Solitude [PV Nirvana]

Après le créneau de Dairo, s’était installé un nouveau.
Certains auraient qualifiés cet instant de méditation.
Nirvana préférait l’appeler celui des regrets.
Là, les pattes dans le sable, elle fermait ses paupières, demeurant immobile à écouter le son des vagues. Cherchant les solutions à des problèmes épineux, ses réflexions sur l’entité, sur ses alliés, sur ses ennemis. Puis parfois les pensées se tournaient vers sa famille, dispersée, usée.
Et Nael.
Lui qui dernièrement occupait ses pensées.
Lui dont-il lui était impossible de parler à quiconque.
Mis à part sa déesse.
Comme elle regrettait de ne pas être comme les autres, de pouvoir plonger complètement dans les eaux, se laissé glisser vers les profondeurs, pour être seule avec elle-même et ses pensées.
Sans que ne rien ne puisse la troubler.
Et ne regagner la surface que lorsqu’elle n’aura plus le moindre souffle.

« — Bonjour Moustique. »

Les paupières s’ouvrent, observant l’océan.
L’odeur d’Iris avait changé, de même que l’apparence. Nirvana l’avait croisé de loin au Castel, mais n’était pas allé le voir. Cela aurait été probablement déplacé de le féliciter ?

« — Tu es devenu celui que tu souhaitais être, c’est bien. »

Vous faites ce qui vous rends heureux, toi et Iberis, comme vous l’avez toujours fait.
Vous avez probablement raison.

Bien sûr. Iris n’aurait jamais fait quoique ce soit, sans l’autorisation de leur mère. Les vieilles habitudes de l’enfance ne changeaient pas. Avoir le soutien d’Hollyhock devait lui donner l’impression de faire ce qu’il fallait. Ressentait-il de la culpabilité quand il ne lui disait pas tout ?
Te sens-tu coupable pour Emilitia, alors que mère la hait ?
À la question, Nirvana serra les crocs, avant de fixer les yeux roses de son frère. Souhaitait-il la narguer en mentionnant Iberis ? Un moment la sirène laissa planer le silence, avant de remporter son attention sur les vagues.

« — J’aurais saisi l’opportunité, en proposant à Moiro de rejoindre les divinités Etelkrus ou à défaut de lui témoigner suffisamment d’importance pour obtenir ses grâces. »

Le pouvoir qu’elle aurait pu accordé, était non négligeable.

« — Avoir un disciple d’une divinité extérieure, était une chance. »

Un soupir.

« — Nous n’avons pas su en tirer avantage. »

Et maintenant il est trop tard.
Pour quelles raisons Iberis rentrerait chez les Etelkrus, quand il n’avait jamais su y trouvé sa place.
Que sa regrettable compagne ne soit jamais acceptée par le clan.
Qu’il quitte le royaume qu’il s’est créé pour retourner dans le mépris que lui accordaient les autres.

« — Mère s’est laissé influencé par ses sentiments. »

Elle a perdu un fils.
J’ai perdu bien plus qu’un frère.
Nirvana reporta son attention sur Iris, attendant qu’il lui dise pourquoi il souhaitait connaître son point de vue.

Que cherches-tu Iris ? À évoquer ces sujets épineux ? Que veux-tu réellement au fond ?
Qu’as-tu fait ?
Mère aurait sûrement sanctionné Iberis, bien au-delà du simple bannissement, si elle avait su pour la Rose Stupide.

« — Savoir que c’est la Rose Stupide ou une autre qui partage la vie de mon frère, cela m’indiffère. Ce qui compte, c’est qu’il soit heureux. Je ne l’aurais pas banni parce qu’il partage la vie d’une solitaire. »

Les solitaires, cela reste plus appréciable que les raeders si l’on suit la politique du clan.
Ceux qui s’entichaient de solitaires, n’avaient rien à cacher au final.
Quand Nirvana elle, ne pouvait même pas assumer ses sentiments.
Et se devait de les faire taire.

