Les habitants du bout du monde ○ Abysse

Rp avec Abysse ; se passe après la " ponte ", sujet de chasse, le lendemain de la mise bas d'un louveteau mort-né.

• 2 ans •
F A E I

Il faisait nuit encore. Nulle mouette ne vint piailler aux oreilles de la femelle noire, le ressac était doux, comme une tendre berceuse. Entonnement, il n'y avait pas un poil de vent. L'Océan était-il serein et apaisé après l'offrande faite la veille ? Douloureuse journée que fût celle-là. Physiquement et moralement, plus que ce qu’elle aurait cru. Bien que tout cela ne soit parti que d'un pari, quelques projets avaient germé dans l'esprit vif de la jeune louve. L'Océan en avait décidé autrement. Ann soupira, se relevant pour revenir vers les collines de Cranecoeur. Sur son dos brillaient quelques points jaunes, comme en réponse à ce ciel ouvert, sombre et rempli d'étoiles. La petite sorcière s'ébroua et quitta définitivement la plage. Oh, elle n'était pas fâché contre la mer d'avoir prit son louveteau malgré les circonstances, toutefois, elle sentait avoir besoin de s'enfermer dans la pénombre d'une grotte et de murer ses oreilles à son chant. Peut-être bien qu'elle était triste, tout de même. Ce n'était qu'un défi... Et pourtant son coeur se serra en revoyant le petit corps blanc sorti de ses entrailles, et qui ne respirait pas. Aussi pâle qu'une voile propre, aussi léger qu'un plume, aussi pur que... Elle ne savait même pas. En tout cas elle n'avait jamais rien vu de plus doux et de plus immaculé.

Bien que cela ai été la solution la plus logique et la plus naturelle pour elle, voir ce petit bout de lumière englouti par les ténèbres de l'Océan avaient eu quelque chose de... Dérangeant. Était-ce un rappel brutal comme savait l'être l'Océan, que les maudits lui appartenaient corps et âme ? La tête basse, la louve s'engouffra dans les tunnels humides et se laissa errer dans le dédale sous les collines. Elle entrait d'un côté, sortait de l'autre, reniflait une grotte, puis repartait se promener. Elle n'avait pas l'esprit tranquille. Elle était à la fois attristée et pleine d'optimisme : après tout, quoi de mieux pour cet être pur que de revenir à la mer ? Sa foi bataillait sévèrement avec une autre émotion qu'elle se découvrait : la possessivité d'une mère à qui on avait volé son enfant. Sentiment d'injustice s'opposant à la raison. Rien n'arrivait par hasard, ce n'était simplement pas le moment. Et pourtant... ? Sur une note plus légère, Ann se demanda si cela faisait d'elle la perdante de son pari, puis elle se sentit un peu coupable. Elle ne désirait pas spécialement pleurer ses espoirs avortés dans ce louveteau mort-né, mais ne souhaitait pas non plus l'oublier comme s'il ne s'était rien passé. Elle décida donc de de trouver un petit trésor, qui lui serait une forme de mémoire pour ce bébé.

Il lui fallait nommer le petit disparu aussi, même s'il n'était déjà plus là. Finalement c'est à la grotte aux Trésors que s'arrêtèrent ses pas, et c'est là qu'elle entra, pleine de mystère et de curiosité, en quête de quelque chose répondant à son besoin immédiat, afin de parvenir à transformer cette pointe de chagrin en quelque chose de positif pour l'avenir. Cimmerii. Elle avait lu ce mot à la Bibliothèque, l'autre fois. « Ceux du bout du monde », ou les habitants d'un pays proche d'une mer nommée Azov. Cela résonnait dans tout son être car les Raeders étaient ces habitants du bout du bout du monde. Ils étaient les derniers avant l'immensité de l'Océan et de tous ses mystères, les seuls à vivre si loin de tout et si prêt de l'horizon. Cimmerii serait le symbôle de leur existence ainsi faite. Parce que si elle avait vécu sur le continent le temps de sa grossesse, si elle s'était nourrie autrement, si elle avait été différemment entourée, si elle était restée dans un lieu confortable, si... Tant de variables qu'elle n'avait maîtrisé. Cimmerii. L'enfant perdu au bout du monde comme les Pirates l'étaient depuis toujours. Cette idée apaisa la louve, avoir trouver un nom à ce louveteau rendit chaleur et confiance à Ann. En effet, l'enfant ne serait ainsi pas oublié, il ne serait pas rien.

