Le gouffre · Gilhort

L'aveugle parvenait à mieux se diriger. Lentement, il mémorisait ce dédale composé de nombreuses galeries et impasses. Il ignorait combien de temps il demeurerait ici. Il était toujours aussi perdu. Son monde s'écroulait et sa solitude parfois l'aidait, parfois le dévorait. Ce jour d'hui, il l'appréciait.

Au détour d'un couloir, ses oreilles perçurent un bruit lointain. Ses sourcils se fronçèrent. Il décida de piétonner vers ce stimuli auditif. Plus il se rapprochait, plus il comprit. Il aurait voulu faire demi-tour, ne pas apparaître devant elle dans cet état. Il ne put s'y résoudre en entendant un dernier Meep, il lâcha un long et profond soupir. Il se dirigea vers elle. Il tâtonna un peu jusqu'à comprendre où elle se situait ... Plus ou moins.

- Dame Valériane pouvez-vous me diriger ? Sans crier ...

Langage médiéval:

Il tentait d'avancer sans tomber. Il connaissait la dangerosité du lieu, manquant plusieurs fois de chuter de plusieurs mètres ou peut-être même plus. La dame en détresse sembla prendre note de ce qu'il venait de dire. Elle se mit à la guider dans des jappements moins forts. L'échos de l'endroit fut atténué. Le son lui parut également plus clair et plus simple à positionner. Il fronça les sourcils. Soit il s'était amélioré, soit elle avait changé quelque chose à sa manière d'appeler. Qu'importe, cela n'avait aucune importance. Le damelot continua d'avancer à tâtons, manquant de finir au sol une ou deux fois.

Il releva les pattes, presque instinctivement quand il sentit quelque chose d'étrange dans ses coussinets. Il n'était pas sûr de lui alors doucement, il les reposa une à une. Il parvenait à sentir de légères vibrations. Il n'avait jusqu'à présent guère fait attention à cela. Cela lui parut étrange mais Gilhort décida de faire confiance à ce sens. Ses oreilles se bloquèrent dans une direction. Les vibrations et le son venaient de délimiter la zone. Il piétonna avec plus d'assurance. L'odeur de la louve devint également plus forte. Il finit par lui faire face, enfin le supposait-il. Le damelot vint la fleurer. Elle n'empestait pas le sang.

- Pardonnez mon acte ma Dame, je voulais vérifier que vous n'étiez pas blessée.

Il fronça les sourcils. Si elle n'était guère blessée, pourquoi tous ces appels à l'aide ?

- Que vous arrive-t-il ?

Langage médiéval:

Il était ignare de la marche à suivre. Le damelot ne savait comment elle pourrait lui expliquer le problème. Elle ne pouvait dessiner, il ne le verrait guère. Devait-il aller quérir de l'aide ? Cela faisait un moment qu'il n'avait pas maudit cet handicap. Il ouvrit la gueule quand il sentit qu'elle fleurait sa patte. Un son se fit odir. Elle le prévint de quelque chose mais avant qu'il puisse mander quoi, elle attrapa sa patte. Ce contact lui hérissa les poils de l'échine. Ses yeux s'écarquillèrent. La surprise étirait tous ses traits. Il ne savait comment réagir à pareil touché. Cela était déplacé !

Le damelot résista un peu avant de se laisser faire. Il avait beau réfléchir, il ne voyait guère d'autre moyen que le toucher pour faire comprendre la situation quand la parole manquait à l'une et la vue à l'autre. Ses mœurs devraient s'en accommoder à son grand malheur.

Valériane le guida jusqu'à sa patte coincée. Il comprenait enfin la situation. Elle tenta de lui faire sentir ses nombreux essais mais en vain. Il baissa légèrement les oreilles au soin triste qu'elle produisit. Le damelot se sentait presque peiné pour elle. Il tourna la tête vers elle, cherchant son regard dans les ténèbres.

- Je vais tenter de vous sortir de là. Il marqua une pause. Si je vous fais mal, faites votre meep de douleur.

