À tout jamais [Pv. Illa]

─ Ne mens pas, tu as des douleurs en plus, non ?
─ ... Oui ? Enfin pas grand- bon ok elles sont vives.
─ Ça ne sent pas bon, tu t'en doutais, avoue.
─ Oui.

La discussion avec la Lanterne avait fait suite à d'autres. Taormine était décidément une femelle perspicace en plus d'être une guérisseuse de talent. Elle et l'experte en yeux crevés avaient parlés longuement, surtout dû au fait qu'Illa ne faisait qu'avouer à demi ses soucis et avait trop de fierté pour évoquer ses problèmes physiques. Réticente dans les débuts, la louve à la toison blanche avait du bien vite capituler face à l’œil aguerri de la plus jeune. S'étant ouverte petit à petit, elle avait finit par laisser filtrer les informations. Taormine même si elle avait vu clair dans le jeu d'Illa dès le début, avait écouté et tout noté dans un coin de sa tête au fur et à mesure, pour essayer de soulager et de poser un diagnostique sur la maladie silencieuse qui rongeait Illa. Elle était parti vite de la tanière, agitant sa queue nerveusement après qu'un silence de plomb et un regard qui en disait plus que toute leur conversation ai tué l'ambiance. Illa avait donc marché, ignorant tout, et elle était là. La crique était d'ailleurs sans doutes l'endroit le plus romantique de toutes les terres, avec l'Éclat Saule. Mais Illa n'avait, du coup, pas la tête à observer le magnifique ciel aux teintes multiples qui étendait pourtant ses bras au-dessus d'elle. Dans sa tête tournait encore les paroles de l'autre Lanterne Brethen. Elle avait encore les mots de Taormine gravés dans les oreilles, ils chatouillaient ses tympans et elle ne parvenait toujours pas à composer avec.

─ La nécrose ne va pas te faire de cadeaux, tu en a conscience ?
─ Que trop bien, que trop bien.
─ Pourquoi tu refuses les plantes, alors ?

C'est là que l'intersidérale calme s'était installé.
Elle ne pouvait s'y résoudre. Elle ne pouvait pas prendre un traitement parce que dans sa tête elle n'était pas malade. Elle n'était pas malade ! Et pourtant, pourtant... Pathologie il y avait. Cette pathologie n'avait pas de nom, tout ce qu'Illa savait c'est que c'était au niveau de sa matrice. L'utérus flétri désormais avait subit des dommages. "Irréparable" avait dit Taormine, "infecté" avait-elle ajouté, "perdu d'avance" était venu conclure. Elle n'avait pas su l'entendre, n'avait pas voulu l'accepter en fait. Elle n'avalait pas l'amer pillule, mais comment en même temps ? Son plus beau rêve, celui qui avait sauvé son moral et son poids allait lentement l'achever. Elle ne pouvait pas l'accepter ! Et comment allait-elle dire ça à Caïn ? Quand, surtout ? Elle s'en savait incapable. Il n'aimait déjà pas leurs enfants, alors savoir qu'ils seraient indirectement la cause de sa perte...
Elle eu un mouvement rageur dans le sol.
Elle ne voulait pas penser à ça.

Elle pèterait un plomb si elle ne faisait rien, elle le savait. Si elle n'agissait pas elle foncerait droit dans un mur et ne pourrait certainement pas se taire. Et ils seraient malheureux avec son compagnon. Elle l'était déjà, en fait ? Elle hoqueta et fut secouée d'un rire nerveux. Elle vit là qu'il avait capté son odeur, puis-ce qu'il était devant ses yeux, sur la plage. Elle, n'était pas vraiment prête à lui faire face. La vérité lui vrillait encore le cœur et faisait s'étoiler son espoir. Elle prit une décision radicale pour aujourd'hui. Continuant sa route, Illa ignora tout, de la douleur jusqu'aux nausées. Elle changea son allure et s'élança. Elle se mit à courir et à galoper comme elle l'avait rarement fait, droit en direction de la plage, dévalant à pleine vitesse la butte qui y menait. Elle fonça, de plus en plus vite vers l'eau.
Et dans de grandes gerbes plongea droit dans l'onde salée.

