Le vieux pot - Nocera

Oh bah, elles étaient visiblement loin d'être les premières, avec Maman à penser à décorer les alentours.
V'la qu'elle venait de buter de la patte dans un vieux pot, Onyx, ou du moins, ce qu'il en restait. Sûrement un truc qui avait été oublié là après des rénovations.
Ouais, ça devait être ça.
Est-ce que c'était vraiment important ? Elle l'aurait probablement oublié, dans une dizaine de minutes, ce vieux pot.

La licorne se détourna de l'objet pour lui préférer le lac azuré.
Il faisait chaud, aujourd'hui, et après une petite visite, comme bien souvent, à la meilleure déesse, elle ne dirait pas à non à faire trempette dans le lac azuré.
Sourire aux babines, elle s'y immergea, jusqu'aux épaules, le temps de s'accoutumer à la température de l'eau.

Oh.
Ca faisait longtemps, effectivement.
Onyx tourna la tête vers elle, cherchant à comprendre, d’un regard ses intentions. En vain. Mais puisqu’elle était des culs bénis, comme les nommait si bien Agathe, alors celles ci ne devraient pas être trop mauvaises.
Elle ne lui avait pas donné l’impression d’être une mauvaise personne, lorsqu’elles faisaient quelque chose contre le spinosaure, Nocera.

- C’est clair.

La licorne sortit de l’eau, dégoulinante.

- Mais je me souviens bien de vous, quand même, Nocera.

Comment l’oublier, cette nuit là.
Un frisson parcourut son dos.

A l'évocation de l'enfant, Onyx se redressa et, il s'alluma, dans son regard de chat, un éclat affectueux.
Elle ouvrit la gueule, mais l'autre louve enchaîna sur d'autres nouvelles, des connaissances qu'elle souhaitait, visiblement, partager.

- Elle aime l'Autre, Mimi.
Et moi, je n'veux que le bonheur de cette enfant.

C'était pour ça, qu'au fil des années, elle avait moins ressenti l'envie impérieuse de voir disparaître l'entité. Evidemment, elle ne lui faisait toujours pas confiance et lui en voulait toujours, tellement, d'avoir emporté la petite mais... Mais qu'est ce qu'il se passerait, pour Miraj, si on lui enlevait son Oncle ?
Nocera n'aurait, au moins, pas le même affect.

- Est-ce que la purification implique sa destruction ?

Son sang de licorne ne pouvait pas vraiment l'accepter, ça non plus.

Bon, il était pas forcément question de destruction. C’était même pas certain, que ce soit possible. Les Nakhus en savaient visiblement bien plus qu’elle sur ce… truc.
La licorne pencha la tête sur le côté pensive.

- C’est pas une mauvaise idée.
Y’a juste un p’tit problème : J’pense pas que Mimi elle même réalise que, c’qu’il fait, c’est vraiment pas sympa. Il a eu plus d’influence sur elle que n’en a eu la louve avec laquelle elle a été enlevée.

P’tet que c’était pour ça, que c’était elle qui avait été embarquée, d’ailleurs : Par ce qu’elle était plate et avec une volonté d’opposition bien diminué.
Onyx avait bien discuté avec cette louve sable, quelques années, mais rien n’avait été fait, à ses côtés, finalement.

Ce serait peut-être différent, avec Nocera.

- Mais c’est une chouette gosse, avec un bon coeur. Elle a juste pas eu de chance… et pas le bon entourage. P’tet que si ceux que ce p’tit enfoiré a blessé lui en parlent, elle comprendra.
Ou s’indignera, elle l’aime vraiment, son Oncle.

Elle souffla.

- Je sais qu’il a fait des victimes, chez vous, après tout ça. Prudence m’en a parlé.

- C’est ce qu’aurait fait tout bon parent. Vous avez pas à vous en vouloir pour ça.

En tout cas, c’était pas Onyx qui trouverait quelque chose à y redire, elle qui avait mis un bout de sa vie entre parenthèses… pour une gamine qui ne l’était même pas, sa fille.
La suite ne lui plaisait pas trop, cependant.

- J’n’en connais pas, pas encore en tout cas, mais j’peux me renseigner. Ma vie solitaire ne l’est pas vraiment, j’connais un paquet de monde.

Au moins un loup de chaque meute, en tout cas. Ce serait sûrement utile, pour enquêter. Y’avait plus qu’à leur rendre visite.
Puis, ‘fallait pas oublier les réfugiés.

- ‘Fait chier, on s’aime pas trop, tous les deux. Sinon j’aurais été lui parler, moi. Ca n’me plait pas trop que d’autres, qui n’ont rien demandé, se retrouvent impliqués et p’tet en danger.
Elle mérite pas ça, ta fille.

