Que sonne le glas de la paix | Etelkrus

Peut-être pour la première fois depuis qu'il y avait été nommé, Athelstan avait usé de l'autorité que lui donnait son grade de conseiller. Il avait ordonné - poliment, bien-sûr - à ses deux comparses de se charger de Bamboo et de l'un de ses petits, en restant groupés, tandis que lui irait de l'avant en emporter le dernier rejeton. Il ignorait duquel il s'agissait dans la pluie de noms qu'avait lancés la louve verte, et il fallait bien admettre que c'était loin d'être sa plus grande préoccupation à cet instant. Jeté à pleine vitesse, filant à travers les terres Etelkrus, ses larges foulées battaient le sol au rythme effrénée de son coeur. Dans ses iris vairon brillait un incendie qu'il n'y aurait qu'une seule manière d'arrêter. Et il s'en allait en demander l'exécution.

Entre ses mâchoires, le petit corps tremblait. Il n'avait pas été réchauffé par sa mère, et perdrait rapidement de la vigueur si personne ne s'en occupait. L'haleine brûante du guerrier ne suffirait pas à contrebalancer l'air froid qui sifflait autour d'eux. La mauvaise saison battait son plein, mais le tricolore ne sentait pas la fraîcheur de la neige sous ses coussinets, ni la bise qui fouaillait dans le pelage de son cou. Il n'y avait pus que cette odeur lancinante à lui écorcher la truffe, les souvenirs qui surgissaient dans son esprit, la sensation qu'il y avait eu l'action de trop. La fameuse goutte d'eau, qui ne ferait pas déborder un vase, mais déclencherait un raz de marée.

Les contours familiers de Grands Castel se dessinèrent enfin devant lui, et il s'y précipita d'un bond. Il fit irruption dans le camp et s'arrêta pratiquement aussitôt. Il déposa avec précaution le petit loup entre ses grandes pattes et lança un hurlement pour attirer l'attention. Sans attendre, il lança aux premiers qui s'avancèrent :

"Notre patrouille a trouvé Dame Bamboo. Elle a mis bas seule et loin d'ici. Elle a besoin de soin, immédiatement, et il faut une nourrice à cet enfant."

Il frôla du museau la petite silhouette à ses pieds, avant de relever la tête et d'inspirer profondément. Dans son regard se lisait cette fureur incroyable, qu'i parvenait à maîtriser pour ne laisser s'échapper que des paroles mesurées. Cependant, sa voix se fit plus blanche, cette maîtrise de lui-même se fendilla lorsqu'il ajouta d'un ton grave :

"C'est un Raeder qui l'a trouvée en premier. Il a pris l'un des enfants."

Un frémissement parcourut son échine.
Cette fois-ci, ils ne laisseraient pas cela passer.

Reaper avait passé sa journée à encadrer ses gosses. Ses sales gosses qui n'en faisaient qu'à leur tête. Ils étaient tous différents et aucun n'était capable de se tenir sagement à leur place. Surtout depuis la disparition de sa fille, Ortie. Il avait beau avoir un coeur froid, cela l'avait énormément toucher et voir son fils Fafnir se sentir coupable le brisa un peu plus. Pourtant, il ne laissa rien paraître et fit comme si Ortie n'avait jamais exister, pour se protéger, sûrement.

Il dût même obliger à Saqqarah d'étudier les gros livres de médecine, seul pour que Reaper s'occupe de des autres fils. Mais il fût vite interrompu par l'arrivé de Athelstan. Celui-ci était essoufflé et avait ramener un petit paquet qui semblait vivant. Interloqué par cette arrivée soudaine, le loup phoenix se jeta en avant d'un pas rapide, balançant sa queue enflammée pour qu'on lui laisse de la place et alla renifler le petit louveteau. L'odeur indiqua qu'il était né il y a peu et qu'il n'était pas très bien. Il avait froid et Reaper ne pouvait l'aider, à cause de sa température. Il était aussi glacial qu'un hiver rude. Alors, il recula et fit signe à Fafnir, son premier fils de s'approcher.

- Réchauffe le avec tes flammes en attendant qu'une nourrice vienne le chercher. Quant à toi Athestan, montre-moi où se trouve Bamboo que je la soigne.

Puis, il maugréa quelques injures alors que les flammes de son corps se firent plus intenses, pensant à ces fichus readers qui n'en faisaient qu'à leur tête. Pourquoi enlever un gosse qui venait de naître ? Pour un de leur fichu rituel où le sang était demandé ?

L'histoire se répétait, inlassablement.
Des tableaux similaires qui se reproduisaient comme si la stupidité de ce monde ne pourrait jamais s'évaporer. Des disques rayés chantonnant une musique cruelle provoquant l'injustice. Comme un goût amer qui recouvrait sa, leurs langues. Mais aujourd'hui il n'y aurait pas d'envie de sang pour le laver.

Quand Anette s'avança de l'ombre, son visage était tiré par une moue grave.
Un air qui pesait sur ses traits et lui ajoutait quelques années de plus, emportait presque sa tête relativement basse, sa queue balayant derrière elle là où normalement elle la tenait haute comme un drapeau. C'est ses yeux vrombissants à toute allure dans de multiples directions qui apporterait des réponses : la réflexion s'opérait dans sa tête à toute vitesse.

Aujourd'hui serait temps de briser les cycles.

"Une visite surprise s'impose, alors."

Enfin, elle redressa tête et queue, le glowstick à son oreille brillant autant que son regard maintenant embrasé et fixé sur Athelstan : elle avait une idée qui la poussait en avant.

"Les mêmes schémas recommencent et nous ne pouvons tolérer cela. Ces pirates ne réfléchissent pas avant d'agir."

Elle manqua de cracher au sol, et repris avec un ton plus fort, et tapa de la patte sur le sol en s'adressant cette fois à la cantonade.

"Mais s'ils ne voient pas les conséquences de leurs actions à long terme... Nous, si. Il est temps d'être plus forts qu'eux sur un terrain qu'ils n'ont pas : la stratégie. Nous allons mettre de côté pour nous notre force, et notre organisation. Je ne veux pas attaquer la meute en une unité, non. Trop attendu." Elle se lécha les babines. "Je veux couper la tête de l'hydre. En plus du responsable... Je veux leur chef, vivant."

Elle avait un visage qui n'engageait rien de bon.

"Nous allons préparer une offensive éclaire. Nous irons au petit matin pour mieux les surprendre."

Ainsi avait-elle parlé.