Le froid agréable du liquide balaya son corps, blessant de sable ses cicatrices et réveillant ses sens anesthésiés par la tristesse. Le manque d'oxygène électrisa son cerveau, et elle se débattit très, très vite pour rejoindre la surface, retournant tout aussi rapidement vers là où elle avait pied. Elle quitta même l'eau, retrouvant le sable mou et humide. Gouttant, elle observa Caïn pour exploser de rire. Elle comprenait, elle avait eu un comportement enfantin pour oublier ses problèmes et pour faire face. Tant mieux ! Cela marcherait ainsi alors ! Elle allait continuer à faire l'enfant et à aimer son bougre d'homme pour profiter et laisser les nuages noirs derrière elle. Elle pris le pli donc et repris sa course vers le loup gris, bondissant comme un jeune cabris, snobant avec talent les piques de douleur qui lui sciaient le ventre. En quelques petits sauts elle fit le tour du mâle gris, gouttant encore partout sur le sable sec. Elle le salua en venant se coller à lui, histoire aussi de l'embêter avec les restes de la mer.

─ Caïn ♥ susurra t-elle à son oreille, espiègle.

Son moral semblait au beau fixe, parfait.
Son joli masque ne portait aucune craquelure.
Pour combien de temps encore ?
Elle s'en fichait.

Elle planta ses yeux dans les siens, lui offrant son plus beau sourire, rempli d'amour.

─ Comment va mon vieux crouton préféré ? Pas trop dur la vie de vagabond libre ?

Vrai qu'il était passé solitaire, et que cela leur avait au moins permis d'être en paix.
Ils pouvaient vivre leur amour au grand jour.
Pour combien de temps encore ?
Ça, elle ne s'en fichait pas.

─ Et toi, ça va ?

Elle resta une seconde à le regarder, tout sourire.

─ Bien sûr que ça va, voyons ! lança t-elle.

Mais sa voix vacillait.
Qu'est-ce que ça sonnait creux.
Cornegidouille.

La parcelle de son masque le plus fragile se fendilla.
Doucement elle comprit qu'elle ne pourrait pas agir comme une gamine face à lui. Elle aurait tenu quoi, trente secondes ? Pathétiquement misérable, ses performances d'actrices étaient pitoyables. Alors que son expression se fanait avec le vent qui balayait l'endroit, Illa ne le lâcha pas des yeux. Elle ne bougea pas vraiment non plus, en fait. Son corps faisait la parallèle avec son visage en ne cillant pas, seul ce faux sourire qu'elle avait affiché s'en était allé. Naquit à la suite une expression amère avec un léger rictus, qui n'était nullement identique au précédent ; plus comme une torsion involontaire de ses babines. Illa baissa enfin le regard vers le lointain.

─ Merde, fit-elle.

Elle se dérobait, comme souvent, elle ne pouvait pas faire face. Était-elle condamnée à être ainsi faible toute sa vie ? Elle avait fait des efforts, pourtant. Mais pas dans le bon sens, elle avait ignoré son corps et maintenant tout était trop tard. Elle avait vraiment merdé. Et elle merdait sans doutes encore en refusant obstinément d'avaler quoi que ce soit. Mais quelque part le peu qui lui restait de fierté voulait s'empêcher de passer par le stade larvaire de la vieille croulante. La vie seulement permise par un fil relié aux médicaments était quelque chose d'effrayant, bien évidemment cela lui faisait peur. C'était en ça que faire face à Caïn était dur aujourd'hui, car si elle avait été seule elle aurait sans doutes pu foutre en l'air sa vie en toute quiétude. Mais elle ne l'était pas, et son compagnon avait sans doutes son mot à dire et une peine qui viendrait si elle n'était plus là. Il venait de le dire, il voulait être avec elle. Il avait tout de même ponctuer cette affirmation de la virgule marseillaise. Et maintenant il avait posé la question qui fâche. Celle qu'elle ne voulait pas entendre et qu'elle pensait être capable d'ignorer. Elle avait bien compris que lui il voyait juste, qu'il l'avait percée à jour. Ils n'étaient pas tous capables de cet exploit mais évidemment elle avait du tomber sur les deux seuls qui le pouvaient. Sachant tout de même que lui était la personne la plus importante de sa vie.
Et pendant ce temps elle fixait incroyablement bien le vide, la tête tournée vers on ne sait où.
Elle ne pouvait pas lui mentir, hein ?
Qu'est-ce que c'était frustrant.

