It's me. It's you. It's us — Nael

Nirvana réajusta le coquillage sur le cape de Chay, qui avait tenu à l’accompagner lors de sa sortie. Rien de très intéressant pour l’ailé, qui n’avait pas encore choisi de glowstick préférant s’occuper à chasser. Doucement, la sirène lui toucha l’épaule, laissant son frère adoptif prendre congé.
Nul besoin de protection.
Que ce soit aux côtés de Dairo.
Ou de Nael.
La prêtresse se recueille auprès de sa déesse, un moment, avant de quitter le temple, entamant le chemin de la lagune. Le soleil commençait à descendre. La louvette s’approcha de l’eau, sans pour autant y plonger, ne se sentant pas la force de prendre forme marine aujourd’hui. Seulement ses pattes, qui se recouvrent d’écailles, masquant la brume qui s’en échappait. Les yeux pâles aperçoivent Sulfure, l’observent un instant, alors qu’elle remonte jusqu’à leur lieu habituel de rendez-vous.
Ce n’était pas possible de venir ici chaque jour.
Au risque que tout se sache.
La réaction d’Hollyhock continuait de la hanter.
Faisait naître toujours les mêmes angoisses.
La même culpabilité.

L’Etelkrus s’assit, ses coussinets venant effleurer la broche offerte par Dairo. Un présent pour la faire sortir de la Brume, pour faire taire l’inquiétude aussi.
Les questions étaient toujours nombreuses, quand Nirvana se retrouvait seule.
À défaut d’utiliser la Brume.

Sa patte est encore sur la broche quand se dessine la silhouette de Nael. Les yeux pâles le regardent s’avancer, attendent le dernier moment pour ne plus toucher la broche.
Le museau s’appuie contre celui du pirate au contact.
Quand il s’allonge à ses côtés, la prêtresse appuie son épaule contre celle du loup vert.

« — Je vais bien. »

Un sourire.
La Broche. Ta présence.
Ça suffit à faire taire les pensées.
Quand au reste. Nael n’avait pas besoin de tout savoir, à quel point la Brume l’avait affaibli. Ces problèmes là, Nirvana préférait les garder pour elle, trop déjà s’en souciaient.

« — … et toi ? »

C’était un peu étrange, ce genre de discussion banale entre eux.
Peut-être la première fois.

Nirvana écoute, attentive. Avait-il plus de travail à faire depuis que son capitaine les avait découvert sur la plage ? Pourtant, il n’en semble pas attristé. Les griffes de la louvette s’enfoncent dans le sol.
Il aime apprendre de nouvelle choses.
À ses côtés, la disciple de Dairo se plaît à admirer les étoiles qui apparaissent progressivement. À sentir le contact de Nael contre elle, rassurant. Un instant de silence… une question.

« — Je- »

Un silence, alors qu’il y a un flot de questions dans son esprit.
D’hésitation.
Crainte aussi.
Si je ne réponds pas ce que tu attends ? Est-ce que je te perdrais ?
Est-ce que ça te blessera ?
Qu’est-ce que tu veux ?
Nirvana se tend, alors qu’elle sent son coeur battre la chamade. La peur qui monte. Elle revoyait dans son esprit, la solitude noyée auprès de Dairo. La douleur, le chagrin, derrière un masque.
Son reflet, dans la fontaine quand elle avala la brume.
L’indifférence complète.
Son seul échappatoire pour ne plus souffrir.
Je ne veux pas te perdre.
En transe, elle a levé l’une de ses pattes, la brume qui s’en échappe se reflète dans ses yeux pâles. Pourquoi toutes ces émotions étaient-ils si difficiles à gérer ? Arrivaient d’un coup sans qu’elle ne puisse les filtrer ? La prêtresse sent encore le contact de Nael contre son épaule, lui permet d’échapper à son esprit. Un battement de cils, alors que rapidement elle referme sa patte, essayant de cacher la brume.
Un froncement de sourcils, les yeux humides se portent vers l’océan.

