Agnus Dei - Libre.

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₪ Agnus Dei ;

— (transl. Lamb of God). . . . . . . . 1- A liturgical prayer addressed to Christ as Savior ; 2- an image of a lamb often with a halo and a banner and cross used as a symbol of Christ.

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| Antidaté aux alentours de mi-mai. Avant la bataille du dragon. Apparence a à peu près 10 mois. |

Le quotidien à la Passe Ventue commence à dessiner les limites de son étroitesse.
Ils grandissent, leurs corps se font plus aptes et leurs esprits plus exigeants. Ils ne peuvent pas se contenter d'un canyon rocailleux toute leur vie, de voir le ciel depuis le même angle, de croiser le chemin des mêmes animaux et insectes. Et de si peu d'autres semblables. Qui pour se perdre dans les recoins inhospitaliers de la Passe ? Ce n'est pas pour rien que Joaquin y avait établi sa tanière depuis longtemps, après tout.
Mais Apparence a la sensation d'avoir déjà grandement exploité cet environnement et de nécessiter autre chose. Oh, elle s'est déjà retrouvée ailleurs en profitant des absences répétées de l'un ou de l'autre tuteur : elle sait que Cassius aussi. Mais elle veut pousser les choses plus loin.
L'adolescente n'en a pas vraiment conscience, mais du haut de sa première année qui approche, elle est relativement sous-développée par rapport aux expériences qu'un homologue de son âge aurait accumulé. Son environnement est reculé, ses interactions extérieures rares. sa sphère familiale restreinte et pour le moins... Particulière.
Alors même si son esprit tourne sans mal, que son corps fonctionne - malgré ses singularités - et qu'elle ne s'estime en rien diminuée, le besoin d'évoluer est inscrit en elle et s'impatiente. Il gratte depuis l'intérieur comme un animal en cage.
Alors quand ce matin-là se dessine une magnifique aurore dans un ciel dégagé et qu'il n'y a aucun regard sur elle ni aucune voix pour résonner dans le ravin, Apparence prend sa décision.

Cette fois, elle partirait plus loin qu'elle n'a jamais été. Et elle n'en tire ni joie ni appréhension - simplement une projection mentale de ce qu'elle pourra découvrir d'ici la fin de la journée. Et pour une fois, cette projection s'autorise à imaginer des paysages inédits.
L'adolescente ne réfléchit pas spécialement à où aller, ni à un but précis : le simple fait de partir, pour plusieurs jours, et de voir ce qu'il en ressortira est déjà à son goût un objectif bien suffisant et complet. Elle choisit donc un sentier qui s'élève en direction des montagnes et le foule d'un premier pas, puis de deux. Puis des innombrables suivants.
Pendant qu'elle marche et que défilent les heures, ses pensées explorent différents horizons et finissent par dériver vers ceux qu'elle quitte pour le moment.
Et elle constate qu'elle n'a pas besoin de se creuser la tête bien longtemps pour établir que son absence ne sera peut-être même pas remarquée, et qu'elle n'inquiétera personne.
Joaquin et Cassius penseront sûrement que Justice était venu la chercher sans un bruit, et qu'ils étaient repartis de leur côté pour une durée indéfinie avant que dans un cycle qui paraissait éternel, il ne finisse encore par la ramener à leur lieu de vie.
Justice, lui... Ne sera peut-être pas de retour pendant la durée de son escapade, aussi longue soit-elle. Et même s'il revenait pour constater son absence - elle est persuadée qu'il ne s'en émouvrait pas. Elle l'imagine plutôt être soulagé, même, et très bien s'accommoder de la laisser pour disparue ou morte.

Reste à savoir comment il l'expliquerait à son ami et à son fils.

En ce qui la concerne, cette préoccupation finit par bien vite s'évaporer : la jeune louve préfère se concentrer sur les paysages qu'elle découvre, sur les lieux dont elle foule le sol pour la première fois. Elle sait que ces vastes montagnes sont le domaine de son géniteur, que c'est là qu'il a quasiment toujours vécu et que c'est aussi ici qu'il disparaît pendant ses absences. Mais elles s'étendent sur une si grande distance, monts et sommets se côtoyant dans le bleu fondu de l'horizon, qu'Apparence sait qu'elle ne le croisera pas.
C'est toujours le hasard qui choisit sa route : parfois un peu son physique, quand elle fatigue et qu'il s'agit de favoriser un sentier plus doux à une route escarpée.
Voilà qu'elle aperçoit un bleu différent de celui du ciel, entre deux rochers en contrebas.
Ses yeux s'ouvrent un peu plus grand, et Apparence continue de s'approcher.