─ Non, laissa-t-elle entendre. Vraiment pas.

Elle pouvait tout du moins avouer ça.
Est-ce qu'elle était cependant prête à en parler ? Sans doutes pas du tout. Mais toute la problématique tournait autour du fait de si elle devait le garder pour elle ou non. Et pour cela la réponse était très clairement "sans doutes pas". Mais entre ce qu'il fallait faire dans la vie et ce que l'on faisait vraiment, il y avait un pas. Un grand pas. Un fossé. Un cratère. Un océan. Un vide intersidérale. Et Illa elle était comme toujours, tel un funambule, prise entre deux feux. La situation n'était pas nouvelle, ça s'était déjà passé plusieurs fois et la première c'était Caïn qui l'avait ramassé, la seconde elle était revenue vers lui pour qu'ils se réconcilient. Mais là, elle risquait à la fois de le blesser et qu'il ne soit pas capable de la ramasser et à la fois de se blesser elle-même en restant dans son égo. Elle était têtue, elle le savait, elle aurait pu faire un effort, encore, mais ce n'était pas pareil. C'était plus qu'un pavé dans la mare. C'était une montagne dans une flaque minuscule. Elle ne pouvait comparer ça qu'à lui annoncer purement et simplement qu'elle était déjà morte.
C'était peut-être même en plus égoïste par dessus le marché de ne pas le partager.
C'était délicat. Très délicat.
Sauf qu'Illa et la délicatesse... ça faisait deux.

Elle le fixa à nouveau.

─ Et tu vas me demander pourquoi.

Je ne suis pas prête, pensa t-elle. Je ne peux pas lui dire ça.

─ Et... elle eu à nouveau un rictus tordu.

Et ta mère, c'est trop dur.
Elle s'étrangla, la voix mourant dans sa gorge. Elle baissa le museau vers le sol à nouveau, serrant les crocs et se mordant la gencive et la langue. Pourquoi c'était si dur à annoncer ?! Elle se vouta en avant, se recroquevillant. Elle évita à nouveau la vue du loup gris. C'était tant de responsabilités que de balancer ça, elle savait que cela le ravagerait.

Elle resta donc mutine.
Le faciès complètement contracté de frustration ; les épaules serrés autour de son cou de colère et le ventre douloureux de maladie et de désespoir.

─ J'y arrive pas. souffla t-elle. Merde.

Elle était anéantie.
Elle aurait pu pousser encore une dizaine de jurons, essayer encore vainement quelques fois de prononcer ces mots terribles. Elle aurait pu, ça aurait bloqué malgré tout. C'était totalement mentale c'était une évidence, cela saurait au yeux que c'était juste le fait de devoir annoncer une telle chose et surtout les raisons qui la rendaient muette. Elle se sentait totalement dévastée et elle n'était pas capable pour deux sous de laisser cette notion franchir sa bouche. Et plus ça allait, plus elle sentait Caïn s'agiter en face d'elle. Elle savait et sentait son regard se poser sur elle et passer en revue son être. Elle devina même l'instant où son regard s'échappa pour aller se poser autre part. C'était une situation délicate, vraiment très délicate.

─ N'en dis pas plus, ça suffit.

Rien qu'à son ton, elle savait.
Il avait compris, il n'avait pas besoin de plus d'informations. Elle ferma les yeux à ses mots, contractant son visage. Sous l'anxiété qu'elle ressentait, avala avec peine sa salive, les sourcils froncés et la mâchoire serrée. Ca y était, la pillule allait être dure. Elle s'attendait à une explosion de la part de son compagnon. Mais rien ne vint. Elle releva le nez vers lui, surprise, en rouvrant les yeux pour le voir qui faisait l'effort ultime de sourire. Il continua en prenant la décision qu'il valait mieux essayer de profiter et d'oublier l'échéance.

