Le cri du lion [Solo]

-Iris-

La première chose qu'Iris voit, ce matin, est la lumière rouge qui brille sur l'épaulière posée à côté de sa couche. Dehors, l'aube est encore blanche, mais promet une aurore rosée et douce sur un ciel dégagé. Les yeux posés sur la lueur rouge, Iris ne bouge pas, laissant les sensations matinales l'extraire lentement du sommeil duquel elle était plongée. Et, alors que l'inconfort de ses chaleurs vient la déranger de nouveau, elle tend la patte vers le joyaux rouge, d'une griffe, le touche pour s'assurer qu'il est toujours là. Mais ce n'était pas un rêve : elle était bel et bien devenue rouge. La fierté vient enfler son ventre, lui procurant une sorte de réconfort, de chaleur qui irradie sa poitrine, ses reins, ses joues. Elle n'était plus seulement Iris, elle était rouge, rejoignant ceux de la meute qu'elle admirait le plus, rejoignant ceux qu'elle voyait comme les plus forts.

Elle se lève, lentement, avant de venir enfiler ses deux épaulières, cachant les perles délicates perçant son pelage. Puis, elle sort en même temps que le soleil, caressant la solitude du début de journée, lorsque beaucoup dormaient encore ou n'osaient pas briser le silence doux qui planait sur le camp. Les rayons solaires viennent se refléter sur l'acier de ses plaques protectrices, et il lui semble que son glowstick irradie d'une chaleur nouvelle sur son épaule. Elle inspire. Expire. La foi qu'avait placé Aka en elle serait toujours portée avec elle, la soutenant, et cette confiance divine lui faisait relever le menton. Elle était fière, et elle le rendrait fier.

Ce jour là, une ronde était prévue dans la soirée : elle avait sa matinée pour s'entraîner. Comme d'habitude, elle se dirige vers les Dents de Roc, mais est soudain prise d'une envie inhabituelle : celle de faire un détour pour aller trouver la petite mare à l'eau calme et claire, qu'elle avait utilisé par le passé comme un miroir. Les souvenirs d'une couronne d'automne, et d'une eau brouillée refirent surface : elle avait évité les miroirs de puis ce jour. Mais pour la première fois depuis, elle voulait voir ce que les autres voyaient d'elle, lueur rouge à l'épaule.

Sans plus y réfléchir, ses pattes la portent vers la mare, non sans une pointe d'angoisse fichée dans son ventre. Plus l'échéance se rapproche, plus cette pointe se fait lame, couteau ou épée, torturant ses entrailles et lui donnant la nausée. Elle s'arrête, le souffle court. Dans le coin de son œil, la lueur brille d'un rouge réconfortant, l'incitant au courage. Il faut qu'elle en soit digne. Alors, elle avance, jusqu'à ce que se dévoile à elle sa propre image.

Elle avait changé. Le visage fin avait pris en âge, perdant ses rondeurs juvéniles pour gagner des angles plus durs. Ses cheveux avaient poussés, tombant devant ses yeux en une cascade brillante et nacrée. Ses yeux en amande étaient restés les même, quoi qu'un peu plus sombres, un pli anxieux venant déranger l'expression neutre. Elle s'écarte un peu, et ce sont ses épaules qui se reflètent sur la surface à présent, la gauche ornée de rouge. Elle avait pris en muscle, sensiblement, mais la différence était suffisante pour pouvoir être vue et appréciée. Les cicatrices de ses combats, contre les monstres d'Aka ou les rochers de ses entraînements, commençaient à parcourir ses membres, petits éclats miroitants dans le bleu nuit. Elle roule un peu des épaules, admire les muscles coulissant sous son pelage ras. Elle ne se trouvait pas belle. Mais sa musculature nouvelle la rendait plus puissante . Elle passe une griffe sous son menton, sentant son ventre se serrer d'une sensation étrange. Agréable. Puis, une patte dans ses cheveux devenus beaucoup trop long et gênants. Elle pouvait y faire quelque chose, pour ça.