« — … Nael… »

…

« — … qu’est-ce que tu veux ? »

Un peu d'inquiétude dans sa voix.
Qu’attends-tu de tout cela ? Pourquoi vouloir mettre un nom ?
Pourquoi est-ce encore à moi d'apporter une réponse ?

Nirvana essaye de calmer ses angoisses, se focalise sur le contact du pirate. Laisse échapper un soupir, en essayant de se calmer. Nael se confond en excuses.
Ce n’est pas ta faute.
L’Etelkrus tourna lentement son museau, approchant son museau de celui de son amant.

« — … toi »

De ses cheveux, elle ôte un coquillage, laissant sa patte remonter progressivement de la joue du pirate, jusqu’à l’accrocher dans les mèches blondes.

« — … c’est toi que je veux.
Nous sommes ce que tu voudras. »

Ami. Couple.
Ce que tu veux.
Je t’aimerai de toutes les façons.
Autant que le temps le lui permettrait.
Jusqu’à ce que le dragon décide de son sort. Les Etelkrus. Dairo. La Brume. Tout ce qui pourrait ou non impacter son existence.

Pourquoi son bonheur, obsédait tous les autres ? Qu’est-ce que cela pouvait bien leur apporter ?
Tout ceux qui prétendaient s’en soucier, m’ont abandonné.
Certains reviennent.
Certains partent à jamais.
Seule Dairo restera.

Cela faisait partie de la part d’ombre de Nirvana, cette crainte de l’abandon, de la solitude. La possibilité, d’être une fois encore uniquement rattachée à sa déesse. Une finalité, que la Brume l’avait aidé à accepter la dernière fois. Peut-être étais-ce une erreur de l’abandonner complètement ?
Sans ça, aurais-tu survécu Maman ?
J’aurais fini par m’entendre avec Iris.
Toutes ces possibilités, lui donnent mal au crâne, accentue les migraines habituels. Nael exprime ses crainte. La sirène, reste le front appuyé contre celui du pirate.
Je n’ai pas peur de toi, Nael.
… mais si je te dis tout…
Comprendras-tu ?

« — As-tu peur ? »

Crains-tu que la fleur pourrie que je suis, t’abîme ?
Je ne veux pas que tu aies peur.
Je ne te pourrirai pas.
Les pattes de l’Etelkrus touchèrent les perles composant le collier

« — Je ne veux pas qu’on s’inquiète pour moi. C’est dangereux.
Parfois, ce qui est dans l’obscurité, ne doit pas affronter la lumière.
…
Et je ne veux pas que la lumière à tes côtés devienne obscurité. »

La disciple de Dairo posa ses pattes sur les joues de Nael.

« — Alors, arrêtes de te faire du soucis, d’accord ?
Je t’aime. »

Effleure son museau du sien.

Nirvana se laisse entraîner par Nael, pose son museau sur son buste. Profites du silence, cherche à taire les craintes de son esprit. Les paupières à moitié clauses, ses griffes jouent avec les perles du collier du pirate.
Ceux qui se sont inquiétés…
Ce n’est pas bon pour eux.

« — … Nael… »

Un murmure, quand lui continue de parler.
Un soupir, quand elle essaye de caler ses battements de cœur sur les siens,
Nael…
Nirvana ne veut pas parler de ses ombres et lumières, quand d’autres sujets la préoccupent. Sans croiser son regard, elle reprend la parole.

« — J’attends des petits. »

Existe-t-il une bonne manière de le dire ?

Par-delà les symptômes de la brume, Nirvana en avait détecté de nouveaux. Faisait attention à son traitement, en retirer parfois quelques plantes, diminuait la quantité.
Lui n’accepte que la nouvelle.
Avant de lui poser une question.
Devenir mère. Non, Nirvana n’y avait pas songé, pas depuis sa discussions avec Iberis. Ce n’était pas forcément un but recherché. Pour autant…
Je les aimerai.
Je pense que j’en suis capable.
Il y l’image d’Holly de sa mère. La crainte, de pourrir ces vies innocentes. Que la Brume les corrompe.
Que je vous pourrisse.
La sirène se redressa, s’éloignant de quelques centimètres. Nael ne trouvait rien de toute évidence rien à dire, ne s’y était pas attendu.

