Promenons nous dans les bois tandis que [joy]

Si de nombreux loups de la meute avaient tendance à s’oublier au profit d’une efficacité remarquable et d’un sens du devoir inébranlable, il y en avait d’autres plus jeunes qui ne semblaient pas briller par leur sens des responsabilités. Bien qu’étant un jeune loup sans histoire et sans problème, le jeune Sushi ne correspondait certainement pas à l’idéal du clan. Il était original, d’un anticonformisme à faire fuir un troupeau rien que par sa présence dans les environs. Non, ce n’était pas le respect ou le danger qu’il représentait -ou pas – qui pouvait expliquer ce type de réaction de la part des animaux de proie, mais bien son manque cruel de discrétion qui le rendait aussi visible qu’une verrue au milieu du front. Il ne semblait pas s’inquiéter du devenir de la meute autant que les autres jeunes auxquels il pouvait se trouver comparer. Lui, il n’était pas franchement utile et il le savait. Mais plutôt que d’en faire une maladie et de se morfondre sur son sort, il demeurait égal à lui- même, un jeune loup souriant qui avait toujours quelques bouquets de fleurs à offrir à ceux qui voulaient bien s’y intéresser. Car c’était bien là ce qu’il préférait les fleurs, les planter, en prendre soin, les regards germer sous ses yeux, croître, grandir, s’épanouir avant de les récolter et de les offrir à ses proches. Une tâche qui n’avait que peu d’importance. Distribuer de l’amour autour de lui, sans chercher à détenir une quelconque preuve d’attention de leur part. Il était invisible, malgré son sourire, malgré sa gentillesse, il n’était pas un héros.

Mais une chose était plus vraie encore, il souffrait de penser décevoir à n’être rien de plus que lui-même. Que ce soit par les actions qu’on lui attribuait ou bien, celles qu’on ne reconnaissait pas en lui. Il n’était pas un bon soldat, il n’était qu’un faire-valoir dans cette meute garnison emplie de grand héros. Tous brillaient de rouge, de jaune et de orange – parfois -. Alors que lui, il ne brillait qu’au travers de ses œuvres et de ses idées aussi farfelues et incomprises qu’elles demeurent. Sa dernière invention n’était pas des plus utiles. Il s’était décidé à marquer les arbres par quelques touches de pigments qu’il appliquait généreusement sur les écorces. Inutile, d’autant qu’il savait son œuvre totalement éphémère, bientôt emporté par la prochaine averse. Mais cet entêtement dans une tache inutile expliquait sa présence sur les lieux. Allant de tronc en tronc, l’adolescent y traçait des marques rouges carmins, des griffes qui semblaient fendre l’écorce de part en part, des éclaboussures qui semblaient couvrir la matière comme si un chasse et une mise à mort s’était produit tout près de celle- ci, des entailles profondes qui semblaient ouvrir la terre et trancher les arbres. Étrangement, malgré que l’œuvre puisse sembler sinistre, il conservait toujours son sourire naturel et enjôleur. Il était heureux de pouvoir s’adonner à sa tâche et il s’adonnait à cette tâche car il était heureux, ainsi était le jeune loup émeraude fil de Kalash’.

Rien n’aurait pu gâcher cette journée … Sauf peut-être une rencontre inattendue qui ne tarda pas. Alors que le jeune loup dressait quelques traits supplémentaires. Alors qu’il était encore en équilibre sur ses deux pattes arrières, les pattes avants couvertes de peinture aux couleurs du Dieu Aka, il l’entendit. Ce hurlement dans les bois à vous glacer le sang qui le fit frissonner, terrifiant, il crut d’abord qu’il ne l’avait pas vraiment entendu. Retombant sur ses quatre pattes, il interrogea les pins du regard.