« — Nous avons passé l’âge, pour ces petits jeux. »

Cette fois, elle lui complètement face.

« — Qu’est-ce qui te préoccupes réellement Iris ? »

Ne penses pas que je sois naïve, au point de ne pas voir que le sujet n’est pas seulement Iberis.
Que tu cherches aussi des réponses à tes problèmes.
Alors qu’as-tu fais, petit frère ?

Étais-ce Désiré, la réelle source de ces questions ? Ou simplement une esquive pour éviter le vrai sujet ?
Nirvana l’ignore, doit déjà se concentrer sur les révélations de son frère. Lui qui confiait le secret d'un ami, un secret terrible, alors que la prêtresse n’en avait que faire de ce loup.
Une habitude que tu n’auras pas perdu.
N’as-tu pas encore compris, à quel point c’était mal de rapporter ?

« — Si tu ne veux pas le perdre… »

Nirvana approcha son museau de l’oreille d’Iris, sa patte venant doucement tirer sur le harnais.

« — Dis-lui de quitter le clan. Car quand notre mère l’apprendra, quand Aka le saura, il le paiera cher, ainsi que la raeder. »

La disciple de Dairo relâcha Iris.

« — Notre clan est régi par des règles simples et primitives. Les raeders ont toujours été considéré par des ennemis, par nos dieux et les générations qui nous précèdent. Ce sont eux qui nous dirigent. »

Qu’importe que notre génération ait un avis différent.
Il est encore trop tôt pour que les choses changent. Les alphas actuelles ne laisseront rien passer.

« — Les Lazulis ont payé l’affront envers leurs dieux via un dôme qui les a coupé du reste du monde. Que penses-tu qu’Aka fera en apprenant qu’un loup Etelkrus s’unit à une raeder ? »

Comment réagira-t-il ton vénérable petit dieu si impulsif et grossier ?
N’as-tu pas entendu ce qu’il a fait à Sushi ? Un loup qui n’était même pas un de ses disciples ?
Il y a un peu d’amertume dans sa voix cette fois.

« — Que Désiré fasse un choix. Renoncer à la Raeder ou renoncer au clan. »

J’ai du choisir.
Pour mon clan.
Pourquoi devrais-je être la seule à renoncer à ce que j’aime ?
Pourquoi devrais-je être la seule à ne pas être égoïste, quand d’autres s’en moquent complètement ?

Au problème, Nirvana apporte une solution. Brutale, mais la plus judicieuse. Pourtant… cela ne convenait pas. Cela ne conviendrait jamais, si ça n’allait pas dans le sens d’Iris.
Si ce n’était pas un happy end.

« — Nos règles nous appartiennent ? As-tu oublié, le concept même d’un clan, Iris ? »

As-tu oublié ce que tu faisais ici ?
Que tu étais un Etelkrus ?

« — Tu viens jusqu’à moi, me confier les secrets de ton prétendu ami. Tu cherches des réponses que tu ne veux pas connaître, car cela te terrifies. »

Et c’est à moi que tu fais une leçon de morale ?
Nirvana n’en revenait pas. Pourquoi s’acharnait-il ainsi, à chaque discussion à tout vouloir gâcher. Étais-ce trop lui demander de juste passer un moment tranquille ? Peut-être étais-ce encore rattrapable. Que cette discussion pouvait repartir un peu plus calme, mais…
Il faut que tu évoques Dairo.

« — Ne parles pas de Dairo. »

Le ton est sec.
Les éclairs apparaissent brièvement sur les pattes de Nirvana.
Que tu craches sur le clan, sur notre famille, sur tes amis, ton dieu, je m’en moque.
Mais ne crois pas que que je te permets de mentionner ma déesse.

« — Tu es tellement ignorant. »

L’expression est peinée face à ce constat.
Petit et à la fois si grand Moustique, si naïf.

