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 We do it all backwards, wherever we are - Moiro.

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MessageSujet: We do it all backwards, wherever we are - Moiro.   We do it all backwards, wherever we are - Moiro. EmptyDim 01 Mar 2020, 17:51

[nb : se passe peu de temps avant le raid, et en même temps que la prière d'Anianka à Moiro avant la réunion Lazulis]

Quand elle s'endormit ce soir-là, ses yeux aveugles battant des paupières sur un monde noir qui avait éteint ses couleurs, elle sut d'instinct que sa nuit allait être mouvementée. Il y avait toujours cet instant fugace, presque insaisissable, cette moitié de seconde qui faisait la transition entre l'éveil et le sommeil et durant laquelle la conscience basculait d'un monde à un autre. Et il était parfois possible de ressentir la caresse d'un sentiment, d'une augure, le préambule de l'histoire qui allait se dérouler durant la nuit.

Peut-être était-ce parce qu'en ce moment, la jeune adulte perdait espoir. Peut-être était-ce parce qu'elle ne parvenait toujours pas à se faire à sa cécité même après plusieurs mois dans cet état, et que cela lui donnait la désagréable impression de ne savoir s'adapter. Peut-être était-ce encore plus agavé par le fait qu'elle savait que l'une des Alphas Etelkrus elle-même était aveugle - et pourtant, cela ne l'avait empêchée ni d'être Alpha, ni d'être une guerrière respectée. Alors pourquoi n'arrivait-elle pas à s'adapter là où d'autres étaient si forts ?
Et pourquoi ne pouvait-elle toujours pas rentrer chez elle ?

A peine eut-elle sombré dans les limbes vaporeuses du sommeil, seul endroit où elle retrouvait des visions du monde venues la hanter comme des fantômes brouillés du passé, colorés et diffus, dansant autour d'elle pour la narguer, qu'elle s'était réveillée en sursaut quelques minutes plus tard.
Mais elle n'était pas vraiment réveillée. Elle l'avait tout de suite. Le sommeil la tenait toujours entre ses énormes doigts arachnéens, refermés autour d'elle en une cage vicieuse qui laissait entrevoir plusieurs sorties sans pour autant qu'elles soient assez larges pour être empruntées.
Et entre les barreaux de la cage, elle avait vu sa mère.

D'abord à peine discernable. Elle ondulait et se brouillait à la manière d'un mirage ou d'un reflet sur une eau troublée. Puis son image s'était précisée, droite, nette, de la chaleur brillant au fond de ses yeux ambrés et un fin sourire sur les lèvres. Elle était aussi belle que dans son souvenir.
Mildred s'était sentie emplie de bonheur et de soulagement- pour une fois, elle savait que ce sentiment venait d'elle, il irradiait comme un feu de joie, l'enveloppait dans ses flammes et la poussait dans les airs jusqu'à ce qu'elle se sente flotter, flotter, loin de la prison et des soucis des mortels.
Elle était venue la chercher ! Anianka était là, sa mère ne l'avait pas oubliée. Elle serait bientôt de retour à la maison.

La prêtresse s'approchait, son corps félin ondulant à outrance, dans cette manière qu'avaient les rêves à déformer chaque geste et chaque perception sans pour autant que cela choque celui enveloppé dans les bras du repos tant qu'il se laissait docilement bercer.
À chaque pas de la louve rousse ses griffes s'étiraient un peu plus pour devenir poignards.
Le sourire se tordait peu à peu, devenant grotesque, se relevant sur des dents trop grosses, trop pointues, trop larges, qui débordaient de chaque côté des lèvres et semblaient ne jamais cesser de grossir sans pour autant tomber de cette gueule. En une succession rapide d'images juxtaposées, les yeux jaunes devenaient ceux d'une vipère avant de redevenir ceux de sa mère, puis de revenir sur la vipère. Sa mère, vipère, la mère, le serpent, l'amour maternel, le venin, sa vie, sa mort.
Mildred commençait à vouloir reculer, un gémissement confus s'échappant de sa gorge étranglée malgré elle. Elle aimait tant sa mère ! Elle avait tant désirée la revoir, être de retour à ses côtés. Et désormais elle la terrifiait. Etait-ce encore une mesquinerie divine ? Encore un tour de l'esprit pour jouer avec ses sentiments et la tordre ?

La prêtresse était tout près d'elle, désormais, elle pouvait sentir son souffle sur sa truffe - elle avait marché longuement et à grands pas, s'étirant de nombreuses secondes durant, peut-être même des minutes, et pourtant la distance parcourue avait été toute petite.

