Vertigo [Libre !]

Valens

Valens s'imprégnait de l'atmosphère de la montagne. L'odeur de chaque arbre, de celle sucrée de la sève des pin qui coulait le long des troncs et des épines, de celle de l'humus et des champignons que provoquait un tapis de feuilles mortes au pied des feuillus dénudés -il aurait aimé Valens les voir encore verdoyant. Il profitait de chaque stimuli, du chant des oiseaux dans les buissons, du bruit de l'eau d'une petite rivière roulant sur les rochers non loin, de celui des petits mammifère qui s'échappait sur le sol et entre les racines. La montagne était un lieu plein de vie, d'odeurs et de sensations, ce n'était pas comme le désert au paysage brûlé, à l'air chaud qui desséchait le nez et les lèvres et où seul régnait le bruit du vent et parfois les râlement d'agonie d'un errant au loin.
Valens profitait de ce nouveau monde, gonflant certes un peu son pelage au vent frai de la journée mais avançait à son rythme, sans empressement, museau en l'air et clopinant à cause de la rigidité de sa fausse patte, sans doute loin d'être discret mais ne ressentant pas spécialement le besoin de l'être sans doute. Le jeune mâle se laissa guider par les odeurs qui retenaient son attention, n'ayant pas spécialement de volonté à suivre un chemin précis. Sans doute sans le vouloir, il se fit surprendre à remonter la piste d'une odeur dénotant un peu du reste, comme si son instinct le poussait à la considérer comme plus importante que le reste et ce fut une voix féminine qui vint donner une origine à cette effluve.
Ne cherchant pas spécialement à se cacher, Valens, traversa les quelques buissons qui le séparait de l'inconnue non sans embarquer quelques branches dans son pelage avant d'apparaître devant elle.

« Oh bonjour ! Pardonnez moi de vous avoir surprise, ce n'était pas mon attention. »

Il lui offrit un sourire à la fois amical et désolé.
Ça faisait longtemps que Valens n'avait pas croisé de congénère. Il nota l'odeur de mousse qui accompagnait la louve là où les loups que Valens avait connu portaient celle de la poussière.

Valens

« Oh ... »

A sa mention, le regard bicolore du mâle ocre dériva vers sa patte de métal, jouant instinctivement un peu avec via un changement de pression de ses appuis comme s'il venait de la découvrir.

« J'ai été attaqué par un errant quand j'étais petit. On a beau les connaître, lorsque le dernier stade est atteint, ceux ne sont rien de plus que des fantômes. »

La maladie d'errance, il la connaissait si bien Valens, l'avait tant côtoyer, en portait lui même les marques qu'il ne pensa pas vraiment à cet instant à la possibilité que le désert ait préservé le reste du monde de ces maux, que ceux ci n'appartenaient qu'au peuple dont il était originaire.
Son histoire n'était pas spécialement drôle, alors il continua d'offrir un sourire à la louve afin qu'elle ne croit pas que ça le peinait. Ce n'était pas le cas, les choses avaient simplement été ainsi et maintenant il cherchait quelque chose de différent.

« C'était il y a longtemps, je ne m'en souviens pas très bien à vrai dire. »

Et il ponctua sa remarque d'un rire, comme pour balayer une simple étourderie.

Valens

Valens voit bien qu'il ne convainc pas la louve, il voit bien la distance qu'elle conserve entre eux deux, la méfiance dans son regard, c'était quelque chose  qu'il connaissait. Ah, c'était dommage mais le mâle ocre ne s'en formalisa pas, ce genre de chose arrivait souvent... même systématiquement de là où il venait, aucun nouveaux bannis n'acceptaient de rejoindre leur groupe de futurs errants avant plusieurs jours, souvent ils pensaient pouvoir s'en sortir seul, revenir dans la cité et beaucoup mouraient avant d'accepter la fatalité. Ceci dit, ici les règles étaient différentes.

« Oh c'est ceux dont la frustration, la colère et la rancœur transforment en fantômes.  C'est la conséquence d'une vie trop difficile, la punition du désert.»

Il était vrai qu'ici, ça l'était un peu moins, désertique mais Valens n'était pas non plus spécialiste en maux d'errance, il avait simplement côtoyer la maladie, c'est tout.

« Mais il n'y a rien à craindre, je n'atteindrais pas ce stade et ne dévorerais personne !. »

Malgré le fait qu'il portait des marques de l'errance, il était immunisé.

