L’immortel [PV Wasa]

Si l’un se faisait fantôme et brillait d’une lueur fantomatique sous les quelques rayons de lunes. L’autre se faisait plus discrète. Sur la berge, une autre forme d’apparition pouvait être entraperçu aux détours des vagues. Il y avait là, une louve aux yeux émeraude dont la stature dépassait aisément celle d’un mâle. Son pelage d’eau reflétait les douces couleurs de la côte à peine éclairée par la lune.

Elle était solitaire et de par ce rôle qu’elle se devait de jouer, elle n’avait pas grand-chose à faire si ce n’est veiller à sa propre survie. Prendre le temps de vivre la vie qu’elle possédait, car c’était à peu près tout ce qu’elle était en capacité de détenir et de défendre, si on omet les quelques bijoux et parures qu’elle se plaisait à conserver à l’abri de sa tanière qu’elle s’était creusée proche de la côte. Elle avait choisi cet endroit plus que tous les autres pour ce qu’il lui offrait, une vision vers son avenir, un parfait aperçu de l’île Morneoeil du moins, lorsqu’elle daignait sortir de la brume. C’était important, c’était tout ce qui semblait compter pour elle, cette promesse, qui avait été faite.

Mais une décennie s’était écoulée. C’était autant d’année qu’on lui avait offert, autant d’année qu’on lui avait dérobé. Alors, elle n’attendait plus vraiment pour vivre. Elle était libre, libre d’aller et venir sur la côte, libre de marcher le long de la plage, libre de maintenir ce contact entre son corps et l’Océan.

C’était des retrouvailles de chaque instant, une vie qu’elle semblait vivre pleinement à présent. Pourtant, même si elle tentait de se persuader du contrait, il existait des zones d’ombre dans cette pseudo utopie, des doutes et parfois des craintes qui s’insinuait en elle, comme autant de serpents ou d’anguilles qui viendraient à traverser des filets, ils étaient nombreux presque insaisissables. Et ce soir-là, tandis qu’une silhouette blanche sortait de l’océan, ils redoublèrent tous, et elle fut accablée par la morosité.

Cette nuit sera emplie de nostalgie.

L’odeur des raeders fut portée jusqu’à elle, transportée parmi les embruns, alors, elle fit un tour sur elle-même et s’avança en direction de l’individu qui venait d’atteindre le continent. Alors qu’elle s’attendait à retrouver une silhouette connue et obtenir des nouvelles que ce soit de la part de Geeti ou de Chimaera, mais l’individu et sa forme presque sortie des abysses lui était inconnue. La surprise sur son visage fut flagrante, elle n’eut même pas la politesse de vouloir la dissimuler tandis qu’un voile de tristesse et de déception s’installa sur son visage.

Elle attendait quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui ne serait pas qu’un inconnu de plus. La louve s’arrêta toute fois face à lui, le dévisagea de toute sa hauteur. il existait une ressemblance toute fois, un drôle d’air, un subtile mélange rappelant à sa mémoire des êtres du présent et du passé qui se faisait reliquat de souvenir dans sa mémoire. Elle était perplexe.

La sidération de la louve s’accompagna d’un moment de flottement, instant durant lequel elle resta bouche bée, passive, jusqu’à ce que les paroles de l’entité sortie des vagues ne l’amène à toucher terre à nouveau. La louve perdant en contenance vacilla un instant, cherchant un équilibre nouveau qu’elle trouva par le contact maintenu de ses coussinets contre le sable humide de la plage. Contact connu et rassurant qui la ramena d’autant à la réalité. La louve s’emplit soudainement d’un peu de plus contenance. Rehaussant ses épaules et sa tête, reprenant une posture droite et noble, une droiture qui lui correspondait au mieux, elle était alors telle qu’elle aurait du apparaître de prime abord une louve agile, débordant d’un certaine aisance autant sur terre qu’en mer. Un équilibre.

Son regard se posa sur lui de nouveau, avec plus de retenu cette fois-ci, et plus d’attention, l’image lui semblait alors moins flou, plus lisible, elle n’était pas dépassé par les échos du passé, parce ces images qui parfois semblaient vouloir se superposer sur les évènements présents, tentait de se substituer à eux.

Elle s’adressa à lui d’une voix claire.

-Les loups dorment normalement à cette heure ci.

Est-ce un reproche ? Peut-être préférait-il rester seul ?

Un sourire se traça sur les babines de la louve, il était suffisamment discret pour être manqué, mais aussi suffisamment sincère pour être compris comme tel. La déception qui avait terni ses traits semblait alors derrière elle, effacée, comme soufflé par la brise.

« Et ils manquent le plus important. »

Il n’y a que les sots pour s’imposer de telles limites.

Libre, elle l’était. Et elle faisait toujours ce qui lui plaisait, elle agissait ainsi, et peu importait que cela ne leur convienne. Son regard glissa vers le ciel sombre couronné d’un halo lumineux.


«  Les rayons de lune qui se reflètent sur l’océan. »

Une louve des terres.
Les oreilles de la louve tombèrent immédiatement de chaque coté de son crâne, faisant flotter devant ses yeux quelques mèches de cheveux ébènes. Même si elle demeurait une louve des terres, il lui était toujours désagréable d’être comparée à ces quidams qui n’avaient su ouvrir les yeux sur la beauté et la puissance de l’océan, et qui de plus se laissait inlassablement manipuler par ces deux continentaux qui lui faisait horreur. Un affront pour la grande dame qui pourtant ne se laissa pas longtemps contaminer par cette mauvaise interprétation de son statut.

Un sourire même vint s’imprimer franchement sur ses babines, montrant des dents blanches et aiguisées dans une expression entre amusement et taquinerie amicale. Son regard se fit plus tendre et provocateur, d’une douceur infinie malgré l’amusement.

« Bien plus que ce que l’on pourrait s’imaginer au premier regard. Mais je suppose que vous n’êtes pas de ceux qui s’arrête sur des apparences. »

Ce serait fâcheux. De se voir ainsi jugée une nouvelle fois, une mise à l’épreuve de plus peut-être. La louve se détacha de lui, s’approcha de la liaison entre terre et mer, puis revint vers lui.

« J’ai décidé de dédier ma vie à l’Océan. »

Elle lui devait bien cela. La louve émeraude à cet océan qui semblait l’avoir ramené à la vie, à celui qui lui avait donné ce qui semblait être une seconde chance.

« L’une des vôtres m’avait d’ailleurs surnommée La Tigresse des mers. »

Le tigre en réalité, mais c’était un autre temps, et la tigresse semblait désormais mieux convenir à ce corps retrouvé qu’elle allouait toujours à l’océan. La louve se souvint alors que cette louve n’était plus, peut-être était une erreur de faire référence à l’ancienne maîtresse des rituels sans être en capacité de s’imaginer en quel mesure son absence avait été acceptée parmi les rangs des pirates.