Un sourire fleurit sur ses babines, oui, maintenant, elle pouvait accepter le sort de son bébé, dévoré par l'Océan.

• 2 ans •
F A E I

La femelle tourna le museau vers l'entrée de la grotte. On l'avait appelée. Dans la pénombre du boyau humide, les oreilles de la petite sorcière s'agitèrent tandis qu'elle cessait de bouger, écoutant quelques secondes si d'autres sons parvenaient à ses tympans. Seuls les éclaboussures des gouttes tombant du plafond vinrent troubler le silence. Nul bruit de pas derrière elle, nulle respiration. On ne l'avait donc pas suivi jusqu'ici, on attendait à l'entrée. Tranquillement, la Raeder fit volte-face et retrouva l'air plus frais de l'extérieur pour caresser son museau.

« Hé, salut Abysse ! Je t'ai réveillé ? »

N'ayant pas été forcément discrète en traversant les sous-terrains de Morne-Oeil, elle avait peut-être dérangé le sommeil de ses congénères. Sa tête se pencha sur le côté alors qu'elle observait le loup abyssal. Elle trouvait son apparence hybride vraiment belle. Il avait tant de chance de déjà avoir une patte dans le monde sous-marin de l'Océan. Ann sourit de ses crocs bien blancs, avenante. Quelques boucles blond-roux tombèrent autour de son museau, lui chatouillant les babines. Elle souffla et s'assit, trouver une posture plus droite et donc des cheveux mieux rangés. Il faudrait probablement qu'elle les attache, cela lui serait moins pénible à porter mais aussi à soigner ! Elle s'imagina une fraction de seconde en train de nouer les cheveux d'un enfant, de Cimmerii par exemple. Aurait-il eu des longs cheveux ? Bouclés ? Ou très court ? Raides ? La jeune louve chasse ses questions inutiles et douloureuses pour restée concentrée sur le charmant Abysse.

• 2 ans •
F A E I

Ann soupira, soulagée, en sachant ne pas être la cause de l'éveil du loup abyssal. En le voyant s'asseoir et se détendre, elle imita instinctivement son attitude, roulant ses épaules frêles pour décrisper ses muscles tendus. Elle avança le museau vers le mâle, tête un peu basse, comme elle avait habitude de regarder les autres d'un peu en dessous. Ses boucles blondes zébrèrent son champ de vision avant qu'elle ne les renvoie en arrière d'un geste sec et habituel de la nuque. Abysse se sentait concerné, inquiet pour elle, elle l'entendit dans son ton de voix. Cela la surprit un peu, mais lui réchauffa étonnement les entrailles. Abysse s’intéressait à elle. Enfin, à comment elle allait en tout cas. Et puis il était de notoriété commune maintenant dans le petit groupe de pirates, qu'il était en relation intime avec Naïade. Une pointe de jalousie piqua son coeur, mais elle se retint bien de souffler des naseaux. Elle se voyait si bien, mesquine, enfoncer la tête de la louve brune sous l'eau pour l'embêter un peu. Ou beaucoup. Pas pour lui faire du mal, quand même, les Raeders étaient un groupe très soudé. Simplement, si elle avait pu l'éloigner un peu du gentil et tendre hybride...

