L'antre du démon [Daisy]

Emilitia

Il y a quelques jours, Emilitia avait décidé de s'installer un peu plus durablement au même endroit. Si durant l'été, la belle saison offrait le choix de se passer d'abri la majorité du temps et de vagabonder comme bon semblait sans s'en inquiéter, la louve noir devait admettre qu'elle avait un peu plus de difficulté à supporter l'hiver. Les nuits étaient fraîches, se suivaient de matinée brumeuse quand elles n'étaient pas verglacées. Le couvert d'un buisson ne suffisait pas pour supporter la pluie, et ce n'était pas rare qu'Emilitia se réveillait avec de la neige sur la tête et les membres. Soit, s'il fallait un abris pour la mauvaise saison, ce n'était pas si dramatique.

La louve noire s'était installée dans un faille rocheuse dans les montagnes, l'entrée étant dissimulée à moitié par un arbre tombé. Ce n'était pas bien grand mais largement suffisant pour une louve, Drippir de toute façon ne prenait pas beaucoup de place. Les lieux alentours étaient à l'origine plutôt jolis, l'ombre de la falaise avait repoussée la forêt de quelques mètres, permettant à une petite clairière d'exister, à quelques dizaines de mètres coulait même une petite rivière. Oui l'endroit promettait d'être joli, quelques plantes d'hiver persistaient à percer la neige et on pouvait y entendre quelques pics taper sur les troncs de temps en temps. Enfin... c'était encore le cas il y a quelques jours.
Si Emilitia refusait de faire partie à nouveau d'une meute ou de rester trop longtemps au même endroit, c'était en partie parce qu'elle connaissait l'impact qu'elle avait sur le monde. A force de passage, la petite clairière d'herbe glacée qui croustillait sous les pattes lorsqu'on marchait dessus n'était plus qu'un champ de cendre noires à force de passage, la glace n'ayant pas réussi à préserver suffisamment la vie des particules démoniaques qui s'échappaient des pas d'Emilitia. Ses ailes, avaient marquées les troncs des arbres alentours, noircissant l'écorce qui avait fini par tomber à certains endroits, fragilisant l'arbre même. Les pins commençaient à y perdre leurs aiguilles et depuis longtemps, sensibles à l'aura ambiante, les oiseaux s'étaient éloignés de l'endroit pour chanter plus. La clairière si jolie ressemblait maintenant à un petit bout de la Plaie du Monde qu'on aurait installé ici, paysage morne et désolé, ruine d'un passé plus vivant, c'était le constat que se faisait aujourd'hui la louve noire, assise en face de son « petit chez elle », elle n'avait pas envie pour autant d'être condamnée à un endroit moche.

Depuis tôt dans la matinée, Emilitia s’effarait dans une tentative de décoration d'entrée de tanière. Les possibilités étaient limitées, si la louve noire voulait un peu de durabilité, elle devait bannir tout  matériaux à base vivante. Pas de plantes, pas de bois, elle ne sut cependant pas se satisfaire de rochers uniquement, donnant un aspect trop cimetière. Emilitia n'était pas un fantôme !

« Oh Drippir regarde ! »

Elle n'aurait su dire s'il était tombé de la falaise ou s'il avait été tué par un prédateur mais la louve noir tomba sur les restes d'un cerf dont la chaire avait été suffisamment nettoyé par une bonne partie des être de la forêt pour qu'il ne reste guère plus que des os. Joueuse, Emilitia remplaça son masque par le crâne du cerf, par chance, il ne manquait qu'un seul bois.

« C'est trop gros pour se briser rapidement, je peux l'accrocher sur l'arbre tombé  ! »
« Bien sûr, ça va être charmant avec ton cimetière plein de pierres. »
« Je le garde quand même ! »

Ravie de sa trouvaille, elle retourna à son refuge personnel, gardant encore un peu le crâne sur la tête par simple plaisir.

« Si on déterre des grenouilles congelées, on peut les alignées ici, on pourra les manger le jour où lorsqu'on aura faim. »
« ça ne va pas rester décorer longtemps. »
Elle haussa les épaules, elle était demi-démon du néant, auprès d'elle, tout semblait éphémère.

Emilitia

C'est amusant quelques instants le crâne du cerf mais il était évident que le masque habituel avait des avantages non négligeable : il était beaucoup plus léger et permettait à Emilitia de voir suffisamment le monde pour ne pas l'handicaper. Une voix empêcha la collision imminente à cette instant. Pas celui de la louve obstacle, celle de Drippir avant.
La louve noire s'arrêta assez brusquement, faisant tombé le crâne vers l'avant de sa tête, le classant définitivement dans les amusements passés. Emilitia le retira pour découvrir en face d'elle.. Oh ! Une louve vraiment grande ! L'impression était décuplée par la proximité entre elle deux, dû à la collision évitée.

« Oh ! bonjour ! »

Elle recula d'un pas, bien plus pour avoir le cou moins tordu que pour la gêne d'espace personnel bafoué par une inconnue. Pourtant, Emilitia avait de quoi être dérangée. Sans son masque, et encore plus sans le crâne du cerf sur la tête, elle put observer sans aucune peine la grande louve. Ce n'était pas tant les cornes qui la perturbait, ni même véritablement la taille ou le côté minéral de certaines parties de son corps, il y avait plein d'excentricité dans ce monde, Drippir avait bien un œil sur le dos mais il y avait quelque chose et Emilitia n'aurait su dire quoi à cet instant. Elle fronça les sourcils avant que le crâne entre ses pattes n'émette un bruit de craquement, la surface qu'elle tenait entre ses pattes ayant noircie et attire toute son attention.

