The little Mermaid [Chimaera et Ann]

▒ 5 ans+ ▒
F A E I

Elle sortit de l'ombre, Ann. Son poil noir se fondant à merveille dans l'obscurité de la nuit, lorsque ses tâches bioluminescentes ne s'éveillaient pas. Sans un bruit de pas dans l'écume et les vaguelettes de la limite entre mer et terre, sans un cliquetis de perles ou de bijoux s'entrechoquant, sans un souffle. Elle avait vu de loin un pêcheur, alors qu'elle cherchait des crabes entre les rochers -ces derniers sortaient pus aisément de nuit- et son Capitaine sortir de l'eau pour s'asseoir non loin de lui. Vous pensez-bien, curieuse comme l'était la sorcière, elle délaissa sa chasse et s'approcha des deux loups. Grâce à ce don de silence, elle ne fit aucun bruit pour trahir sa présence, jusqu'à ce que les rayons diaphanes de la lune ne viennent caresser ses crocs parfaitement blancs et ses cheveux blonds vénitien. Là, alors, elle posa son panier-prison de crustacés et salua Chimaera.

« Bonsoir mon Capitaine~ »

Pour l'autre, elle fit frémir ses babines en avertissement : il puait l'Etelkru.

« On préfère pêcher dans les eaux dangereuses et sauvages de l'Océan que dans sa plate rivière ? »

▒ 5 ans+ ▒
F A E I

Son poil se gonfla d'offense alors que l'Etel la comparaie à une grosse morue et que son Capitaine en rajoutait une couche. Non mais grosse ??! Ils l'avaient vu les deux là ? Elle faisait la moitié dleur taille. C'étaient eux les cachalots. Dédaigneuse, la noiraude souffla de la truffe, ses crocs étincellants dévoilés un peu plus, mais cette fois dans un sourire narquois, pour Chimaera. Au coup d'épaule amical du loup hybride, elle cracha :

« Ce qui ferait de toi le plus beau poisson aux yeux d'un Etelkru, Capitaine ? »

Ann ricana, entre le rire véritablement moqueur et celui de celui, vexé, qui tente de cacher sa mauvaise foi. Non mais grosse. Ok elle avait un peu prit du ventre, elle s'était juste fait plaisir sur les crevettes au petit dej. Entendre le chef de tribu bégayer devant un meutard, comme un enfant prit en flagrant délit. Et la suite n'arrangea rien. Abasourdie, la petite sorcière éclata d'un coup d'un fou-rire si franc qu'elle en eu des crampes plein l'abdomen au point de se tordre de rire dans le sable.

« Oh le vieux remake de Roméo et Juliette, pitié ! »

Mais soudain elle se releva a demi, ses yeux ronds et rouges sang vides de pupille les fixèrent l'un puis l'autre, l'autre puis l'un, avant de laisser un air de dégoût plissé son museau. L'idée avait fait son chemin, et en fait, ne la faisait pas rire du tout.

« C'est une blague, Cap' ? Tu t'acoquine avec... une brute sans cervelle d'Etel ? »

▒ 5 ans+ ▒
F A E I

Les oreilles de la louve noire de suie s'agitèrent alors qu'elles captaient les réponses, les paroles lâchées sur le ton d'une confession. Voilà qui était intriguant. Intéressant même. Un Etelkru mal dans son pays, exclu par sa différence de caractère et de... talents ? Cette fois-ci Ann souffla d'agacement, mais cela n'était en rien dirigé contre les deux mâles, à vrai dire, elle réalisait à quel point son père avait eu raison : c'était bien ces meutards les monstres incapables d'intégrer correctement un loup d'une valeur différente à celles de leurs brusques guerriers irréfléchis. Et on disait des pirates qu'ils étaient les monstres ? Elle ricana, pensant à quel point on ne pouvait avoir plus tort. Les Raeders étaient d'une tolérance absolue : rien ne leur faisait peur et rien ne les repoussait. Un hybride ? Génial pour varier les capacités hors normes ! La perte d'un membre ou d'un sens ? On ajuste avec de l’outillage une belle patte de bois ou un œil de verre, et on pousse ses autres muscles plus forts, ou ses autres sens. Chaque âme avait son lot de points forts et ceux qui ne savaient en tirer profit étaient bien idiots. M'enfin, tant mieux pour les autres. C'est à ce moment là que la petite sorcière devina la trame de réflexion de son Capitaine et supposa que la confiance installée entre eux était tout autre de ce qu'elle avait cru voir... En effet Chimaera pouvait se montrer bien malin. Le sourire d'Ann se fit plus amusé que narquois ensuite, tandis qu'elle faisait mine d'ignorer son chef tout en fixant droit dans les yeux l'Etelkru au poil bleu rayé.

