Tes yeux dévorés [Nirvana]

Emilitia

Emilitia attendait que Illidan meurt. Simple excès de pragmatisme, si le demi démon avait été heureuse de voir apparaître dans sa vie cet oncle à l'origine de tout, il restait un individu terriblement vieillissant, ces derniers temps, il s'était d'ailleurs encore affaibli. Il était inimaginable d'envisager de le faire voyager jusqu'à la Forêt Brûlée et Emilitia était partagée entre le fait de laisser ses petits et celui de devoir revenir de temps en temps, vers un territoire si lointain si proche des frontières Etelkru.
En attendant, elle redescendait parfois, abandonnant une proie au vieux loup, à Vanitas aussi et en profitait pour pêcher. Ces poissons, elle les rapporterait jusqu'au Nord, au cœur de la Sylve, à la Forêt Brûlée, là où attendaient ces petites âmes qui lui appartenaient, à elle seule. Elle ne devait pas tarder, ne pas s'éterniser ici sur ces terres, parce que ces êtres qui attendaient là bas étaient fragiles, parce qu'ici régnait une Lumière insupportable qu'elle ne pouvait pas encore dévorer.

Cette odeur qu'elle avait aimé était à présent devenue si détestable, celle Etelkru. Elle avait fini sa pêche, rassemblait ses proies, s'apprêtait à partir mais le vent lui apporta la proximité non désirée d'un membre de cette meute. Et dans cette flagrance qui lui vint avant la silhouette, elle reconnaît un souvenir coller au pelage qui se mélangeait à d'autres odeurs plus personnelle. Elle ne les reconnut pas pas, parce qu'il y avait son odeur à lui qui brouillait tout, parce que malgré le masque et le sel marin, elle était plus entêtante que le reste pour être devenue particulièrement haï.
Emilitia ne gronda pas, elle ne grondait jamais mais son pelage se gonfla, lui donnant cet aspect plus sauvage encore alors que ses ailes se déployèrent larges dans son dos. Derrière les yeux du masque, les pattes tendues, elle attend que la silhouette apparaisse.

Si c'est toi, je te dévorerais ton âme et tes yeux.

L’odeur d’Etelkrus flotte. La sienne, qui foule ces terres pour une énième fois.
Celle des traîtres.
Les hypocrites.
Eux, qui seraient frappé du jugement des dieux, tôt ou tard.
Nirvana aurait pu s’inquiéter, du sort de celui venu si souvent ici que l’endroit en était imprégné… mais l’être en lui-même ne l’intéressait plus. Pas plus que l’autre louve présente qui à une époque avait su retenir son attention. Rusée, digne des disciples de Dairo. Un chemin pourtant qu’elle n’aurait pu emprunter.
La prêtresse observe la solitaire, de l’indifférence dans ses yeux. Nirvana ne se sent ni agacée, ni méfiante vis-à-vis d’Emilitia. Elle n’avait jamais représenté une menace avant.
N’en représenterait pas plus aujourd’hui.
Un pas, pour lui faire face. La louvette ne parlerait pas la première. Ne ferait pas un geste de plus en sa direction.

À son épaule, il y a toujours le masque, orné de quelques coquillages.

Emilitia

Ce n'est pas sa silhouette qui apparaît devant elle au travers des yeux du nouveau masque, mais celle de la sœur, celle qui avait voler le masque original. Emilitia ne dégonfle pas, peut-être à cause de l'odeur etelkru, peut-être à cause de cette flagrance qu'elle voulait dévorer, peut-être parce que la louve en face d'elle l'avait terriblement agacé. Elle redresse la tête cependant, se fait moins démon prédateur, moins sur la défensive.

« Oh, ce n'est que toi. »

Elle l'avait agacé terriblement, avait profité d'un moment où la demi-démon avait passé une mauvaise journée pour venir jusque chez elle et lui dérober son masque.

« Je vois que tu l'as gardé. »

C'était comme si l'Etelkru le portait comme un trophée mais il avait été agrémenté de coquillage comme quelque chose de plus personnel. Ce n'était plus l'objet que la demi-démone avait porté et elle en avait un nouveau. Emilitia jalousait un peu l'original cependant, parce qu'il avait connu l'époque de sa mère mais ainsi décoré, sans doute faisait-il trop Raeders, sans doute que ce souvenir la garderait encore un peu louve. Elle ne pouvait plus l'être, si elle voulait dévorer la nouvelle lumière qui l'avait rappelé à ses ombres.

