Maux du voyageurs [libre]

Samaël

« Merde ! »

La grossièreté lui échappa alors qu'il constata son apparence au détour d'une flaque d'eau, héritage d'une pluie récente.
Oh Samaël savait très bien qu'il devait avoir une sale tête, entre les nuits de plus en plus mauvaise, notamment avec l'humidité grandissante dû à la saison -mais les cauchemars surtout, de plus en plus fréquents - et le fait qu'il revenait d'une patrouille où il avait passé la matinée à patauger sur les chemins rendus boueux par une pluie qui avait duré toute la nuit. Non ce n'était pas quelques poils collés ou sa tignasse mal peignée qui l'avait figé ainsi.
Parmi ses longues mèches brune se détachait  ce qui aurait pu ressembler à de simples cheveux blancs, après tout Samaël vieillissait désespéramment et si ça l'aurait profondément agacé, il n'aurait pas paru si surpris ni même aussi inquiet. L'ancien prince avait beau tenir à son apparence, elle s'éloignait à vu d'oeil la période où un poil de travers était impensable, aujourd'hui il était devenu plus négligé, plus fatigué. Non, il y avait aussi ça et là des tâches décolorées qui étaient apparues, envahissant son pelage comme une maladie bien que c'était encore discret.

« Merde ! Merde ! Merde ! Merde ! »

Il s'échappa du camp, faisant demi-tour brusquement alors qu'il venait de rentrer, bousculant quelques Etelkrus sans s'excuser, fuyant même leur regard comme s'ils étaient capable de deviner.
Il détalla, s'éloignant des chemins les plus emprunter pour éviter de croiser trop de monde, se précipita vers le ruisseau le plus proche avant se défaire de ses parures, les jetant précipitamment sur le côté sans prendre le soin de les poser, arrachant presque son épaulière, se défaisant de ses tissus.

« C'est pas vrai ! »

Elle était là, la marque du mal grandissant. Là le long de son épaule, remontant jusque dans son cou, il reconnaissait la nature de son fléau.
Il comprenait un peu mieux la recrudescence de ses cauchemars maintenant. Et les questions l'envahirent, pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Il savait en réalité pourquoi, la frustration de ses échecs, son âge grandissant qui finissait de les concrétiser, les sentiments refoulés de toute une vie. Visiblement, le désert n'était pas nécessaire pour sombrer, il ne n'aura fait que tomber moins vite et il se demanda un instant si ce mal ne dormait pas au fond de chacun d'eux, là bas dans ce pays maudit qui lui manquait tant, si tous ils n'étaient pas condamné à rejoindre le désert un jour ou l'autre afin de dévorer toujours un peu plus la cité.
Ces marques, c'était le début des maux de l'errance.

Le mâle brun laissa tomber son arrière train, dépité. Comment allaient réagir les Etelkrus quand ils allaient savoir ? Il n'était proche d'aucun d'eux, peut-être le voyaient-ils encore comme un ex solitaire, ils ne prendraient sans doute pas le risque de le garder au sein de leur camp.
Cependant... qui parmi ces loups barbares connaissaient l'errance ? Peut-être avait-il déjà évoqué quelques fois des fantômes habitant le désert mais avait-il véritablement pousser le sujet ?

Quelques paroles d'Anita revinrent floues dans son esprit, il était certains que mentir au clan serait une faute grave... mais il était de toute façon déjà  condamné. Son regard dériva sur l'argile rouge reposant sur la rive de la petite rivière, son pelage en avait presque une couleur similaire, il devait camoufler les tâches.

La brusque cavalcade qui amena une silhouette à se détacher du flux pour partir au galop en sens inverse n'échappa pas à son regard.
Quand elle était là-haut, perchée pareil à un oiseau de proie sur cette saillie rocheuse surplombant le Castel qu'elle affectionnait particulièrement, Anita avait une vue sur presque tout ce qu'il passait dans les environs.

Et pareil événement était assez inhabituel pour attirer son attention et hausser l'un de ses sourcils.
Elle patienta quelques instants avant de quitter sa position allongée pour lentement se redresser, étirant ses membres et agitant le bout de ses doigts comme pour s'échauffer à l'action. L'instant d'après, deux ailes noires s'élevaient et se gonflaient sous la brise légère.
Une seconde plus tard, l'Alpha quittait en silence son promontoire pour glisser le long du vent.