La colère qui perça dans les premiers mots de l'hybride confirmèrent les nouveaux soupçons de la Maitresse des Rituels et, comme en parfaite cohésion avec son Capitaine, elle se détendit tout à fait au point de s'allonger sur le ventre et de fouiller son sac pour en chercher un os de seiche à grignoter. Visiblement le mâle pirate avait la situation déjà bien en patte, et avait depuis un moment fomenté son plan. De son côté, elle préférait imaginé, déjà, ce qu'il pourrait advenir de ce loup clanique chez eux, s'il acceptait la proposition pour l'instant sous-entendue du meneur de tribu Raeder. Ce dernier se tourna vers elle pour lui montrer les crocs et déverser son flot de hargne face aux accusations émises par la femelle quelques minutes plus tôt, elle redressa le museau pour planter ses prunelles rouges sang dans celle du colérique Chimaera. Peut-être l'avait-elle blessé ? C'est bien ce qu'il semblait. Elle n'afficha pourtant aucune forme de soumission, se contentant de le regarder avec un visage neutre. L'heure n'était pas encore venue pour la noiraude d'être de ceux qui se couchent pour demander pardon. Si elle l'avait reconnu comme chef, et avait grand respect pour lui, elle n'était tout de même pas prête à ramper et s'excuser chaque fois qu'elle dirait une vacherie. Par contre, elle pouvait lui apporter un poil d'apaisement en formulant cela autrement. Elle haussa un sourcil, dans un sourire toujours aussi amusé, mais sans plus aucune forme d'ironie.

« Une première impression peut être vite balayée, Chimaera. Et puis, tu es le Capitaine, tu sais ce que tu fais, et tu le fais bien. »

Elle n'admettrait pas avoir eu tort par contre. Fallait pas pousser mémé au milieu des requins.

▒ 5 ans+ ▒
F A E I

Fine observatrice, la petite sorcière décela le changement d'attitudes et de tons employés. Les deux mâles semblaient s'être tendus à l’échange de quelques mots. Si elle n'avait pas de force dans ses muscles, elle avait l'esprit affûté et comprenait parfaitement ce qui se jouait sous ses prunelles sanguines : un beau quiproquo. L'un avait vexé l'autre par des paroles peut-être trop directes et franches, l'autre répondait sur la défensive et trahissait les possibilités supposées par l'un. Hors, Ann était d'avis que si Chimaera avait vu un potentiel -qu'elle entrevoyait également- chez ce loup, il lui faudrait intervenir pour tenter d'apaiser la tension. Si elle suivait bien le raisonnement de son Capitaine, l'enjeu ce soir était d'embrigader l'Etelkru, de le rallier à leur cause et meute. Hors la discussion était partie directement sur les insécurités qu'elle croyait déceler chez le pêcheur adverse. Manque de confiance en lui, sentiment d'imposture parmi les siens, âme vagabonde aux pensées divergentes de la majorité de son clan, il était en effet un candidat idéal à adopter. Malheureusement mettre en avant ses peurs n'allaient pas les aider dans cette tâche. Elle souffla du museau, se pourlécha les babines pour les humidifier et prendre la parole calmement, en regardant le loup vert apparemment dénommé Sushi. Comme un signe précurseur de cette rencontre ?

« Ta loyauté vers les tiens t'honore Pêcheur. Toutefois nous saurions user de ton esprit et de tes capacité plus... Pleinement. Nous aurions fort à gagner si tu pouvais imaginer, disons, une vie au large. Avec nous. »

Au cas où ce n'était pas clair.

« Ne désirerais-tu pas d'être reconnu, dans ton entièreté, à ta juste valeur ? C'est ce qu'offre la vie de Raeders, c'est ce que proposait, maladroitement, mon Capitaine. »

Elle tourna son regard vers Chimaera, et pencha la tête sur le côté, souriante mais interrogatrice, attendant une confirmation de l'hybride, ou une infirmation à ce qu'elle pensait avoir compris. Avant de se rappeler de l'autre sujet de conversation : le rapt d'un enfant, qui s'avérait avoir été le frère de l'Etelkru ici présent. Que le monde était petit, tiens. Drôle de coïncidence. En attendant, il lui semblait devoir rétablir la vérité, puisqu'en face il y avait quelqu'un prêt à entendre, à écouter, leur version de l'histoire.