« — Je n’y avais pas songé auparavant. »

… maintenant…

« — … c’est… étrange. » Un sourire pensif qui étire ses babines. « … de se dire que de petites vies grandissent… »

Juste ici.
Elle pose une patte sur son ventre.
De petits Etelkrus.
La louve reposa sa patte au sol. Comment justifierait-elle tout ceci ? Auprès d’Iris… des autres ?
Encore des problèmes qui s’ajoutaient à sa liste.

Être père à ses côtés. N’étais-ce pas encore… si tôt d’employer ces termes ? De se projeter ? Tout ceci serait si compliqué. Une famille jamais normale, de par la séparation de deux clans.
La prêtresse l’écouta, vouloir aménager un endroit ici. Ne sait pas trop quoi répondre. Bien sûr, les enfants devaient connaître leur père…
Mais…
L’image du dragon qui plane dans son esprit.
Le combat contre ses propres monstres.

« — Je ne veux pas aller trop vite. C’est encore trop tôt. »

Trop tôt pour parler de l’avenir. Quand le présent était déjà bien compliquée.

« — J’aimerais… que cela reste secret encore un peu. »

Tant que personne ne se pose de question.
Ne l’apprenne.
Je ne veux pas être contrainte dans mes taches.
Je ne veux pas qu’on m’interdise quoique ce soit.

Le coeur se serre un peu, en se sentant obligée de le couper ainsi dans son élan. Lui voulait déjà se projeter, imaginer une vie de famille.
Peut-être que sa famille lui, lui permet d’imaginer cela.
…
Quelle vision dois-je avoir de ma famille ?
Nirvana préfère ne pas se projeter, vivre chaque jour, sans penser au lendemain concernant ce ou ces enfants. À sa question, elle conserve le silence un moment. Voit l’image de Maps et son gamin, elle presque bannie, quand l’enfant aurait grandi Etelkrus si l’autre mère ne s’était pas imposée.
Une Etelkrus et une nakhus.
… comment cela se passerait pour une Etelkrus et un raeder ?
La prêtresse était prête à payer le prix, tant qui lui était permit de continuer de servir sa déesse. Dairo primait avant tout.

« — Ils ne leur feront rien. »

Certains fruits pourris Etelkrus, n’existent plus.
Certains…

À son contact, Nirvana enfouie son museau dans la peau verte. À la question, un long silence qui plane. La réponse lui paraissait évidente, ce début de grossesse ne changeait rien. La prêtresse avait des devoirs, envers sa déesse, ses disciples… envers son clan. Chaque présence aurait son importance, quand déjà ils ne pouvaient de toute évidence pas compter sur l’aide des Raeders.
Vous tournez le dos à vos alliés, nous obligeant à prendre les armes.
Je dois le faire.
Jamais, elle n’accepterait d’être mise de côté, à cause de… non.
Un soupir qui franchit ses babines.

« — Pour le moment, les Etelkrus n’ont pas encore bougé. C’est encore l’heure de la stratégie. »

Ce n’est ni oui un non.
Nirvana revoit la discussion avec Iberis.
Je ne veux pas te voir sur ce champ de bataille, Nael.
La discussion avec Ottar, qui lui prédisait sa mort.
Rien n’est inscrit dans le marbre.
Seuls les dieux décideront.
La sirène posa ses coussinets sur la joue du mâle, un sourire étirant ses babines.
Personne ne choisira pour moi.
Nirvana se recula, regagnant leur lit de fortune après avoir frôlé le pirate. Le sujet du dragon, serait un sujet délicat. Encore. Elle ne s’en sentait pas forcément la force de se disputer à ce sujet. Alors…

« — Comment va ta soeur ? Astrid. Cela n’a pas dû être facile pour elle… surtout si votre capitaine l’a appris.
Je pense que Désiré est quelqu’un de bien. Simplement un peu niais. »

Peut-être n’a-t-il pas mauvais fond…
L’Etelkrus s’assit, affichant une expression joyeuse. Nirvana devait toujours déposer des plantes à la louve noire, peut-être en trouverait le temps avant le dragon...