« J'avais un problème oui, et j'avais besoin de réfléchir à la solution. Je l'ai trouvée, donc maintenant ça va mieux. »

Elle sourit avec chaleur, plantant ses prunelles sanguines dans le regard voilé de son congénère. Elle le savait malvoyant, ne se doutait pas à quel point son état s'était aggravé. Elle ne pouvait donc pas se douter qu'il ne verrait pas son air heureux, alors qu'il était là, tout prêt. Soudain il y eu un changement perceptible dans le comportement du loup-poisson, qu'elle ne su pas exactement décrypter. Elle cru qu'il était peut-être gêné de sa présence ou de sa promiscuité, les deux presque truffe à truffe à l'entrée de la grotte aux Trésors. Elle recula donc d'un pas et se rassit, comme si la distance pouvait rassurer l'adorable et doux loup abyssal qu'il était.

« Et toi ? Tout va comme tu veux ? Je peux t'être utile ? »

S'enquit Ann, la gorge nouée. Si la présence du pirate lui était aussi agréable que bouleversante pour ses entrailles, elle était peiné de voir qu'il semblait ne pas apprécier de se retrouver avec elle.

• 2 ans •
F A E I

Les oreilles d'Ann tiquèrent tandis que le nom de la compagne de son interlocuteur était prononcé. Il expliqua sa situation, son incompréhension aussi de ces derniers jours. Si ça avait été un autre que lui, la petite sorcière et médecin aurait rit de bon coeur. C'était aussi drôle qu'adorable de le voir ne pas reconnaître les signes évidents de la grossesse. La jeune noiraude avait eu l'occasion de s'entraîner grâce à sa jumelle, alors forcément elle avait vite compris l'état de la brune à la queue de crocodile. Seulement plutôt que l'amusement, c'est la jalousie qui transperça sa poitrine et elle dû serrer les crocs une fraction de seconde, pour se contenir, pour ne pas laisser transparaître son trouble. Il n'était pas du tout naturel, chez elle, de ressentir autant de colère pour un congénère. La Pirate était plutôt parmi les calmes, les tolérants, les amicaux. Mais là... C'était trop lui en demander que de se montrer enjouée pour cette naissance. Même si avoir des enfants signifiait beaucoup de bonnes choses pour le groupe de Raeder.

« Je crois surtout qu'elle prend la place de plusieurs, tout comme elle mange effectivement pour plusieurs... »

Devait-elle être celle qui lui annonçait la nouvelle ? C'était étonnant que Naïade n'en ai pas encore parlé à son chéri. Ou alors elle ne le savait pas elle-même ? Mais en temps que soigneuse, n'aurait-elle pas dû comprendre les signes très vite ? Peut-être pas temps que ça... Enfin, elle avait vu Mary tout comme Ann. Elle devait forcément savoir, donc. Ce fût le tour de l'apprentie Maître des Rituels de souffler, embêtée. D'un côté, elle avait envie d'avouer à Abysse ce que sa compagne ne lui avait pas dit, par mesquinerie, pour gâcher la surprise de l'autre louve. De l'autre, elle ne voulait pas risquer de créer des embrouilles pour le mâle abyssal. Cela dit, si c'était à elle que la future mère venait chercher des noises, la petite blonde serait ravie de lui filer une pichenette, un grand sourire aux babines. Et là on atteignait le sommet de la méchanceté. Parce que si Naïade ne lui avait pas dit tout de suite qu'elle attendait des mioches, elle devait avoir une bonne raison... Non ? Ou alors elle était malade d'un truc étrange qui la faisait gonfler comme une baudruche, devenir bipolaire et manger comme quatre ? La coïncidence était trop énorme.

