[CLOS] Ce qui tient les reines ✠ Anette

Il y a, dans son odeur, des perles de son humeur.
Elles s'égouttent, comme naguère le sang.

Il y a l'inquiétude, doucement piquante car prélude à bien d'autres émotions. L'inquiétude, de ne pas l'avoir vu apparaître comme elle l'aurait fait normalement, depuis qu'elle s'est redressée de son tombeau mental. De ne pas avoir trouvé dans la bouche de ceux étant là des réponses. De n'avoir eu auprès de la mère, les frères, la meute, ne serait-ce qu'un brin d'information à utiliser.

Il y a la peur, âcre et forte dans son intensité avec la sueur qu'elle a fait venir. La peur que l'échafaudage du rétablissement se soit effondré, qu'elle se soit atteinte. Pire, qu'elle ai glissé dans les pentes savonneuses des idées noires, ne se soit pas trouvé forte au final, ai jugé son existence inutile. La peur sinon que quelqu'un soit venu la chercher, la cueillir comme on a enlevé l'enfant avant.

Il y a la réalisation, car aucune trace physique de lutte ou de sang n'a été trouvé. Au QG comme sur leurs terres. La réalisation avec les paroles de la mère, des frères, de la meute, que ce serait inconcevable désormais avec les protections érigées. Les douces notes réconfortantes qu'elle l'a aidée, que Pepper s'est aidée. Qu'elle porte le collier, qu'Anette porte la manchette. La promesse est là et apporte la conclusion.

Alors il y a la colère qui explose sur une note épicée et chaude, irritante pour la gorge et les muqueuses. Qui suit la réalisation car il n'y a plus qu'une hypothèse qui tienne la route, qui explique l'absence de la bleue sur tout leur territoire. La colère suinte d'une blessure, comme un pu dégoûtant qui pose son goût de feu sur sa porteuse même.

Car sous la colère, il y a la tristesse, et finalement la retenue. Quand elle a compris, que la bleue n'a pas voulu d'elle pour accomplir le destin, pour la guider plus facilement, pour ne serait-ce que lui souffler ses projets. Qu'elle ne lui a pas fait confiance. Qu'elle a du penser qu'elle ne serait pas d'accord, qu'elle imposerait qu'elles le fassent à deux. Sur le dernier point peut-être n'aurait-elle pas eu tord : Anne sait qu'elle aurait préféré. Mais de là à l'obliger...

La strate la plus haute est sans doutes celle de la discipline. Terrible pour une fois, car l'Alpha beige et verte qui compte sur celle-ci pour normalement avoir un but dans sa vie et agir... l'a utilisé pour ne rien faire. Pour se contenir. Pour ne pas bouger.

Elle se tient, assise non loin des trônes. Mais pas sur son trône. Juste porteuse sur son corps de ses pensées car jamais menteuse.
Et n'ayant tristement, aucun mot pour parler.

Tout est terminé.

Anne se demande, si d'autres choses se termineront aujourd'hui ; elle ne se tient qu'à sa discipline pour ne pas glisser.

Elle n'en doutait pas, mais Pepper conclue d'elle-même ce qui se passe.
Anette écoute les trois petits mots qu'elle lui rends ; entends ceux qu'elle ne prononce pas. Elle déduit donc qu'elle ne se sent pas désolée. La surprise ne fait pas partie de la coquille de sentiments qui l'enveloppe. Une part d'elle avait anticipé que pour avoir agit ainsi, Pepper ne s'en excuserait pas. Elle avait des raisons, Anne le savait aussi. Ce n'est pas ce qui lui pose problème.

Elle a envie de montrer, plutôt que dire.

Anne se lève, et s'approche du trône qui est le sien. Mais le passe. Ses pattes la mènent peut-être un pas et demi plus loin, là où sa comparse siège. Elle se balance sur deux pattes sans grâce ; pas besoin de faire attention à ce qui ne sera pas vu. Alors qu'elle se porte sur l'arrière de son corps, c'est la manchette qui est ôtée délicatement. C'est trop précieux malgré tout pour être abîmé. Tout comme Pepper. Elle n'a pas envie d'hurler sa colère, sa peine, son inquiétude, sa peur, sa rancune, sa déception. Même si ça bouillonne, même si les mots cherchent quand même à se frayer un chemin.

Elle veut se contenter de glisser l'article de tissu vers l'autre Alpha. Mais, quand elle le fait, elle craque quand même. Sa gueule s'ouvre dans un souffle brisé.