Elle ne connaît pas cet endroit, mais il fait écho à des fragments de souvenir. L'adolescente sait que l'un des clans dont on leur parle toujours le plus, les Etelkrus, comme Nyu, a des frontières communes avec les montagnes et qu'il faut toujours être très, très prudents et ne pas les dépasser. Ni se fier à un Etelkru.
Mais Apparence n'a aucune idée d'à quoi ressemble une frontière, ni de ce qui la concrétise, et elle ne ressent non plus aucune appréhension à l'idée de croiser un autre Etelkrus. Tout ce qu'elle voit, c'est une succession de paysages et que les montagnes commencent ici à devenir des falaises, fragments d'océan et de plage apparaissant de temps à autre.

Alors la solitaire continue d'avancer, les yeux dardant de toute part.

Nyu s’ennuyait. Malgré les mois qui passaient, son corps qui grandissait… l’ennui était toujours présent, ne faisait que se renforcer. Aurait-elle dû supplié un adulte de la prendre comme disciple ? Répondre aux désirs de Kiro en lui attrapant un monstre pour qu’il s’en serve de décoration ? Ces possibilités, n’enchantaient guère la jeune louve qui regrettait les chasses aux côtés de Dysis. La marque bouge sur son corps, jusqu’au museau.
Où est-elle notre amie chasseuse de monstres ?
Un sourire qui vient étirer les babines de l’Etelkrus. En attendant son retour, elle deviendrait plus forte, afin que nul ne monstre ne puisse lui résister. Les autres n’avaient pas voulu qu’elle vienne affronter le dragon… qu’importe. Les monstres étaient nombreux, attendant leur heure dans l’ombre. Nyu les traquerait, un par un.
Ceux qui se montrent.
Ceux qui se cachent.
Les Etelkrus, n’étaient qu’une étape. Que sa famille, que Reo restent ici si c’était là leur place. Nyu ferait ce pour quoi elle était destinée.
Chasser.

La marque continue de bouger sur son corps, libérant des étincelles. Les monstres? Ce n’est là qu’une amie d’un jour, venue de loin. Une rencontre qui fut amusante, Nyu ne les oubliait pas. La queue féline ondule, un sourire qui étire ses babines, dévoilant ses canines pointues.

« — Si tu avances encore, les autres n’apprécieront pas. »

Tu seras traité comme un monstre.
Un ronronnement qui s’échappe chez la louve.

« — C’est cool de te voir traîner par ici, Apparence ! »

Le son d'une voix connue l'interpelle et détache son regard de sa progression vers les falaises, tournant la tête pour chercher l'origine du son.
C'est une silhouette facile à reconnaître, même si quelques mois ont passé et qu'elle aussi a grandi : l'une de ses seules connaissances du monde extérieur à la Passe, et également la seule Etelkru qu'elle ait jamais vu en vrai. Et qui n'avait à priori rien de l'image dont on lui avait dit de se méfier. De toute façon, même face à des situations difficiles, c'est un autre de ses sentiments qui semble évident pour tous mais qu'elle ne comprend pas. Comme tout être vivant, elle ressent le besoin de ne pas se blesser par mégarde et elle fait attention à ne pas se tordre une patte ou se faire attraper par une plus grosse créature qu'elle quand elle peut l'éviter. Mais au-delà de ça ?
Apparence ne s'est jamais retrouvée face à une situation qui lui évoque cette méfiance dont ils parlent.

