un enchevêtrement de racines pour tenter d'y devenir inaccessible, Anita salua l'idée autant qu'elle émit une réserve mentale.
Si la jeune louve s'y embrouillait, elle risquait d'elle même se coincer - et elle perdait ici son avance.
Bientôt, la Prêtresse fut tout proche, et prudemment elle tenta d'atteindre la cible qu'elle pourchassait.

Si les racines pouvaient être un atout, Nirvana se rendit vite compte qu’elle devait prendre garde à son analyse de terrain. Dans la précipitation, un mauvais choix pouvait être rapidement fait et elle se condamnerait toute seule.
Rester au sol était pourtant la meilleure option, avec ses ailes, sa Tante n’aurait aucun mal à attraper la sirène si cette dernière se mettait à prendre de la hauteur… puis ce n'est pas comme si la louvette était une bonne grimpeuse.

Pour le moment elle devait encore avancer dans les marais, jusqu'à atteindre un endroit où l'eau serait un peu plus profonde.
Et là il y aurait d'autres possibilités.

(Lancé de dé)

Elle se faufila entre un noeud de racines, l'eau lui arrivant presque jusqu'aux épaules, encore un peu et elle pourrait se cacher dans les eaux troubles des marais.

Le pari avait été risqué : Nirvana ne se trouva pas tant à son aise que cela, entravée par les racines, et elle ne parvint guerre à prendre de l'avance.
En revanche, elle réussit à échapper à toute capture : malgré les pattes longues et fines qu'Anita tenta de glisser, le petit corps de son élève lui permettait de se faufiler efficacement hors de sa portée - surtout maintenant qu'elle en avait travaillé la souplesse lors de leurs entraînements.
Avec un petit rire trahissant l'excitation de la chasse, la Prêtresse de Kiro changea d'angle d'attaque. Elle voyait bien que sa maline d'apprentie avait un objectif, à s'acharner ainsi parmi les traîtresses racines : si elle pouvait s'en servir comme d'une cage de protection, elle finirait probablement par trouver un endroit où se loger définitivement. Mais la chauve-souris ne comptait pas se laisser faire si facilement.

D'un bond souple, la louve alla se percher sur un autre point et tenta, à nouveau, de tordre son long corps agile à travers les brèches de la forteresse naturelle pour cueillir sa proie du jour.

Se camoufler dans les eaux marécageuses. Les plantes aquatiques recouvrant la surface aquatiques à certains endroits lui permettraient de ne pas être vues à cause de ses écailles blanches.
Il lui faudrait quand même s’enfoncer un peu dans la vase.
Encore quelques pas et l’eau serait assez profonde pour lui permettre de se cacher.

Mh !
Si Anita ne parvenait pas à se rapprocher de la petite louve de la manière dont elle le souhaitant, ne semblant jamais trouver le bon endroit pour s'insérer parmi le réseau de racines, son apprentie ne semblait pas non plus mener son plan à son terme. Elle voyait bien son pelage tacheté s'enfoncer plus loin, mais jamais plus profondément ; et Nirvana restait ainsi toujours dans une zone dangereuse, à portée de l'Alpha - si cette dernière finissait par réussir à se glisser à travers cette barrière végétale.
Sans doute que la maline fille de Dairo ne se faisait pas aider par son environnement et qu'elle ne trouvait pas d'endroit où l'eau lui permettrait de davantage s'immerger ?

La Prêtresse se plaisait en tout cas à imaginer qu'ici, dans ce territoire de l'Anaconda dont elle n'avait pas voulu pour Dieu, la nature ne serait pas clémente avec elle et lui ferait bien des farces pour lui corser la tâche. Qu'à cela ne tienne : elle était déjà impressionnée par les performances qu'avait démontrées son apprentie lors des entraînements, de toute manière ; et si elle finissait par sortir gagnante de cette chasse, sa mentore n'en serait que plus impressionnée.

La vase sous ses pattes rend son avancée plus difficile que prévue. Les racines manquent de la faire trébucher. Tss. Décidément, les hauteurs et ça… ce n’était pas son environnement. Plus elle avançait dans l’eau, plus son corps changeait, ses pattes arrières venant former une queue de poisson.
Tout cela ne simplifiait rien du tout.
Elle se sentait prise au piège.
Un grognement de frustration qui s’échappe de sa gueule.
Nirvana ne connaissait pas assez ce terrain et sa condition de sirène qui en milieu aquatique était habituellement un atout, devenait dans ces marécages un inconvénient.