"J'aurais préféré tout sauf ça. Même que tu viennes me voir pour me dire que tu y allais seule, que je n'avais rien à y redire. Là, je n'aurais pas été seule. Tu n'aurais pas bafoué tes propres mots." Sa voix prend en volume. "Je t'ai donné mon âme, à défaut du cœur. Mais tu ne fais pas de même ; porter ton accessoire n'a aucun sens."

Elle ne reprend pas le sien, car ce collier elle l'a sincèrement donné. Et elle sait. Elle sait qu'elle ne peux pas revenir dessus. Ce n'est pas quelque chose de réversible. Elle ne contrôle pas le fait qu'elle est et sera à jamais sans doutes attachée à elle. Elle ne peut pas ravaler son amertume pourtant ou sa blessure.

Elle rétracte sa patte, frotte la partie désormais remise à nue et contemple la colère et la tristesse que cette vue lui procure. Qui se renouvelle chaque fois que la pensée la transperce à nouveau.

"Tu avais promis."

Sa déclaration est sobre en premier lieu. Elle reste assise avec ses yeux posés sur sa patte. Elle laisse doucement, sa discipline filer. Qui s'enfuit au fin-fond du monde, là où elle ne la retrouvera pas avant un moment. La tempête peut commencer à gronder, violente et fugace.

"Tu avais promis !"

Elle hurle, tape de la patte violemment sur le sol et se redresse. Sa queue se place haute par instinct, elle toise Pepper même si elle est plus haut sur la formation de pierre où elle a mis la dague. Le souffle qu'elle expire est brûlant comme le ton qu'elle a prit, draconique même. Mais aussi vite qu'elle est venue, la chaleur s'enfuit aussi. Elle laisse tomber son manteau de sentiments. Reste la déception et la tristesse qui finalement se délient pour s'évaporer avec tout le reste dans la dernière répétition de ses mots.

"Tu avais promis." murmure-t-elle, amèrement, d'un ton languissant.

De ne pas me laisser seule.
La promesse formulée si longtemps et récemment à la fois ; prétendument éternelle car s'étant accompagnée de la mention "à jamais" si importante. Tout cela semble presque risible seulement, maintenant. La sensation la ronge comme un acide et dissout la passion de son pacte. Une illusion d'éternité qui se voit balayée par ce jour, ce choix.

Symbolisée finalement par la manchette rendue.

Les explications et les excuses viennent.
Elle courbe l'échine et observe le sol, avalant de force une inspiration pénible. L'air est un organe étranger, et elle fait un rejet de greffe. Elle est nauséeuse, n'arrive pas à calmer cet tristesse qui continue lui grignoter les os. Elle a pensé que c'est ce qu'elle voudrait entendre, ces mots. Ce désolé. Il apaise le poison en partie, mais il n'ôte pas la plaie comme elle l'a projeté. Elle recule, elle dérape, elle tangue.

"Prouve-le moi," catapulte-t-elle hors de sa gueule, avant même de comprendre.

Ah, c'est ça.
La blessure court bien plus loin que la flétrissure de leur promesse, c'est pour cela que les mots ne suffisent pas. Ne suffisent plus. Car ils ont été contredits par les actions. Ce qu'a fait Pepper a été un pieu. Une arme enfoncée loin, très loin sous sa peau et droit dans sa confiance.

C'est une action, alors, qu'il faudra, pour la restaurer.

Sa parole n'est plus colérique ni languissante, ou sautant de sa bouche depuis son inconscient. Maintenant que la logique de la bleue est présente et que celle de son esprit lui apparaît, la beige comprend l'étendue de sa détresse, mais elle peut parler pleinement. Elle peut stopper les craquèlements plus profonds que ce à quoi elle s'était attendu... Mais peut s'exprimer sciemment.

"Montre moi par une autre action, je ne sais pas quoi. Mais... ça et laisses-moi un peu de temps pour penser."

Elle recule, encore une fois, et fait demi-tour pour s'en aller.
Car la présence de la bleue est douloureuse, saisir la pleine puissance de comment elle est aussi. Il lui faut les embruns de la mer et les vagues. Loin du rang, loin de la meute, loin de la personne qui compte sans doutes le plus pour elle.
Loin de la laideur du pacte brisé.

Pour mieux revenir aussi plus tard et voir la preuve que Pepper lui offrira.