Les paroles de Nyu, en tout cas, semblent confirmer ce qui se dit de leur côté à eux de la frontière : solitaires et Etelkrus ne sont pas là pour s'apprécier, particulièrement quand le territoire entre en jeu. Elle sait que si un individu jugé comme une menace venait à poser patte trop près de leur tanière, Justice ou Joaquin - et même Cassius, en l'absence d'adultes - n'hésiterait pas longtemps avant de mener l'attaque.
Si elle aussi en arrive à traverser cette fameuse frontière qu'elle ne discerne toujours pas, alors elle serait également attaquée ? Même si elle n'est pas encore une grande louve, et qu'elle peint sur ses traits la candeur innocente qui lui sied si souvent à atteindre ses objectifs ?
Est-ce que Nyu deviendrait agressive, de ce côté-ci des Monts ?
Tout dans l'attitude qu'elle exprime pour le moment dit pourtant le contraire, avec ce sourire et ces paroles qu'elle associe à l'amitié et la bienveillance.

N'étant pas encore certaine de l'attitude que elle doit adopter, Apparence reste relativement neutre en déplaçant son corps de quelques pas vers l'amie pour lui faire face.

— Les autres ne veulent pas que je vienne, mais toi tu veux bien ?

C'est ce qu'elle comprend pour le moment du clivage entre les autres Etelkrus, et elle, Nyu la louve aventureuse.

Nyu s’assit, allongeant son cou, tandis que sa queue féline ondule sur le sol. À la question d’Apparence, un sourire qui étire ses babines, tandis qu’un petit éclair jaune parcourt son corps. Les frontières, ces histoires avec les solitaires… la jeune Etelkrus n’y avait jamais trop accordé d’importance. Seuls les monstres importaient dans ce monde, ça et la chasse.

« — Tu peux venir ! Un adulte me grondera si il nous croise, mais rien ne t’arrivera. »

Les Etelkrus avaient d’autres sources d’occupations ces derniers temps. Nyu se releva d’un coup, débordant d’énergie comme à son habitude.

« — C’est un peu ennuyant de ce côté, j’te préviens ! »

À moins de chasser… les terres Etlkrus étaient plutôt tranquilles… trop tranquilles mêmes. Nyu bondit sur un rocher, attendant qu’Apparence la rejoigne.
Que risquaient-elles après tout ?

Un nouveau sourire vient parer les babines de Nyu, et elle revoit naître sur son pelage les drôles de petits éclairs qui apparaissent parfois dessus. Elle est la seule créature sur laquelle a vu cette particularité, et Apparence se demande si comme une expression du visage, cela signifie quelque chose de particulier. Peut-être que ça accompagne le sourire, l'excitation ? En tout cas, elle a bientôt sa réponse. Elle peut venir, et traverser cette fameuse frontière invisible. Un adulte ne serait pas content envers Nyu, mais ne lui ferait rien, à elle.
Parce que c'est encore une enfant, sans doute ?
Dans tous les cas, Apparence s'approche pour suivre son amie Etelkru. Son expression est d'abord toujours aussi neutre - avant de se fendre d'un sourire à l'égard de l'autre adolescente, comme si elle vient soudain de se souvenir de quelque chose.
En la laissant passer, il semblerait que Nyu lui fasse une faveur : alors elle doit montrer de la gratitude.
Il lui semble bien que le sourire sert aussi à ça - à souvent accompagner un merci.

Alors qu'elle lui emboîte le pas et commence de nouveau à observer chaque recoin de paysage, cherchant à savoir ce que finalement il y avait de différent de ce côté des terres pour justifier d'y mettre une frontière, la clanique reprend la parole et Apparence dresse les oreilles.

— Pourquoi, ennuyant ?

L'ennui, elle connait aussi. De longues heures à simplement regarder les rochers être chauffés par un soleil accablant, se divertir seulement de la course des insectes et autres petits animaux qui cherchaient à fuir le canicule.
Certains n'y parvenaient pas.

Alors Apparence les mangeait ou gardait leurs cadavres.

Nyu admirait la liberté des solitaires. Pouvoir se balader partout, sans avoir de contrainte. Faut dire que ces derniers temps, la jeune louve avait adopté un comportement d’enfant sauvage, ne rentrant pas tous les soirs, s’absentant plusieurs jours pour rentrer avec quelques égratignures. Les chasseurs restant, ne disaient rien.
Qu’auraient-ils pu lui reprocher ?