Frôlant la cime des pins et longeant les falaises, elle suivit la direction dans laquelle elle avait vu la silhouette fauve s'élancer puis disparaître - jusqu'à la repérer à nouveau.
Samaël ne courrait plus.
Près d'un cours d'eau, ses affaires jetées avec négligence sur le côté, il s'était assis. Ou plutôt, laissé tomber.

L'hybride posa pattes au sol après une descente silencieuse et marcha à pas lents vers le loup sable, sans chercher à se cacher.
Son regard violet balaya la scène du regard et elle chercha le sien, couleur ambre.

— Un problème ?

Il avait réellement l'air... Bouleversé.

Samaël

Il ne l'entend pas arriver, ne faisait attention à rien de toute façon, l'esprit totalement occupé par la panique qui l'avait prise, par ces taches si significatives qui étaient apparues. Il devait les camoufler le plus possible, les effacer pour que personne ne vienne à l'interroger, pour que lui même puisse ignorer le problème peut-être un peu, alors Samaël sursauta lorsqu'il entendit la voix d'Anita, le pelage et les cheveux collants de l'argile qu'il avait essayé de tartiner pour camoufler le tout dans sa couleur naturelle. Le mâle brun plongea immédiatement ses pattes dans l'eau pour les laver malgré la fraîcheur du ruisseau et son amour inexistant pour les baignades avant de se retourner vivement, presque instinctivement vers la louve.

« Non ! »

Il l'avait presque aboyé.
[i]Non[i], ne t'occupes pas de ça.
Il s'efforce non pas de calmer sa tension, il n'y serait pas arrivé, mais d'au moins la cacher. Il attrapa quelques-uns des accessoires qui avaient été jetés, sa grande étoffe rouge que le temps avait délavé et abîmé, quelques-unes de ses pièces en cuir, faisant mine de remettre le tout bien que l'action fut grossière et précipitée.

« Il n'y a rien qui mérite qu'on y accorde de l'importance. »

Sa voix avait retrouvé un certain calme, contrastant avec les toc incontrôlable de son corps dû à la nervosité.

Le mâle se retourna avec la vivacité d'une proie qui réalisait brusquement qu'elle était prise au piège, le regard affolé et le corps tendu.
Si l'ouïe de son espèce avait été juste un peu plus fine, Anita était persuadée qu'elle aurait pu entendre en cet instant son cœur battre la chamade.

Elle haussa un sourcil et pencha la tête tout en affrontant le regard doré de Samaël, essayant de comprendre ce qui avait bien pu le mettre dans un tel état. Il avait beau affirmer qu'il n'y avait rien, d'une voix maintenant plus assurée et calmée, l'Alpha s'avouait dubitative.
Dans tous les cas, quelle que fût la raison de son comportement inhabituel, il ne se sentait pas suffisamment en confiance pour le partager. Avait-il honte ? Ou s'agissait-il d'une faute qu'il aurait commise, voire même simplement d'une nouvelle apprise qui l'aurait bouleversé plus qu'il ne voulait bien l'admettre, trop fier pour cela ?

La louve ailée relâcha un bref soupir en secouant doucement la tête, paupières plissées mais sourire au creux des lèvres.

—   Tu es sûr ?  Si quelque chose te trouble tu peux en parler, tu sais. Ici, nous faisons de notre mieux pour nous soutenir mutuellement.

Le comprendrait-il un jour, même si elle s'évertuait à tenter de transmettre cette idée ? Anita en doutait.

—   Je t'ai rarement vu couvert de boue, je dois l'avouer !

Elle désigna d'un geste vague de la patte les paquets de terre humide qui avaient été dérangées hors du lit de la rivière et dont une partie s'accrochait encore à ses poils, une intonation espiègle au creux de la voix. Le loup sable semblait plutôt, au contraire, éviter de se salir inutilement au quotidien.

En dehors de ce que la situation avait d'intriguant et inhabituel, la louve ne pouvait s'empêcher d'être amusée du spectacle.

Samaël

Oreilles en arrière, le regard fuyant comme s'il était en train de se faire sermonner, ce fut le silence qui répondit de prime abord à Anita. Face à elle, Samaël se sentait en position délicate, il ne pouvait pas simplement l'envoyer balader comme n'importe quel autre autre Etelkru, elle était l'une des alpha. Il ne pouvait pas non plus simplement se murer dans le silence, même si la louve ailée le laissait pour aujourd'hui, le mâle brun se doutait bien que ce ne serait que temporaire et qu'elle reviendrait à la charge. Quant à lui mentir... elle s'en douterait bien trop rapidement.
Samaël ne partagea pas non plus l'amusement de la louve en ce qui concernait le fait qu'il s'était couvert de boue. Toujours silencieux, il replaça correctement ses accessoire, frottant l'excès de matière sur son pelage sans chercher à l'enlever totalement, histoire de continuer à dissimuler les tâches apparues ici et là.

