Paix de l'âme [Vivaldi - Mayuri]

MAYURI

En cette fraîche matinée, la louve au pelage fanant s'était décidée à se rendre dans la vallée des Murmures.  C'était devenu un rituel auquel elle ne parvenait pas à se dérober. Revenir sur les lieux du drame, observer la désolation environnante et interroger la Déesse. Si Mayu n'avait pas la possibilité d'observer le monde nettement par le biais de sa vue, ses autres sens développés lui permettaient d'imaginer le désastre qui avait envahi les terres de Punk Wolf. La terre sèche qui irritait ses coussinets, la poussière qui s'élevait pour venir lui chatouiller les synapses, mais également l'ambiance pesante due à l'absence de la vie habituelle. Cet été était le premier que la fine louve découvrait sans le bruit des insectes et les envolées d'oiseaux.
Un sentiment de tristesse lui enserra la gorge, tel un étau funèbre. Ces lieux avaient tellement souffert, tant de vies avaient pâti des événements des derniers mois, que la louve blanche ne parvenait pas à se débarrasser d'une part de son mal-être. L'autre partie ayant entraînée une part d'amenuisement de sa gaieté de vie était la disparition de ses parents. Si elle aimait son père, Winnifred était l'essence même de la vie de la jeune louve qui se revoyait des années auparavant lorsque que la douce et mélodieuse voix l'avait tirée de ce terrier pour l'accueillir au sein des siens.

Et si la gentillesse et la bonté qui la caractérisaient continuait à prospérer, une petite part de son âme s'était éteinte. De la même manière elle sentait le poids des années s'insinuer dans certaine parties de son corps fatigué qui noircissait à vue d’œil, elle se demanda alors si les Dieux lui réserveraient de longues et belles années de vie. Si sa mort résulterait probablement de l'utilisation de son pouvoir, elle espérait malgré tout avoir le temps de découvrir encore bien des choses. Mais l’enchaînement des nouvelles tristes et inquiétantes lui faisait prier pour que la suite s'annonce plus joyeuse. Ses pensées se perdirent en direction de son frère, qu'elle n'avait pas revu depuis bien longtemps. Elle s'en voulait de ne pas avoir trouvé le courage de lui rendre visite plus tôt, mais l'histoire était telle que les dernières retrouvailles remontaient à bien longtemps. Un sourire doux et apaisé s'inscrivit sur ses traits délicats en écho à son sujet de réflexion.

Puis le vent s'éleva et elle se figea, dans l'espoir de vérifier que les rumeurs étaient vraies, et que peut-être sa mère viendrait lui susurrer quelques mots sur la voie qu'elle devait emprunter pour la suite. Mais si le sifflement qui en résultait parvenait à lui harceler les oreilles, rien d'intelligible n'en sorti. Aussi se mit-elle à rire, seule au milieu de cette terre malmenée, son cristallin et enfantin. Ses espoirs résultaient de l'âme de louvette qui ne l'avait jamais vraiment quittée, sa mère méritait d'être en paix pour tout le bien qu'elle avait pu apporter sur Punk Wolf et non pas une vie d'errance en ce lieu dernièrement si peu fréquenté. Alors elle continua à s'esclaffer, se laissant tomber sur le dos sur la terre poussiéreuse et de rares brins d'herbe asséchés. La vie continuait, éternelle flux qui ne prenait pas en considération les ressentis des nombreuses âmes qui se déplaçaient ici bas.

Sa voix arrêta d'occuper l'air environnant, et elle resta allongée là cherchant à apaiser son esprit. Elle releva les paupières pour révéler deux yeux gris, à l'éclat presque éteint. Des tâches floues s'imprimèrent sur sa rétine, et elle fixa le ciel qui quittait ses couleurs matinales pour commencer à révéler le bleu annonciateur d'une belle journée. Oui, décidément, la vie continuait. Preuve en était, le bruissement proche et la délicate odeur de femelle qui lui parvint. Sa truffe délicate et particulièrement développée analysa les fragrances qui composaient l'odeur de la nouvelle venue. Florale, en note de tête ressortait un mélange de jasmin et d'héliotrope. En note de cœur, on pouvait déceler une senteur fruitée et gourmande de macaron et de framboise. Et enfin en note de fond, Mayuri releva de douces et chaleureuses notes de vanille et de fève tonka. Ce fut alors calmement et sans changer de position qu'elle prit la parole :

« Bienvenue sur les Terres de l'éminente Corneille, belle âme inconnue. »

Nouvelle odeur, nouvelle rencontre, nouvelles aventures. Qu'attends-tu désormais de moi Yurai?