Et parce qu'elle devenait démon plus entière, peut-être que la solitaire sombre se faisait également plus sensible à cette énergie opposée. Elle ressent comme une sorte d'électricité statique qui lui parcourt le poil, comme deux énergies qui ne parviennent pas à œuvrer dans un même environnement proche.

« Tu utilises ton pouvoir. »

C'était assez évident au vu de la couronne orange. Elle ne pouvait que rester méfiante, Emilitia, car ce pouvoir, elle l'avait expérimenté et haï, parce qu'elle ne composait pas à la Lumière à cause de sa nature, parce que la tachetée restait après tout une Etelkru.
Cependant moins abjecte que cette porteuse hérétique.
Moins haïe que celui qui était désiré.

L’odeur était différente. Nirvana ne relève pas ce qui fait office de salutation, pas plus que la remarque sur le masque. Un simple trophée. Autrefois, un possible appât, désormais, la sirène en avait fini avec les approches sournoises concernant l’entité.
Quitte à le frapper, autant le faire de façon direct.
D’autant que la solitaire en abordait un nouveau à présent. La prêtresse en aurait pu être agacée.
Cela n’a plus d’importance.
La rancune passé, n’avait plus lieu d’être aujourd’hui.

« — Tu as changé.
Ton odeur est différente. »

Ce n’est plus tout à fait toi.
Le museau se penche sur le côté lorsque le pouvoir est mentionné. Un souffle léger, alors qu’un petit nuage de brume s’échappe de la gueule de la louvette.

« — Cela t’effraies ? »

Un silence, que Nirvana laisse s’éterniser, avant de sourire.

« — Ne t’inquiètes pas, je n’ai pas prévu de m’en servir contre toi.
Pas aujourd’hui. »

Lorsque tu deviendras une menace pour Dairo, oui.
Mais vaux-tu la peine que je ressente à nouveau ?

Emilitia

« Comme ton apparence. »

L'odeur Etelkru demeure, si on y fait un peu plus attention, si on fait abstraction à la sienne, elle peut-être un peu plus saline cependant, témoignant d'une vie plus orientée sur le littoral. Le temple n'est-ce pas? Mais la chevelure plus sombre était devenue blanche, comme une purification et le regard plus éteint. As tu renoncé à tes ombres?

Elle fait basculer sa tête en avant, portant ses épaules plus hautes dans une posture plus bestiale, plus sauvage lorsque la fumée s'échappe de la gueule. Elle se méfie, elle ne peut pas à nouveau prendre des risques à cause des Etelkrus. Car ils sont trop faibles pour survivre sans sa présence actuellement, ses ombres naissantes, les prémices de son royaume qui viendrait s'étendre. Le masque cache l'expression du visage cependant, comme il le faisait avant alors que les yeux restent figés sur la tachetés, ne la quittant pas.

« Ma nature se compose mal avec celle de vos lueurs. »

Elle ne l'avait jamais caché à qui que ce soit. Et sa dernière expérience avec celle de Nirvana avait été particulièrement désagréable.

« L'inverse est aussi vrai, prends garde à ne pas faire preuve de trop d'orgueil. Il serait dommage qu'elle vacille au creux des ombres. »

Elles qui se multiplient à l'abri de vos regards, elles qui grandissent petit à petit au sein d'une forêt brûlée.

« Ceci dit, les miennes n'ont que peu d'intérêt pour ta Lumière.
Pour le moment. »

Une provocation pour une autre. Ce n'était pas après elle ou le orange que ce démon en avait, elles pouvaient simplement s'ignorer sur les prémices de ces chemins empruntés.
Le temps que les porteurs rouges soient dévorés.
Le temps que lui tout particulièrement le soit.

L’apparence ne révélait rien. Seuls ceux qui avaient gouté au pouvoir de Nirvana ou simplement aperçu, savait réellement ce que voulait dire cette apparence.
Par chance, ils n’étaient qu’une poignée.
Peut-être seulement deux à vraiment savoir.

« — Je n’aurais pas cru, que tu aspirais à une vie de famille. »

Cela… ne te va pas, louve de la nuit.
Nirvana écouta la solitaire parler d’ombre et de lumière, un discours qui ne l’atteignait guère. Cette louve se considérait comme une ombre, alors qu’elle n’en avait aucunement l’attitude.
Tiré dans la lumière de force.

