Dans l'empire rosé [PV - Moiro][ne pas archiver]

La roseraie s'agitait sous la caresse d'un tendre vent. Les fleurs semblaient danser mais très rapidement, une nouvelle danseuse les rejoignit. Chacun de ses pas étaient d'une élégance rare. Elle se mouvait avec une telle grâce que les fleurs recouvrant son corps ne pouvaient la rendre que plus hypnotique à ceux qui osaient traîner dans les parages. Serket-Beatriz avançait vers une nouvelle page blanche qui attendait d'être souillée par l'encre noire de son histoire. Elle avait l'âge de prétendre à un glowstick. Elle avait attendu que sa mère disparue revienne mais le temps passant et les jours s'envolant sans donner de traces de Neît avaient fini par avoir raison de la patience de l'enfant. Elle s'était décidée, désireuse de prouver à sa deuxième mère et à son frère qu'elle était plus forte que son corps gracile le laissait penser. Il était temps pour elle d'éclore.

Écoutant le doux son du vent qui venait s'enrouler autour de ses branchages, elle ne cessa de penser que le monde était si beau. Elle en regrettait les noirceurs de l'âme des loups qui entachaient la beauté de ce qui l'entouraient. Mais elle ne pouvait leur en vouloir, elle qui abritait aussi des ténèbres encore endormies en elle. Bien que son caractère de rancunière vengeresse lui avait permis de s'illustrer dans l'art des mauvais coups, sa part sombre n'était encore que peu éveiller et elle le savait que trop bien. Après tout, la rose la plus belle et la plus délicate, ne cachait-elle pas des épines toutes plus acérées les une que les autres ? Cette pensée fit naître un sourire sur les babines de la louve.

Se présentant au temple, elle s'avança vers la fontaine. Elle détailla en silence les traits fins de la statue représentant la déesse. Elle était si belle que Serket-Beatriz ne put se résoudre à regarder ailleurs pendant un bon laps de temps. Quand elle le put enfin, elle chercha la prêtresse du regard, prête à la saluer comme toutes les fois où elle était venue. Malheureusement, Aninaka ne semblait pas être près de la source divine. La jeune hésita un instant. Elle ne savait guère s'il fallait désormais attendre que la représentante de la divinité soit là pour commencer l'épreuve ou non. Elle patienta quelques instants, guettant les bruits d'un autre loup mais rien ne vint et alors, elle décida de se lancer, prête à recevoir le courroux de la Tigresse si elle se trompait sur la manière de faire ...

« Ô Déesse Moiro, je me nomme Serket-Beatriz, je me présente à vous pour quérir votre douce couleur.

Son ton était cristallin, presque chantant. Elle regarda autour d'elle puis elle patienta de nouveau, ses branchages dansant encore sous le léger vent, priant que la déesse ait entendu son appel.

Sa patiente fut récompensée quand l'atmosphère changea, devenant plus lourde et imposant le silence. Serket-Beatriz retint son souffle, admirant le déchaînement de la fontaine et puis la statue qui sembla s'animer. La pierre ne semblant être plus que chair et os et enfin elle l'entendit. La plus belle de toutes ... La plus séductrice de toutes ... La voix de Moiro sembla résonner et le coeur de la mortelle se sera lentement. Elle se mit à rougir sans vraiment savoir pourquoi et elle écouta ce que la déité avait à dire, avec une ferveur et un respect profond. Elle avait attendu ce moment depuis bien trop longtemps, elle qui dès qu'elle avait appris les Dieux avait décidé de conquérir le coeur de Moiro. Elle n'avait alors jurer que par elle, s'efforçant d'attirer l'attention de la Tigresse qui aujourd'hui la lui donnait. Presque trop naïve, la louve ne remarqua pas qu'elle avait déclenché une jalousie qui n'avait à ses yeux aucune raison d'exister. Personne ne pouvait concurrencer la Rose. Elle était la plus belle et la plus dangereuse de toutes.

Serket' ne se déstabilisa pas en entendant en quoi reposerait son épreuve et elle tourna la tête vers le loup qui venait d’apparaître. Il lui paru magnifique, à elle qui s'émerveillait de toutes créations qu'avait pu imaginer la Vie. Elle laissa un sourire timide peindre ses babines. Que devait-elle faire ? le séduire mais comment ? Elle trépigna un peu sur place, attirant le regard du loup qu'elle devait ravir à une autre. Elle ferma un instant les yeux puis, de son pas gracile, elle s'approcha de lui. Il parut méfiant mais il sembla se détendre légèrement quand elle lui montra d'un geste de la tête qu'elle le saluait sans la moindre agressivité.

« Bonjour, je suis Serket-Beatriz.