Gilhort se doutait qu'elle ne pourrait dire "aïe". Il n'avait pas souvenir de ce mot lorsqu'elle lui avait fait odir toute sa gamme de son. Il reporta son attention sur le problème. Il s'installa, s'asseyant. Il approcha ses pattes de la sienne mais il marqua une hésitation. Il allait devoir la toucher. Encore une fois. Il n'avait guère le choix. Devait-il vraiment le faire ? Il soupira et se concentra. Il commença à l'effleurer, incertain de ce qu'il faisait. Il tâtonna la roche puis il quitta son membre pour prendre conscience du piège naturel. Il notait les différences d'épaisseur, la forme globale de la crevasse. Il prit un peu de temps avant d'avoir une idée. Cherchant de nouveau Valériane, il finit par attraper sa patte. Il avait une vague idée de comment elle était positionnée. Elle devait se mettre autrement. Il ouvrit la gueule pour lui mander de mieux se mettre mais il estima que ce serait une perte de temps de lui expliquer. Il hésita un court instant et il vint attraper sa cuisse. Avant qu'elle ne dise quoi que ce soit, il la tira vers lui.

- Ne bougez pas.

Un ordre qu'il espéra qu'elle ne prendrait guère mal. Sa patte avait maintenant plus d'ampleur de mouvement et il revint s'occuper de la partie coincée. Il la manœuvra un peu, la déplaçant, la tournant. Quelques minutes passèrent et enfin, il la dégagea de son piège. Il fut fier de lui mais Gilhort se hâta de faire un bond en arrière, manquant de basculer en arrière. Il devait remettre de la distance décente entre eux. Il ouvrit la gueule pour s'excuser de tels contacts indécents mais il referma sa gueule. C'était sa faute s'il avait dû la manipuler donc il n'avait aucun pardon à mander. Il préféra garder le silence.

Langage médiéval:

Le damelot sentit l'air se mouvoir autour de lui. Quelque chose avait bougé, l'encerclant presque quant il avait manqué de chuter. Il tourna la tête, les oreilles droites. Il ne savait ce que c'était mais il sentait comme une présence derrière lui. Il fronça les sourcils. Quelques secondes après, le même bruit et le même courant d'air. Son visage revint vers la louve. Venait-elle d'essayer de le retenir avec son aile ? Il ne voyait guère que cela comme explication à un tel bruit et à un tel déplacement d'air. Il se manda s'il devait la remercier mais il se tût. Il n'était pas sûr de son geste alors il préféra ne pas se tromper ouvertement devant elles.

Un nouveau sursaut vint quand la louve se mit à faire une suite de sons. Il ne les avait jamais odit. Elle claquait des dents presque joyeusement. Gilhort ne savait guère qu'il était possible de se montrer joyeux en claquant des mâchoires. Quoi qu'il en fut, il se retrouva gêné face à toute cette cacophonie de joie. Il n'avait fait qu'extirper sa patte, ce n'était guère comme s'il avait affronté un dragon pour ces beaux yeux !

Ses oreilles s'agitèrent. Valériane bougea. Elle sembla s'éloigner et l'instant d'après, il odit un son qui lui évoqua une chute dans l'eau ... Ou dans la boue. Venait-elle de retomber ? Il resta interdit quelques instants, écoutant et imaginant qu'elle tentait de s'ébrouer au vu de ce qu'il percevait. Il décida de s'approcher et une odeur abjecte lui souleva le coeur. Il porta une patte à sa truffe devenue bien trop sensible. Gilhort recula, fronçant le museau.

- Venez-vous de tomber dans ... Une chose puante ?

La situation était si ubuesque. Etait-elle si maladroite ? Il voulut la gronder, lui dire de faire attention mais à la place, ses babines se pincèrent. Il émit un premier bruit puis un second, les deux refoulés du mieux qu'il put. Pouvant retenir le troisième, il se mit à rire. Le damelot n'avait aucune raison de s'esclaffer. Certes ces dernières minutes étaient les plus absurdes mais au point d'en rigoler ? Et cette puanteur ! Rien n'allait et il riait à en pleurer. A croire qu'il avait besoin de relâcher la pression de ces derniers jours.

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