« — Ignorant de ceux qui t’entourent, des règles, de nos dieux.
Tu crois pouvoir tout renverser, Iris ? Tu te crois supérieur aux dieux ?
Que parce que toi tu as changé, tout le sera aussi ? »

La patte vint se glisser dans l’armure, pour en arracher le glowstick rouge. Couleur détestable.
Tu réfléchis si peu, exactement comme le dieu dont tu portes la couleur.
Nirvana lui mit le glowstick sous le nez, une lueur de défi dans le regard.

« — Alors qu’attends-tu dans ce cas ? Brises-le. »

Brises donc, cet asservissement.
Toi qui méprises autant les dieux, pourquoi te montrer hypocrites au point d’en conserver les avantages ?
Pourquoi vouloir que les autres défient ton dieu, quand toi même il semble te terrifier.

L’aurons nous un jour ? Ce lien frère-soeur ? Est-il donc si difficile à acquérir ? Un rien semble faire pencher la balance d’un côté.
Il la poussait à bout, à chaque fois, c’était la même spirale infernale. À croire qu’il s’en amusait. Tester ses limites, avant de…
Un pas de recul.

« — Comment tu peux dire ça… »

Les yeux de la prêtresse devinrent humides.
De toutes les choses, c’était peut-être la plus horrible, ce qui la rendait la plus monstrueuse.

« — Tu n’as jamais compris.
Ni cherché à comprendre.
Les problèmes, ne peuvent pas tous se résoudre d’un simple coup de baguette magique.
Ce n’est pas ça la vie. »

La vraie vie.
Pas celle que tu penses connaître.
Un léger rire nerveux, alors qu’une larme coule sur sa joue.

« — Regardes-nous Iris, tu prétends aspirer à notre bonheur.
Que sais-tu du bonheur ?
Le tien ?
Le mien ?
Tu es terrifié à l’idée de choisir,
Au point, que tu cherches toujours une esquive. »

Tu prétends pouvoir faire des choix quand tu passes ton temps à compter sur les autres.

« — Parfois, pour le bien commun, il faut renoncer à ce qu’on a de plus cher.
Se sacrifier.
Quand est-ce que tu t’es sacrifié pour les autres ? »

Quand n’as-tu pas fait passé les intérêts des autres avant les tiens ?
Tous doivent te soutenir et t’appuyer, quand toi tu révèles les secrets et rejette la faute sur les autres.
Nirvana secoua doucement le museau, serrant les crocs. Le glowstick rouge tombe de sa patte, pour rebondir sur le sol.

« — Il faut que ça cesse. À chaque fois, tu me détruis un peu plus, comme si cela t'amuses. »

Son coeur semble battre si vite dans sa poitrine. Les larmes coulent à rythme plus régulier cette fois. Nirvana secoua doucement son museau.

« — Je ne peux plus le supporter. »

Cesses.
Car cela semble être ton seul but.
La prêtresse se détourna d’Iris, regagnant le castel ou n’importe quoi qui soit loin de lui.

Le temple de sa déesse lui paraît bien trop lumineux pour ses pensées. N’importe où, sauf ici.
Je t’aime.
Son coeur semble rater un battement. Nirvana se stoppa. Pourquoi, est-ce que tous lui disaient cela dernièrement ? Pourquoi…
Pourquoi c’est différent quand c’est toi qui le dis ?
Iris sort un objet, un coquillage et une perle. Lentement, elle leva une patte pour s’en saisir.
Des excuses.
Les pensaient-ils réellement ?
Elle ne sait pas, ne sait plus.

« — Tu as toujours douté, de ce que je ressentais, Moustique… »

Alors que je n’ai jamais cessé de t’aimer…

« — Ne promets plus. N’essais plus. »

Un sourire triste embué de larmes.

« — C’est peut-être mieux ainsi. »

Nous ne sommes pas fait pour nous comprendre.
Je le sais à présent.
Un mal pour un bien.
Nirvana inclina doucement son museau en guise de salut, avant de partir.