Les Pas-Du-Tout l P.V. Littie

Tu les regardes qui passent et ne trépassent, avancent sur les pentes glissantes des couloirs et s'engouffrent dans des tournants qui les avalent. Tu les regardes de tes yeux avec trop de couloirs et où le noir remplace le blanc, tu les juges et les condamnes, toi prisonnière que l'on musèle mais qu'on ne réduit au silence.
Assise, devant une porte close.
Oiselle, oiselle dans sa cage. Il tourne sur toi les maux et les mals, de ceux que tu incites, de ceux que tu provoques, de ceux que la nature fait tourner en toi.

Des insectes au fond des boyaux ; à nouveau compagnie sur ton poil. Un estomac qui se tort et vomit bile et fond de plantes que l'on te donne au fond de quelques restes.
Malade, puis en chaleur. En chaleur puis malade. Tu joues entre deux états, de belle devient maigre, de maigre redevient belle.

Tu es un peu des deux aujourd'hui. Le visage radieux et l'odeur qui repousse.

Et d'un rire torve tu te tords contre tes barreaux, glisse une patte au travers et te laisse glisser de tout ton long, quand enfin compagnie se rapproche. Lui là-bas qui vient, inconnu à la lumière qui déverse ses couleurs ; t'offre comme un bain de soleil qui fait vibrer le bout de tes lèvres alors que ta tête touche le sol.

« Il apporte un peu de feu, le fils de catin. »

Folie dans tes yeux, intérêt dans ton sang.
Tu tends un peu plus ta patte, te déboiterait l'épaule si tu pouvais le toucher.

Mais il ne se laisse pas. Toucher. Il ne se tient éloigner mais ne vient pourtant à la portée des griffes volées.
Tu n'es pas déçu parce que tu sais que tu peux encore l'avoir, tant qu'il ne part pas. S'il possédait aussi peu de raison que le fils du Fossoyeur, si a déraison il se laisserait bien à la tentation.
Tu ne sais pas encore comment et tu n'y réfléchiras même pas, laissant aux instants leurs propres moments. Te contente dans un claquement, ah ! d'enfin te la déboiter cette épaule qui le cherche.
Il filtre entre tes crocs si gros (quand toi, tu es si maigre et d'un ventre si flasque) un gémissement désarticulé.

Puis tes yeux accrochent les couleurs du mur. Parce que c'est ça qu'il regarde, c'est ça qu'il a dit. Du feu. Il le dessine, et toi tu penses pouvoir le toucher et te brûler.
Alors tu roules et te tortilles, en épilepsie d'un bond te relève et valse pour mieux t'écraser contre le mur. Animal intenable qui se languit dans sa cage dont il ne cherche la serrure, tu touches du tout petit bout de ta langue ce qu'il t'a dessiné.
Ce n'est qu'un dessin et il n'y a qu'un goût de poussière. Mais il créa dans ta geôle quelque chose de nouveau.

Et toi, tu en avais besoin. De ça, de nouveau. Pour t'exalter et te donner une raison de te foutre de quelque chose d'autre, parce qu'il n'y avait dans ton monde de place pour l'existence, pour les autres ou pour toi-même.
Une existence vaine que tu étais consciente de mener, tu le faisais avec un tel brio qu'on aurait pu l'appeler talent.

Tu n'avais tellement rien à perdre.
Tellement rien, rien, rien !

Alors tu tentes, de le mener tes filets insoupçonnés.

« Il apporte aussi ce que j'ai cherché sans le savoir, ce qu'il a trouvé sans le vouloir. »

Tu enchaines les mots sans cohésions.
Comme si un jour tu eus été capable d'avoir des mots censés.

Ne cherche tu la raison, lui donne une déraison. Ton sang est un alcool qui dilue tes pensées et inonde tes mots de leur non-sens, ton monde est fait d'images que tu es seule à voir de tes yeux trop coloré. Et tu ne cherches rien, quand tu le regardes, rien que lire l'absence de son âme et de la tienne.
Tu te tortilles encore et tu gesticules, c'est ta façon à toi de courir dans une prairie que tu dessines sur le sol de ta cellule. Ce chez-toi maintenant, que même porte ouverte tu n'avais cherché à quitter. Y restant enfoncée, te mêlant aux obscurités des autres. Il y avait tant à voir, ici ! Tant à savourer !
Et beaucoup de mâles, avec qui s'amuser.

