Avec un soupçon de logique · Reconstruction

Il était temps.

Après préparatifs et avoir enfin retrouvé et parlé avec Yersine et Avalon, Nocera s'était sentie prête. Elle avait pu notamment auprès de Kerguelen, savoir quelles plantes emporter. De là, elle avait guidé quelques volontaires avec elle vers les terres désolées. La marche jusqu'au fleuve avait demandé de traverser les étendues qui se remettaient doucement, grâce aux efforts. Nocera reconnaissait qu'elle avait un peu tardé, mais elle ne le regrettait pas : elle avait du fixer sa propre vie après l'annonce d'Eva, pour espérer être assez stable. Seul la sérénité permettait à ses yeux d’œuvrer avec toute sa logique sur les terres

Elle avait établit un schéma.
En premir lieu, déposer ceux qui souhaiteraient se mêler aux autres tâches proposées lors du rassemblement avec Méridor. Ensuite, elle désirait filer droit vers l'Anse croupie et former un ou deux groupe selon combien de loups l'accompagneraient. La tâche auto-assignée puis-ce que le reste avait progressé, était de s'occuper de l'anse croupie puis de la vasque de la lune, qui restaient sales des débris accumulés.
Pour cela, elle avait des plantes et un plan dans ses bagages.

Le premier groupe fut laissé, avec pour instruction claire de ne prendre aucun parti, et d'aider avec toute la neutralité des Nakhus. Comme Ajani l'avait demandé. Elle préférait marteler l'information.
Elle prit alors la route vers l'anse croupie.

Et exposa bien évidemment la méthode qu'elle avait imaginé à ceux ayant désiré l'accompagner. La voix ferme, elle avait presque l'allure d'un chef désabusé, si ce n'était pour le l'engouement qui se glissait dans le fond de son ton. Une note positive parmi son apparence placide, voir austère.

"Notre but actuellement est de stabiliser les berges. Il est inenvisageable de nettoyer nous-même l'eau alors pour faciliter le travail de la nature, nous allons également placer des plantes filtrantes."

Elle exposa les grands sacs terreux qu'elle portait, et avait fait transporter aux autres. Humides même pour ceux qu'elle s'était assigné, pour n'infliger à personne de finir le dos plein de boue.

"D'abord, les pousse de frêne et de saule à planter assez proches de l'eau. Ils feront des arbres aux racines profondes très utiles." Elle montra ensuite une partie d'un des sacs humide. "Puis les hélophytes, qui feront le travail dans l'urgence en attendant que les arbres grandissent. Ces deux plantes sont l'absolue priorité pour retenir les débris et la terre."

Elle avait religieusement noté ce que lui avaient transmis les passionnés de plantes Nakhu, notamment Kerguelen, lorsqu'elle s'était renseignée sur la question. Leur savoir avait été précieux, une véritable mine d'or. Elle désormais, s'en servait pour organiser et mettre en œuvre. Un maillon d'une chaîne entière, qu'elle tentait de relier avec sa logique et son efficacité.
Elle espérait que Mido observerait, et verrait leurs efforts.

"Quand ce sera fait, nous installeront les plantes émergentes ; ce sont elles qui filtreront l'eau à l'avenir. Flèche d'eau, cresson de cheval, glycérie panachée, petite prêle, roseau commun... Différentes tailles selon la profondeur de l'eau et le courant." Son visage se para d'un sourire ensuite. "Et des myosotis des marais... Qui n'ont qu'un but esthétique mais apporteront une touche de bleu pour rappeler Ao."

L'expression déjà envolée, leurs pas les amenèrent enfin devant l'onde embourbée, qui ne portait plus qu'un écho de son chant d'autrefois. Nocera elle se délesta de ses sacs, les déposa sur le sol avec la douceur d'une mère. Elle fit face aux autres.

"Nous œuvreront peut-être sur plusieurs jours, il y a beaucoup de berges. Ménagez-vous, d'accord ?"

Sur cette dernière recommandation, elle attendit leur accord et signe de départ.
Ou d'éventuelles questions.

Quel plaisir.

Nocera se demanda si elle pourrait demander un dédommagement pour préjudices moraux à Ajani, au retour. Les piaillements de Lewis de son nom entrèrent par une oreilles et sortirent de l'autre, derrière un visage qu'elle ne cacha pas être blasé. Sa pirouette pour venir à son contact ne trouva en réponse que son immobilité également. Ou peut-être pourrait-elle réclamer des vacances ? Une injonction restrictive avec une distance de trois kilomètres ?