« Mon oncle à effectivement, un jour, ramené un louveteau qu'il a dit être découvert seul, perdu et livré à lui même. Il était alors le Capitaine, mais n'a pas eu l'approbation du groupe une fois la provenance de l'enfant devinée. Puis les tiens sont venus en masse dans l'optique, probablement, de nous éradiquer. L'Océan soit loué, leur idée à changé en cours de route, il me semble, car le petit a été rendu à son -ton père, et parce que ma fratrie et moi étions alors âgés d'à peine un an. Nous avions donc supposés que, peut-être, les tiens avaient eu un poil de scrupules. Nous ne passons pas notre temps à chercher à offenser les meutes, comme semble le croire les Etelkrus. Nos pères ont certes commis des erreurs, il y a des années, et nous ne nous cachons pas de ce passé douteux. Comme les vents et les courants, nous voguons vers d'autres horizons et ne cessons d'avancer vers un avenir plus prospère. Comme le ferait toute meute, n'est-ce pas Capitaine ? »

Là encore elle attendait l'aval de Chimaera, puisque dirigeant, lui seul pouvait en effet être ce nouveau vent pour les pousser dans d'autres tranchées que celles creusées par les générations précédentes. Après tout, n'était-il pas, selon elle toujours, la lumière au milieu des abimes ? Le phare qui guiderait les pirates vers leur fortune.

▒ 5 ans+ ▒
F A E I

N'était pas normal d'être sceptique ? N'était pas logique que l'Etelkru n'ai le courage immédiat de sauter dans une autre vie que celle connue, construite pour lui par ses parents, ses chefs, ses pairs. Une autre façon de voir les choses que ce qu'il lui avait toujours été appris, une vision différente de celle inculquée. Il était difficile de renier ses habitudes, sa zone de confort pour partir à l'aventure dans l'espoir d'un mieux sans être toutefois certain de l'y trouver. Cela demandait une confiance en soi que sa meute ne lui avait pas permis de développer. La sorcière noire écouta Chimaera répondre, acquiesça distraitement à ses mots justes. Ils ne craignait pas le courroux des meutes, de leurs dieux terriens, ni la mort ou même la colère de leur Océan : ils étaient de toute façon damnés à une vie peu confortable, et ils s'en sortaient, et ils vivaient chaque instant sans se restreindre, sans regrets. Ils savaient tous, les pirates, que leur existence ne tenait qu'à un fil, ils comprenaient la fragilité du loup face aux éléments, à la mauvaise fortune, face aux Entités surpuissantes de ce monde, face à leurs propres démons... Et ne se laissait pas submerger par les peurs que cela pouvaient engendrer. A quoi bon avoir peur quand un courant inhabituel pouvait te noyer en quelques minutes ? A quoi bon avoir peur quand il suffisait de se faire voler un bijou pour brûler vif sur le continent ? A quoi bon avoir peur quand on sait d'avance que sa vie finira dans les abysses les sombres du monde ? Elle sourit.

« Notre prix est celui de la sueur souvent, mais aussi celui de la foi. »

En l'Océan et ses monstres bien sûr, mais pas que.

« En les autres et en toi. Un équipage se sert les coudes, notre tribu est une famille. Personne n'est oublié, personne n'est abandonné. Nous coulerons tous ensemble avec le navire, ou nous vivrons d'innombrables aventures, qui sait. »

La louve au regard de sang plissa ses yeux, sourit davantage.

« Quoi qu'il advienne, le pire comme le meilleur, nous serons un équipage. »

Un équipage qui supportait les mutineries si cela s’avérait nécessaire, mais qui ne tolérait aucun abandon cela dit. Mais ça c'était du détail. C'était... Les petits caractères en bas de page du contrat...