Comme le mâle changea de sujet, Ann n'insista pas et écouta donc la nouvelle demande formulée. Ses oreilles s'agitèrent quand il dit qu'elle ne lui était pas utile. Bon, elle le savait candide et avec des difficultés d'expression, n'empêche que de s'entendre dire ça c'était un peu désagréable. Elle était inutile donc. Elle lui était inutile. Au moins le message était clair : finalement il ne l'a trouvait pas digne d’intérêt et ne risquait donc jamais de comprendre avec quelle affection elle le regardait si souvent. Mary et Mavis se seraient sûrement moquées d'elle si elles avaient su qu'elle venait de se prendre innocemment un bon râteau de ses grands morts. A la suite de la phrase, un de ses sourcils se haussa, sceptique. Abysse voulait vérifier... Vérifier quoi ? La vérifier elle ?! La petite louve soire redressa la tête, faisant vraiment travailler son esprit pour comprendre le sens de cette question. Parce que de premier abord, elle pensa qu’elle avait bien envie qu'il vienne vérifier si elle était bien une femelle par exemple... Avec bien entendu aucune innocente pensée derrière. Le connaissant, toutefois, ce ne pouvait être ça qu'il demandait ? Pas vrai ? Vu qu'elle ne l’intéressait pas...

« Tu veux... Voir avec tes coussinets ? C'est ça que tu demande ?

Hasarda t-elle, supposant que " vérifier à quoi elle ressemblait " en voyant mal ne pouvait être que ça ou s'approcher très très très trop prêt pour voir mieux.

• 2 ans •
F A E I

Il confirma. C'était bien ça qu'il désirait, la voir et l'étudier au travers d'autres sens. Elle eu à peine le temps de sourire, soulagée qu'il ai une pensée plus innocente que la sienne, qu'il s'approcha d'elle avec entrain. Elle obtempéra, observant Abysse " l'apprendre ". Elle sentit le souffle chaud du mâle dans ses boucles blondes, prêt de son oreille, puis de son cou. Un frisson de plaisir fit dresser ses poils autour de ses épaules. La chaleur lui monta rapidement aux joues. La petite sorcière se mordit la langue pour se concentrer sur ce petit pincement douloureux plutôt que sur les agissements de pirate qui faisait battre son coeur de manière si désordonnée. Elle ferma les yeux en priant fort l'Océan pour que le loup hybride n'entende pas son rythme cardiaque devenu fou. La truffe fraîche le long de ses flancs fit courir un nouveau frisson. La noiraude serra les crocs. Ca devenait gênant pour elle, et ce n'était pas de cette manière qu'elle voulait avouer au loup vert son attirance pour lui. Hors elle risquait bien de se trahir, si elle ne parvenait pas à remettre de l'ordre dans son esprit pleins d'images... De contact physique. Lorsqu’elle sentit à la base de sa queue, les vibrations de coup de langue sur le crâne décoré qu’elle y portait, elle tourna vivement la queue en découvrant les crocs. Elle retint de justesse un grondement d'avertissement. Abysse ne pensait pas à mal. Il n'avait pas, contrairement à elle, de salaces idées derrière la tête ! Dans l'attitude du Raeder, il n'y avait rien qui ne devait la faire ainsi réagir. S'il s'était agit d'un autre mâle, elle en aurait joué, elle aurait peut-être même cherché à le séduire pour ensuite le dépouiller.

Mais là il s'agissait du loup abyssal qui lui mettait la tête a l'envers d'un sourire ou d'une phrase gentille. Elle se retourna vers lui, et déposa timidement, lentement, une lèche sur son museau. Comme elle aurait voulu se laisser aller contre lui, l'étreindre avec toute la tendresse du monde pour lui rendre cette douceur qu'il offrait à tous. Tout son corps mourait d'envie de se coller contre le mâle, de se frotter à lui, et de lui avouer à quel point elle aurait aimé prendre la place de Naïade. En face le peu de raison qui restait, et qu'elle s'efforçait d'écouter, lui hurlait de se taire et de garder ce trouble pour elle. Elle ne méritait pas l'affection d'un compagnon aussi adorable. Elle n'était qu'une petite sorcière. Elle recula d'un pas, baissa le museau comme elle avait l'habitude de faire pour se tenir plus basse que les autres et les observer d'en dessous.

« Abysse, depuis quand tu ne vois plus ? »

Cela l'a percuta soudain, alors qu'elle se rappelait, enfant, d'un loup qui n'avait jamais mentionné ce handicap.