Après une grande inspiration, elle exhala pendant dix bonnes grandes secondes.
Elle décida à contre-coeur de ne pas se placer trop loin du microbe violet à grenouille ; elle préférait surveiller du coin de l’œil ce qu'elle allait faire. À une allure bien plus calme, elle ouvrir ses sacs et sortit d'abord les pousses d'arbre. Elle allait pousser la terre pour les y mettre proprement, mettre les menthe d'eau juste pour les déranger ensuite n'était pas bien malin.

Il allait maintenant falloir placer.

... Elle regrettait peut-être de n'avoir pas pratiqué avant. Elle regrettait un peu quelque part, de ne pas avoir décidé précisément d'un sortcellier qui aurait été à l'aise dans cette tâche. Elle avait été trop concentrée sur l'idée de quelles plantes ramener, et d'apprendre dans quelle secteurs les placer. La méthode lui avait échappé. La logique imposerait d'être précautionneux, alors elle partit pour cela.

D'abord, creuser. Dé FOR.
Elle se prit une griffe dans la roche, purement et simplement. Ayant appris l'humilité, elle n'avait toujours pas réussit à opérer la tempérance de la Corneille... Elle poussa donc un grognement douloureux et irrité. Il allait lui falloir quelques minutes avant que les échos de la douleur ne se dissipent et qu'elle reprenne.

Super.

Elle pouvait déjà sentir le regard de Lewis sur elle.

Elle agitait sa patte pour dissiper la douleur pulsatile. Encore un peu, et la voix s'éleva avec toute sa raillerie, comme on aurait agité un tapis et dispenser sa poussière. Le regard de Nocera trouva son sourire moqueur, qui lui passa l'envie de continuer à regarder plus longtemps. C'était une manche de perdue pour elle dans cette espèce de... tout. De rien.


Un jeu pour Lewis, une guerre pour Nocera.

Elle souffla sur sa patte, décidée à ignorer pour le bien de toute l'opération, la louve violet-bleu.
Il serait bien simple de lui dévisser la tête des épaules quand elles auraient replanté les berges. Les plantes et leur bien-être étaient prioritaires.

Une fois la douleur derrière elle, elle retenta son opération.
Dé FOR.

C'était... Ce n'était pas, plutôt.
La profondeur de ses trous étaient décevante, vraiment. Ce n'était pas du tout son expertise, alors qu'à côté, Lewis venait de progresser à creuser encore mieux qu'une taupe. Elle en aurait presque eu mal à la tête. Très bien, si c'était ainsi, c'est qu'il fallait changer de plan.
Elle dévisserait la tête de Lewis un jour, mais devrait se faire violence en attendant en collaborant.

"Je vais plutôt planter, je te laisse creuser en premier lieu."

Elle se releva pour saisir les plantes, et elle passerait derrière la minuscule louve.

Respire, Nocera, respire.

Il fallait penser aux plantes, plutôt que de contempler l'idée d'envoyer Lewis dans l'eau sale. Elle était à demi sûre que celle-ci rigolerait de plus, au lieu de trouver ça dégouttant. Le témoin de cette conclusion était la terre qu'elle avait réussit à s'étaler partout sur le nez. Si le manque d'élégance était pardonnable, un vide total d'hygiène lui ne l'était pas. Lewis était aux antipodes des valeurs de Nocera.

Quel enfer.

Elle attrapa ses plantes et dans le sillon d'emplacements laissés par la louve crottée, les plaça en essayant de calmer l'agacement qui lui étouffait l'esprit. Quelques inspirations pour dissiper ses envies de la faire tomber dans un de ses trous et...
Dé ING pour planter.

Et enfin la magie s'opéra dans son esprit.
Délicates feuilles vertes entre les doigts de ses pattes, la précaution et la logique lui étaient revenues. Vertes comme des yeux ou profondes comme la couleur de Mido, elle admira ces bijoux de la nature. Des merveilles d'adaptation, de spécialisation, et de ressources ; leurs inventions ne dépasseraient jamais la créativité de leur monde, gorgé de beauté et de magie. Une magie à restaurer dans ces lieux.

Une réalité à nourrir, pour se comparer au souvenir.

Déposer au centre la pousse de saule comme un nouveau né. La laisser s'épanouir pas trop haut, pas trop bas, pas enfin la border, la caler avec de la terre. Des mouvements lents, mais un rythme essentiel pour ne pas les abîmer et faire les choses correctement.

A mesure d’enchaîner cette activité à la place, un sourire fleurit petit à petit sur les traits de la fille des étoiles.

Quelle voix de crécelle.
Elle piaillait plus fort que le pire des poussins.

Nocera redressa la tête, sortie de sa transe douce et accueillante. Quelle tristesse que de quitter le monde de ses songes éveillés pour retrouver la réalité de la présence de l'ancienne pirate. Elle continuait ses boutades, prenant en tremplin ses espoirs pour proposer une activité que Nocera trouva bien évidemment inutile.