─ Illa, je t'aime.

Il lui offrait ces mots et une expression infiniment contenue pour dévoiler quelque chose de bien plus beau, qui transcendait sa propre peine. Il avait écarté la colère qui pourtant -elle le voyait clairement- vrillait encore ses muscles qui eux ne pouvaient montrer leurs dents. Elle n'aurait pas cru que cette situation puisse tourner aussi... bien ? Même s'il fallait relativiser ce mot étant donné la situation. Il était là, planté devant elle et essayait encore d'être meilleur, alors qu'elle ne parvenait à rien. Perdue face à cette démonstration, cela tomba bien puis-ce qu'il enchaina.

─ Il est temps pour l'Impératrice et l'Empereur de s'unir, sur cette plage. Marions-nous, Illa, à la manière des peuples ancestraux.

Il lui proposait donc un mariage.
Il venait de la demander en mariage, en fait ?
Le chemin dans la tête de la louve se fit avec peine... Elle comprenait bien évidemment le fait de profiter et d'essayer d'oublier le destin sombre qui allait arriver, mais l'idée d'un mariage mit un peu de temps avant de parcourir ses neurones. Parlait-il bien d'une union prononcée avec un représentant des dieux afin de proclamer face au monde entier qu'ils s'aimaient ? Cette cérémonie à la fois magique et romantique qui s'était pratiquée il y a de cela des siècles ? Cet héritage du monde auquel elle appartenait, cette messe matrimoniale qui ironiquement était proposée par une descendant de Cronos. Il lui offrait la possibilité de croiser leurs destins, ce d'une façon propre et nette. Alors, avant qu'elle ne comprenne concrètement qu'ils allaient s'organiser un superbe moment tous les deux, il s'écoula donc un silence. C'était diamétralement opposé à ce qu'elle s'était attendue. Le bad boy aurait dans sa tête en tout logique, du exploser de rage et la pluie se serait alors mise à tomber sur leur misérable rencontre... Parce que c'était ce qui était censé se passer quand on annonçait sa mort prochaine, non ? Non. Visiblement, non. Au lieu de la tristesse et dévastation émotionnelle, il était là et ils pouvaient prendre le contrepied et grapiller un peu de bonheur. Alors oui, elle resta pantoise quelques instants. Ce silence régna un peu. Mais il n'était pas pesant, loin de là, même très calme. Très très calme. Elle était juste interloquée.

─ Qu'est-ce que tu-- balbutia-t-elle.

Un rire la secoua, un rire nerveux, un rire d'incompréhension. C'était tellement fou. Il était fou, elle aussi. Elle allait mourir bientôt, ils auraient eu toutes les raisons du monde pour s'effondrer mais non. Au lieu de ça ils allaient profiter du temps qu'il restait et ils allaient accomplir un projet grandiloquent. Si elle ne pouvait pas se guérir elle-même grâce à son pouvoir, qu'à cela ne tienne, elle pourrait l’utiliser pour organiser ça.
Merde, il était contagieux avec son espoir cet idiot.
Elle eu un nouveau rire, une larme à l'oeil.

─ Complètement fou... Elle secoua la tête de gauche à droite en se précipitant à son contact. Tu es complètement fou. Et moi aussi.

Une pause où elle le câlina.

─ Moi aussi je veux me marier avec toi.

Et qu'on soit heureux, peu importe ce qu'il restait comme temps.
Ils auraient tout le temps d'être tristes plus tard.
Avant ils avaient un mariage éclair à fêter.

─ Commençons alors.
─ Oui.