« — Ombre et Lumière. Qu’est-ce qui les différencie ? »

Un sourire.

« — J’aborde la lumière de ma déesse, quand je ne suis devenue qu’une ombre pour mieux la servir. Qu’est-ce que cela fait de moi ? »

Un entre-deux ?
Le sourire disparaît, le regard s’assombrit un peu. Le corps de Nirvana est parcourut d’un éclair bleu, fugace. La colère venait plus facilement, maintenant que la brume avait été absorbée.
Sacrifier la lumière pour gagner en obscurité.

« — J’écraserai quiconque, se dressant contre la lumière de ma déesse.
Toi.
Ma famille.
Mon clan si il le faut. »

Nul ne l’atteindra.
Nul lien ne viendra me contraindre dans ma quête.

Emilitia

« Il n'y a pas de vie de famille »

Et pourtant le fait qu'elle évoque ce sujet la tend et lui hérisse un peu plus le poil, parce qu'elle évoque le fait qu'elle avait deviné leur existence. Vous ne les obtiendrez pas Etelkrus, ces petites ombres la feront régner au delà des frontières déjà établies, ils dévoreront la Lumière.
D'ailleurs, Nirvana la confond.

« Ce n'est pas ce que j'évoque. »

Elle se méprenait sur la nature même de la chose.

« Ce n'est pas une question d'état d'âme, de moral ou de sentiment mais quelque chose de bien plus brute, comme deux grands flux d'énergie qui font partis de ce qui régit le monde. »

Elle redresse la tête, malgré le masque, se fait nettement plus juge face à cette louve qui n'avait pas su faire la différence. Si elle en était incapable, c'était sans doute parce qu'elle n'était pas aussi proche que ce qu'elle prétendait de sa déesse. Ceci dit, était-ce étonnant ?

« Mais après tout, tu n'es qu'une porteuse de Lumière, un simple support sans en faire partie quand les ombres composent mon intégrité. C'est normal, sans doute, que tu ne sois pas capable de véritablement le ressentir. »

Un battement d'ailes, comme celui qu'avait les papillons posés sur une fleur, bien qu'Emilitia l'aurait nécrosé.

« Tu déclares haut que tu as choisi la Lumière de ta déesse mais en simple porteuse, tu aurais pu choisir tant d'autres lueurs ou leur opposés. Toi qui ne fais pas la différence et croit que tu es une ombre, tu n'es au final pas très fiable. » Quand elle ne pouvait être autre chose que démon. « Je suppose que c'est le cas de chacun d'entre vous. »

Même si vous vous pavanez avec vos lueurs en pensant qu'elles vous sauveront. Il n'y a pas grand chose qui empêchera vos âmes d'être dévorés.

« Écrases qui tu veux mais tu ne deviendras pas plus Lumière véritable. »

Cela n'empêchera pas les Ombres de te dévorer, celles qui grandissaient étendront leur royaume. Cette opposition, c'est une bataille pour les âmes possédées.

Pour le moment, cette rencontre n'avait plus tant d'intérêt. Emilitia ramasse ses poissons, et disparaît dans les fourrés.

Pas de vie de famille ? Voyons… la solitaire sentait le lait, ce qui ne pouvait signifier qu’une chose, des enfants. À partir de là, il y avait une famille ou du moins quelque chose qui y ressemblait.
La prêtresse écoute sans vraiment écouter. Un long discours, d’histoire d’ombre et lumière. Aucune réelle importance. Tout ce qui comptait à ses yeux, c’était d’aborder la lumière de Dairo, quitte à être plus sombre pour cela.
Et chasser toutes les ombres qui pourraient lui nuire.
Tu ne deviendras pas plus Lumière véritable.
Le regard de l’Etelkrus s’assombrit un instant. Encorne fois, à croire que la solitaire ne retenait jamais de ses erreurs, elle lui tourne le dos, espérant prendre congé. Simple provocation, encore. Sans grand mal, Nirvana la rattrapa, se plaçant devant sa route.

« — Ce n’était pas moi, que tu espérais croiser. »

La demoiselle rose est cachée.
L’odeur est forte, mais pas assez pour l’identifier.
Pourtant, il y a cette haine de la lumière, encore et toujours.
Accentuée presque.
Un sourire qui étire les babines de Nirvana.