« Une maladie. »

L'avouer lui coûtait, il avait l'impression que les mots venaient lui brûler la gorge et son œil doré encore voyant ne chercha pas à revenir sur la louve, allant se perdre sur une contemplation du sol.

« C'est pas contagieux mais on ne sait pas pourquoi ni comment elle se déclenche. La croyance populaire la reliait au Désert Blanc. »

Mais visiblement, ils se trompaient. Il n'y avait pas besoin de ce désert pour que la maladie s'exprime. C'était comme si l'errance était ancré au plus profond de chacun d'eux.
Finalement, Samaël releva enfin son regard vers Anita.

« On n'en guérit pas, ça ne sert à rien d'aller voir un Panseur. »

Et il ne voulait pas que tout le clan soit au courant.

Pour toute réponse elle ne reçut en premier lieu qu'un énième silence, appuyé et lourd de sens. Ni ses sourires ni ses questions ne menaient pour le moment à une ouverture de sa part, et Anita finit par se dire que c'était peine perdue et que le mâle refuserait de céder face à ses tentatives. Jusqu'à ce que... Les mots sortirent un peu abruptement, à un moment où la louve ailée ne s'y attendait plus tant, et lui firent redresser tête et oreille tout en chassant les traces d'hilarité qui auraient pu persister sur son visage.

— Oh.

Elle comprenait mieux, désormais, pourquoi il avait tant rechigné à aborder le sujet.
Si lui-même venait de s'en rendre compte, il lui fallait déjà le temps d'assimiler cette vérité dure pour lui-même, et ensuite... Ensuite, certains ne partageaient jamais ce genre d'information.
Ses pensées se dirigèrent quelques instants vers Pepper sans qu'elle ne cherche à les en empêcher, laissant l'image de la louve bleue se former dans son imagination. Sa tante avait su qu'elle était malade de nombreuses années durant et elle avait laissé si peu de monde être au courant.
Un soupir gonfla dans sa poitrine avant d'être relâché entre ses crocs.

Ainsi, nul ne pouvait aider Samael, selon ses dires. Elle se devait de le croire, bien sûr, il connaissait le mal qui l'accablait mieux que quiconque si celui-ci était originaire de sa terre natale. Mais Anita ne pouvait s'empêcher de toujours vouloir trouver une solution- surtout dans une direction que le mâle n'avait jamais pu connaître avant son arrivée ici.

— Nos Dieux ont vraiment des pouvoirs puissants, tu sais. Ils ont déjà fait repousser des membres, empêché des maladies de gagner, permis de vivre là où la mort aurait dû l'emporter... Et même parfois ramené ceux qui avaient déjà traversé cette frontière.

Réalisait-il l'étendue de leurs capacités ? Anita se disait quelque fois qu'une partie de son optimiste si difficile à entailler s'était bâti sur la base solide de sa foi envers les divinités. Puisqu'ils étaient capables de tant de grandes choses, il était de leur rôle en tant que mortel de ne pas perdre espoir.
Même si à la fin aucune magie divine ne survenait pour les aider, sans doute que leur loyauté leur permettait d'emprunter un fragment de la force des Sept.

En restant tournés vers eux et en les honorant, ils obtenaient non seulement le respect de leurs Dieux en retour, prompts à les aider de multiples façons, mais aussi les armes pour aller de l'avant.

— Tu ne t'intéresses toujours pas à la magie de nos terres ?

Elle tourna les oreilles vers le loup et inclina la tête, véritablement curieuse. La question était posée d'uen voix douce, large et ouverte : Anita n'était pas du genre à encourager de développer une foi parce qu'on en attendrait quelque chose en retour. Mais entre sa première venue et le temps désormais écoulé depuis son retour... N'avait-il jamais cherché à se rapprocher d'une divinité pour en obtenir un glowstick ?

Samaël

Elle lui parle des dieux, évidemment. Anita en plus d'être alpha était prêtresse, il était plus que normal, sans doute, qu'elle se tourne vers sa foi. Ça ne convainc pas beaucoup le prince déchu qui garde ses oreilles en arrière et fait puis à nouveau son regard vers le sol. Elles lui paraissaient bien simple à entendre, ses solutions quand la maladie était un véritable fléau là d'où il venait.

