Rendre hommage à nos Disparus [Libre]

Un dernier au revoir.

La croque-mort en avait l'habitude, car c'était elle qui orchestrait la suite des choses. Entre les pleurs, le choc, le déni et la colère, Uma était là, s'occupant du corps éteint - la preuve que l'âme avait passé à autre chose. Elle recueillait des informations sur le défunt, s'assurant de le mettre au repos de la façon la plus respectueuse possible. De là, son travail morbide, bien qu'important, commençait. Seule avec l'enveloppe d'un loup qu'elle connaissait parfois, ou qu'elle n'avait jamais vu, elle travaillait en silence, s'assurant que l'être était le plus présentable possible, dans un long sommeil. Certains ne voulaient pas les voir, étaient satisfaits de la simple pierre tombale avec leur nom, mais d'autres voulaient jeter un dernier regard, et se dire que le loup décédé était à présent en paix.

Elle récitait des mots, venant d'un texte qu'on lui avait donné ou qu'elle avait confectionné elle-même, n'improvisant jamais. Elle se devait d'être parfaite, de ne pas montrer une hésitation, d'arriver à la hauteur d'une vie entière qui venait de s'éteindre. Autant aimait elle son rôle, autant que le stresse d'organiser tout cela était un cauchemar. Un perfectionnisme et une rigueur qui ne faisait que s'agraver avec le temps, mais jamais se pardonnerait elle de livrer autre chose que le meilleur service qui soit.

Aujourd'hui, c'était un de ses plus grand défi. Son cimetière allait être occupé - autant de vivants que de morts, pour une vague de décès qui avaient touchée sa famille clanique. Elle avait été reconnaissance de l'aide que Stendhal lui avait offert, et comprenait bien pourquoi il était autant investi. Sa mère, feu Kerguelen, faisait partie des loups à présent morts. Une louve d'une douceur, dont Uma avait eu la chance de connaître, et qu'elle avait admiré. Elle se souvenait comme si c'était hier de sa visite au cimetière, étant présente pour les funérailles de Lewis. Aujourd'hui, c'était son tour.

Finissant de retoucher son mascara, la croque-mort s'extirpa en silence de sa tanière, situé au fond du cimetière. Elle alla en arrière de son abri, vérifiant encore une fois avant de s'en aller trop loin l'endroit temporaire où elle posait les cercueils si tous était à leur place - comme s'ils allaient s'enfuir, puis elle s'approcha du lieu de la cérémonie. Une petite bande y était déjà formée, tous là plus tôt que prévu. Elle n'était pas surprise, loin de là, mais une partie d'elle voulait retourner dans sa maison, et que la journée soit terminée.

« Oh... bienvenue, tous. Merci de votre... ponctualité. », dit-elle d'une petite voix.

Elle siffla, appelant sa chouette, ne pouvant continuer sans elle. Elle en profitant pour saluer tout le monde en silence, tentant d'instaurer une douceur en cette journée triste.

« Aujourd'hui sera, comme vous le savez, exceptionnellement une grande cérémonie, mais je reste... disponible pour les recueillements plus intimes. », continua t-elle.

Elle grimaça un peu, regrettant son impatience de vouloir parler, la malédiction de Moiro empoisonnant ses dires. Heureusement, sa chouette arriva, se posant sur son épaule. Puis prit la parole pour sa maitresse.

« Sachez que vos demandes ont toutes été respectés. », fit la chouette.

La croque-mort hocha la tête, regardant le sol.

Un message était parvenu jusqu'à elle.
Une invitation. Celle de rendre hommage aux disparus, particulièrement à tous les Nakhus décédés récemment - contre le Dragon ou non. A la fin de la bataille, elle avait déjà transmis à Stendhal ses sincères condoléances - et manifesté son envie d'être présente si une cérémonie était donnée en leur honneur. Il était évident qu'elle s'y rendrait alors. Pas seulement pour Kerguelen, mais aussi pour les autres noms. Il y en avait deux autres, en particulier, qu'il lui avait été donné de connaître : Prudence et Noé.
L'Alpha s'était alors mise en route pour les terres Nakhus, comme quelques jours auparavant - mais cette fois, ce n'était pas pour faire la guerre. Son cœur était lourd néanmoins, mais portait un poids différent. Il n'était plus l'heure de la peur de mourir, et surtout de voir d'autres ne pas revenir ; mais de dédier l'intégralité de leurs pensées à ceux qui avaient bel et bien disparus après une vie passée dans le partage.