Valens

Ah, il lui parlait de choses et d'endroits comme des évidences connues de tous, Valens devait s'habituer au fait que ce n'était pas le cas où il risquait de perdre ses interlocuteurs un peu trop souvent et facilement. Désolé louve ! C'est la mine qu'il afficha, une oreille tombée sur le côté et un petit rire un peu nerveux dû à sa maladresse.

« Ah ! Je ne pense pas que nous parlions du même endroit. Ma faute ! Je n'y étais jamais véritablement sorti avant, de mon désert mais il se trouve bien plus à l'Est, à plusieurs mois de marche. »

On n'en revenait pas simplement de vadrouille, pas d'ici en tout cas. Il avait cependant bien noté les paroles de la louve.

« Et dooonc, il y a un désert sur ces terres ? »

Sans doute que ce genre de climat lui conviendrait mieux les jours où il se sentait plus affaibli.

« Oh, je ne me suis pas présenté ! Je m'appelle Valens. »

Il offrit un nouveau sourire à la tachetée.

Valens

La description que lui donna la louve de son propre désert, Valens aurait presque pu croire qu'elle parlait du siens et un instant le doute le traversa. Non, impossible, c'était bien trop loin, et puis elle aurait également noter l'immense cité oasis en plein milieu et n'en serait peut-être même jamais repartie. Encore une fois, le voyage qu'il avait entrepris et qui l'avait mené jusqu'ici ne pouvait pas être une simple vadrouille.
La louve lui donna son nom, ainsi qu'un faible sourire timide sur ses babines, avant de lui poser quelques questions à son tour.

« Oh, le décès de ma mère. »

…
Merde, on sortait pas ça comme ça Valens, voyons.

« Ah... euh, c'est pas quelque chose de très grave. Enfin, si ! Mais rester à s’apitoyer ne l'aurait pas ramené et là où j'ai grandi, c'est bien plus un mouroir pour ceux qui s'y retrouvent, pas vraiment  trop l'endroit pour quelques perspectives d'avenir. Donc vu que j'avais plus personne, j'suis parti voir ce qu'il y avait d'autre dans le monde. »

Hum... peut-être avait-il mit un blanc. Le mâle ocre s'empressa de le combler avant même qu'il prenne véritablement place, changeant de sujet par la même occasion.

« Tu n'as pas l'air bien, ça va aller ? »

Valens

« Ah ? Hé bien, merci. »

Il supposait. Il fallait avouer que c'était une réflexion qu'on lui avait souvent faite, qu'il était un jeune loup bien optimiste et parfois le constat arrachait un sourire à tout ces individus condamnés à simplement disparaître dans le désert. C'était peut-être ça la clé de sa survie, ce qui lui avait permis de ne pas mourir durant sa première année puis les suivantes, peut-être ça également qui avait fait tenir sa mère aussi longtemps avec son si joli sourire avant que les conditions de vie trop exigeantes ne la rattrape. Une belle façon de voir la vie oui, ou une nécessité qui permettait aux enfants du désert d'exister plutôt de faire partis de tous ces fantômes.

« Oh j'en connais quelques unes des histoires mais elles sont pas trop de moi haha. »

Et des pas très drôles également. Des histoires de vies entières qui finissaient toutes au même endroit... sauf la sienne pour le coup, puisque Valens était là actuellement, dans cette forêt si loin de son désert natal.

Et avant de lui répondre sur ces maux qui la rongeaient, Mimosa eut un comportement un  peu étrange, comme si elle vérifiait quelque chose avant de se rapprocher de lui, papillonnant avant de se plonger yeux dans yeux, évoquant les chaleurs au passage.

« Ah ! »

AH!
Valens s'en retrouva tout gêné. Il détourna les yeux comme s'il n'osait plus regarder son interlocutrice, une oreille tombant sur le côté alors qu'il mit un peu à se dandiner sur ses pattes comme s'il avait marché sur des chardons.
C'est que Valens, s'il n'était pas tout à fait un ignare et avait déjà connu des louves pendant ces périodes, il devait avouer qu'une de plus ou moins son âge et sans lien de parenté, c'était bien la première fois.

« Si jamais t'as besoin d'aide ou de quelque chose, hein... »

Parce que si le mâle ocre ne savait pas trop quoi faire de cette information et comment y réagir, la louve tacheté avait fait pas mal de grimaces depuis le début de leur rencontre alors si jamais il pouvait lui rendre service.