« — Les adultes sont supers ennuyants. »

Un soupir.
Le mépris de certains adultes, l’ennuyaient. Certains n’étaient même pas dignes du titre de « chasseur » selon les critères Etelkrus.

« — … ils t’empêchent de chasser avec eux, en te pensant trop jeune. Déjà qu’il n’y a pas beaucoup de monstres ici… »

Cela rendait tout si calme. Nyu détestait cela, préférant l’agitation qui régnait en terres solitaires. Qui lui aurait refusé de participer au combat contre le dragon si elle n’avait appartenu à aucun clan ?
Le museau de la féline s’approche de celui d’Apparence.

« — Je ne pense pas rester ici… je veux chasser plein de monstres, rencontrer pleins de loups pour peut-être en faire des partenaires de chasse ! »

Même si ça voulait dire, laissé ici sa famille.
Ils comprendraient.

« — Et toi Apparence, qu’est-ce que tu veux faire ? »

D'après Nyu, ce sont les adultes qui sont ennuyants.
La jeune louve réfléchit, levant le nez en l'air. Est-ce que Justice et Joaquin sont ennuyants, eux aussi ? Ou bien il ne s'agit que des adultes Etelkrus ? Dans sa vie où l'ennui tient une grande place, il est finalement difficile d'établir un palmarès et de décider qui du paysage rocailleux de la Passe ou des deux loups qui la gardent sont le plus ennuyant. Mais la petite Etelkru reprend la parole pour étayer son propos, alors Apparence n'a qu'à rediriger son attention sur elle pour mieux comprendre.

Si pour elle c'est ça être ennuyant, alors Justice et Joaquin le sont sans doute aussi, puisque elle et Cassius doivent rester le plus souvent à l'abri. Oh, on leur fait apprendre aussi - ils grandissent, et il faut bien qu'un jour ou l'autre ils sachent se débrouiller. A leur âge, ils sont moins prompts de se faire mal et plus efficaces à imiter les choses d'adultes.
Mais ce n'est encore jamais pour les vraies chasses qu'elle se retrouve à participer : on la considère un peu trop fragile, elle croit. Elle ne sait pas si elle trouve cela ennuyant ou juste pratique, en revanche, et elle se désintéresse un peu du sujet. Parce qu'il y en a un autre que l'adolescente électrique a abordé, et qui l'intrigue beaucoup plus.
Les monstres.
Là encore, elle est presque sûre que les définitions de monstres différent. D'après les histoires de Joaquin, lui et son père avaient combattu de nombreux monstres sur ces terres - des créatures pas normales, parfois très bizarres et très vicieuses ; mais comme Joaquin n'est parfois pas loin non plus d'assimiler les Etelkrus à des monstres, Apparence n'est plus certaine de savoir à quoi ça correspond, elle qui n'en a jamais vu.

— Comment tu sais quand tu en trouves, un monstre ? Tu en as déjà tué ?

Leurs museaux se sont rapprochés et elle plonge son étrange regard dans les yeux jaune vif de la louve, qui ressortent même sous l' ombre de son chapeau.
Il y a une autre question, et à nouveau Apparence doit réfléchir.
Ce qu'elle veut faire, elle ? C'est une bonne question. Nyu parle beaucoup du long terme, des monstres qu'elle veut chasser tout au long de sa vie : Apparence, elle, manque énormément de repères pour s'imaginer ce que sera son existence au delà de simplement quitter la Passe.

— Je veux voir le monde dehors la tanière plus souvent. Découvrir d'autres terres et d'autres personnes.

Au final, pour dire cela, elle n'a pas besoin de beaucoup réfléchir ou de se demander ce qu'il faut dire pour s'adapter. C'est basique, mais c'est la vérité.

À la question, Nyu s’interrompt dans sa marche. Ah oui, certains ne devaient pas savoir ce que c’était un monstre… un sourire qui dévoile les canines de la féline.

« — Y’a sur une sorte de malédiction dans notre famille, celle des Chasseurs. Les monstres, notre marque de chasseur les sent, nous pousse à les les éliminer pour s’en nourrir. » Le serpent sur le corps de Nyu bouge. « Certains monstres sont plutôt banals, d’autres… biens plus intéressants. »

Avec pleins d’yeux.
Au final, leurs objectifs se ressemblaient un peu. Quand Nyu cherchait les monstres, Apparence elle, voulait rencontrer d’autres loups. Le museau à proximité du sol, la Chasseuse se redresse, tournant son museau vers la solitaire.