« On disait que ce mal venait du Désert Blanc lui même. Si vos dieux font tout cela, alors c'est une punition divine des nôtres. »

Un punition jetée sur un peuple tout entier pour les punir d'avoir été trop prétentieux, c'est ce qui se racontait parmi les plus modestes quand la noblesse se contentait d'écarter l'errance en la rendant au désert en faisant semblant de l'ignorer.
Samaël ne se fit pas plus enthousiaste à la question d'Anita quant à son propre intérêt envers le mystique de ces terres.

« J'ai essayé de passer l'épreuve de Dairo. J'ai réussi l'épreuve, je pense. »

Même s'il avait eu un raté et que l'illusion l'avait poussé à une tentative de tout arrêter. Ça n'avait sans doute pas aider à l'apparition de l'errance.

« Mais la volonté et l'intérêt n'étaient pas les bons, je n'ai pas obtenu de glowstick »

Il n'affichait même pas encore le badge en forme de renard qu'il avait eu à la place, ne parvenant pas encore à savoir où le situer face au regard des autres.

Ce désert, Samaël l'avait déjà mentionné. Mais tout de son histoire restait encore très évasif, le loup ne s'ouvrant qu'à la force de temps, de patience - et aussi beaucoup de ses questions insistantes, certes.
Elle en était pourtant curieuse, Anita, de ce passé si lourd et riche qu'il semblait porter avec lui à chaque instant. L'hybride avait toujours été attirée par l'exotisme, par les pensées de ce qui était au-delà d'eux, et les rêves éveillés - ou non - qu'elle en faisait en s'imaginant mille peuples et autant de paysages.
Chaque fois elle en découvrait un peu plus et s'accrochait à la volonté de creuser davantage.

Cependant, pour le moment, elle s'abstint et continua à l'écouter sur le sujet des Dieux -locaux, cette fois - et hocha la tête.

—   C'est sans doute dur à concevoir, mais le glowstick n'est pas une finalité en soit. Il y a différentes façons de partager un lien avec nos divinités.

Elle haussa les épaules. Pour sa part, elle n'avait jamais jugé ceux qui ne possédaient pas de glowstick, même au sein du clan : elle ne pouvait qu'encourager à entretenir une réflexion ouverte sur les divinités qui les protégeait, en revanche.

—   Tu pourras retenter ta chance un jour si tu y tiens, ou bien t'épanouir dans une foi moins visible.

La Prêtresse de Kiro lui accorda un sourire avant de revenir vers le sujet précédent, toujours aussi intriguée.

—   Ce mal dont tu parles... Pourquoi les dieux de ce désert vous auraient-ils punis ?

Etait-ce une conséquence systématique d'être né de là où il venait, ou fallait-il être coupable d'une faute ?

Samaël

Anita avait ce genre de réponse dont on pouvait attendre d'une prêtresse. La foi suffisait sans les marquages sociaux selon elle, un discours un peu idéaliste auquel il aurait été un peu compliqué pour le mâle brun de s'accrocher. Le prince déchu n'avait jamais été, à tord sans doute, très pieu, même au Désert Blanc, il savait à contrario à quel point les autres en société pouvait être juges au sujet d'un manquement.
Un soupir en guise de réponse et une attitude toujours un peu tendue, un peu basse également, l'air fatigué mine de rien.

« Je verrais. »

Avec l'apparition des maux de l'errance et cette condamnation automatique que les quelques premières tâches grises et blanches de son pelage annonçait, Samaël avait d'autres pensées pour venir grignoter son mental petit à petit.

« C'est ce qu'il se racontait parmi le peuple mais personne n'en connaît les réels origines. Nombreux étaient ceux qui face à ce manque de réponse, n'avaient que cette idée d'un mal causé par l'arrogance de notre peuple, parce qu'on s'était un jour élevé trop haut. Je dois bien avouer cependant que je n'ai jamais vraiment cru à ces explications. »

Le sujet du glowstick se trouva tacitement clos par deux mots donnés d'un ton las, sans que cela ne surprenne réellement Anita, et celle-ci appuya d'un mouvement d'oreille la conclusion quelque peu amère de cette discussion-ci.
Au moins, cela donnait l'occasion au loup des sables de répondre à la question qu'elle avait posée et d'en connaître un peu plus sur cet endroit lointain dont il était issu.
Un peuple élevé, donc. Lors de leurs discussions passées, elle avait déjà senti et entendu les regrets de Samaël vis à vis de son niveau de vie perdu. La croyance voulait donc que cette élévation de confort et la fierté - que le mâle sable avait bien davantage incarné jadis, lors de sa première arrivée, que maintenant couvert de boue et abattu par l'idée de sa maladie - de toute une caste leur avait valu d'être punis. En tout cas, des morceaux que recollait Anita, si des divinités existaient chez eux elles n'avait rien à voir avec les leurs.
Ici, personne ne pouvait contester leur réalité - aussi avaient-il connaissance des humeurs des Dieux.
Ils savaient très bien quand après leur avoir plu un sort favorable prenait forme d'une bénédiction, ou quand au contraire les malédictions les frappaient.