Comme un papillon vers la lumière cependant, elle ne put s'empêcher de répondre.
Le sourire l'avait quitté, sa voix acerbe était revenue.

"Je déteste les idiots peu importe leurs origines."

Même si le lien de fascination avait momentanément été coupé avec les plantes, elle continua malgré tout sa tâche, ne souhaitant pas spécialement se mettre en retard par son incapacité à ignorer Lewis. Tout en l'autre louve lui hérissait le poil, elle se savait bien faible d'y répondre mais pire que du sel sur un coquillage, elle lui faisait cracher beaucoup de choses.

Dé ING pour planter.
C'était un peu éparse, mais l'endroit commençait enfin à se garnir de pousses, et la verdure brillait au moins un peu dans ce paysage salit. Nocera contempla un instant la scène, se remotivant quelque peu pour avancer.

Ah, oui, lancer une supposition, maintenant.

"On t'as bercé trop près d'une paroi rocheuse, gamine."

Voilà, ce serait suffisant pour montrer son dédain.

Jamais bercée, uh.

C'était une admission relativement personnelle et Nocera ne savait pas si elle était là pour ça. Elle trouva cela illogique d'ouvrir cette porte à quelqu'un qui ne l'aimait pas. Presque une invitation à piquer son âme à vif avec cette connaissance. Nocera grimaça, toujours estomaquée par la bêtise de la petite louve au bandeau rouge.

La présomption suivante l'irrita.
Elle ne manqua pas d'annoncer à voix haute son avis sur cette dernière idée, le ton chaud de colère à défaut de la glace qu'elle présentait d'habitude.

"C'est quoi, ça ? Absolument général et idiot. Cite-moi donc une seule personne sur cette planète qui aime quand les choses ne se passent pas comme souhaitées. Tout le monde a des rêves et des vœux."

Elle manqua de cracher ensuite, plus venimeuse que colérique cette fois, une remarque bien sentie sur son manque d'amour. Ce serait petit... Mais son âme était déjà grise de toute manières. Elle gonfla ses narines à force de respirer fortement.
Décida d'être au-dessus de ça, de ne pas glisser dans ce jeu.

"Tu fais simplement le clown pour compenser, personne n'est aussi bête involontairement et tends un baton pour se faire frapper ainsi."

Elle plissa les yeux et retourna à ses plantes.

"Garde ce genre d'infos pour toi, Lewis, ou quelqu'un finira par les utiliser contre toi."

C'était mieux, elle ne s'était pas abaissée, elle reprenait un peu de contrôle. Elle reprit ses plan et les enfonça dans ce qui avait été creusé. Dé ING pour planter. Elle aligna les plantes de façon encore un peu éparse, et dû dédier ensuite son temps à corriger cet état de fait.

Au moins, tout cela avançait.

Elle plissa les yeux.
 
Bouche cousue, Nocera prit une seconde décision : celle de ne même pas essayer de débattre avec la logique bancale de l'autre louve. Résolue, elle fixa avec obstination ses plantes et les aligna avec la même précaution qu'elle avait appliqué plus tôt.

Elle ne jouerait plus et ne répondrait plus.
Il était clairement impossible de tenir une discussion avec cette louve, et il était temps qu'elle ne perde plus d'énergie là-dedans. Ce n'était qu'un trou noir, en face d'elle, prête à aspirer tout ce qui lui passerait sous la patte pour s'en amuser. Tirerait, toujours, un peu plus avec des provocations basses.

Elle pouvait la blâmer et l'exécrer tant qu'elle voulait, elle devait aussi s'en prendre à elle-même.
Pour se l'être dis si peu de temps avant, elle le savait, que le chemin de répondre était le mauvais. Que ce n'était pas faire preuve de plus d'intelligence que de ne pas l'ignorer. Elle était une enfant de l'intelligence et de la logique, elle devait respecter ses valeurs si elle voulait pouvoir calmer Mido et lui montrer qu'il n'y avait pas tout à jeter chez les mortels.

Aucune nouvelle parole de sa part alors, simplement une volonté de fer de ne rien dire.
Dé ING pour planter.
Et beaucoup de frustration, si bien qu'elle s'en retrouva déconcentrée un instant, trop emportée dans ses réflexions pour ne serait-ce faire plus que regarder sa plante. Elle tiqua d'un œil et respira en regardant le ciel. Elle aurait aimé pouvoir aller retrouver son jumeau à ce moment précis et trouver un peu d'énergie auprès de lui.
Ou Anastasia.
Ou Edmound.

Le passé hantait si vite, face aux terres qui avaient vu son enfance.