• 2 ans •
F A E I

C'était naturel pour lui alors, la vision n'était pas, comme pour la majorité des loups, un sens indispensable. Il avait plus ou moins toujours vécu sans voir le monde à travers des yeux efficaces. Voilà pourquoi son comportement n'avait jamais été celui de quelqu'un d'erratique, qui perd la vue peu à peu. Abysse partait de presque rien et la différence ne devait pas être sensationnelle. C'était peut-être génétique, si dans son peuple de naissance, personne n'y voyait. Et pour Ann qui aimait tant observé la beauté des choses, il était compliqué d'imagine comment apprécier le monde alors, sans le détailler.

« Comment, alors, ressens tu le monde Abysse ? »

C'était de la franche curiosité pour ce personnage si spécial et si cher à la jeune femelle. Elle voulait comprendre ce qu'il était et d'ou il venait. Elle voulait connaître ce qui avait fait de lui... Eh bien, lui ! Ce loup abyssal était si étonnant et si doux comparé à tous ceux qu'elle avait pu croiser du continent ou d'ailleurs. Peut-être l'existence la plus paisible était au sein de son groupe ?

« C'était comment, dans ton peuple de naissance ? »

Questionna t-elle encore.

• 2 ans •
F A E I

Elle pencha la tête sur le côté, observa le loup et ses mimiques. Elle su a cet instant, que même si elle n'avait pas eu l'occasion d'apprendre à le connaître chez les Raeders, elle l'aurait aimé. Elle compris définitivement que ce mâle là serait sans doute le seul à gonfler sa poitrine de tendresse et de désir. Elle s'avouait finalement qu'elle ne voulait rien d'autre que sa gentillesse et sa douceur. Abysse était un loup fondamentalement bon, et elle, à côté, n'était qu'une pirate sans lois et sans remords. Un brin égocentrique, envieuse des possessions des autres, sauvage fille de Morne-Oeil. Le loup hybride n'était en rien comparable aux forbans maudits. Il valait tellement mieux qu'eux tous réunnis... Mieux qu'elle bien sûr, et terriblement mieux que celle qu'il avait pour compagne. La louve ramenée par Kéran qui avait rejeté sa famille pour les rejoindre, qui avait quitté son nid douillet à la Bibliothèque pour leur terre balayé par les vents froids et brutaux de la mer. Oh Ann était jalouse. Oui, et elle ne voulait plus s'en cacher. Pourtant, elle ravala cette amertume, pour éviter à Abysse de sentir cet orage grondant dans son âme.

« Tu m'apprendrais à voir, comme toi ? »

Une tentative de se rapprocher de lui, de passer plus de temps avec lui. Et pas une once de culpabilité à l'horizon.

« Et je pourrais essayer de trouver quelque chose qui te ferait voir un peu comme nous, si tu le veux bien sûr ! »

Ce serait un juste échange. Un troc équitable. Une vision pour une autre... Elle sourit finalement.

« Un peu comme chez nous alors ! En plus câlin ! »

Elle ris gentiment, mais au fond d'elle, les échos de l'envie la rappelèrent à l'ordre. Elle qui n'avait de frontières que celles qu'on lui imposait de force, notamment les meutes et leurs dieux faussement miséricordieux, elle qui n'aspirait qu'à l'apprentissage et la connaissance du monde, elle qui rêvait de découvertes, de voyages et d'étrangetés en tout genres... Ann inspira.

« Ils te manquent ? »

Lâcha t-elle, redevenue sérieuse.

• 2 ans •
F A E I

L'étonnement, ou du moins la surprise, égaya les yeux laiteux du mâle loup-poisson. Qu'il était beau ainsi, avec son air si doux. Ann sourit, complètement sous le charme du Raeder qui ne s'en rendait pas compte.