Agile et rapide sur de nombreux terrains et tout particulièrement au sein de la Moere qu'elle connaissait par coeur, Anita n'avait aucun mal à suivre la progression de son apprentie en passant de racines en racines à l'aide de grandes enjambées. Juchée sur ses hauteurs, le regard vrillé sur la forme tâchetée qui luttait contre les marais, sourire aux lèvres et corps frémissant, la Prêtresse sentait une certaine frustration gagner sa jeune élève : sans doute était-ce là sa chance.
Et pareille à une buse qui attendait toujours le bon moment pour fondre sur sa proie, la louve profita d'un faux-pas de sa disciple pour plonger de l'avant. Elle avait repéré à l'avance qu'à force de batailler contre son environnement et de perdre patience, Nirvana se dirigeait vers une zone moins dense de racines : ici, les ramifications étaient suffisamment espacées pour que la Prêtresse de Kiro puisse passer autre chose que le bout d'une patte.
Ce fut sa tête qui traversa la muraille naturelle, puis tout le reste de sa silhouette fine : renarde dans un poulailler ; Anita avait réussi à s'infiltrer dans le refuge de la petite sirène. Cette dernière dévoilait en partie sa nature, d'ailleurs : d'avoir été tant au contact de l'eau, ses parties hybrides étaient apparues et les écailles reluisaient doucement sous les quelques rayons de soleil qui parvenaient à percer le toit de végétation.
Mais la petite louve n'avait pas été assez immergée pour pouvoir disparaître en une pirouette.

Un instant plus tard, Anita se faufilait jusqu'à son apprentie et la saisissait au niveau de la nuque avec délicatesse pour la soulever hors de l'eau et la poser sur les racines. Elle avait quand même tâché d'être rapide dans sa capture - Nirvana était une louve douée et pleine de ressources, et il aurait été fâcheux qu'elle trouve une stratégie pour s'échapper à la dernière seconde.
Son intelligence la sauverait dans bien des situations, l'Alpha en était persuadée : mais en ce jour et sur ce terrain, c'était la maîtrise physique qui l'avait emportée.

— Ha-ah ! Je crois que j'ai pêché quelque chose.

La louve ailée ne pouvait décidément s'empêcher de ressentir un plaisir enfantin irradier du simple fait d'avoir gagné, et l'éclat au fond de ses yeux trahissait sans mal ce sentiment. Peut-être était-elle rassurée, quelque part, de constater que même après toutes ces années elle pouvait tenir tête à la jeune génération, aussi talentueuse soit-elle.
Son sourire taquin s'amenuisa au bout de quelques secondes pour devenir plus doux et l'expression de son visage suivit la même voie.

— Même si tu n'as pas gagné aujourd'hui, c'était une très belle performance. Je suis fière de tes progrès.

Anita leva une patte et la posa dans les cheveux de Nirvana, les emmêlant d'un geste vigoureux mais tendre.

L’eau se dérobe sous ses pattes. Les nageoires disparaissent progressivement, quelques écailles restent, rendant la prise glissante. Les yeux pâles cherchent déjà un moyen de s’esquiver.
Mais sa tante ne la connaissait que trop bien.
La prêtresse de Dairo conserva le silence un instant, avant de se secouer pour faire disparaître les dernières écailles. Bien qu’elle ne soit parvenue à atteindre le niveau de la disciple de Kiro, elle avait beaucoup appris.
S’était renforcée physiquement.
Avait compris ses faiblesses, ce qu’il lui faudrait travailler.

« — Merci ! »

Un sourire qui vient étirer ses babines.

« — Il me faut encore travailler, dans des environnements auxquels je ne suis pas habituée. »

Tel les marais.
Ou les falaises.

La Prêtresse de Kiro hocha la tête, un sourire miroir à celui de son élève dessiné sur ses lèvres noires. Cette détermination à continuer d'aller de l'avant, chercher à encore s'améliorer... Elle n'en attendait pas moins de Nirvana, et était ravie de voir qu'elle prenait avec philosophie et maturité la défaite de ce jour. La petite sirène avait compris en quoi il y avait quand même une victoire dans tous les progrès accomplis jour après jour.

— Et nous continuerons de nous entraîner, ne t'en fais pas. Cependant...

D'une griffe pointée sur sa truffe et jouant d'une note de suspense, Anita lui toucha le bout du museau et lui glissa un clin d'oeil.

— ... J'estime que je t'ai transmis l'essentiel de ce que j'avais à t'apprendre, et nous n'avons plus besoin de pratiquer aussi régulièrement. Ce qu'il te manque, tu le trouveras par toi-même, chez les autres et grâce au temps. Mais bien-sûr, je viendrai t'embêter de temps en temps pour voir tes progrès... J'espère bien que tu finiras par me battre avant mes vieux jours !

Un mouvement souple de la queue pour exprimer sa joie et l'hybride se releva d'un geste vif, encore pleine d'énergie malgré leur petite course poursuite.

— En attendant, que dirais-tu de partager un petit repas pour fêter tout cela ?

Et elle ne laissa pas le temps à son apprentie de répondre avant de disparaître dans une éclaboussures et de partir en courant pour regagner le Castel, où elles trouveraient sans doute une proie à chasser et partager.
Et pourquoi pas en disputant la revanche d'une dernière course ?