▒ 5 ans+ ▒
F A E I

Les oreilles d'Ann captèrent l'aveu. Il n'y avait plus qu'un pas dans l'eau pour que l'Etelkru ne rejette ceux qui depuis si longtemps semblait le mettre de côté. Etait-elle contente de cette idée ? Voir un Etelkru trahir les siens pour embrasser la vie de matelot ? Sa haine à l'égard de cette meute de brutes rendait cette idée particulièrement douce à son âme. Il lui faudrait, au mâle vert-bleu, bien sûr prouver son appartenance, montrer foi et lien avec l'Océan et les Raeders avant qu'elle ne lui accorde pleine confiance. D'autant plus puisqu'il abandonnait les siens une première fois, quand bien même ces proches n'avaient pas l'air d'en être. La petite sorcière savait les pirates plus soudés et tolérants, nul doute que Sushi trouverait son compte en se mettant à leur service. Elle opina du chef, comprenant le besoin de ne pas être confronté directement à ceux de son sang. Si le lien de parenté n'était pas aussi important que celui d'être unis sous la même bannière rouge sombre des Maudits de Morne-Oeil, elle pouvait aisément imaginer la difficulté de de voir se battre contre ceux qui nous avait vu grandir. Pourrait-elle un jour, planter ses crocs dans le cuir de sa jumelle ou d'un neveu s'ils venaient à trahir le clan ? Mmh. Peut-être. Probablement. Dura Lex Sed Lex. La loi est dure, mais c'est la loi.

« Je ne crains pas ta meute. Les Damnés ont plus d'un tour dans leur sac. »

Elle sourit, la langue pendue entre ses crocs, malicieuse, peut-être même mesquine.

« Les Pirates n'ont aucune raison d'attaquer les premiers. Il s'agit ici d'un marché, d'un pacte, d'un troc. Non-Équitable qui plus est, et cela en ta faveur. En devenant un Raeder tu t'engages envers eux autant qu'ils s'engagent envers toi. »

Elle jeta un œil à Chimaera, le Capitaine. Seul décisionnaire en fin de compte. Mais il avait voulu rapporter l'Etelkru chez eux, non ? Il avait vu en lui ce quelque chose, que la Maitresse des Rituels entrevoyait également maintenant. Il était donc le seul à choisir s'il acceptait ou non la condition du vert aux longs cheveux de jais, puisqu’il était le seul susceptible d'ordonner de se battre.

▒ 5 ans+ ▒
F A E I

Chimaera avait raison. Cela ne leur servait à rien de craindre une menace hypothétique et imprévisible. Si la meute des brutes sans cevrelles devaient attaquer, il y avait peu de chance pour qu'ils envoient un message de sympathie juste avant. L'avantage qu'offrait Morne-Oeil, était que ses grottes étaient d'une part cachées dans le paysage à qui ne connaissait pas le lieu, et formaient d'autres part un réseau de type labyrinthe dans lequel il était impossible de se situer pour quelqu'un n'ayant pas grandis dans ces galeries humides : l'odeur de l'Océan y était telle que l'odorat était rendu inutile, et l'obscurité y était complète. Seuls les habitants de Morne-Oeil pouvait, aux contacts des aspérités de la roche, s'y retrouver. Et encore, il était facile pour eux de s'y perdre encore s'ils flânaient sans objectifs. Sans compter les retraites offertes sous forme de grotte sous-marines accessibles seulement aux bons nageurs... Non vraiment, Ann ne craignait pas plus que ça toute attaque de meutard. Elle sourit, malicieuse, au Capitaine qui s'en retournait vers la mer. Une étape était franchie donc, il donnait son aval pour la suite. Le rictus de la petite sorcière s'étira alors que ses prunelles sanguines fixaient désormais le mâle rayé. Tiens. Un pêcheur rayé. Une lueur d'amusement étincela dans son regard.

« Te voilà Tigre des Mers. Et pourtant. Pas totalement. »

Qu'elle aimait jouer sur les intonations, faire rouler le mystère dans ses mots, user de son physique de quincaillerie ambulante -merci la Sirène !- pour accentuer le côté mystique. Elle s'étira paresseusement, avant de s'ébrouer dans tout un tas de tintements d'os et de perles les uns contre les autres. Puis elle se rassit et pencha la tête sur le côté, tête basse. Ses boucles blondes tombèrent en cascade pour aller effleurer le sol.

« Ici commence ton épreuve. Écoute bien le chant de l'Océan. »

Elle inspira, puis dans un rictus narquois parfaitement adapté à la circonstance.

« Instrument qui ne joue pas de musique,
Son aiguille personne ne pique.
On se trouve tout affolé,
Si par nous elle est égarée.

Reviens me voir et offre la moi avant de retrouver notre Capitaine. »

Sur ces mots, elle mima une révérence en riant et s'enfuit en de petits bonds joyeux dans l'obscurité des falaises. La sorcière s'était fondue dans le noir, laissant seul le futur matelot au bord de l'eau.