Doux murmure de sa part.
Et dans sa voix pourtant un désespoir compréhensible, tout à faire compréhensible. Illa, à ces paroles, comprit qu'il n'y aurait pas d'invités. Juste leurs deux présences, finalement cela ne la dérangeait pas, elle s'attendait à une immense fête mais cela était plus à l'image de Caïn. Rien d'extravagant, il n'était pas comme ça. Elle l'acceptait entièrement, cela lui plaisait peut-être même plus au fond, c'était parfait. Ils n'avaient pas besoin de plus. Ils se suffisaient à eux-même et se complétaient. Ils feraient donc ainsi.
Illa plongea son oeil dans celui de Caïn un instant, pour le fermer, avant qu'il ne recommence à parler. S'ils commençaient, s'ils s'en fichaient, s'ils profitaient, elle pouvait bien donc à cette occasion abuser un peu.

Germa de son pouvoir des pétales, des pétales de pensées, par centaines. Empruntées au Nasrin sans doutes puis-ce que son Imagination puisait quand même dans le réel, elle était certaine que l'absence de quelques fleurs ne se verrait pas. Le sol se joncha de magnifiques pétales blanches qui leur firent un espace. Un cercle épargné où ils se situaient. La création d'une scène intime juste pour eux-deux où une troisième personne ne tiendrait pas.
Autour d'eux, la lumière déclina, une lueur de soleil couchant remplaça le ciel bleu d'avant, elle poussait l'exercice en prenant sur son expérience, elle ne se permettrait qu'une fois la folie de créer une ambiance telle. Mais aujourd'hui cela en valait la peine. Car peine il y avait. Juste autour d'eux, cette petit illusion leur donna le cadre d'un crépuscule idyllique. Un ciel violacé aux teintes roses et oranges douces et estompées.
S'allumèrent beaucoup de flammes bleutées, identiques à celles qu'elle avait déjà pu créer par le passé. Des flammèches qui ne brûlaient pas mais qui autour d'eux en demi-lune permirent d'ajouter à cet instant une nouvelle touche feutrée et agréable. Un des plus grands désirs de la louve aux cheveux blancs. C'était ainsi qu'elle s'était projetée les plus beaux instants de sa vie. Caïn, elle le savait, accepterait peut-être avec inquiétude cela, parce qu'elle poussait et s'épuisait un peu à créer tout cela et à le maintenir. Mais s'il le lui faisait remarquer, elle ignorerait sans doutes juste en disant qu'elle pouvait bien se l'autoriser au moins une fois. Elle avait un bon poids en plus, maintenant.
Ce cadre était comme elle se l'était imaginé, c'était beau et un peu désuet, tout comme ce qu'ils s’apprêtaient à faire, après tout. Un esthétisme peut-être superflu, mais cela la fit sourire comme une gamine. C'était bohème, c'était parfait. Un petit bouquet se glissa entre eux, toujours fait de lumière, ces petits illusions lumineuses étaient bien plus simple à créer que de faire germer de vrai fleurs.
Sur la tête de Caïn, évidemment, sa couronne apparut.
Sur la sienne, elle termina par créer une tiare similaire, nouée d'obsidienne. Un design délicat et fin tout comme celle de celui qui allait devenir son mari.
Couronnés dignement comme leur titres le voulait, elle l'écouta parler.

─ J'ai découvert avec toi bien des choses, Illa. Des sentiments inconnus, des situations nouvelles et uniques. Tu représentes tellement de choses ! Parfois, je t'ai détesté, parfois, j'ai été déçu. Parfois, je t'ai blessé aussi. Notre parcours n'est pas tout rose. Et pourtant, je n'ai jamais cessé de penser à toi. Car je n'ai jamais cessé de t'aimer. Et je ne cesserais jamais. Jamais. Pause. Je m’engage avec amour et loyauté à partager avec toi le reste de ma vie, Illa.

