Ma fille - Nirvana

La grande silhouette sombre de son garçon disparaît dans le lointain.
Hollyhock à le coeur lourd. Le revoir l’a chamboulée, et même si elle essaye de rester droite et forte, le voir repartir vers les terres libres est un déchirement.
Elle aurait aimé lui dire de rester, qu’ils trouveraient ensemble une solution. Il a changé, après tout, et lui semble plus mûr que ce qu’il était, adolescent.
Bien plus froid, aussi.

Il la laisse derrière avec le sentiment d’être devenue une étrangère. Quelle ironie, alors qu’elle l’a porté, mis au monde, élevé, aimé.
Qu’à t-elle manqué, pour qu’il décide de faire l’imbécile et revenir au clan paré d’une autre couleur que celles de leurs Dieux ?
Qu’à t-elle fait pour devoir bannir son propre enfant, de son clan ?
La mère l’aurait voulu près d’elle, pour toujours, mais l’Alpha n’avait eu d’autres choix que de ne pas faire de traitement de faveur.

Les larmes roulent sur ses joues.
Elle court, malgré son corps fatigué, après lui.

- IBERIS !

Lui qui ne s’arrête pas.
Elle accélère et le rattrape.

- Je suis… tellement désolée d’avoir agi ainsi. Je veux que tu saches que je t’aime, mon fils. Ce que j’ai fait, je l’ai fait par ce que je devais respecter les règles du clan. Mais je t’aime, mon garçon, je t’aimerai toujours.
- Les conséquences sont les mêmes. Ca ne fait rien, je mêne une vie heureuse au delà des frontières. Tu comprendras, cependant, que te voir m’est pénible.
C’est pour ma soeur, et uniquement pour elle, que je marche jusqu’au Castel.

Ces mots l’achèvent.
L’Alpha n’avait, pourtant, rien espéré de plus que ces paroles froides, mais regrettait amèrement cette relation brisée avec ce fils tant désiré.

___

Elle a chassé longtemps, dans la Rougelande, pour se vider la tête et chasser les pensées mornes.
Hollyhock ne saurait, pour autant, pas dire si elle va mieux. Au moins a t-elle changé ce mal être en quelque chose de productif : Son clan aura de quoi manger.
Elle rentre au Castel le coeur lourd et garde un lapin, le plus beau, qu’elle ne pose pas sur le tas de gibier.

Ses pas la mènent vers la tanière ou se trouve sa fille, encore convalescente, et elle dépose à ses pattes le produit de sa chasse.

- Ma puce. Comment te sens tu ?

Elle lui sourit, pleine de tendresse.

Son sourire disparaît lorsque sa fille s’exprime.
Hollyhock ne l’interromps pas, pourtant, et la laisse dire ce qui la traverse. Malgré la rudesse de ses mots, elle accuse le coup sans ployer.

- Penses-tu vraiment que je t’aime moins qu’Iris, Nirvana ?

Elle inspira, las.

- Je sais, pour Iberis. Je m’en veux de… ne pas avoir été une meilleure mère, de ne pas l’avoir aidé à trouver sa place en tant qu’Etelkru, et l’avoir poussé vers la sortie de cette manière. Je sais qu’il m’en veut, beaucoup, et que tous les mots du monde ne suffiront pas à rattraper les tords que j’ai causé.
Il m’a dit qu’il reviendra te voir. Pour vous, ce n’est qu’un au revoir.

Pour elle, un adieu.
Elle s’assit face à sa fille.

- Je vous aime, tous les trois. Je vous aime tellement et je sais que je fais des erreurs, que je ne suis pas une bonne mère, pour vous. Je suis désolée.
Je n’ai jamais voulu vous faire souffrir.

Peut-être que certaines personnes, malgré leur envie si grande de devenir parent, ne sont pas faits pour le devenir.
C’est une aventure complexe et, venant elle même d’un milieu chaotique, Hollyhock n’a pas de référence stable en la matière.

Sa fille parle encore, et, elle, encaisse toujours.
Hollyhock aimerait s’exprimer aussi, lui dire qu’elle sait, ce que c’est, d’être seule.
J’ai toujours été prête à t’écouter, mon enfant.

Les mots lui sont volés, lorsque Nirvana annonce ce qu’elle aurait du sentir venir.
Il n’y a pas que Désiré, qui aime les pirates.

La vieille Alpha sent ses pattes se dérober sous son poids. Elle se rattrape de justesse, pour ne pas s’éclater le menton contre le sol. Cette situation lui parait irréelle. Comment sa fille… sa toute petite fille si proche de sa déesse a pu aller s’amouracher de leurs ennemis ? Est-ce par désir de se rapprocher de ses origines aquatiques qu’elle…?
Elle cille et les larmes coulent, incapable d’encaisser plus longtemps.

- J’ai essayé, mais tu ne me dis rien. Iberis non plus ne m’a rien dit et juste mise devant le fait accompli…
J’aurais été prête à vous écouter, pourtant, à chaque instant.

Comme elle l’a fait pour Iris.

Alors, qu’était-elle censée faire à sa fille qui aime l’ennemi ? La laisser leur fournir, éventuellement, des informations sur le clan ? Ignorer son devoir d’Alpha ? Ignorer ses sentiments de mère et perdre un enfant de plus ?
Elle, ne pouvait pas se cacher derrière la brume : Sa souffrance, elle devait la porter.

- Je ne peux pas.

Je ne peux plus.
Perdre un enfant.
Trahir mon clan.

Elle se détourne, en larmes.

- Je suis désolée.

La brume la bloque.
Les mots l’encerclent.

Les oreilles plaquées sur l’arrière du crâne, elle n’a d’autres choix que d’encaisser, encore, cette pluie acide. Tout ce qu’interprète Nirvana, c’est si loin de ce qu’elle ressent.
Comment peut-elle être une si mauvaise mère ?
Elle tourne la tête vers sa fille.

- Je ne t’ai jamais vue comme un monstre. Je t’aime, ma fille.
Prend soin de toi, et de tes frères.

Il n’y a rien d’autre qu’elle puisse dire, ni faire, pas de punition qu’elle puisse accorder.
Plus de bonheur auquel elle puisse croire.

Sur ces mots, l’Alpha disparaît.