Valens

Oreille placé à moitié en arrière, à moitié sur le côté dans une expression un peu confuse, Valens ne sut pas vraiment où se placer face au rire de la louve. Il n'était pas vexé non mais ne savait pas vraiment comment il devait réagir. Et maintenant ? Il devait continuer à proposer son aide ? Se raviser et surtout faire attention à se taire un peu plus ? Valens n'avait pas l'habitude d'être ainsi taquiné, ayant connu des loups plutôt énervé ou dépressifs en général.

« J'en sais rien, ce que tu veux. Ça là... » Il remua une patte dans le vide sans rien désigner de plus précis que la louve en général, ne sachant pas comment représenter par geste les chaleurs sans les évoquer oralement. «Ça me concerne pas trop, alors je sais pas. »

Il sentait à présent toute les lacunes qu'il avait accumulé avec un entourage très masculin. Sa mère ne lui ayant jamais vraiment parlé de louves non plus.

« C'est pas moi qui faisait une drôle de tête tout à l'heure. »

Même s'il était la blague actuelle.

Valens

Le contact de la truffe dans son dos le chatouilla, un frisson qui fit se redresser Valens tout en ébouriffant son pelage court. Ça ne s'arrangea pas lorsque la louve vint glisser son museau pour venir lui souffler dans son oreille alors que le mâle ocre demeura crisper.
Des trésors ou des secrets, elle en avait des biens belles elle, Valens n'était pas du tout du coin ! Et concernant le Désert Blanc, en plus d'être maintenant un peu loin, il n'y avait pas grand chose à part beaucoup de sable, quelques vieilles pierres enfouis et des errants qui se traînaient sous un soleil de plomb. Cette réflexion lui fit relâcher la pression dans une mimique un peu grimaçante alors qu'une de ses oreilles tomba sur le côté.

« Pas tant que ça en réalité. »

Valens

Valens fut comme un peu plus soulager lorsque la femelle lui laissa plus d'espace pour respirer bien qu'il pouvait encore la sentir proche de lui. Qu'elle idée de se faire aussi... tactile ? Familière ? Entreprenante ? C'était un peu trop pour le mâle ocre et son évident manque d'expérience -et peut-être un excès de timidité aussi – il répondit tout de même à la question de la louve.

« Oh hé bien, essayer de faire ma vie dans un peu plus viable sur la durée. Ça serait bien aussi si j'arrivais à intégrer une sorte de groupe ou de meute, ce genre de chose. »

Un objectif simple et exigé par tous probablement qu'il n'aurait pourtant pas pu obtenir dans son désert natal.

Valens

La louve lui laissa un peu de répit finalement, ce qui permit à Valens de relâcher presque totalement la pression, se détendant même un peu lorsqu'elle commença à lui présenter quelques groupes du coin.

« On m'a déjà un peu parlé du Refuge. »

C'était tout de même rassurant de découvrir que même une personne en dehors de cette communauté les trouvait gentils – voir trop gentil comme lui, ça lui fit tomber une oreille sur le côté, le mâle ocre ne sachant pas vraiment comment le prendre – eux qui insistaient pour qu'il vienne découvrir leur lieu de vie.
Mimosa lui parla ensuite des Nakhus, qu'elle présenta comme des érudits. Sans doute étaient-ils un peu moins à sa portée. Valens avait conscience de sa culture limité, sa mère lui avait bien appris quelques trucs, les autres habitants du désert aussi mais il n'avait jamais vécu au sein de la cité...

« Oh d'accord ! Merci beaucoup de me présenter tout ça ! »

Elle le disait trop gentil mais le renseigner ainsi, c'était grandement sympa aussi !

Valens

« Bien sûr ! »

Qu'il l'aiderait si elle en avait besoin. Valens n'était pas du genre à laisser un autre loup dans la panade. S'il s'était laissé sans doute un peu trop fait déstabiliser par les taquinerie de la louve, Mimosa était quelqu'un de plutôt sympa, ça ferait plaisir au mâle ocre de la recroiser à l'occasion. Une oreille tomba sur le côté cependant à sa dernière remarque avant qu'elle ne s'en aille.

« J'essayerais. »

C'est qu'il n'avait pas une vie tellement sensationnel Valens et ici, avec sa méconnaissance des lieux, il n'était pas sûr de faire quoique ce soit d'intéressant d'ici là. De plus, la plupart des choses qu'il ne connaissait pas, elle, elle devait les connaître. Il verrait bien, en attendant, la queue redresser il lui fit un signe d'au revoir.

« A une prochaine fois ! »