La gueule démesurée s'ouvrit en un rictus moqueur mais la voix qui s'en élevait avait la douceur mièvre qu'elle lui connaissait.

« Ma fille, j'avais raison au premier jour. Tu n'es que déception.  »

Le cœur de Mildred se décrocha de ses liens pour filer loin vers les abîmes.

« Née faible, tu demeuras faible. Et une traîtresse, avec ça. »

Désormais, les yeux de vipère brillaient d'une force surnaturelle. Le ton était devenu glacial, des bourrasques de vent froid soufflaient en sa direction, emportant tout dans leur passage ; roses et épines surgies de l'obscurité et secouées par l'assaut du vent tombant en pluie autour d'elle.

« Oh, Mildred... » C'était une voix mielleuse à nouveau, apposant du baume sur son esprit meurtri. « Je t'ai pourtant tout appris, n'est-ce pas ? Et à la première occasion qui s'offre à toi, te voilà fourrée entre les pattes des traîtres à notre famille. Ceux qui l'ont détruite. Ceux qui m'auront piétinée pour ce que je représentais. Tout cela ne veut plus rien dire à tes yeux ? Ils sont désormais tes amis ? »

— Mère...

« Silence ! »
Nouvelle bourrasque de vent qui éteignit les couleurs autour d'elle. Le monde devint gris et troublé, vacillant comme la flamme d'une bougie, menaçant de s'éteindre.

« Tes yeux ne se sont pas éteints pour rien, ma fille. Tout se paye un jour... Je t'ai donné naissance, je t'ai donné la vue. Tu veux t'éloigner de moi, tu veux renier ton héritage et trahir mon sang ? Très bien. »

Sur le claquement sec de sa langue qui concluait la phrase tranchante, les lumières disparurent tout à fait. Tout était noir à nouveau.
Son souffle écorcha sa gorge en se coupant, nouant une corde autour de sa trachée. Non !
Seule résonnait dans l'espace infini autour d'elle une cacophonie de rires répétés en échos, le rire cristallin de sa mère, le rire qu'elle aimait tant entendre couler mais que désormais elle voulait faire cesser. Son corps entier tremblait de froid, pourtant ses entrailles étaient saisies d'un magma brûlant et sans pitié qui la consumait aveuglément.
Elle resta ainsi pour un fragment de temps qui sembla s'étirer sans fin et l'envelopper éternellement, dans le noir, à écouter ce rire qui rebondissait en échos, à sentir sur ses joues quelques larmes tracer leur sillon, son souffle rauque amplifié à ses tympans.

Et peu à peu, des couleurs finirent par revenir. D'abord étincelles puis tâches, elles grandissaient en ramifications, prenant forme de part et d'autre de la silhouette altière et menaçante de sa mère au centre du tableau.
A sa gauche, une ombre presque noire -qui par une illusion quelconque se détachait quand même de l’obscurité environnante sans difficulté- aux épaules voutées, à la tête brouillée et masquée. A sa droite, une silhouette plus lumineuse et redressée qui la fixait de deux yeux qu'on n'aurait su distinguer mais dont on sentait malgré tout la présence.
Et au-dessus de sa mère, plus grande et enveloppant tout le reste en les nimbant d'une aura rose, une tigresse. Moiro. Elle sut que c'était elle à l'instant même où ses pupilles s'étaient posées sur ces muscles galbés et ces yeux vifs.

Les deux silhouettes se mirent à parler en même temps, les voix entremêlées, unies et désunies, bouillie informe et phrases pourtant parfaitement claires dans son esprit, l'un et l'autre se répondant dans leur conflit.
« Ceci a beau n'être qu'un cauchemar, Mildred, la prêtresse des Roses en serait capable. Elle l'a déjà fait par le passé. »
« Anianka serait incapable de te faire du mal, jeune louve. Tu es sa fille, son sang et sa chair. Tu es son plus beau trésor, elle te l'a toujours dit, n'est-ce pas ? »
L'ombre noire eut un sifflement mesquin.
« Foutaises ! La prêtresse des Roses n'agit que pour elle-même. Chaque décision dans sa vie a été égoïste. Le choix de pères forts pour faire de ses enfants ses soldats personnels... Il vous suffirait de choisir un chemin contraire au sien pour que soudain... »
Mildred eut un léger sursaut quand les mâchoires invisibles de l'ombre noire claquèrent en un son clair et sinistre qui lui rappela dans un frisson celui des os brisés.
« C'est faux. » Elle aimait mieux la voix de la lumière blanche. Elle était calme et apaisante, elle diffusait une brise chaude qui caressait sa peau et lui rappelait le souffle printanier sur l'Île aux Roses, son île, sa demeure. « Anianka s'est battue pour tenter d'unir la meute à nouveau, d'en faire une grande famille. Et elle ferait tout pour ses enfants. Elle cherche sans relâche un moyen de parvenir jusqu'à toi, Mildred. Elle a bravé la terreur d'un monde sans vie et peuplé de dangers pour te retrouver. Et elle ne s'arrêtera pas d'essayer de t'atteindre. En ce moment même, elle se tourne d'ailleurs vers des entités supérieures en reconnaissant son manque de moyens...  Elle sait qu'elle a besoin d'aide. Aide-la, Mildred. »

