Nouvelles vagues ▒ Abysse

▒ 5 ans+ ▒
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La sorcière observait Navire. Il était si beau, il était si impressionnant. Elle était ravie qu'enfin, le bateau puisse flotter et sentir le contact de la marée sur ses flancs. Elle l'était plus encore en sachant que bientôt, des enfants joueraient sur son pont. Souriante, heureuse, la louve noire quitta sa position de spectatrice pour s'approcher de l'eau. Il faisait chaud aujourd'hui, et depuis son voyage chez les Nakhus, elle souffrait plus des maux de la gestation. Elle s'allongea sur le côté là, les pattes et le vendre légèrement arrondi léchés par l'écume rafraîchissante. Comme une caresse de l'Océan pour ses enfants. Et ceux d'Abysse. Chaque jour son abdomen gonflait, et il avait été difficile depuis son retour de cacher aux autres son état : elle voulait absolument que le loup abyssal soit le premier au courant. Le dos chauffée par le soleil ardent du début d'été et le bas du corps au frais, la femelle au pelage de suie se sentit somnolente. Alors elle se mit à chantonner à l'intention de ceux qui grandissaient en elle tout en fixant l'horizon.

« Mami lo lo lo, Mami Watta lo lo lo
Mami lo lo lo, Mami Watta lo lo lo
Kata sin franta, Kata di franta
Kata Komiséria, Mami béna OK »

Elle avait trouvé cette chanson dans un petit livre à la Bibliothèque. Elle racontait l'histoire d'une petite sirène qui s'ennuyait sous l'eau et qui était remontée à la surface pour ramasser des coquillages. Arrêtée par la milice, elle fut finalement libérée, car la sirène était une princesse de la mer. Ann avait trouvé l'histoire amusante et l'analogie avec un Raeder et des Etelkrus trop facile. La truffe de la Sorcière se plissa dans un sourire alors qu'une ombre s'invitait dans son champ de vision.

« Abysse ? Je t'attendais ! »

Plus souriante que jamais, elle se releva pour aller accueillir le mâle avec une étreinte douce.

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Ann se frotta contre le mâle et lui lécha la joue avant de s'asseoir et d'écouter les paroles que visiblement il gardait depuis quelques temps déjà au vu du ton inquiet. Les oreilles de la louve s'agitèrent et elle pencha la tête, son sourire s'élargissant. Face à elle le Second Raeder était adorable. Elle ne le voyait pas simplement angoissé, mais plutôt attentif et intéressé par son état. Elle ne le voyait pas ignorant, mais intuitif. Alors qu'il demandait enfin si elle était malade, elle rit doucement, et vint lui donner un coup de museau affectueux.

« Non, je ne suis pas malade. Et j'espère que tu ne le seras pas non plus... »

Puisqu'il venait lui parler aussi franchement, elle ne voyait pas pourquoi tourner autour du pot. Elle avait imaginé une annonce avec plus de forme mais au fond... Qu'importait la façon dont elle le disait, tant qu'elle le disait, hein ?

« J'étais partie quelque jours pour vérifier ce que je pensait qu'il m'arrivait et... J'avais raison. »

La voix de la femelle trahit son impatience et sa joie dans quelques inflexions plus aiguës.

« J'attends des petits. Nos petits, à tous les deux. Tes enfants. »

Son coeur se mit à battre plus vite maintenant que l'information était dite. Comme une peur soudaine d'un rejet d'Abysse. Après tout, il avait eu Naïade, il avait une famille déjà... Non. Elle chassa cela de ses pensées, pour ne réfléchir qu'aux bonnes choses. De nouveaux pirates, mi elle mi-Abysse. Forcément, ces louveteaux seraient merveilleux.

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Elle s'était attendu à beaucoup plus de... Joie ? Mais le stress dans lequel l'annonce le mettait était compréhensible aussi. Décevante pour elle qui était sur son petit nuage, mais parfaitement logique et compréhensible. Après tout, avec son vécu, sa première compagne et l'accident d’Écume... Oui la sorcière pouvait accepter sa réaction, elle pouvait se montrer compatissante. Alors elle repoussa sa peine de le voir si inquiet et non réjouit, pour l'apaiser, pour le rassurer. Du moins essayer.