« Je te veux toi. »

Tu aimes les réactions des mots.
Et voilà que tu roules sur le sol, d'un saut te lève ! Tu valses jusqu'à la porte de sa cellule, petite danseuse de flanelle. Y appuie une patte, là ! Gratte à ta serrure.

« Tire la chevillette, la bobinette cherra !! »

Tu roucoules, derrière ta muselière.

Et tu grattes, un peu plus fort. Déchausse de tes plaies les griffes volées.
Et tu grattes, un peu plus vite. Esquinte tes petits coussinets.
Et tu grattes. Frénétique et névrotique, pousse des petits couinements accélérées.
Mais il ne veut pas t'ouvrir, mais il ne te veut pas avec lui quand toi pourtant le veux tant avec toi ! Tu te stoppes et le regardes, c'est dur de savoir ce à quoi tu penses.

Comme c'est dur, de savoir à quoi lui pense. Il a le regard vide et ne semble se porter bien haut, ne fait que remonté doucement vers les cieux comme le font ses éclairs. Et les fantômes, aussi.
Ta langue passe sur tes babines, essuie ton nez et tu bailles.

« Mais tu peux refermer derrière toi ! »

Entre, entre, nous y sommes bien ici ! Tu lui montreras, comment on s'y imagine une plage et des cocktails.
Il te sort encore des couleuvres, que tu regardes passer autour des barreaux. Ils convulsent autour des barreaux et se font faufilant, ils se tordent comme tu te décides alors à les copier.
Toi qui t'enroule, autour des barreaux de ta prison ! Fait ressortir ta queue au-dehors, lui montre tes fesses alors que tu danses autour de la barre.
Elle se fait serpent parmi les couleurs, elle ajoute son vert, son brun et la peau de ses frères et ses enfants. Le sourire est aussi comique, s'ouvre sur des crocs immenses et-

« Tu me trouves plus belle qu'eux ? »

Fantasque dans la voix, fantasque tu es.

Il n'a pas les clefs, dit-il, il n'a pas les clefs ! Alors...

« Dessine-les. »

Ça te parait si simple et tu ne sais comment lui n'y songe pas ; il danse dans son regard des lumières invisibles qui pourtant aurait dû le guider vers cette possibilité. La lumière qu'il possède semble être faites de merveilles à proposer à ce monde, il te semble faire valser les codes de la raison et s'offrir à cette folie colorée dont il inonde les murs.
C'est un fils de catin qui te plait.
Tu lui autorises autre nom, il deviendra le Peintre.

Puis à sa question, ta langue claque.

« Que tes serpents que tu m'offres et les couleuvres que je te donne, le peintre. »

Oh, oui. Tu te laisses tourner autour de la barre, descend de là où tu t'es hissé pour mieux choir comme une poupée morte sur le sol. Te glisse sur le dos.
Son surnom a glissé sur ta langue comme un bonbon acidulé, celui qui pique et te fait tirer la langue pour pourlécher tes viles babines.

Et tu attends.
Qu'il te dise que peut-être, c'est toi aujourd'hui la plus belle.

Il a peur.
Toi tu hausses les épaules et tourne sur toi-même, lui offre une autre vision de ton corps avant de reprendre place initiale. Allons, il a peur ! Ce n'est pas grave, tu sais pourquoi.

« Ce sont les puces prisonnières ou la muselière, qui t'effraient le plus ? »

Les unes, ou l'autre, tu sais que la peur est dû à ce que tu ne maîtrises pas. Mais tu ne retireras ni l'une, ni les autres, pourtant ! Elles font parties de toi, habille ton corps d'une charmante façon. Lentement tu clignes des yeux, pour qu'il profite toujours un peu plus de toutes les couleurs, de toutes les splendeurs.
Tu te mues en bête curieuse qui vient jusqu'à lui, désire se frotter à ses pattes comme un chat langoureux mais ne peut que goûter à l'acier de tes limites.