Et Samaël, lui, n'avait pas l'air en accord avec l'interprétation générale de son peuple d'origine.

—   Alors que croyais-tu, toi ?

Elle pencha la tête sur le côté avec un léger sourire au coin des lèvres.
L'Alpha avait conscience de tirer un peu sur la corde, mais il saurait bien éluder ses approches comme il l'avait toujours fait s'il finissait par se lasser de sa curiosité.

Samaël

Le mâle brun lâcha un soupir avant d'avouer quelques fautes de jeunesses.

« Pas grand chose pour être honnête. Je n'étais pas loup très pieu et j'ai simplement accepté ces croyances sans vraiment me poser la question réelle de ci je devais y accorder un véritable crédit ou non. »

Pouvait-on vraiment avouer ça à une prêtresse ? Ça ne concernait pas ses dieux de toute façon et les loups d'ici, malgré des divinités beaucoup plus présentes et concrètes, étaient paradoxalement beaucoup moins intransigeants sur la question du culte.

« Ce à quoi je crois ou non n'aurait de toute façon rien changer »

Car tout se jouait à un niveau bien plus large. Lui qui n'avait jamais été véritablement pieu avait été condamné à la punition qui allait au delà de la sphère physique, à celle pire que la mort elle même. Il avait été condamné au désert, condamné à devenir un errant, une âme à l'errance éternelle dont on effaçait même le nom de l'histoire pour qu'elle ne puisse revenir détruire la cité.
Samaël avait cru naïvement qu'il lui aurait suffi de [/i]partir[/i] pour échapper à tout ça, il avait accepté, s'efforçait à une vie plus misérable à cette fin, tout ça pour quoi ? Pour que l'errance finisse tout de même par s'éveiller par quelques marques grises et blanches sur son pelage.

Un instant son regard se perdit une une goutte boueuse qui dégoulina de son pelage salit, il le releva ensuite vers Anita.

« Je ne souhaiterais pas être impoli mais... je vais avoir besoin d'un temps de pensées, seul. »

Il accorda une légère révérence de respect et de salut à la prêtresse alpha avant de réajuster ses accessoires remit trop vite et s'éloigner sur les chemins de forêt qui s'étendaient au delà du castel.

Ce fut un sourire amusé qui trouva place sur ses lèvres quand il confia son indifférence sur le sujet de ses propres Dieux. Pensait-il qu'elle allait en être vexée ? Anita n'était pourtant pas vraiment du genre à juger les choix de vie et de croyance des autres comme étant forcément plus mauvais que les siens. Plusieurs chemins de vie existaient et se valaient. La différence sur ces terres était quand même que la présence des divinités était irréfutable : dans ces circonstances, il aurait été pour le moins étrange - si ce n'était délirant - de nier leur réalité.
Est-ce qu'elle jugeait pour autant un loup qui serait moins pieu ? Pas vraiment. A bien y réfléchir, si elle-même n'avait pas été fille de Prêtresse et si liée à leur Trinité dès sa plus tendre enfance, il y avait fort à parier que le côté plus libertaire de sa personnalité se serait exprimé dans une plus grande distance avec les Dieux.
Alors, qu'on ne s'intéresse ni à leurs préceptes ni à leurs états d'âme, elle pouvait le comprendre.

Peu de temps après, le mâle se releva et s'excusa, souhaitant prendre congé. Oh. Oui, il était vrai qu'elle l'avait tout de même interrompu dans un moment... Délicat, et qu'il devait avoir besoin de temps pour lui-même. Anita ne le dérangerait pas plus longtemps.

—   Bien-sûr ! Prends soin de toi, Samaël. Et n'hésite pas si tu as besoin de quoi que ce soit.

Même si la Prêtresse avait bien compris qu'il n'y avait pas de miracle à espérer.
Anita se leva à son tour et s'étira avant de s'éloigner de son côté, laissant le loup sable partir du sien.