« Je ne sais pas, mais je ferais tout ce que je peux pour essayer ! »

Elle mit de l'entrain dans sa voix, pour qu'Abysse comprenne à quel point elle était ravie de tenter de l'aider, pour quoi que ce soit. Puis elle fronça les sourcils en voyant l'attitude de son comparse changer. Comme répondant à la gêne occasionnée chez lui, les oreilles de la petite sorcière se couchèrent contre son crâne et elle se maudit de faire lui ressasser de vieux et désagréables souvenirs. Elle écouta néanmoins avec attention, ce qu'il concédait à lui avouer à demi-mot. Bien que peu loquace sur la peine réellement endurée, le loup vert laissait comprendre la dure réalité du début de son existence. Là où Ann ne voyait que douceur et gentillesse, sa meute natale n'avait vu que faiblesse à exploiter au profit de leur humeur, que fragilité écœurante. La noiraude avait du mal à envisager que la différence puisse être un tel problème. Sur Morne-Oeil, les habitants maudits de l'île finissaient transformés, hybridés, dénaturés même parfois. C'était donc, d'une certaine façon, un but à atteindre que d'être différent des autres. L'anormalité était la norme des Raeders. De plus, les différences apportaient toujours des avantages -et inconvénients- uniques en leur genre ! Au final, la tribu Abyssal n'était que des Etelkrus déguisés en sous-marins. Quand Abysse s'allongea, instinctivement, la femelle vint se coucher contre son flanc, se voulant rassurante...

« Je suis heureuse que tu sois arrivé chez nous. »

Elle murmura, presque plus pour elle-même.

« Ils sont idiots. Je trouve que c'est toi le plus beau. »

Elle rit comme pour masquer la chaleur de ses joues et de ses tripes. La promiscuité ne l'aidant pas à rester de marbre, elle décida de se relever et de s'asseoir à sa place précédente, conservant sur son épaule la démangeaison fantôme apparue au contact de la peau du mâle. Ann s'ébroua vivement pour cacher cette sensation à la fois délicieuse et malaisante.

• 2 ans •
F A E I

Elle sourit, un peu tristement d'abord. Ann ne s'était bien sûr pas attendue à recevoir de la part du mâle vert la réciprocité à ses propos. Mais le silence lui pesa tout de même un peu, comme si, tout au fond d'elle-même, un petit espoir s'était allumé. Peut-être n'avait-elle pas été assez explicite ? Peut-être... Peut-être simplement qu'il avait tout à fait compris mais ne souhaitait pas répondre à ses avances. Ce qui était pour le moins logique, puisqu'il avait une compagne, une famille... Dans un second temps, elle chassa de ses pensées son trouble pour se concentrer sur le sourire d'Abysse. Ses crocs nombreux et effilés la fascinait. Elle y voyait là toute l'essence même du loup : des dents comme des rasoirs, capables de déchiqueter et de tuer en quelques secondes, et pourtant qu'il n'usait jamais contre autrui avec malveillance. L'hybride du fond des mers était une âme pure. Là était plus encore sa beauté. C'est ce qui plaisait énormément à la petite sorcière, très sensible à l'aura des autres. Ses oreilles s'agitèrent en attendant la voix d'Abysse et elle revint brutalement au moment présent. Peut-être trop violemment, car son cœur se serra et ses tripes se tordirent. Elle décida que la franchise restait la meilleure des options, malgré sa douleur encore vive. L'acceptation n'était peut-être pas complètement atteinte.

« J'ai... Perdu mon enfant... »

Le regard de la louve se perdit dans l'horizon.

« L'Océan avait sans doute d'autres projets pour lui. »

Sa voix était calme, mais à qui saurait écouter, on pouvait y entendre la peine vécue. Elle se rapprocha d'Abysse à nouveau, un peu timidement. Comme ayant soudain un besoin de contact qu'il était seul à pouvoir offrir, puisque seul présent.

« C'est pour ça que tout va... Ira bien. Rien n'arrive par hasard, il faut juste parfois du temps pour le comprendre et l'accepter. »

Elle avait confiance en l'Océan. C'est ce qui la maintenait debout.