« — Alors dis-moi, Dame qui prétend être dans l’ombre, avec quel porteur de lumière l’as-tu eu cette descendance ? »

À toi qui prétend être dans l’ombre.
Qui pourtant donne naissance à la vie.
Confesseras-tu tes péchés ?

Emilitia

Elle la rattrape et le pelage d'Emilitia se gonfle, son corps se tend, ses ailes crépitent. La demi-démone est devenue moins patiente et l'odeur etelkru qui l'avait tant amusé était devenu plus qu'agaçante. Tu es gênante fausse Lumière, très. Elle n'avait pas le temps de s'occuper d'elle. Emilitia ne gronde pas, jamais, mais même sans le regard caché derrière le nouveau masque, son attitude est de toute évidence plus hostile.

« La présence de chacun d'entre vous aurait été indésirable. »

Elle ne voulait pas les voir, plus les voir, elle ne devait pas, pour le moment. C'était trop tôt, beaucoup trop tôt. Ils étaient trop petits. Il fallait attendre, attendre qu'ils grandissent, que personne ne vienne les chercher.

« La réponse ne peut être donnée, c'est trop tôt. Elle viendra, mais pas pour le moment. »

Quand ils seront grands. Vous ne les aurez pas. Ils étaient à elle, rien qu'à elle. Ses petites ombres qui se développaient doucement dans les cendres et qui un jour viendraient répandre la noirceur de leur existence sur ces terres.
Il n'était pas encore temps, cela viendrait.

Son pelage ne peut se gonfler d'avantage, elle se penche en avant, comme prête à bondir mais ne lâche pas les proies qu'elle tient en gueule. Elle attends, elle observe, son esprit est un peu prit également.
Vous ne lez aurez pas.
Ses ailes s'ouvrent et se ferment comme celles d'un papillon, des particules mal consumées de la nécrose s'en détachent pour venir se poser et faire flétrir l'environnement autour.

Bien sûr, chaque lumière, n’était que détestable pour cette dame noire. Donc, un porteur de glowstick était donc bien lié à elle.
Qui d’assez fou.
Qui d’assez stupide.
Un souffle de brume qui s’échappe de sa gueule. La descendance, ne représentait rien aux yeux de la sirène. Les âmes innocentes, n’ont pas à être punies des méfaits de leurs parents. Un sourire qui n’avait rien de rassurant, apparut sur les babines de la prêtresse.

« — Emilitia. J’espère que tu la dévoreras, cette Lumière qui s’est égarée auprès de toi. »

Telle erreur, ne peut-être pardonnée.
Si c’est un disciple de Dairo, je ferais en sorte, que son existence soit réduite à néant.
À toi, alliée de l'entité.
Ennemi de ma déesse.

« — Je n’aimerai pas à devoir le faire pour toi. »

Ranges donc ton bazar.
Sinon, tu fais une bien piètre ombre.
La disciple de Dairo pivota pour laisser la solitaire pendre congé. Les yeux pâles ne reflétant que la brume qui circulait dans le corps de Nirvana.

Emilitia

La tension persiste et Emilitia a à nouveau ce mouvement d'aile de papillon alors que les secondes défilent entre les paroles. La démone n'avait plus cette même patience qu'autrefois, la perdait bien plus rapidement. Elle devait remonter vers le Nord, ne devait demeurer trop longtemps vers le sud, vers leurs frontières. Tu es agaçante louve, je n'ai pas le temps de m'occuper de toi pour le moment. Elle laissa une bile noire remontée entre ses crocs.

« Cette Lumière n'en a plus qu'une apparence illusoire, c'est une âme qui m'appartient déjà. »

Et que je dévorerais, ne t'en fais pas pour ça. Elle était à elle, rien qu'à elle. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne vienne la chercher. Un an, il ne lui fallait qu'un an.
Finalement l'Etelkru se pousse, la laisse passer et Emilitia reprend son chemin, celui qui l'éloignerait de ces terres pour se rapprocher de celles nouvelles où elle comptait établir son royaume d'ombre. Elle garde cependant en gueule durant quelques instants supplémentaire, l'araignée qu'elle avait fait naître entre ses crocs, dans le cas où Nirvana continuerait à se montrer terriblement gênante.