N'oublie pas de vivre [Anita]

Samaël

Cela faisait plusieurs mois maintenant qu'il n'avait plus parcouru ce chemin, depuis que la maladie l'avait cloué à sa tanière et que l'immobilité avait rendu ses articulations douloureuses. N'importe quel panseur lui aurait sans doute interdit d'entreprendre ce trajet le long des falaises escarpées, ce fut là la raison pour laquelle l'ancien prince ne prévint personne. Qu'ils ne soient pas hypocrites, ils ne s'inquiétaient pas tant pour lui que pour la charge de travail supplémentaire qu'il représenterait s'il ne parvenait à rentrer de lui même. Alors ils pourraient bien le laisser là haut, Samaël n'était pas attaché à sa tanière et la mort commençait à être bien longue à arriver, quand bien même c'était celle d'un errant.

Il ne fit pas de pause mais le temps qu'il prit pour parcourir la distance jusqu'au temple fut bien plus long que toutes les autres fois. Les muscles oubliaient vite le rythme de l'effort lorsque l'on cessait de les y habituer. La fin du voyage se fit sous une bruine printanière et c'est le pelage humide que Samaël arriva au temple de Dairo.
Il n'aurait su dire si son sentiment d'une atmosphère froide était du à un ressenti personnel, au temps qui rafraîchissait l'air ou si le temple était réellement délaissé. Suite au décès de Nirvana, Samaël avait pris le relais sur l'entretien du temple. Le mâle brun doutait qu'il y ait quelqu'un après lui. Le pas raide, il vint ramasser la fin des cierges refroidis, les échangeant avaient d'autres encore neufs qu'il prit le temps d'allumer pour redonner à ces murs la couleur des flammes. Il n'avait cependant pas d'agrumes à éplucher et venir offrir au pied de la fontaine, demeurera l'odeur du sel qu'apportait l'air marin.

« Pardonnez moi, Dairo, je crains ne pouvoir continuer ce que je vous avais promis. »

Remplacer Nirvana le temps que la déesse trouve nouveau gardien de son temple. Cela sonnait comme un nouvel échec, encore un. Comme les morts, Samaël avait presque arrêté de les compter. Cela ne l'affectait plus autant qu'auparavant, il subissait simplement ce constat comme les jours qui s'enchaînaient un à un. Le prince déchu aurait du mourir il y a maintenant des années, cette vie entière qu'il avait volé, il devait bien en payer le coût et le désert avait réclamé un errant. Samaël avait passé sa vie à en être un, coquille vide accrochée au passé, exécutant lorsqu'on le lui demandait, avec conscience encore heureusement. Lorsqu'il aurait fini par perdre ce dernier point également, son cœur aurait fini de battre.