« — … tu voudras venir chasser avec moi un jour ? »

Dans un nouveau coin.

Une sorte de malédiction dans la famille.
Comme Nyu s'est interrompue dans sa marche pour lui délivrer ces paroles, Apparence réplique la même réaction et s'arrête aussi, les yeux vissés avec intensité sur le visage de la petite Etelkru qui parle de sa façon de trouver des monstres. Au même moment, la marque en forme de serpent bouge sur son corps et captive quelques secondes son attention - c'est donc ça, la marque de chasseur.
Celle qui lui permet de sentir et de traquer. Elle garde quelques temps les yeux braqués sur le serpent immatériel en pensant à sa propre situation, à ce qui n'est pas une malédiction mais au moins une tare, elle en est persuadée. C'est ce que sent Justice en la regardant sans avoir besoin de le mentionner.
Ce n'est pas de sa fille en tant que tel qu'il a peur : mais de ce qu'il y a en elle, à cause de lui. Son père, en revanche, souffre bien d'une malédiction venue d'ici, née sur ces terres - qui s'est peut-être en partie mélangé à elle, dans cette patte supplémentaire qui pend secrètement à son flanc, maintenue et dissimulée par ses tissus.
Une tare de plus.
Elle se demande si aux yeux de Nyu, Justice serait un monstre et si en le sentant sa marque lui demanderait de le chasser.

A priori ce n'est au moins pas son cas à elle, si l'Etelkru ne cherche pas à la dévorer : alors si c'est bien un monstre, c'est au moins quelque chose qu'il n'a pas transmis.
D'ailleurs, au contraire de la rejeter à cause de sa nature complexe... C'est même de la joindre pour une chasse, que Nyu propose.
Le regard d'Apparence revient s'ancrer dans le sien et ses oreilles pointent un peu plus droit.

— Je peux, oui.

Est-ce que chasser le monstre, c'est comme chasser un animal classique avec cette autre louve au pelage céleste rencontrée plus jeune ?
Les pensées continuent de défiler dans l'esprit d'Apparence, majoritairement orientées vers son père, et elle se penche un peu plus vers la jeune Etelkru en modulant sa voix sur un chuchotement bas, ses yeux bondissant de part et d'autres de leur position comme pour s'assurer que personne ne pourrait les entendre. C'est une confidence, comme les amis s'en font entre eux.

— Peut-être que je sais où trouver un monstre. Là où je vis.

Sa tête qui se recule, pour mieux guetter la réaction du coin de l’œil.
Je veux savoir si en revenant à la Passe, vous allez cette fois le sentir. Je veux savoir si pour ta marque de serpent, mon père est une abomination à tuer.

L’Etelkrus la trouve plutôt amusante, Apparence. Au moins semblait-elle plutôt intéressée par une partie de chasse, un point positif. Nyu se demandait par moment si les loups qui acceptaient le faisaient par réelle envie ou simple curiosité… ce n’était pas du simple gibier qu’elle leur proposait de chasser après tout, mais de véritables monstres, capable de les tuer.
Peut-être étais-ce le goût du risque qui les attirait. Nyu approcha son museau de celui d’Apparence, sans aucune gêne concernant la proximité.

« — Alors on s’fera ça ! Tu verras, ce sera super amusant. »

À la révélation, la louve ne peut cacher son intérêt. Un petit éclair dorée parcourt son corps. Alors comme ça, Apparence connaissait un monstre qui devait être traqué ?
Un sourire qui dévoile les canines pointues de la féline.

« — … tu veux que je le mange ce monstre ? »

Étrangement, certains s’attachaient aux monstres pour s’en faire des animaux de compagnie. Nyu ne comprenait pas cela… mais si ils muselaient leurs créatures de sorte à ce qu’ils ne représentent pas de danger… elle pouvait accepter de ne pas écouter la marque.
Difficilement.