Elle se courba de nouveau avec une noblesse qui pourrait faire fondre le coeur de bien des chevaliers mais aujourd'hui, elle ne désirait que le coeur de celui qu'elle avait devant lui. Elle le désirait tout entier et comme répondant à ce doux désir, ses fleurs semblèrent devenir plus belles que jamais. Un doux parfum se mêla aux roses et la louve se mit alors à son aise, prête à tout tenter pour être la numéro un dans le coeur de cet homme. Son regard se plissa légèrement, elle le regardait avec une certaine douceur. Elle n'avait jusqu'à présent jamais cherché à plaire à qui que ce soit, préférant observer les autres loups ou alors s'enfermer dans l'antre de ses mères pour apprendre remèdes et poisons. Elle avait été si effacée qu'aujourd'hui, elle était une fleur qu'on regardait sans vraiment savoir qui elle était et d'où elle venait. Serket' n'était personne et elle désirait que cela change.

Elle ravala la maladresse dont elle pouvait faire preuve quelques instants et elle se rapprocha un peu plus du loup. Elle ignorait tout de lui mais elle désirait apprendre à le connaitre. Elle était curieuse de la Vie tout simplement mais elle ne savait pas vraiment comment aborder le sujet. Elle le détailla en silence, lui qui avait l'allure d'un chasseur plus que d'un guerrier. Il devait être en mesure de pouvoir attraper de nombreuses proies ! Comme elle l'enviait.

« Vous devez être un bon chasseur. je dois avouer que je vous envie ...

Elle détourna le regard, contemplant la roseraie avec une certaine tristesse, une tristesse qui vous prend au coeur sans que vous ne pouviez la contrer. La louve esquiva un faible sourire, empreint d'une douceur et d'une nostalgie. Le vent secouait ses branchages et elle ferma les yeux un instant. Le parfum des roses était si bon, si envoûtant. Elle se permit d'élargir son sourire tandis qu'elle rouvrait avec lenteur ses yeux en se tournant vers le loup.

« Je suis désolée, vous devez me trouver étrange !

Elle lâcha un petit rire, chassant les échos d'une tristesse par une joie immense. Elle semblait déborder de Vie, elle qui ne vivait que par les végétaux incrustés au plus profond d'elle. Elle qui venait de perdre une mère qu'elle aimait et admirait beaucoup. Elle avait vu sa famille se déchirer. Et pourtant aujourd'hui, elle était là, le coeur prêt à éclore pour cet inconnu qui avait dérobé son coeur.

« Je ne sais plus vraiment quoi faire. Je suis là, à m'émerveiller de la beauté de ce monde alors que la tragédie emporte de nombreuses vies. J'aimerai pouvoir les aider mais pour le moment, je suis encore faible.

Son rire devint timide et touchant tandis qu'elle plongea regard bleu dans celui du loup. Il pouvait y voir tous ses doutes, toutes ses peurs et tout l'amour qu'elle éprouvait. Pour le monde, pour la Vie. Et pour lui. Elle lui ouvrait la porte de son âme s'abandonnant tout à lui bien qu'elle n'était pas sans ignorer que son coeur appartenait à une autre. Pouvait-elle réellement le toucher ? Elle l'ignorait et détournant légèrement les yeux, elle l'invita à s'éloigner un peu de la fontaine pour davantage s'aventurer parmi les roses. Son pas était élégant et silencieux. Elle semblait danser, accompagner de tous ces végétaux qui ployaient à chacun de ses pas. Le vent ne cessait de lui dérober et d'étendre le doux parfum qu'elle relâchait. Elle était une fleur parmi les plus belles. Une beauté qui commençait seulement à comprendre qui elle était. Elle se tourna vers le mâle qui marchait un chouia en retrait. Elle l'invita à venir à sa hauteur, heureuse de pouvoir marcher au côté de quelqu'un. Ils marchèrent un long moment et puis, comme les mots ne venaient pas, Serket' se mit à fredonner une douce mélodie. Sa voix était cristalline, si pure et si innocente. Elle se laissa envahir par son propre son et elle se mit à chanter pour de bon aux côtés du loup qui demeurait sans réelle expression. Et puis, elle s’emmêla les pinceaux et dans un petit couinement, elle tomba au sol. Elle devint rouge et elle se releva lentement, toujours avec grâce et une fébrilité touchante, regardant le mâle avec une certaine gêne puis elle se mit à rire.

« Je viens de vous offrir un étrange spectacle. J'en suis désolée !

Elle se rapprocha de lui et dans un sourire timide, elle vint coller sa truffe à la sienne, signe de son amour envers lui. Elle ne fit rien de plus que de rester là, prêt de lui, oubliant depuis plusieurs minutes que tout ceci était régi par Moiro. Elle se demandait seulement si elle avait réussi à le faire tomber sous son charme, elle qui ne voulait alors qu'il ne regarde qu'elle et personne d'autre.