Mildred suivit la trajectoire du regard imaginaire de la silhouette de lumière, jusqu'à tomber dans le regard de la tigresse. Neutre et posé sur elle. Maternel et juge tout à la fois.
Oh, qu'il était vrai que la tigresse et sa mère étaient profondément liées... D'aucuns disaient que la prêtresse était l'incarnation mortelle de sa déesse, marchant en ses traces, vivant en sa demeure, articulant son corps dans les mêmes gestuelles que l'immortel félidé.
Elle semblait en cet instant immuable, attendant d'elle une quelconque réaction.

Que devait-elle faire ? Qui devait-elle croire ?
Une tempête capable de retourner un océan et ses tréfonds s'agitait dans sa poitrine, bouleversant tout en un raz-de-marée incontrôlable. Pouvait-elle réellement mériter ce qui lui arrivait ? Anianka refléterait-elle la même haine dans ses yeux que celle dont brûlait les yeux de vipères ? C'était impossible. Sa mère avait toujours été là pour eux, même pour Méridor quand il avait choisi une voie différente. Elle les avait aimé, elle voulait les protéger. Et Mildred cherchait à briller pour se voir refléter dans ses yeux d'ambre et y voir éclater cet amour inconditionnel. L'entretenir à jamais, brasier ardent qui les maintiendrait fortes et unies.
Comme si elle lisait dans ses pensées les plus intimes, l'ombre noire ricana de nouveau. Elle ne voyait toujours pas d'yeux, mais elle croyait deviner la forme de dents triangulaires remontées en un sourire tordu.

« La Prêtresse des Roses te consumera. Tout comme son Île a péri sous vos erreurs, tu ne trouveras plus de chaleur en ses yeux. Tu ne détestes pas tant que ça les Etelkrus, n'est-ce pas ? Ils sont ta famille aussi. Alors tu trahis ses ambitions de vengeances. Et vois comment elle traite ses ennemis... »

Flottant devant elle apparurent des dents bien reconnaissables. Les dents de la parjure. Les dents qu'elle avait arrachées.  
L'ombre avait mentionné une Île qui avait péri. L'idée affaissa ses oreilles vers l'arrière. Qu'était-il arrivé à leur Île, leur lieu de vie ?
Perdue et hoquetant sous l'incompréhension et la douleur, Mildred releva le museau vers celle qui tout de rose auréolait la scène, vers l'Immortelle qui savait tout. C'était bien elle, n'est-ce pas ? Elle était réelle ? Elle l'aiderait ? Elle devait rentrer chez elle. Elle ne pouvait pas rester aveugle, et elle ne pouvait pas rester dans l'ignorance. Elle devait rentrer, elle devait retrouver sa mère, elle devait savoir ce qu'il en était. Elle devait...

— Moiro... Aidez-moi, s'il-vous-plaît... Aidez-moi à retrouver ma route. Dans le noir, je suis perdue.

Sa voix s'était réduite à un souffle rauque et cassant comme les branches des arbres en hiver. Ramassée sur elle-même, épaules affaissées et sans la tenue de princesse qu'elle se connaissait, elle pouvait se voir elle-même et contempler sa déchéance. Flottant au-dessus d'elle-même dans des vents troublés, elle constatait son poil terne, ces yeux éteints et errants dans les ténèbres qui s'accrochaient à peine à la lumière de la déesse.
Sur le dernier mot, sa voix se brisa.
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Moiro
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MessageSujet: Re: We do it all backwards, wherever we are - Moiro.   We do it all backwards, wherever we are - Moiro. EmptyMer 11 Mar 2020, 11:34




Volonté Incolore





Elle l’avait entendu ton appel, Mildred. Cela même alors qu’elle s’entretenait avec ta mère. La déesse s’était donc volatilisé pour venir jusqu’à toi, parce que tu le lui avais demandé bien que tu ne portes sa couleur.

