Mer d'écailles _ Mildred

APRIL  ⚚
__________

Le doux vent marin fouettait ses cheveux aux reflets verdâtres et son visage clair. April sentait les maigre paillette de sable fin semblable à la couleur d'une coquille d'œuf s'enfoncer entre ses coussinets noirci. Le temps était bon. Elle souriait face à l'immensité de l'océan... Depuis combien de temps la louve n'avait -elle pas profiter d'un tel spectacle ? Depuis trop longtemps peut-être ; les beaux jours amenés par le printemps clément l'aident à sortir un peu de son cocon de tanière.
Le doux bruits des vagues et l'écumes pétillantes l'amenèrent à se rapprocher doucement de la mélodie de l'eau. Ses yeux de glaces observèrent cette danse langoureuse et gracieuse bien que parfois chaotique les jours de tempête. En y regardant de plus prêt de petits poissons se menaient eux aussi à une danse dans les coraux multicolores ainsi que dans les creux des rochers ... Un gargouillis se fit alors présent dans son estomac, depuis combien de jours Lil' n'avait-elle pas dégusté de la bonne chaire fraîche ?
Cela faisait déjà un moment que l'hivers ne lui permettait que de se nourrir de racines de patates sauvages ainsi que de pauvres petites carcasses terrassées par le froid et à moitié ensevelie sous la neige.
Ses oreilles se dressèrent alors en pointe et ses yeux se firent plus vifs afin de suivre le mouvement de ses créature à écailles luisante sous le reflet du soleil ... April s'enfonça délicatement dans l'eau salé qui léchait maintenant le bout de ses pattes ainsi que de son ventre, qui de part sa couleur se fondait à merveilles aux reflets bleutés de l'eau. Intimement convaincue que cela suffirait à lui permettre d'en attraper un pour se repaître ! Heureusement qu'elle était optimiste ... Lil' sentait le sel se fondre parmi ses poils et sécher sa délicate peau avec le vent ; sa respiration se fit plus courte, voire même inexistante pour ne pas se faire repérer. Elle s'élança d'une patte sûr et ...

Mildred n’était jamais revenue ici, depuis… Depuis le jour où elle avait longé cette plage pour ensuite nager vers cette Île sombre qui gâchait le paysage.
Le moment commençait à être vraiment loin dans le temps, maintenant. Mais il ne s’effaçait pas de sa mémoire, il y restait clair et gravé, tout comme ses conséquences désastreuses.
Sa chair lui faisait certains jours encore mal aux endroits où la louve monstrueuse s’était acharnée sur elle, et son coeur saignait à chaque souvenir de son père.
Alors pourquoi revenir ?
Cet endroit avait au moins le mérite d’être très éloigné du Nord. Endroit où sa famille n’avait pas eu beaucoup plus de succès dans ses entreprises.

Peut-être devait-elle faire la paix avec cette plage.

La louve rousse gonfla ses poumons d’une profonde inspiration, avant de finalement descendre agilement les quelques rochers qui la séparait encore du sable.
Et elle ne marcha pas bien longtemps avant de repérer la silhouette blanche qui pataugeait non loin.
Mildred se tendit immédiatement, laissant un grondement sourd rouler dans sa gorge.
Et s’il s’agissait d’un de ces sales Raeders, venu ramper jusqu’au Continent, probablement las de leur horrible plage et des saloperies qu’ils devaient y manger ?
Après un temps d’immobilisme, muscles raidis par la tension, elle se mit finalement à trotter d’un rythme soutenu, verrouillant sa cible de son regard froid.
S’il s’agissait de l’un d’eux, elle le réduirait en pièces. Pour de bon, cette fois.

Ses foulées s’accélèrèrent jusqu’à la mener dans un galop léger et silencieux et elle se rapprocha dans le dos de l’individu qui, au milieu des vagues, n’entendit pas son approche dissimulée par le son du ressac.
Elle était si proche maintenant, pouvait distinguer les motifs de son pelage et la longue chevelure, l’odeur qui se fit celle d’une louve et…
Mildred freina des quatre pattes, s’arrêtant net dans une gerbe d’écume lorsque l’éclat d’un glowstick attrapa son regard.

Pas n’importe lequel. Le rose de la Grâce.

Un nouveau grondement, si bas, sortit de sa poitrine ; mais celui-ci était plutôt du à sa frustration qu’à de l’agressivité.
Son échine gonflée retomba, et désormais immobile, elle détaillait du regard cette jeune louve qui toujours s’amusait dans les vagues, complètement oublieuse de sa présence dans son dos.
Tsk. Quelle bien piètre disciple. Si elle avait été véritablement mal intentionnée, elle n’aurait eu aucun mal à venir planter ses crocs dans sa nuque.
La vue du glowstick rose avait suffit à éveiller sa mauvaise humeur et sa queue désormais fouaillait l’air tandis qu’elle se demandait que faire.
Son désir immédiat était de partir, de lui tourner le dos et de tracer rapidement sa route avant qu’elle ne la remarque, n’ayant nullement envie d’engager la conversation avec une inconnue qui incarnait ce qu’elle n’avait pas réussi.

Mais elle se rappelait des mots du Moiro. Et ils se mirent à tourner en boucle dans son esprit.

Mildred finit par relâcher un soupir difficile, faisant de son mieux pour se calmer et évacuer son irritation, avant de se remettre en mouvement - s’approchant de l’étrangère, à contre-coeur, qui tentait visiblement sa chance pour attraper l’un des poissons qui miroitait sous la surface.

— Ce n’est pas comme ça que l’on s’y prend.

Sa voix sèche avait résonné pile au moment où la patte de la blanche et bleue allait s’abattre dans l’eau, et ce n’était peut être pas totalement innocent de sa part.
Son visage n’avait rien d’avenant, mais Mildred était disposée à faire un effort ; et à aider sa consoeur si elle le voulait.
Après tout, elle avait grandi sur l’Île, et avait attrapé tout un tas de choses venues de la mer - des crabes aux poissons en passant par les crevettes et les poulpes.