« Pour moi c'est bien. Ça me rend heureuse... »

Elle inspira. Elle avait mal au cœur et son regard s'humidifia pour la première fois de sa vie. La frustration lui donnait envie de pleurer. C'était aussi incompréhensible qu’inattendu, sûrement les hormones. Il fallait qu'elle se reprenne, qu'elle garde le contrôle. La sorcière ravala ces larmes intempestives. Une boule amer s'était formé dans sa gorge. Pourquoi ne pouvait-il simplement pas être content ? Pourquoi ? Parce qu'il ne l'aimait pas. Voilà pourquoi. Parce qu'Abysse ne l'avait pas aimé comme elle elle l'aimait et le désirait. Bien sûr elle le savait, son âme avait été prise par une autre avant. Mais elle avait espérer... Elle avait pensé...

« Mais tu n'es obligé de rien. Si tu... Si tu ne veux pas agrandir ta famille, je comprendrais. TU as le droit de ne pas être content... »

Elle s'était forcé pour ces derniers mots. Elle avait été dans une bulle de bonheur depuis son passage chez les Nakhus, elle avait été si pleine d'espoirs et de rêves que son imagination avait déjà brodée des attentes et images de comment allaient probablement se passer les étapes de sa gestation et ensuite, la venue des petits. Elle avait toujours plein de question, des interrogations qu'elle aurait voulu partager avec le père de ses enfants... Mais maintenant ? Elle avait peur de l'effrayer plus encore. Un mélange de peine et de colère bataillait en elle comme jamais encore cela ne lui était arrivé. Vraiment, elle était obligée de mettre ça sur le dos de son état parce que jamais elle n'aurait pu ressentir quelque chose de cette manière.

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Elle eu l'impression de pouvoir respirer de nouveau, alors pourtant que ses poumons allaient très bien jusque là. Abysse acceptait cette famille à venir, il était, lui aussi, heureux. Mais ce n'était que des mots maintenant et... Ils furent suivis d'actes qui enrayèrent complètement le cheminement de pensées angoissées et angoissantes de la femelle. La sorcière, habituellement si confiance, si détachée et sereine, se découvrait stressée avec cette grossesse. Il se rapprocha, lui lécha le museau avant de la serrer fort contre lui, sa tête au dessus de la sienne, comme un bouclier protecteur. Il avait raison, elle aimait ça, et là tout de suite elle en avait drôlement besoin. C’est finalement le Second qui rassura la noiraude avec cet enlacement réconfortant. Elle eut la certitude, à ce moment là, qu'effectivement, elle n'aurait rien à craindre et que tout irait bien. Et même s'il exprima ses peurs à la suite, même s'il dit à voix haute ce qui l'effrayait tellement, la Maitresse des Rituels avait déjà eu sa réponse : il l'aimait, comme elle elle l'aimait lui, et son étreinte prouvait qu'il serait là, toujours. Elle n'avait besoin de rien d'autre. Les larmes cessèrent de couler et elle frotta son museau dans le cou du mâle abyssal.

« C'est promis. »

Elle inspira l'odeur du loup vert. Même si il y avait tellement d'inconnus dans cette histoire, elle promettait. Les petits naitraient-ils dans des oeufs comme elle et ses frères et sœurs ? Naitraient-ils comme des louveteaux normaux ? Comment naissaient les enfants dans les tribu d'où Abysse venait ? Serait-elle à la hauteur ? Parviendrait-elle à les aimer autant qu'elle aimait le pirate ? Seraient-ils beaucoup ? Seraient-ils turbulents ou calmes ? Aurait-elle la patience ? Et comment allait réagir les aînés d'Abysse ? Tant de questions sans réponses encore. Elle sourit pourtant.