Lorsqu'elle arriva près du cimetière, elle sentit quelques présences déjà rassemblées. D'un pas qu'elle s'appliqua à garder silencieux pour ne pas perturber la cérémonie dont elle entendait déjà quelques paroles, l'Alpha Etelkrus se tint à une distance respectueuse des Nakhus rassemblés dans un cercle plus intime. Elle reconnaissait là quelques têtes, mais son attention se porta sur les mots prononcés.
A ses pattes, elle posa la sacoche dans laquelle reposaient plusieurs bouquets qu'elle avait constitué à la mémoire des disparus, aidée par quelques camarades de meute qui avaient plus de connaissances qu'elle sur les significations des fleurs. Mais elle attendrait que soit achevée la cérémonie pour s'avancer et les offrir.

En attendant, elle resta légèrement en retrait, saluant d'un sourire doux tout regard qui viendrait à sa rencontre.

Alors que Stendhal s'approcha pour poser son familier sur le sien, Uma garda son souffle.

Elle espérait que sa chouette allait bien le prendre, et ne pas faire une scène. En même temps, la louve ne voulait pas être à sa place, mais cela ne changeait pas le fait qu'il fallait accommoder le fils de Kerguelen. Le piaf gonfla ses plumes, et Uma fit signe à son oiseau de s'approcher de son visage, et de faire de son mieux. Ils avaient un devoir à faire à présent.

Regardant le rassemblement d'invités qui ne cessait de grandir, elle se raclât la gorge - un réflexe, avant de chuchoter son texte à la chouette. Elle lui indiqua de parler fort, et clairement.

« Nous nous rassemblons aujourd'hui pour rendre hommage à ceux que nous avons perdus dans cette tragédie dévastatrice. Leurs vies, bien que trop courtes, ont laissé une empreinte indélébile dans nos cœurs et nos souvenirs. Chacun d'eux a apporté une lumière unique à ce monde, une lumière qui continuera de briller à travers les récits et les souvenirs que nous partageons aujourd'hui.

Nous nous souvenons de leurs sourires, de leurs rires et de leur amour. Leurs contributions à nos vies et à nos communautés ne seront jamais oubliées. Qu'il s'agisse de membres de la famille, d'amis chers, de collègues ou de voisins, chacun a joué un rôle précieux dans nos vies et laisse derrière lui un vide profond. »

Le rythme était un peu lent, parfois avec quelques pauses. Cela en faisait beaucoup à répéter, mais tout autant à recevoir de la part du public. Uma garda la tête haute, sérieuse et appliquée. Elle ferma les yeux, respirant l'air que la mer apportait, ne voulant pas laisser les émotions l'emporter. Elle allait pouvoir vivre son deuil une autre fois, loin des yeux des autres. Pour aujourd'hui, elle devait être la figure stable, la fondation des nakhus et des proches.

« En ces moments sombres, nous puisons dans notre unité et notre soutien mutuel pour trouver du réconfort et de la force. Nous nous rappelons que nous ne sommes pas seuls dans notre chagrin, que nous sommes entourés d'amour et de compassion. Ensemble, nous surmonterons cette épreuve, en nous accrochant aux souvenirs précieux et au lien indéfectible qui nous lie à ceux que nous avons perdus. »

Ses yeux bicolores scannèrent la totalité des loups présents, leur envoyant en silence du courage et toute son affection.

« Aujourd'hui, nous honorons leur mémoire en nous engageant à vivre nos vies avec compassion, gentillesse et générosité, en perpétuant l'héritage qu'ils nous ont laissé. Leur lumière continue de briller en nous, et nous les porterons toujours dans nos cœurs, où qu'ils soient. Que leur souvenir soit une bénédiction et une inspiration pour nous tous alors que nous avançons dans l'avenir, en gardant vivante leur mémoire et leur impact sur nos vies. »

Le silence plana, interrompue par moment le croassement des corneilles qui sentaient qu'il y avait trop de monde sur leur territoire.

« Merci. », dit-elle simplement, afin de mettre fin à son discours.

Il restait à mettre les corps sous terre, les pierres tombales terminées. Elle avait travaillé jour et nuit afin que chacune d'elles soient prêtes pour l'enterrement. Plusieurs loups avaient proposé leur aide, et Uma avait accepté sans retenu.

Sans mots, les équipes se mirent au travail, Uma dirigeant cette danse macabre avec le moins de mots possibles, voulant laisser les invités se recueillir.