Les rêves sont sombres. Le noir la guette cette enfant, privé de lumière. Pourtant cela n’entravait en rien sa beauté. Le songe faisait apparaître une version de la déesse bien grossière. Moiro dissipa l’apparition pour prendre place aux côtés de la jeune louve, sous sa forme féline cette fois. Une enfant punie de par le dôme de son frère, punie de grandir aux côtés des siens. Combien de temps Mido comptait-il encore jouer au gamin offensé ? Lui et sa stupide fierté !

« — Mildred, ne laisses pas l’obscurité obscurcir tes pensées, redresse toi avec grâce. »

La déesse chuchote à l’oreille de la fille d’Anianka, laissant flotter une odeur de rose. Cette enfant avait tant vécu… Peut-être que tout cela n’avait pas été néfaste ? Peut-être que cela lui avait permis de découvrir de nouvelles choses, de mieux comprendre le monde qui l’entourait. Moiro espérait que Mildred perçoive les bons côtés de cet sorte d’exil forcé, mais surtout qu’elle lui pardonnerait de ne pas être intervenu bien plus tôt.

« — Tu n’es jamais seule, enfant des roses, le noir ne retire rien à la beauté, le noir n’est qu’un obstacle jaloux. Alors regardes autour de toi, Mildred, regardes et reviens, rentres à la maison. »

Retournes donc auprès de ta mère qui ne cesse de se lamenter de ta perte. Retournes donc auprès des tiens, car c’est là-bas qu’est ta place. Reviens donc auprès de moi, rejoins donc mes rangs, Mildred, permets moi de te protéger comme mes enfants.

« — Alors rugis, tel le tigre. Rugis et relèves-toi. »

La déesse accompagna ses propos d’un terrible rugissement, gracieux et menaçant, à l’égard de ceux qui menaçait ceux qu’elle protégeait, à l’égard des tourments.

Ce rugissement leva toute trace de malédiction, parce que la vue te fut rendue Mildred, désormais tu pouvais revoir le monde qui t’entourait, alors que la déesse te souriait doucement en adoptant une apparence lupin qui se volatilisa doucement.




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MessageSujet: Re: We do it all backwards, wherever we are - Moiro.   We do it all backwards, wherever we are - Moiro. EmptyJeu 12 Mar 2020, 15:05


Agitée par des tremblements qui secouaient son corps transi d'un froid qui avait pour seule origine le froid dans son cœur, Mildred resta prostrée un long moment. Peut-être quelques secondes. Peut-être des heures entières. Le bourdonnement qui résonnait à ses tympans étaient un odieux et disgracieux mélange de sons et d'échos des voix qui l'avaient tourmentée, et bien qu'elle eut fermé les yeux, les silhouettes des spectateurs de la scène restaient imprimées sur ses paupières.
Mais elle n'était plus seule.
Elle n'entendit rien arriver - elle la sentit, simplement. La forme d'un rose lumineux qui avait semblé être Moiro mais qui demeurait si distante, si inatteignable, s'évanouit dans une brise imperceptible. A la place, Mildred se sentit soudain enveloppée d'une chaleur similaire aux rayons du soleil qui réchauffaient son pelage lors des nombreux soirs passées sur l'Île. Elle imagina sans mal l'astre céleste qui, lourd et fatigué de sa journée, se laissait peser dans le ciel, descendant lentement pour percer la couche des nuages qui l'avaient longtemps soutenu, pour finalement aller embrasser la mer et y disparaître. Elle sentit une odeur de roses, également ; qui l'envahissait de ses fragrances à la fois douces et enivrantes. Et elle se laissa transporter en arrière vers des souvenirs qui paraissaient déjà si lointains, combien même ils n'avaient que quelques mois ; des souvenirs dans lesquels elle n'était qu'une jeune enfant entourée de l'amour filial et de toutes les bonnes choses qu'elle avait connu, des souvenirs dans lesquels elle était heureuse, et toutes ces odeurs et toutes ces images l'emplirent en une bouffée de fraîcheur qui fit naître sur son visage un sourire apaisé.

Elle entrouvrit doucement ses paupières pour constater qu'une longue forme rose et féline s'était matérialisée à côté d'elle. Une tigresse qui diffusait la chaleur qu'elle avait ressenti et l'odeur apaisante de son enfance.
Moiro.