Super amusant.
Beaucoup de choses semblent super amusantes, aux yeux de Nyu : elle est toujours gorgée de cette même énergie qu'elle avait déployé lors de sa venue à la Passe, à leur première rencontre. Le jeu de pirouettes avait lui aussi l'air d'être super amusant. Pour Apparence, ça ne veut toujours rien dire : mais ça représente un indice dénué d’ambiguïté qu'elle peut exploiter sans difficulté aucune pour adapter rapidement sa conduite.
Alors elle plisse un peu le coin des yeux, laisse s'étirer un sourire et bat lentement de la queue - elle partage l'enthousiasme de cette amie Etelkru, chasseuse de monstres, à l'idée de la joindre dans une future chasse.
Future chasse qui serait peut-être centrée autour de ces quelques mots chuchotés, de ce monstre qu'elle a avoué connaître. L'intérêt de Nyu est piqué - Apparence était certaine que ce serait le cas - et elle s'empare aussitôt du sujet. Les yeux de la solitaire dérivent un instant sur le corps de la louve fauve, parcouru de cette marque étrange qui s'est mise en mouvement aussitôt l'éclat de convoitise passé dans le regard électrique de l'Etelkru.

Apparence fait mine de réfléchir, fronce légèrement les sourcils sur une expression soucieuse.

— Je ne sais pas si tu peux. Il est très fort. Et pas tout seul.

Elle s'est arrêtée dans sa marche et garde les oreilles tournées vers Nyu, le regard interrogateur.

A quel point t'estimes-tu puissante, chasseuse ?

Nyu n’avait pas encore essuyé de défaite face aux monstres. Ce n’est pour autant qu’elle ferait la bêtise de sous estimer son adversaire. Les monstres sont cruels et vicieux. Un monstre pas tout seul. Le chef d’une horde ? Nyu pencha son museau sur le coté pensive. Tant qu’elle ne l’aurait pas vu ou obtenu plus d’informations concernant ce monstre, il lui serait difficile d’évaluer quelle menace il représente réellement.

« — À deux j’imagine que nous pouvons y arriver. Sauf si tu ne t’en sens pas capable. »

Les yeux dorés fixent Apparence.
C’est presque du défi.
Un frémissement de babines, avant que Nyu ne reprenne la marche.

« — On peut toujours proposer à Cassius de venir avec nous, si ton monstre est si fort que ça, un loup en plus ne serait pas de trop. »

Après tout, Nyu n’a jamais pu évalué la force d’Apparence, ne sait pas vraiment ce qu’il y a, derrière ses étranges jeux.

Sa remarque plonge l'Etelkru dans la réflexion, comme si elle se devait de jauger si oui ou non, cette chasse serait une bonne idée. Apparence reste concentrée sur elle et ses expressions, absorbée non par passion, mais par la nécessité que de mener à bien son observation de l'autre - de voir et comprendre chaque étape.
Ce ne sont pas beaucoup d'informations qu'elle lui livre là, en prévenant simplement que le monstre est fort et ne serait pas simple à abattre : ça semble néanmoins suffisant à Nyu pour conclure, quelques secondes plus tard, que c'est néanmoins faisable. C'est une louve sûre d'elle. Et glissée dans sa phrase, une remarque qu'Apparence sait capable de piquer l'égo des loups... Quand ils en possèdent un.
En ce qui la concerne et de la même manière que les insultes coulent sur elle sans qu'elle n'y accorde plus d'attention qu'une goutte de pluie, la tentative de la mettre au défi ne provoque pas plus d'émotions.
Reste à décider si elle veut en créer une, de réaction ou d'émotion.
Mais avant qu'elle ne puisse délibérer avec elle-même, Cassius se retrouve mentionné - convié à cette chasse aux monstres.

Mais lui, il ne voudrait jamais s'attaquer à ce monstre en particulier.

Apparence emboîte le pas de la petite Etelkru qui s'est remise en route. Le nez en l'air, elle exagère sur ses traits un froncement de sourcils et un museau plissé pour trahir sa réflexion. Elle est plongée dans ses pensées, encore hésitante sur le chemin qu'elle veut écrire pour la suite.

— Cassius a peur de ce monstre. Il le connait aussi.