Mais la réponse n'a de toute façon plus de place, maintenant. La suite vient et elle est plus importante, elle te prend dans ses bras et t'emmènent danser loin de ce qui est déjà passé.
Tu ne vis que dans les virevoltes d'un présent allant d'un pas sur le futur.
Ni plus, ni moins ; ainsi marches-tu dans ta petite vie, ma fille oracle.

Et voilà, voilà ce qu'il fait de toi.

La lumière te possède et te pare à l'automne. Non, c'est plus. Tu le sais et c'est pour ça que tu souris. On voit tes commissures par-delà ce qui garde ta gueule, tant celle-ci est large et grande.

« Tu m'embrases, tu m'embrases ! »

Et comme le feu qu'il te fit devenir, tu te lèves sur tes pattes et tu tangues. Tu as levés tes pattes avants au-dessus de ta tête et tu t'offres en spectacle, laisse ta queue trainer en gerbe enflammée sur le sol. Tu crées des étincelles par les éclats de lumière qui inonde ton corps, quand tu passes devant la torche ou la fenêtre, tu roules contre les murs et répands plus loin le brasier.

« Quelle belle folie, que celle de l'incendie ! Dit oui. »

Tu reviens et tu veux passer ta tête au travers des barreaux, mais tout est trop étroit et tu t'arraches les poils comme les joues. Alors tu restes là, te colles un peu plus, les laisse se creuser une place contre ton visage de sauvage. Tu ris un peu, mais celui-ci est comme une respiration pour toi.
Et tu le regardes, ça...
C'est certain.

Plus qu'un autre tu sais ce moment amusant. Parce qu'il possède milles couleurs et qu'il ne s'arrête jamais, parce qu'il est une valse qui emporte tout, dans tes arabesques et tes pas sautés. Il est de ces jours où tout est beaux, de ces jours que tu te souviendras. C'est un jour que tu voudras revivre, et à partir de maintenant tu crieras pour qu'il te revienne.
Dans ta gueule, il s'efface ces filles de la chevalière, jamais ô jamais venu à toi ! Augure te dit qu'elles n'existent pas, qu'elles n'existent plus... C'est pour ça, ah, pour ça que c'est le silence ou la voix de ton gardien qui seul trouva réponse à l'appel ! C'est dommage, c'était important pour un temps joli.
Celui qui se veut révolu, car désormais se doit-il de partir ce joli temps.

Ta claque claque, tes yeux agressent la lumière du soleil qu'il porte sur lui.
Tu le regardes, toujours.
Lui caché derrière elle, mais elle quand même un peu. C'est elle, qui t'aura embrasé, on ne peut t'empêcher de ne toujours pas aimer les divins et leur asservissement.

Quand les Perdus et les oracles, eux et elles, paradent patte dans la patte si loin des mortels ! Et qu'il brille les étoiles, chantez et dansez mes enfants, et que file les âmes et les états.
Ton flanc contre les barreaux qui te sépare du reste du monde, même si tu n'as besoin de cage pour ça, tu détournes le regard et observe plus loin dans les couloirs.

L'heure du repas, l'heure du repas ?!
Sous tes crocs tu veux des os.

« On ne s'échappera pas de notre chambre ! On y dort et on y mange. »

Tu pourrais à jamais y rester, à l'abri et nourri. Tu t'es attaché à ta couche sale, aux marques dans la roche, et il te semble ne jamais pouvoir retrouver meilleur endroit.
Ici est chez-toi, et du chez-toi toujours tu retournera. Augure persifle à la liberté, mais tu appris à ignorer ton insecte. N'écoute que ses brides de violence et ses envies de chaos, non cette philosophie et son envie d'herbe verte.
Il y a assez d'insectes, pour elle aussi.
Elle peut encore écraser tant de vermines !

« Tu as dis oui, tu es mon Effluve maintenant. Il faudra revenir. »

C'est lui que tu choisis, parce qu'il est mieux que tous les autres.
Tu ne trouves de beauté ou de force, ce n'est pas ce que tu cherches ; tu ne veux que l'esprit semblable à celui d'un Perdu.

Et voilà que en même temps que cliquètent les clés du gardien, tu te recules, ma fille, ne laisse que tes yeux et tes couleurs de feu illuminer ta cellule, non! ta chambre.
C'est là que le rideau tombe.
Et que persiste les souvenirs et la promesse de filles.