Un soupir qui franchit les babines de la sirène. Finalement, à cette discussion difficile, elle ne pourrait pas y couper. Comment lui faire comprendre ? Qu’elle n’est pas seulement Nirvana la prêtresse de Dairo… mais aussi une Etelkrus. Que c’était son devoir.
Les yeux pâles soutiennent les yeux jaunes.

« — J’y serais. »

En tant que panseur ou combattante.
En tant que négociatrice ou pour faire diversion.
J’endosserai le rôle que l’on attend de moi.

« — J’ai pris ma décision. Depuis bien longtemps. »

Avant que je ne vienne sur Morne-Oeil.
Une lueur de défi dans son regard, alors qu’elle se redresse.
Ne m’en empêches pas.
La Brume qui s'échappe de ses pattes. Nirvana se refusait de laisser les disciples de sa déesse seule sur le champ de bataille face au dragon. De voir ses idées, sa stratégie être potentiellement appliquées en son absence.
De voir ses frères être blessés en son absence.
Non.

Je vous protégerai Moustique et Puceron.

À la question, la réponse sonne comme une évidence dans l’esprit de la sirène. Sa présence là-bas, n’était même plus discutable, quand ses frères étaient prêts à verser leur sang.
Un sourire triste qui étire ses babines.

« — Parce que mes frères y vont.
J’ai tué leur mère.
Rien ne leur arrivera. »

Comment puis-je prétendre au rôle de mère, si je ne suis même pas capable de veiller sur Puceron et Moustique ?

« — Je ne peux pas rester à ne rien faire, quand les disciples de ma déesse se battent, eux aussi. »

Encore un qui s’y oppose.
Combin serez-vous au final ?
La sirène approcha son museau de celui de Nael, vient doucement l’effleurer, alors que l’une ses pattes se pose sur son poitrail. Les paupières sont à moitié-clauses. C’est presque un murmure qui s’échappe de sa gueule.

« — Tout ira bien. »

Cherchait-elle à s’en convaincre ?

Affaiblie.
Nirvana se revoit, des années auparavant, bridée par leur mère, par les adultes, qui sous-estimaient les gamins. Qui ne leur permettait pas de découvrir le monde, là-dehors, à cause des erreurs de plus idiots.
La disciple de Dairo ne réagit pas au contact, mais les mots… les mots eux, oui.
Je peux veiller sur eux.
Ce qui signifiait…

« — Non… »

Un mouvement de recul.

« — Non ! »

Le corps de sa mère au fond du ravin.
Les corps ensanglantés d’Iberis, venu par sa faute.
Celui d’Iris.
…
Nael.
Elle, en arrière, qui ne pouvait que les regarder.
La brume, pour seul refuge.
Une grimace, alors que son mal de tête se fait plus douloureux.

« — … comment peux-tu me demander, de n’être que spectatrice, quand vous, inexpérimentés au combat y allez ? »

Toi et Iberis.
C’est tout aussi dangereux en première ligne, qu’à l’arrière.
Le dragon vous balayera.
Nirvana secoua son museau, les yeux humides alors qu’elle passe à côté de son amant.

« — Je t’aime, mais personne, ne choisira pour moi. »

Seule ma déesse le peut.
Vous faites vos choix.
Laissez-moi faire les miens.
Cette rencontre l’aura fatiguée plus qu’autre chose. La prêtresse laisse échapper un soupir, entamant le chemin du retour, passant par la plage. Elle était lasse, de les entendre tous prendre part à ce combat, lasse qu’ils veuillent l’en empêcher.