Si seulement elle avait pu tout porter, sur ses p’tites, mais solides, épaules ! Tout ce monde ne se serait pas retrouvé impliqué. Ils lui semblaient de plus en plus nombreux, c’était insupportable.
Pourtant, à écouter Nocera qui, déjà, prévoyait de gérer ça avec les oracles, il lui semblait ne rien pouvoir faire pour l’empêcher.

Onyx haussa les épaules.

- C'est vrai.

Mais est-ce que c'était bien, de l'inciter à faire ça ? C'était un autre débat, et un choix qui n'lui appartenait pas.
A la question posée, la licorne pencha la tête sur le côté.

- C'est pas vraiment de la fatigue, c'est juste que... Je pensais pas que ça prendrait des proportions pareilles, et ça me dépasse un peu. Mais j'ai promis à ma Déesse, et je me suis promis à moi-même, de faire de mon mieux pour régler tout ça.
Et a côté de ça, y'a Mimi et je dois prendre soin d'elle aussi. Elle est un trésor, à mes yeux.

Ca la déchirait, parfois, entre sa foi, entre ce qu'elle devait faire et son affection pour la gosse.
Ca l'avait, surtout, submergée de sentiments pas très nobles comme la jalousie, envers cette Freya, et la colère, contre les Nakhus, pour s'en être mêlés.
Peut-être plus, pour ça, que pour les avoir chassés de leurs terres, d'ailleurs.

Le temps faisait un bon travail, cependant, et elle allait mieux.
'Fallait rester forte, pour être une bonne disciple de la dragonne.

- Ca m'a changée, un peu.

Pas complètement : Elle restait une louve d'ordinaire joviale et bavarde, même si bon, ça se voyait pas de ouf en cet instant, elle conservait ses valeurs.
Mais l'on ne pouvait pas ressortir indemne après avoir rencontré quelqu'un d'aussi fascinant qu'Isrâ, après avoir constaté à quel point il pouvait être douloureux de perdre son tout-petit, d'enterrer cellui qu'on avait aimé, de ses propres pattes.
De grandir, brutalement.

- Ca a l'air de vous fatiguer aussi, Nocera.

- J'ai pas de soucis avec ça.

C'n'était pas grave, qu'elle ai l'impression de se lamenter, et même si c'était le cas... Parfois, ça faisait du bien de parler, même si c'était avec une presque inconnue.
Ca la dérangeait pas, Onyx, de lui prêter une oreille attentive.

- On n'peut pas rester exactement les mêmes, après avoir connu de si grands bouleversements. J'espère que vous parvenez, quand même, à trouver du bonheur, et une certaine consolation, auprès de cette fille dont vous m'avez parlé et à laquelle vous semblez tenir.

Elle souffla, un sourire un peu triste sur les babines.

- J'ai perdu ma maman, peu de temps après tous ces évènements, mon Papa s'est retrouvé sans la compagne d'une vie. J'sais que c'est dur, parfois, aussi. Et pourtant, il est fort, et résilient... Mais ça n'empêche pas d'avoir un deuil à faire. C'est comme ça, et c'est beau aussi, de ressentir d'être émue ou un peu triste quand les souvenirs heureux de cet avant se glissent dans la tête et dans le cœur.
C'est qu'on oublie pas, c'qui a compté, et ce qui compte, encore.

Elle ne savait pas comment s'était terminées les relations de Nocer, ainsi, elle ne s'aventurerait pas sur ce terrain trop glissant mais ne pouvait s'empêcher d'exprimer, encore, son propre ressenti.

Parfois, il lui arrivait de repenser au sourire d'Isrâ et au regard de Maman avec émotion.

Elle eut, pour la louve étoile, un sourire compatissant.
Au moins trouvait-elle un peu de ce bonheur qu'elle lui souhaitait : C'était une bonne chose et le temps devrait faire son affaire, Onyx l'espérait, pour les pensées obsessionnelles.

- Bien sûr !

La licorne avait la chance de posséder une famille soudée, et des amis précieux : Grâce à ça, sûrement, elle s'était relevée, suite à cette terrible aventure.
Ca n'effaçait pas tout, enfin.... Mais elle était bleue, et se devait donc de rester forte.

...
La relance de conversation de Nocera lui fit coucher les oreilles sur l'arrière de son crâne.
Ah ouais, elle avait vraiment envie de parler de ce genre de choses ?

- Je...

Onyx inspira profondément.
Tout était trouble, concernant la présence de cette autre petite louve au rituel et, honnêtement, la licorne avait préféré ne pas trop y penser.
Par ce que ça aurait été envisager qu'Isrâ l'ai emmenée ici par la force et...
Elle déglutit.

- C'était l'une de tes amies ?