« Ah ! »
Elle le reposa à terre.
« Il fallait s'y attendre. »
Emilitia fit une moue.
« J'aurais espéré qu'il tienne plus longtemps. »

Son regard bleu revint un instant sur la louve.
« Ah, excusez moi d'avoir failli vous rentrer dedans. »

Emilitia

Elle dresse les oreilles et se penche un peu en avant pour mieux entendre, l'autre louve parle un peu dans sa barbe, ce n'était pas évident.

« Oh, ce n'était pas volontaire mais les choses ont tendance à être terriblement éphémère. »

Et tout semblait être d'une fragilité déconcertante. Emilitia s'en serait douté cependant, les corps en vie tentaient de lutter pour le rester, c'était certainement la raison de pourquoi elle n'avait pas le même effet funeste sur les êtres qui dépassaient la taille d'un insecte. Ce qui était mort par contre avait tendance à s'effriter plus rapidement.
A nouveau Emilitia fit une moue, la mine embêtée et l'expression visible avec l'absence de masque.

« C' était gros, je pensais qu'il tiendrait plus longtemps. »
Elle inspecte le crâne quelques instant, le retourne un peu, évalue les dégâts.
« Peut-être qu'il tiendra encore un peu, normalement je ne devrais pas le garder entre les pattes. D'ailleurs je n'aurais pas du le garder aussi longtemps entre elles. »
A nouveau elle fronce les sourcils et son regard bleu revint sur la grande cornue, donnant peut-être l'impression qu'elle l'accusait presque. A vrai dire, c'était un peu le cas.
« Mais il y a quelque chose chez vous qui dérange ce que je suis. Vous n'êtes pas une amie des dieux par hasard ? »
Elle cherche un peu sur la marron, se penche de gauche à droite à la recherche d'un glowstick qu'elle n'aurait pas vu. Peut-être que cette louve était plus proche des divinités que tout les porteurs de lumière qu'elle avait rencontré jusque là, ça expliquerait la gêne.
« Pourtant, je ne vois pas votre lumière. »
« J'suis pas sûr que ça soit ça. »

Emilitia

Emilitia hocha la tête, ignorant complètement les expressions de malaises ou les grimaces de la grande louve, bien trop peu préoccupée par les ressentis ou les émotions de celle-ci. La louve noire voulait juste comprendre, expérimentant cet état soudain et nouveau, elle ne la laisserait pas filer avant. Alors elle explique, restant face à la louve, s'asseyant sur ses pattes arrières pour libérer les avants et montrer.

« C'est à cause de la nécrose présente dans mon essence, elle s'échappent par les coussinets. Peut-être parce qu'il n'y a pas de poils, je ne sais pas. » Elle ouvre alors large ses ailes avant de les faire battre du même mouvement lent que celles des papillons, tournant la tête vers elles comme pour se satisfaire de la démonstration. « Je déconseillerais de passer une patte au travers des ailes également, l'essence y est quasi pure. » C'était comme un feu consumant. « Même si normalement, un loup ne craint pas grand chose. »

Elle repose ses pattes au sol, cesse d'agiter ses ailes pour relever son regard bleu vers la grande louve à ses questions. Oh, une licorne ? Emilitia dévia alors un peu le regard pour le poser sur Drippir.

« Tu en penses quoi ? »
« Ça expliquerait des choses, tout comme ça explique la tronche qu'elle tire en te regardant »
Son regard revint sur la louve.
« Drippir dit que c'est probable. Sans doute que nos existences particulières ne sont pas compatibles et se confrontent, comme la mienne se confronte avec celle des dieux, je suis à demi-démon. » Sauf qu'avec la licorne, elle était moins malade, une question de puissance probablement.
Elle se relève, remue le bout de sa queue, assez enthousiaste sur cette découverte.
« L'expérience est intéressante. »
Peu agréable mais intéressante oui.

Emilitia

Finalement, Emilitia consent à admettre les sentiments de malaise de la louve, du moins, à lui laisser cette possibilité de s'en aller et mettre fin à cette rencontre sans qu'elle ne la harcèle un peu plus. Après tout, elle avait eu réponses à ses questions première, ça suffisait, pour le moment.
Emilitia haussa les épaules.

« Ce n'est effectivement peut-être pas nécessaire, pour le moment. »

Mais qui sait si elle n'aura pas besoin d'être continuer plus tard selon les événements et les rencontre futures. Elle se décala, cessant d'être au milieu du chemin de la grande louve, bien qu'il fallait avouer que sa présence ne l'aurait pas beaucoup arrêté si elle l'avait voulu, la louve noire n'était pas une forte carrure.
Il lui en reste une pourtant de question.

« Y a t-il d'autres êtres de votre nature ? Opposés aux ombres mais aux dieux également ? »

Des êtres i ombres, ni lumière, une troisième force pour l'équilibre d'un monde. Emilitia avait la Demoiselle Rose elle, différente et pourtant si semblable.

Emilitia

« Cette vie doit être bien solitaire. »

Sans doute qu'Emilitia ne l'aurait pas apprécié malgré qu'elle soit sans clan pour autant, mais elle était également née d'une louve qui en souffrait, de la solitude. Cette réflexion fut rapidement chassée par la suite des paroles de la louve.

« Oh ! C'est joliment dit ! »

Elle pencha légèrement la tête sur le côté avant de s'asseoir. Cette rencontre touchait à sa fin et si la grande louve poursuivrait son chemin, celui qu'elle avait emprunté avant de l'avoir pour lui bloquer le passage, Emilitia elle, resterait sur place, son antre n'était pas si loin.

« Faites bon chemin vers là ou vous vous rendez. »

Elle libérait définitivement cette rencontre, ne la retiendrait plus pour d'autres questions.