— Mildred, ne laisses pas l’obscurité obscurcir tes pensées, redresse toi avec grâce.

Instinctivement et sans avoir eu besoin de commander ses muscles, la jeune louve fit ce que lui disait la déesse. Ses épaules soutinrent de nouveau le poids de sa nuque et elle releva la tête, reniflant doucement.

— Tu n’es jamais seule, enfant des roses, le noir ne retire rien à la beauté, le noir n’est qu’un obstacle jaloux. Alors regardes autour de toi, Mildred, regardes et reviens, rentres à la maison.

Au contact lumineux de la tigresse, les deux silhouettes et l'image brouillée de sa mère s'évanouirent. En leur place, elle ressentit d'autres morceaux de scènes, presque comme des visions, d'émotions qu'elle sembla partager avec la déesse dans un court contact profondément fusionnel - le visage de sa mère marqué par le chagrin et la détermination à la retrouver, un rayon de soleil dessinant les contours d'un pétale de rose à l'encre dorée, la stature de son père dressé comme un roi qui lui aussi semblait la chercher à l'horizon.

— Alors rugis, tel le tigre. Rugis et relèves-toi.

Elle vit la tigresse de lumière se redresser et tendre tout son corps comme la corde d'un arc de guerre, prêt à frapper. Le puissant félin gonfla son torse. Admirative, Mildred oublia tout le reste -la cage, les barreaux irréels, les voix de son tourment, ses doutes et ses craintes. Il n'y a plus que l'amour du spectacle qu'elle avait devant elle, l'attente fébrile d'entendre résonner le terrible rugissement en écho à la force que lui avait insufflé la déesse rose.

La gueule de Moiro s'ouvrit et en même temps que s'échappait et tonnait le puissant cri, des éclats de lumière irradièrent de toute part, s'échappant d'entre ses longs crocs pour l'envelopper et chasser l'obscurité. L'éclatante blancheur qui naquit de ce phénomène la força à fermer les yeux -elle qui avait été isolée dans le noir se sentait désormais aveuglée.
Et en même temps qu'elle avait balayé les terreurs nocturnes qui avaient importuné la jeune adulte, celle qui avait à peine commencé à ne plus être enfant, la déesse avait fermé les portes du royaume des songes en un claquement sec et autoritaire.

• • •

Quand la jeune Lazulis ouvrit doucement les yeux, semblant émerger d'une nuit éternelle dans laquelle aurait régné une tempête agitée, contemplant désormais une voûte céleste encore bleue de la nuit profonde sur laquelle scintillaient un millier d'étoiles, elle ne comprit pas immédiatement ce que cela impliquait.
Puis la réalisation se fit d'un seul coup, aussi soudainement que la brève inspiration qu'elle prit avec un hoquet de surprise.

Elle voyait ! Elle voyait les étoiles !

D'un bond elle fut sur ses pattes, complètement réveillée désormais, tournoyant sur elle-même en laissant échapper un rire soulagé et émerveillé. Ternies par l'obscurité mais bien réelles, les couleurs dansaient et se mélangeait sous ses yeux, elles étaient là, toutes là, de retour pour venir de nouveau se loger dans ses iris.
Elle laissa son regard gris dériver par-delà la cime des arbres de la forêt environnante, cherchant une vision familière -un éclat vert dans le ciel. Elle le trouva rapidement et ressentit un pincement de déception -elle s'était presque attendue à ce que le miracle et le songe fusionnent jusqu'au bout et qu'elle se soit réveillée à l'intérieur du dôme, non loin de sa famille, quelque part au milieu du Bois de l'Oubli. Elle n'aurait eu qu'à courir vers l'Île... Elle laissa s'échapper le désenchantement en un long et discret soupir qui s'évanouit dans la nuit.

Elle n'était peut être pas encore prête pour être réunie auprès de sa famille, et la déesse avait décidé qu'elle était également à sa place, là où elle était. Chaque chose viendrait en son temps -cette nuit l'avait déjà délivrée d'un fardeau inestimable.
Un sourire flottant sur les lèvres, Mildred leva le museau plus haut encore, vers un zénith inatteignable aux profondeurs insondées, et bien qu'à cet instant sa voix ne soit qu'un murmure, elle savait qu'elle serait entendue.

— Merci, Déesse Moiro.

La sachant derrière elle, elle serait prête à affronter toutes les futures épreuves, désormais. Et elle reviendrait près des siens tête haute.

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