Le mur des merveilles [ft Auberon ]

Il était énervé Auberon. Il voulait aller avec tante Elely lui, apprendre à chasser comme elle, il voulait pas rester seul ici. Il voulait devenir plus fort et c'est pas en se roulant dans les fleurs qu'il y parviendrait, surtout qu'ici il n'y avait pas de proie digne de ce nom pour qu'il s'entraîne. Il n'avait encore jamais réussi à attraper ne serais-ce qu'une souris.. C'était frustrant. Même si il n'était encore qu'un gamin qui ne connaissait même pas toutes les couleurs, il avait soif de découverte.

Assis dans un coin, il sentit une odeur étrange se mélanger à celles des fleurs et il se leva, curieux, humant la brise. Puis il vit une masse dépassant du champs coloré et il se tapis aussitôt dans l'ombre pour ne pas être repéré. Comme un félin en chasse il leva doucement la tête pour essayer de l'observer, puis grattant le sol, dandinant son petit corps il s'élança aussitôt sur lui en rugissant piètrement :

JE TE TIENS !

Bon il avait mal évalué la distance et il avait dû faire quelques bonds avant d’atterrir sur sa proie mais qu'importe, il n'avait même pas eu le temps de réagir ! D'ailleurs maintenant qu'il était agrippé sur le dos de l'animal, il se rendit compte qu'il était très.. très gros.. Bien plus gros qu'une souris. Mais ça ne le découragea pas et de ses crocs à peine sortis il mordit le poil et remua sa gueule dans tous les sens.

Même si le goût n'était pas aussi bon qu'il l'aurait imaginé, il salivait quand même et dégoulinait sur  sa gigantesque proie. Il se voyait déjà félicité par sa tante et devenir le plus grand chasseur du monde. Son cœur battait fort dans sa poitrine, la tâche était difficile mais il ne lâcherait pas, c'était beaucoup trop excitant et la récompense était trop importante.
Soudainement la bête se leva et il sentit le ciel se rapprocher tant elle était grande. Elle remua avec une force qui fit remuer son petit corps dans le vide de gauche à droite. Mais il tenait ! Il tenait ! Du moins, il réussit à tenir quelques secondes avant de se faire éjecter comme une puce. Lorsqu'il tomba sur le sol il sentit une douleur vive dans sa cage thoracique et il couina, puis après un petit moment pour retrouver ses esprits il se releva, cracha les poils dans sa gueule et se mit en position, prêt à y retourner. Le regard sombre de la bête fit grossir ses yeux et sa queue baissa derrière lui, intimidé par la férocité qu'il dégageait.

Tu ne me fais pas peur ! Lança-t-il d'une voix qui se voulait implacable et qui pourtant restait innocente.

Son sourire était effrayant. Etait-il entrain de se moquer de lui ?  Auberon n'aimait pas du tout cet air supérieur et il se mit à gronder pour montrer qu'il n'était pas impressionné — même si en réalité il l'était. — Il était surtout décontenancé par son apparence mi loup mi.. autre chose.

T'es quoi d'abord toi comme espèce d'animal ? La nourriture ça n'parle pas normalement !

Il étira son cou et huma la bête en gardant un peu ses distances.

Tu t'y connais en chasse toi ? C'est quoi que t'as déjà chassé ?

C'était pas très bien formulé mais dans sa tête ça paraissait tout à fait compréhensible.

Auberon bégaya un peu, son regard parcourut de haut en bas l'inconnu.

Et ben.. Et ben parce que.. Parce que tu es bien plus grand que..  que moi. Voilà.

Il souffla par les naseaux pour chasser la gêne qui venait de l'envahir, puis afficha une expression plus déterminée. Quand bien même le sourire de la bête dévoilait des crocs acérés capables de le dévorer en un rien de temps, il resta bien campé sur ses quatre pattes à le défier du regard.

J'en sais rien, je connais pas le nom de toutes les espèces moi ! Tu ressembles à un loup mais t'es pas un loup parce que un loup ça n'a pas de cornes !

Sa voix montait dans les aigus, il était à la fois troublé et sûr de lui. Puis sa tête se pencha sur le côté, interrogateur.

C'est où le tourment ?

Lui, il ne connaissait que l'Île, sa tante ne lui permettait pas d'aller ailleurs. C'était dangereux disait-elle. Gngngngn.... Lorsque l'étranger s'approcha Auberon ne bougea pas, relevant seulement le regard pour ne pas perdre ses prunelles des siennes. A chaque espèce prononcée le visage du gamin s'illumina un peu plus d'admiration pour finalement venir décrocher sa mâchoire inférieure.

Woaaaa tout ça ! C'est énorme !

Alors qu'il devrait être normalement effrayé, il était au contraire plus détendu et il s'approcha lui aussi d'un pas naïf.

Dis, est-ce que tu pourrais m'apprendre à chasser comme toi ?

Il serait tellement content si l'inconnu acceptait, il était devenu un modèle en une fraction de seconde pour le louveteau.

Il ne s'y attendait pas, Aubéron, lorsque l'étranger approcha sa gueule et poussa un furieux rugissement. Il sentit son halène chaude et puissante tirer son petit corps vers l'arrière. Là, tenant tant bien que mal debout devant sa gigantesque gueule grande ouverte, sa dentition acérée, il trembla et constata avec effroi que l'étranger pouvait l'avaler d'une simple bouchée. Lorsque tout s'arrêta et qu'il redevint souriant, Auberon resta pétrifié encore quelques secondes, les poils et les cheveux tout ébouriffés. Un enfant ordinaire aurait prit la fuite mais lui, inconscient, était encore là et pire encore, il était admiratif.

WOAW ça m'a décoiffé t'as vu ça ! Explosa-t-il de rire d'un coup, comme pour relâcher toute la pression.

Il ignorait si il devait vraiment y croire ou pas, il était plutôt têtu comme môme mais pour sûr il ne voulait pas de deuxième démonstration..

T'as trop de la chance alors, moi aussi j'aimerai bien en avoir des cornes !

Il aimerait bien les toucher mais il avait peur désormais d'approcher le mi-loup, son cœur avait encore du mal à se remettre de ses émotions.

C'est quoi un dragon ?

Il ignorait bien des choses le fils de Rhaegar. Lorsque la grosse patte se logea sous son menton ses oreilles se plaquèrent contre ses cheveux et il recula, un peu gêné. Il n'avait pas l'habitude qu'on le touche.

Trop bien merci merci merci !! S'exclama-t-il joyeusement en sautillant comme une antilope.

Je m'appeeeeeeelle Aubéron ! Et toi c'est quoi ton nom ?

Il se calma et posa ses fesses sur le sol, se remémorant que ce comportement agaçait souvent sa tante. Valait mieux ne pas agacer le mi-loup.. Oh ça non.

Est-ce que tu m'apprendras à rugir comme toi aussi ?