Mépris - Sajda

Sajda

Image par Aeva

Mépris

Ceux qui nous entourent ne me rassurent pas vraiment plus que les porteurs de lumière.
Ils semblent faire appel à d’autres entités dont j’ignore la nature : Sont-elles aussi instables que celle qui reprit la vie de notre mère ?
Je suis persuadée que nous ne devrions nous lier à aucune engeance surnaturelle, soit-elle encensée par la plupart des loups, ou gardée secrète.
Nous ne pouvons véritablement compter que sur nous même, mon cher frère.

Qu’elle à hâte, Nour, de quitter ce terrible endroit pour regagner son Atoll natal.
Il lui faut, cependant, faire preuve d’encore un peu de patience : Elle ne peut pas encore s’occuper de Sajda seule, pas étant donné sa condition, ce qui rend la présence de cet entourage étrange obligatoire.
Peu importe, il est son trésor et les autres n’ont d’importance que par les moyens qu’ils mettent à disposition pour leur survie.

Mère aimait ce genre de personnes.
Nour, derrière ses sourires polis, les méprise.

Leur matriarche est absente, ce matin là, ainsi en profite t-elle pour parler à son frère. Il est encore jeune, mais elle est sure qu’il comprend que leur situation n’est pas ordinaire.
Elle lui a déjà raconté, sans filtre, ce qu’il s’est passé, ce jour maudit, sur leur Atoll et la lâcheté qu’eurent leurs parents à leur égard.

Eux aussi, elle les méprise.
Mère était stupide dans son adoration pour son entité. Plus que de le louer, elle aurait du chercher à le détruire pour préserver sa vie.
Père aurait du faire la même chose, pour sauver sa femme, mais au lieu de cela, il s’est contenté de vivre oisivement dans son palais de pacotille.

Que de grands airs pour se laisser sagement dévorer par un monstre, ah !

Elle caresse le dos de Sajda, de son museau.

- Comme tu grandis vite, cher petit frère. Il me tarde de découvrir l’adulte que tu seras.

S A J D A ▴Deux mois

Cela fait douze nuits que mes crocs ne me font plus mal. Ils ont finis par percer ma chaire pour s'afficher blancs comme le lait, aiguilles qui déchiquètent un peu plus facilement ce morceau de bois brûlé qui servit à soulager ce mal, et que je tiens entre mes pattes avant lorsque je suis moi-même entre celles de mon ainée.
Personne, ne savait calmer les crocs qui poussent. Comme si nous étions tous destinés à affronter cette douleur et supporter le goût d'une charogne immonde dans la bouche.
J'aurais bien aimé savoir comment faire.
Ce que je sais,
C'est ce que contact du museau de Nour sur mon dos avait su, comme le bout de bois brûlé, me calmer.

Mère aussi, me touchait ainsi le dos. C'est un souvenir très flou, comme si je le regardais de derrière une brume épaisse, cette chape que l'on retrouve au-dessus des lacs à la mauvaise saison.
Mais Mère ne m'importe pas vraiment. Pas plus que Père. Nour m'a assez raconté, sur eux, pour que je comprenne et que la question se pose :
Lequel d'eux était le plus raté ?
Mère, qui nous avait abandonné au profit d'une entité ?
Père, qui nous avait abandonné au profit de sa compagne qui elle-même nous avait abandonné au profit d'une entité ?

Moi aussi, je leur en veux.
Je leur en veux car Nour leur en veux.
Ce n'est pas que je ne peux pas avoir un avis différent de Nour. C'est que je l'admire bien trop pour être en désaccord sur certaines choses, et nos parents en font partie.
Elle était ma figure de référence.
Plus encore qu'Emilitia.
C'est sans doute à partir du moment où Mère et Père se sont effacés que j'ai aimé Nour plus que tout autre vivant. Elle répondait à mes appels sans même s'en apercevoir, et j'ai vite compris que rien de mauvais ne pourrait m'arriver tant que je serais prêt d'elle.

« J'espère devenir le même adulte que toi. »

Et l'évidence que je peux articuler d'une petite voix, alors que je recrache les morceaux de bois flétris.

Sujet: Re: Mépris - Sajda Lun 04 Sep 2023, 12:25

Sajda

Image par Aeva

Mépris

Comme moi ?
Oh, je crains que tu ne m’idéalises, mon si cher petit frère. En vérité, je donnerais tant pour être autre : Pour ne pas souffrir de ce handicap qui m’empêche de vivre seule de façon autonome et de pouvoir prendre pleinement soin de toi. J’aimerais également être plus forte, pour mieux te protéger.

- Quel adorable petit loup tu es, mon trésor.

Elle est émue d’entendre ces mots, cependant, et quand bien même ils viennent de la gueule d’un louveteau.
Ils viennent, surtout, du seul être qu’elle aime encore, sur ces terres.

- Tu seras un bien meilleur adulte que moi, Sajda. Par ce que tu vois, et que tu sais ce que l’on risque, à trop faire confiance.
Toi, tu n’as pas été berné d’illusions et c’est là ta plus grande force.
Tu es déjà grandiose, bien plus que ce que Mère prétendait être.

Une fois de plus, le ressentiment qu’elle entretien consciencieusement auprès de leurs parents n’est pas caché.
C’est presque drôle, de se dire que c’est une amie même de cette dernière qui prend « soin d’eux » actuellement : Saisit-elle toute l’étendue de sa rancoeur ?
Ou est-elle trop stupide, et trop concentrée sur ses démons, pour s’en rendre compte. Plus rien ne l’étonnerait.

Sujet: Re: Mépris - Sajda Dim 08 Oct 2023, 17:43

S A J D A ▴Deux mois

Il y a à la mention d'adorable, un mouvement involontaire de ma longue queue. Elle se soulève pour mieux se laisser retomber, un peu lourde sur le sol. Elle réagit à mes émotions et aux sentiments qui me traversent, une réaction que je ne contrôle pas.
Faut-il que je cherche à le faire ? Avec ma sœur, il est agréable d'être spontané.
Et qu'est-ce qui me traverse, lorsqu'elle me parle de l'adulte que je deviendrais ? Un peu de fierté. Je suis fier. Et un besoin certain d'être dévoué.

« Je n'aurais pas ton expérience, celle qui t'a rendu si apte à te débrouiller. De moi, on s'occupe mieux. »

Ma soeur n'est pas ma mère, mais je les confonds parfois. Dans les soins qu'elle me donne, tout s'y rattache ; et chaque caresse sur son dos efface celle de Mère, donnée bien trop peu de temps.

« Pour tes yeux... »

Je lèche le morceau de bois, écorce rapeuse sur ma langue qui y dépose quelques miettes d'un noir calciné.

« Je les deviendrais, quand je serais grand, si je ne trouve rien pour te les soigner. »

Il y a beaucoup de loups qui savent, ma soeur.
Je le vois.
Mais je n'ai pas encore trouvé le bon.
Laisse-moi le temps.

» Celui venu d'Ailleurs [ft Sajda]