Alors, elle part vers la tanière des panseurs. S'y glisse avec précaution pour emprunter de quoi couper la tignasse brillante qui venait cacher ses yeux. Elle repart alors, marche jusqu'au miroir et s’attelle à la tâche. Elle coupe quelques mèches, de plus en plus court, de plus en plus. Les cheveux tombent sur ses épaules, et elle s'en libère d'un ébrouement. Elle admire la moitié coupée, irrégulière mais courte, avant de commencer l'autre côté avec un entrain nouveau. Elle coupe, un peu, avant qu'un frisson ne la prenne : est-ce que maman lui en voudrait ? Le geste suspendu, elle pense à Holly, mais aussi à Désiré. Elle pense à son frère, elle pense à Miraj, avec qui elle a rendez-vous dans quelques semaines. Elle n'était pas belle, sans ses cheveux longs et brillants. Elle était même plutôt moche. Un vertige la prend, et elle baisse la patte, laissant l’œuvre à moitié terminée. Frénétique, elle passe ses cheveux de l'autre côté, essayant de retrouver un visage plus familier, plus féminin. Et l'angoisse la prend maintenant, car elle n'y parvient pas. Qu'avait-elle pensé en faisant ça ? Elle serre les crocs. A moitié coupé … Ce n'était pas si mal.  Mais l'arrière goût d’échec lui restait en gueule, amer. L'angoisse, elle, était familière, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'elle avait ressenti, au début, en se voyant changée. Elle s'était sentie libre.

Elle s'écarte de l'eau, les pensées bourdonnantes. Même si elle était seule, l'impression d'être observée lui pesait lourdement sur les épaules, et son esprit la harcelait de questions : que penseraient maman, son frère et sa sœur ? Désiré, Maps, ses amis ? Est-ce que c'était vraiment important ? Sa raison lui criait non, mais son cœur ne pouvait pas sortir de la spirale de peur qui la prenait.

Elle était bien loin du courage.

Alors, elle fuit. Fait demi-tour, pour partir dans la rougelande, sans avoir commencé son entraînement. A son épaule, la lueur rouge devient plus lourde : elle n'avait plus le droit d'être lâche. Et la fierté se change en angoisse, celle de ne pas être à la hauteur. Il faut qu'elle se rattrape, qu'elle montre à Aka qu'elle mérite sa couleur. Si l'épreuve du miroir était -encore- trop difficile pour elle, elle irait chercher plus dur, plus hargneux, plus courageux. Et en attendant le rendez-vous avec les démons, l'adversaire qui croise sa route en premier fut un jeune lion.

L'hiver avait apporté son lot de prédateurs venus chasser sur leurs terres, faire concurrence aux loups. Celui-ci semblait en être un, côtes saillantes et regard affamé. Un jeune mâle, sans groupe, peut-être du printemps dernier ou de celui d'avant. De loin, Iris l'observe, glowstick pulsant à l'épaule, l'appelant presque au combat. Il avait pénétré leurs frontières, et même si les lions n'étaient en général pas un danger pour les loups, un jeune esseulé -comme son frère avait pu l'être- pourrait faire un casse-croûte de choix. Un frisson parcours son échine, et ses muscles se contractent. C'était à elle de le faire partir, maintenant.

La décision est prise : l'intimidation. Le rouge lui donne une assurance nouvelle, gonflant ses muscles de courage qui lui fait pourtant tellement défaut. Son pelage se hérisse alors qu'elle s'avance, elle qui se veut imposante dans les herbes rouges. Elle découvre ses crocs et galope, l'oeil vif, cherchant la faille. Chaque combat est ainsi fait : il faut chercher la fissure pour mieux arriver à frapper, briser, tout en protégeant les siennes. Elle découvre les crocs et s'élance, visant la patte arrière du mâle avec violence.

-Lion adolescent-

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#2 'PC FOR - Attaque' :

-Iris-

Le sang gicle sur son corps, coule le long de sa gorge et sur son cou. La blessure est profonde, et le lion blessé. Il hurle, mais Iris ne lâche pas l'affaire. Elle encaisse le coup de patte comme elle a encaissé les coups de Sakura, ç'en est même plus facile. Elle lâche sa proie et en face, le prédateur cherche à s'enfuir : il n'est pas chez lui, ici. Iris aurait du s'en contenter, peut-être. Mais gonflée par le combat et par l'assurance d'être protégée par son glowstick, elle s'élance de nouveau à l'attaque.