« On les protégeras, et ils deviendront aussi beaux et forts que toi. »

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Encore une fois la douceur d'Abysse sidérait la sorcière. Il était tellement tendre, tellement affectueux et tactile. Et il n'y avait bien qu'avec lui qu’elle appréciait cela. Un frisson d'émotion l'a traversa alors que l'étreinte durait et que le mâle posait sa truffe sur la joue humide. Elle sourit et frotta son propre nez sous le menton du père de ses bébés à naître dans une espèce de ronronnement de plaisir. Les larmes cessèrent en effet de couler, disparaissant alors que la bulle de bonheur et d'espoir revenait entourer tout son être, englobant dans le même temps le Second Raeder. Ils étaient donc dès l'instant une famille. Une famille. Le mot résonna encore et encore dans son crâne comme un cri de joie. Abysse se décala pour aller renifler le ventre gonflé de la noiraude. Ann pencha la tête sur le côté, attendrie par cette image du papa déjà intrigué par ceux qui bientôt les rejoindraient. Ressentait-il aussi déjà cette vague d'amour et de protection qui l'avait envahie en se découvrant gestante ? Existait-il un instinct paternel au même titre qu'on disait des femelles ? L'aurait-elle cet instinct inné dès la naissance des louveteaux ? Lorsque le mâle vert lécha le ventre, elle sursauta. Non pas de surprise ou de peur qu'il la touche, mais parce que à l'intérieur même de ses entrailles, elle avait senti quelque chose. Une sensation de mouvement, comme des petits papillons qui s'excitaient... L'un des petits réagissait-il à la voix d'Abysse ? A son contact ?

« Je dirais dans une lune et demi environ. Et non, je voulais que tu sois le premier à le savoir. »

Si elle avait compté correctement, elle en était à la moitié. A partir de là donc, elle allait véritablement gonfler comme un cachalot et sentir grandir en elle ses enfants. C'était donc peut-être un coup qu'elle avait sentit tout à l'heure ? C'était tellement léger, et elle était encore trop peu avancée dans la grossesse pour que les mouvements à l'intérieur de son ventre soient perçus par d'autres qu'elle. Mais ça viendrait, elle le supposait, bientôt. Pour pouvoir partager avec le père de ses bébés chaque étape de leur croissance in utero. Et puis, il allait devoir mettre la patte à la pâte pour préparer leur arrivée ! Fallait-il qu'ils partagent une grande cabine tous les deux ? Elle en serait ravie, forcément. En tout cas la sienne serait trop petite -et trop encombrée- pour accueillir du monde. Il faudrait préparer des petites couchettes ou hamacs, des vêtements et accessoires en taille minuscule, des bandeaux de pirate aussi pour ces futurs Raeders ! Elle en était surexcitée de toute ces choses à faire et à penser avant qu'ils ne débarquent ! D'ailleurs, combien seraient-ils ? Pas trop nombreux elle l'espérait. Enfin d'un côté oui, car cela voudrait dire beaucoup de petits forbans... Mais en même temps, cela voudrait dire plus de travail et de fatigue ! Elle était impatiente. Tellement impatiente.

« Tu veux leur annoncer ? »

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La réaction du mâle était touchante, et sa tendresse emplissait Ann de joie. Tellement qu'elle sentit les larmes revenir, de bonheur cette fois. Foutues hormones. Elle ravala ses larmes du mieux qu'elle pu car elle voulait éviter à tout prix d’inquiéter le père de ses enfants. A n'en pas douter il aurait sûrement penser avoir fait quelque chose de mal alors qu'au contraire, il faisait, à ce moment précis, ce qu'il fallait. Attentionné, proche, heureux. La noiraude n'aurait pu rêver mieux pour fonder une famille avec celui qu'elle aimait. Et qui, contre toute attente, lui avait annoncer avoir pour elle le même genre de sentiments en retour. L'instant était trop beau, magique, et la sorcière aurait voulu qu'il dure pour toujours. Mais la fatigue de sa longue route la rattrapa malgré toutes les hormones de bonheur qui envahissait son sang. Elle s'allongea donc à nouveau, face à l'Océan et tapota le sable à côté d'elle pour proposer au Second de s'installer prêt d'elle.

« J'espère qu'ils te ressembleront. »

Dit-elle en tournant son museau vers le loup abyssal, dans un grand sourire. Et elle espérait vraiment que les autres forbans soient au mieux, contents pour eux, au pire... Simplement non intéressés. Tant que ça ne rajoutait pas de complications sur la relation qu'entretenait Abysse avec son fils aîné. Elle l'espérait vraiment.