Voilà comment l'éloigner, alors que la louve approche sa tête de celle de Nyu pour chuchoter d'un air un peu grave, faisant mine que le sujet est très sérieux.

— Mais il ne faut pas dire que tu sais, pas lui en parler. Il a honte.

Honte, oui. Cassius aurait honte, d'avoir peur de quelque chose et de ne vouloir affronter un monstre.
Que dirait-il à Joaquin, ensuite ?

— Moi je te mènerai au monstre, si tu veux. Mais je suis pas forte.

Elle marque une hésitation, chasse du regard à droite et à gauche avant de revenir faire face aux yeux jaunes, un air qu'elle veut espiègle et déterminé se peignant sur ses traits.

— Tu me montres comment me battre, avant ?

A son tour de dessiner sur ses lèvres un sourire de défi, copié et emprunté à cette expression qu'elle aura vu chez l'amie.

Cassius a peur. Cette information aurait peut-être dû faire tilt dans l'esprit de la chasseuse. Quel genre de monstre pouvait réellement effrayer Cassius ? Une réflexion qui laisse Nyu un peu perplexe, parce que son ami lui paraît à la fois si fort et si effrayé. Le monstre qu'on lui proposait d'éliminer, avait-il causé du mal d'une quelconque manière à ses amis ?
Nyu ne comprend pas la peur qu'ont certains des monstres.
... mais elle préférait le savoir, car au dernier moment c'était trop tard. Ceux qui ont peur ne doivent pas être sur le champ de bataille, car ils seraient les premiers dévorés.
Et leur peur, une distraction pour le chasseur.

« — Admettre qu'un monstre nous fait peur, c'est déjà lui accorder la victoire. »

Les chasseurs n'ont pas été créés pour avoir peur des monstres.
C'est probablement pour cela, que la vie de certains s'avérait bien courte.
A la demande d'Apparence de lui apprendre à se battre, la louve hésite. Amener quelqu'un d'expérimenté face à un monstre qui selon les dires de la louve serait dangereux... n'était pas judicieux. L'expression de Nyu est un peu plus sérieuse, alors qu'elle approche son museau de celui de la solitaire.

« — Ce monstre, te fait-il peur ? »

Peux-tu vraiment aspiré à le combattre ?

Ses mots ont l'air de frapper juste, et Nyu assène ce qui est sans doute une vérité dans son monde de chasseuse de monstre. Et Apparence de hocher la tête en silence, de quelques lents mouvements et le regard pensif, comme si cette affirmation trouvait en elle une résonance particulière - comme si c'était le genre de phrase qu'elle enregistrait pour la ressortir à Cassius et l'aider à surmonter sa difficulté, aussi.
Ce qui compte vraiment, c'est que Nyu prend donc très au sérieux la peur de son presque frère. Elle ne risquerait pas que soit compromise la chasse par sa présence.
Mais voilà que se retourne sur elle l'attention de Nyu, de ce museau qui se rapproche du sien et dans ces yeux jaunes qui lui paraissent plus sérieux que d'habitude.

Est-ce qu'elle, elle en a peur ?

...
Il a plus peur de moi que je n'aie peur de lui.

C'est la première réponse qui lui vient - un fait, mais Apparence sait que ça ne conviendra pas. Ça ne fait pas de sens pour quiconque d'autre qu'elle et Justice, Nyu ne comprendrait pas ce qu'elle veut dire : elle poserait des questions, trop de questions.
Il lui faut une réaction plus plausible.
Alors l'adolescente marque une courte halte dans sa marche, a un très léger mouvement de recul et passe une langue hésitante sur ses lèvres avant de répondre.

— ... Un peu. Mais parce que je suis pas forte.

Elle n'a même pas tout à fait terminé sa croissance, et elle est née plus faible que la plupart. Sans technique, sans apprentissage, elle ne vaudrait rien face à n'importe quel monstre - même en étant aidée par son absence de peur.

— Mais si tu montres comment me battre, avant de voir le monstre, j'aurai plus peur.

Ses yeux perçant viennent se figer dans ceux de l'Etelkru.
Elle l'a déjà dit, mais peut-être ne s'est-elle pas fait comprendre.
Alors elle répète, elle insiste.