Roi d’un jour {Himi}

L’animal déchante,  un son irritant vient lui effleurer les tympans. Aurait-il véritablement la malchance de voir son instant de joie disparaître à cause de l’apparition d’un être du sexe faible ? Il semblerait. Alors sa gueule se referme, ses yeux de glace perdent cette lumière qui annonce une conscience. Ses paupières se rouvrent en grand et sa tête se balance pour avoir la nouvelle venue dans son champs de vision. Il jauge, juge tout ce qu’il voit depuis son trône improvisé. Il domine, voilà la place qui lui est due face aux autres stupides animaux qui osent se prétendre de son niveau. C’est là, que son regard accroche le sien, que le glacier de ses yeux se retrouve chez l’inconnue. Ce même bleu qui en a trop vu, et qui n’espère plus voir fondre la glace qui a enseveli leur cœur.
Cet élément le perturbe, lui le solitaire insensible, car son regard lui est propre et qu’une femelle ait le même ne lui convient pas. 
 
C’est pour cette raison qu’il descend de son perchoir, avec une fluidité digne du serpent jaune que tant aiment à admirer. Il s’approche, sans même prendre la peine de répondre dans l’immédiat à l’impudente qui est venue interrompre son petit plaisir. La petite futée a conservé de la distance, mais le canidé mal éduqué n’en tiendra pas rigueur : il veut les voir de près. Plus félin que canin, il réduit la distance à néant, fais le tour de la louve à la manière des hyènes. Menaçante mais pas agressive pour le moment, le gris se contente d’analyser cet être dont qu’il n’avait pas anticipé la rencontre. 
Face à elle, il envahit son espace sans considération pour ce qu’elle pourrait en penser. Incroyable. La même nuance. Les mêmes teintes dans les reflets. Il observe son propre regard dans une corps d’une pitoyable femelle Etelkrus. Car oui, le scintillement rouge d’Aka qui pend de la femelle ne laisse que peu de doute sur ses liens.
 
Il hésite entre afficher un sourire carnassier, ou jouer la carte de l’intrigué beau parleur. Manipuler était si drôle, mais frapper tellement plus jouissif sur l’instant. Puis sans prévenir, il se détourne et fond rapidement sur son rocher avant d’éviscérer le lapin d’une griffe habituée. Les yeux dans le vague, il prend sa décision, basée sur une suite logique que seul son esprit perturbé est capable de suivre. 
Il relève les yeux, affiche un sourire aguicheur et répond d’une voix calme presque suave. 
 
« Pour ce qui est des problèmes de nourriture, je me contenterai d’invoquer un hiver difficile pour les âmes inutiles qui se baladent par ici. De mon côté ça se passe plutôt bien, mais si tu veux devenir mon encas et rassasier une faim primale j’imagine qu’on pourra trouver un compromis ma jolie. »
 
Le grand loup pousse la carcasse vers la louve et enchaîne d’une voix pleine de sarcasme.
 
« Car pour te répondre, non je ne gâche jamais un sacrifice. Surtout si le petit peuple des Etelkrus est obligé de venir jusqu’ici pour s’intéresser au régime alimentaire des Solitaires. Aurais-tu faim petite louve perdue ? Vas—y mange le prix est peu élevé et les conditions quasi inexistantes… »
 
Si ses yeux ont retrouvé une lueur, ce n’est plus celle de l’équilibre mental qui prédomine, mais le petit brin de folie qui le caractérise. Basculer est si facile, mais le solitaire a envie de continuer à jouer à la loterie de la chance car après tout … La journée était de son côté jusqu’à présent, alors autant pousser son amusement jusqu’au bout.  

Il n’eut pas le privilège de prendre conscience de la situation. Il ne put anticiper les mouvements de la louve furibonde qu’il venait de rencontrer. Peut-être aurait-il pu la jouer plus finement, moins rentre dedans. Mais d’une, ce n’était pas dans ses habitudes, et de deux clairement l’air hautain de celle qu’il considérait comme une petite pétasse de princesse Etelkrus l’irritait trop pour qu’il ait pensé à la jauger avant toute chose. Et désormais il en payait le prix.

La seule chose que son esprit analysa avant l’action, était la couleur pourpre qui avait envahit les membres de la louve. Puis ce fut la débandade, les griffes scindèrent, sa peau et ses poils crièrent un ultime appel avant de se détacher de sa chaire. La douleur cuisante vint percuter ses neurones et ses yeux tentaient difficilement de suivre les mouvements trop vifs et trop fluides de l’inconnue. Ses muscles gémirent, et se gonflèrent sous l’effet du choc et de la colère. Qui était-elle bordel de Dieu ?

Si ses yeux étaient rouges, ceux à la couleur de glace d’Allanon lançaient des éclairs à figer le sang. Il restait là, les pattes ancrées fermement dans le sol et les griffes raclant le sol. Il serrait la mâchoire si fort que cette dernière le faisait souffrir. Qui qu’elle fut, cette pétasse verrait son sang se mélanger au sien sur ce sol dévasté. Voilà la seule conclusion qu’Allanon parvenait à certifier, jamais il ne courberait l’échine devant une simple femelle aidée des Dieux merdiques qui régissaient soi-disant ce monde.
Et sans savoir vraiment pourquoi, le canidé se mit à ricaner. Folie passagère qui frôle son esprit en permanence et face à laquelle il n’a pour l’heure plus envie de résister. Cet appel, ce doux murmure l’incitant à décimer l’espace qui l’entoure. Alors sa gorge vibre, d’un rire rauque et un poil glauque pour les non habitués. Le gris s’arrête net, déloge une petite poche cachée entre deux coussinets et en déverse le contenu dans sa gueule. Doucement, les plaies les plus profondes commencent à resserrer les pores agressés. Le sang qui suinte dissimule le phénomène, mais la douleur s’estompe un peu et lui redonne la fougue et l’assurance nécessaire à se reprendre.  
Il darde son regard sur celui de la louve au chapeau et daigne lui répondre avec une voix suave.

« Oh oui ma belle, j’ai compris, j’en veux encore. Viens, viens tâter mon corps avant que ce dernier ne te rappelle la différence entre un mâle et une vulgaire femelle. Viens danser encore un peu cela fait un moment que je n’ai pas valsé. »

Et c’est à son tour de se jeter sur elle. A la manière des lionnes, il saute sur l’arrière train que lui présente celle qu’il ne savait être sa sœur. Il se contente de l’effleurer, mais l’action le rapproche assez pour qu’il puisse enchaîner rapidement. Il feinte sur la droite, et balance sa patte avant en direction du cou de la louve pour la faire remonter vers sa joue. Sans vérifier les dégâts, il bondit un peu plus loin, le corps tressaillant d’excitation. Un sourire sadique commence doucement mais surement à étirer le coin de sa babine. Qui qu’elle soit, il commençait à la trouver intéressante et seuls les Dieux savaient ce qu’il faisait aux femelles à son goût… Montre ton plus beau ballet inconnue, car le fou ne laissera rien passer.