La fatigue (Libre Raeder)

ANN REVENGE
Maîtresse des Rituels Raeder ; 11 ans
F A E I

Quelque chose clochait. Ann avait cette intuition que la journée serait terrible. Son petit doigt de sorcière lui susurrait d'être prête, d'être alerte. C'est donc tout son corps qui était tendu, tout son être fébrile et son esprit tourné vers l'Océan. Elle en avait presque des crampes à fixer l'horizon ainsi allongée sur le ventre, tous ses muscles prêt à bondir de puis des heures. C'est à ce moment là qu'elle entendit l'appel, les cris de Calyspo, la fille aîné de son compagnon. Celle qui ressemblait tant à feu sa mère qui ne manquait pas le moins du monde à la Maitresse des Rituels. Son père. Il était arrivé quelque chose à son père. Etendu. Plage. Retour de l'Océan. Effondré. Des mots qui refusaient de faire sens dans la tête de la louve noire. D'un bloc elle fût lancé à la suite de sa belle-fille, et couru plus vite qu'lele n'avait jamais couru. Si vite qu'lele volait presque jusqu'à la plage des Sargasses où Abysse était posé sur le flanc, gueule ouverte et pourtant aucun mouvement de thorax. Elle aboya la femelle, ordonna qu'on lui apporte son sac de soin immédiatement tandis qu'elle se laissait tomber dans le sable, écoutant le souffle interrompu, cherchant le rythme cardiaque, éteint lui aussi. Il n'en fallu pas plus à la Raeder pour bondir, placer ses pattes antérieures sur le sternum de son compagnon et appuyer avec force et régularité.

Elle ne pouvait pas ne rien faire.
Elle ne pouvait pas le laisser ainsi.
Elle ne pouvait pas le voir s'éloigner.
Elle ne pouvait pas le regarder mourir.
Elle ne pouvait pas le perdre comme ça.
Elle ne pouvait pas abandonner le père de ses enfants.
Elle ne pouvait pas accepter que son amour, son âme-soeur, disparaisse.

Alors elle massa, puis insufla de l'air dans les poumons du loup abyssal. Encore, et encore, sans oser penser une seule seconde qu'elle échouerait.
Jusqu'à sentir une réaction, un battement tenu, un tempo fragile et faible mais régulier. Juste assez pour remettre en marche la respiration et les organes, juste assez pour le récupérer de cet autre monde où il dérivait. Juste assez pour que cette heure, ne soit pas son heure. Soulagée, elle se laissa tomber en arrière, les larmes coulant finalement abondamment sur ses joues. Pour la seconde fois de sa longue existence de forban. Elle savait que ce n'était pas tout, qu'il fallait faire plus, mais il lui fallait quelque minute pour respirer, pour se calmer, pour réfléchir à la suite et sauver son cher et tendre.
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