Ses paroles étaient magnifiques, sublimes.
Bien mieux que ce qu'elle avait pu créer juste avant, cela allait au delà de tout ce qu'elle n'aurait jamais pu faire, à vrai dire. Ses mots transpiraient de vérité et de sincérité, quelque chose de typique de la part du baroudeur grisé. Son prince avait toujours été ainsi, il n'était pas parfait, non non, mais pour elle, pour elle il le devenait et c'était tout ce qu'elle avait toujours aimé chez lui. Il se dépassait sans cesse pour elle, même maintenant alors qu'il crevait de l'intérieur, elle le voyait. Comme elle. Même si lui le faisait au sens figuré et elle au sens littéral. Le voir ainsi l'attristait encore plus de savoir qu'elle ne pourrait pas vivre jusqu'à le voir s'éteindre. C'était terrible, bien plus que quand ils s'étaient disputés. Mais même si elle était désespérée au fond d'elle, elle imita son fraichement nommé fiancé, pour prendre sa suite et l'accompagner dans cette cérémonie formidable, même si profondément triste pour ses raisons.

─ Je ne pourrais jamais résumé la puissance de mes sentiments. Mais Caïn... Tu représentes tellement pour moi. commença t-elle, au bord du sanglot, l'oeil chargé d'émotions. Je l'ai déjà dis mais combien de fois m'as-tu sauvé la vie ? Au plus bas comme au plus haut tu as toujours été là, même si tu détestait ça. Tu es la lumière de ma vie et tu m'as guidé dans le noir, j'aurais voulu créer un dictionnaire pour te donner des mots d'amours assez fort, assez grands et dignes de toi ! Le langage me parait si pauvre pour ce qui nous unit. Notre lien est plus fort que tout, la géopolitique ou le regard des autres n'a pu le briser après qu'il ai été sauvé. Elle s'étrangla un peu, mais il fallait qu'elle le dise. Alors si aujourd'hui la seule chose qui peut nous éloigner arrive, si cela doit être ainsi que et le destin l'a voulu, alors je pourrais crier que malgré tout, j'ai été heureuse. Le bonheur existe, il est là et il est magnifique. Je l'ai vécu à tes côtés, tu es mon prince, mon amour, mon sauveur, mon Empereur. Tu règnes sur mon cœur et ce pour toujours.

Elle le regarda avec intensité, son regard dégoulinant d'une mièvrerie et d'une tristesse sans nom, jamais elle n'avait vécu quelque chose d'aussi fort qu'avec lui. Il était l'unique, le seul.

─ Que les dieux m'en soient témoins, je veux m'unir à toi pour l'éternité, dans la vie comme dans la mort. Car je veux être avec toi à tous jamais. Je suis à toi, et uniquement à toi, Caïn.

Une légère larme, un léger vent.

─ Alors nous voilà unis par les liens sacrés du mariage.

Et ce, pour toujours.
Car Illa le savait, même après le jour de sa disparition, il continuerait de l'aimer. Il se renfermerait sur lui-même sans doutes. Cette perspective l'effrayait mais elle voulait espérer, elle voulait croire que son souvenir l'aiderait à se maintenir en bonne santé et à ne pas dépérir. A continuer à être quelqu'un de bien. A continuer d'être celui qu'il était devenu aujourd'hui. En revanche, elle avait conscience qu'elle ne pourrait sans doutes le lui demander. Elle ne pouvait pas lui formuler cette requête, car par avance elle savait qu'il ne pourrait lui promettre. Il serait seul, et si la situation avait été inversée, alors elle aurait sombré dans la folie malgré tous les mots qu'elle aurait pu prononcer, c'était une certitude. Comme ils étaient semblables dans leur unicité alors elle se doutait que cela arriverait.

En attendant, elle avait les larmes aux yeux, débordée par l'émotion qui lui saisissait le corps entier. Elle s'approcha de Caïn pour le rituel du baiser du mariage, qu'elle comptait bel et bien honorer avec tout l'amour qu'elle pouvait lui porter. Ce sentiment sincère et éclatant qui avait inondé sa vie d'un soleil protecteur et radieux. Elle déposa sur le nez de son époux une lèche, tendre pour poser dans ses yeux menthes son œil à la lueur passionnée. Malgré tout le temps qu'il s'était écoulé, sa flamme était intacte, ils se le prouvaient encore une fois malgré l'incertitude du destin et les éprouvant évènements de la vie.
Illa était comblée quelque part.
Mais aurait prié cent fois pour que sa vie ne s'arrête pas.