Les bêtises | ft. Liam

Encore une fois, tu avais trainé ton frère dans une course vers nul part, vous aviez chassé une libellule, mais gauches que vous êtes, la bestiole avait eu le temps de s'enfuir. De toute façon, toi, à part faire tout droit et écouter la provenance des sons, tu ne pouvais pas faire beaucoup plus.
C'était malheureux, et parfois ça te rendait triste de ne pas être comme les autres. Quoi que des lunettes t'auraient sûrement agacé plus qu'autre chose.

- T'fais trop d'bruit.

Et ton derrière se pose lourdement sur le sol. En ce moment, tu sentais la crise de pré-ado arriver, tout t'agaçait, les parents, tes frères et soeur, tu avais envie d'être seul, manger n'importe quoi, te défouler. Tu avais toujours raison, et tu tenais tête à ceux qui n'étaient pas d'accords.
Ce n'était que des imbéciles.

Tu fronces les sourcils.

- Il y a quoi autour ?

Pour toi, tu ne vois que des ombres grises, parfois vertes, et les reflets rouges de Liam. Ton seul point de repère même si tu ne veux pas l'avouer.

Un silence passe, Maël en profite pour écouter les alentours. La respiration de son frère, le vent qui sifflait dans ses oreilles, le bruit de roche qui glissait sur le sol. Sa tête se redresse et ses grands yeux désormais bientôt totalement blancs s'ouvrent en encore plus grands. Un craquement d'os du côté de Liam. Il devait encore s'étirer. Son regard se pose sur lui.

Et l'avantage de Liam, c'était la romance. Il décrivait les choses si bien, il parlait si bien que l'aveugle comprenait et suivait du regard le descriptif des alentours. L'iode, le pâle, la taille des objets. Il voyait clair.

A la mention de l'arbuste, il s'étonne. Ah ! Il ne l'avait pas ressenti, lui. Alors, il se frustre un peu, comme un sentiment d'échec. Instrinctivement, il s'approche un peu de cette masse grisâtre pendant que Liam termine sa tirade, pas un bruit, précautionneux sur le son de ses griffes sur le sol. Et oui, en s'approchant, remarque cette masse un peu verte qu'il voyait plus sombre depuis sa position initale.

Tu veux savoir autre chose ?

Il se retourne, ne voit plus Liam. Juste un point noir parmis d'autres. Ses sourcils se froncent.

- Non. Ca ira.

L'hybride regarde à gauche, puis à droite, puis re-à gauche. C'était plus clair là-bas. D'un pas tout de même assuré, il rouvre la voie, et le chemin blanc commence à se teinter de nouvelles couleurs. Du jaune, du vert de nouveau. La météo clémente offrait aux plantes tout ce odnt elles avaient besoin pour bien prospérer. De nouvelles odeurs, du pin il semblerait, puis une effluve moins élégante, ferreuse, fait frémir les vibrisses de Maël.

Il suit la piste jusqu'à tomber sur un bouquetin déjà bien entamé, mais pas encore au stade de putréfaction. C'était encore récent.

- T'as faim ?

Un sourire idiot sur le visage. Une autre pensée, plus instinctive.

- Va falloir être prudent, p'tet que son assassin est encore dans l'coin !

Sans grande surprise, Liam s'affole, parle fort, appelle l'ennemi. Un coup de stress te fait frissonner de façon désagréable, tes sens encore plus en alerte, surtout tes oreilles, ton nez, méfiant de tout ce qui pouvait venir contre vous. Tes dents se serrent, énervé, tu aurais tant voulu sauter sur le dos de ton idiot de frère pour le faire taire ! Mais il hurlerait encore plus comme un goret.

Alors même si t'es pas bien futfut, tu t'y tiens, et tu le laisses faire l'imbécile.
Non, tu n'as pas peur.
Mais oeil pour oeil, dent pour dent. Ta peau avant la sienne.

Avant même d'avoir le temps de répliquer, voilà ton frangin encore galopant vers quelque chose, tu l'entends prendre ... du bois ? et te le confirme, truc en gueule, décryptant qu'il faille que tu sentes. Alors tu t'y prêtes au jeu, immédiatement tu sens le bois, oui ! Mais le bois brûlé, froid, le bois qui avait été incendié il y a un moment déjà.

- ... C'est un vieux feu de bois. Au moins deux jours.

Un autre truc t'interpelle.

- Il y a aussi un truc, genre une bestiole qui a cramé dessus, non ?

Le cuir brûlé, ça puait. Bien plus que la charogne de tout à l'heure. Tu humes encore une fois, et tu te laisses guider par l'odeur similaire non bien loin. Un gros tas de bois, un feu géant ? Une cabane en bois qui avait brûlé ? Et si c'était SA cabane ???
Non, impossible.

- Mmmmhmhmh.

C'était confus.

- J'pense qu'on y a mis le feu volontairement, un camp d'un chasseur qui aurait été brûlé pour cacher ses traces !

Papa racontait des histoires comme ça, parfois !!

Tu entends et sens encore de grands gestes non bien loin. Puis une nouvelle tirade plus détaillée de ce qui avait été trouvé, c'était un peu glauque -ça t'arrache une grimace- et tu aurais préféré ne pas avoir autant d'informations. Et là tu remerciais un dieu quelconque de t'avoir rendu aveugle pour t'épargner ce genre de barbarie.

Et tu l'écoutes encore, quoi qu'intrigué par ce point de vue qui t'avait un peu échappé. Ne pas laisser de traces pour éloigner un prédateur ! Tu te vois pris un peu de court.

- On devrait pas rester là alors.

Et avec un signe de tête, tu invites ton frère à te suivre tant bien que mal, pas perdu mais sans certitude du chemin emprunté. Du flou partout, mais tu distingues bien les arbres massifs devant toi des rochers à raz du sol et des sentiers déjà battus. Ton coeur d'aventurier bat si fort !

Tu acceptes l'aide de ton frère, ses sens étaient bien meilleurs que les tiens après tout ! Quoi que, tu sens la terre trembler, crier colère. Puis, des sons, tu entends une chute, des galops effreinés qui venaient vers ... vous ? Oh shit. Tu sens un poil de proie passer près de toi, trop près même en manquant de t'écraser le bout des pattes ; Ton frère se la joue héroïque, mais tu entends un fracas, une voix qui se casse et se tait.

- LIAM !!!

Et une fois la cohue passée, tu cherches avec ta truffe où était passé ce frangin courageux. C'était sans doute le plus simple, aidé par les odeurs autour des herbivores en colère.

- Liam, rien d'cassé ?

Mais tu sens un regard, une menace non loin. Tu te concentres un peu, et voit cette ombre brune ronflante à quelques mètres. A ton tour de défendre l'honneur de la famille, te dresser devant la bête enragée ! Toujours droit debout devant ton frère, tu attends, grognes, te rend plus menaçant que le monstre afin de l'intimider.