• 2 ans •
F A E I

La demande tacite de contact fût acceptée, et une réponse fût offerte lorsqu'Abysse posa son menton sur le crâne de la petite sorcière. Une chaleur réconfortante se dispersa dans son coeur, son thorax et petit à petit dans tous son corps. Il y avait si longtemps qu'elle n'avait plus étreint personne comme ça. Le dernier en date était son père, bien sûr. Elle en avait presque oublié comme la douceur du geste apportait un réel bien-être à l'âme. Ils restèrent ainsi quelques minutes où la noiraude n'eut rien à répondre d'autre qu'un merci chuchoté. A la proposition du mâle vert-bleu, le sang de la louve ne fit qu'un tour. C'est une autre forme de chaleur et de contact que le désir faisait monter en elle. Jeune femelle amoureuse n'aurait presque pas eu besoin de répondre tellement son regard brûlant était évocateur. Elle remercia l'Océan à cet instant que le loup abyssal ne puisse le voir, espérant également qu'il n'entendrait pas son cœur tambouriner contre la cage de ses côtes. Elle baissa le museau contre le poitrail d'Abysse, inspira profondément son odeur de musc et de sel, profitant encore quelques secondes de ce qui serait sans doute la seule étreinte qu'elle partagerait avec lui.

« J'aimerais beaucoup. »

Elle aurait pu s'arrêter là. Elle aurait dû s'arrêter là. Mais Ann avait encore quelques bons principes de compassion qu'elle n'était pas prête à dépassé, même au prix de son propre bonheur.

« Mais je ne veux pas que ça t'attire des ennuis. »

Et puis, il allait être papa, bientôt... Naïade risquait fort de mal le prendre qu'il ne soit pas là pour elle, au profit de la petite sorcière. Elle préférait se mettre en retrait, et le laisser être heureux avec sa compagne. Dommage pour elle. Ann se décolla doucement d'Abysse.

« Tu es quelqu'un de si doux, si gentil. Ne change jamais loup des profondeurs. »

Elle lui donna une lèche sur le museau avant de rompre complètement le contact et de s'allonger un peu plus loin, à l'entrée de la grotte.

• 2 ans •
F A E I

Lorsqu'il passa au dessus d'elle, Ann sentit tout le désir et l'amour pour le mâle verdâtre refluer brutalement. Elle contint difficilement la chaleur de ses tripes et l'envie de se relever pour coller son dos contre le poitrail du loup hybride. Son coeur s'accéléra encore, au point de tambouriner dans ses tempes tellement fort qu'elle en resta une seconde sonnée. Bon sang mais qu'est-ce qui n'allait pas chez elle pour qu'elle ressente si puissamment ce besoin de contact avec lui ? Le temps qu'elle se reprenne, il était dehors et lui répondait avec un sourire qui fit fondre la sorcière. Il répondit à sa lèche avec tendresse. Elle sû à cet instant là que personne, jamais, ne pourrait remplacer Abysse. A lui seul appartenait son âme désormais. Enfin, après l'Océan mais ça, c'était une autre forme d'amour.

« Bonne nuit à toi aussi. Merci d'avoir été là. »

Elle sourit, ses émotions en pagaille mais le poids de ses épaules bien plus léger. Abysse avait ce pouvoir sur elle, d'apaiser ses tensions ou sa peine par sa simple présence. Il était un soleil. La douce et chaleureuse lumière du printemps. La noiraude posa sa tête sur ses antérieures et observa s'éloigner le Raeder en se laissant bercer d'illusions et de rêves inavouables à l'heure actuelle. Finalement, c'était peut-être pour cette raison que l'Océan lui avait ravi son fils... Parce qu'elle n'avait pas choisi le bon père pour lui... Peut-être était-ce la façon de l'Océan de lui dire qu'elle ne devait plus se laisser en retrait. Peut-être qu'il était temps de prendre ce qu'elle voulait. Peut-être qu'il était temps de dérober ce trésor là à sa rivale...