Cette fois-ci, il l'attend. D'une patte épaisse, l'envoie valdinguer au sol en grondant. Elle n'a pas besoin de comprendre le langage du lion pour savoir que lui non plus ne veut pas mourir. Son souffle est coupé par le choc, et un instant plus tard il est sur elle, mordant son ventre laissé à découvert. Elle hurle. Bat des pattes arrières pour le dégager, heurtant son museau, sa truffe. Mais la rage du lion est forte, son envie de vivre aussi : doit-elle déjà s'incliner ?

Elle est bien loin de la force.

La tête lui tourne, et son sang vient nourrir la rougelande sous son dos. Les battements de son coeur se font plus rapides, bruyants aussi. Elle entend sa vie lui échapper, et la réalisation soudaine et vertigineuse qu'elle pourrait mourir ici, pour s'être montré trop stupide.

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#1 'PC FOR - Attaque' :


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#2 'PC FOR - Attaque' :

-Iris-

Les battements de son coeur s'intensifient, et le poids sur son corps aussi. Et soudain, elle la sent de nouveau : l'Araignée. La présence est ténue, comme la dernière fois, réminiscence de son cauchemar ou plutôt écho à travers son corps de la puissance qui la dominât. Le temps ralenti, comme la première fois, et en même temps que le goût du sang dans sa gueule vient celui du pouvoir. De la maîtrise.

Les fils sont fins, fragiles, mais Iris les voit avec une clarté décuplée. Elle se saisit mentalement d'un, et tire, obligeant le lion à s'éloigner d'un pas. Un autre battement de coeur, et elle s'empare des autres, son glowstick brillant à l'épaule. Elle tombait, comme souvent. Mais elle se relèverait, comme toujours.


Le même ordre que la dernière fois s'impose. L'air vibre et l'œil du lion est happé dans sa toile, forcé d'obéir à son ordre. Lesfils se tendent, et il se jette sur lui-même, se mordant jusqu'au sang. L'oeil devient blanc de confusion, mais la conscience d'iris vacille. En un instant, tout est fini : les fils se brise, la puissance du démon se tarit, et le lion s'enfuit, encore vivant.

Elle a échoué.

Et avec la douleur et le sang, elle sombre dans l'inconscience.

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'PC FOR - Attaque' :

-Iris-

Elle se réveille en sursaut, peu de temps après.

Le soleil s'est penché sur la rougelande, moment le plus chaud de la journée, mais Iris est morte de froid. Ses flancs sont couverts de sang séché, et l'entièreté de son corps est douloureux. Chaque inspiration est laborieuse, et éveille un cocktail de douleur dans son flanc gauche, sa tête et son cou. Elle recouvre ses souvenirs lentement : elle s'est frottée à un lion, s'est sentie trop puissante et confiante, et avait perdu. Elle ferme les yeux un instant, le sang tambourinant dans sa tête, attendant que la douleur reflue. Elle avait été stupide.

Mais elle avait promis à celui dont elle portait la couleur de toujours se relever. Alors, elle refusait de crever là, la gueule ouverte, à cause d'un stupide lion. Elle inspire, expire, puis en un gémissement douloureux, se relève sur ses quatre pattes. La douleur de son flanc est intense, et elle sent un liquide se remettre à couler sur sa peau. Un regard, et elle constate que sa plaie s'est rouverte, et est extrêmement sale. Il fallait qu'elle trouve quelqu'un .... Mais une pensée l'arrête : elle s'était battue seule, contrairement aux ordres. Elle se mord la babine. Elle allait passer un sale quart d'heure.

Alors, elle se souvient des cours prodigués par Tawana : elle sera capable d'arrêter le saignement. D'abord, nettoyer. D'un pas chancelant, elle va trouver un cours d'eau claire la plus proche. Elle finit par y arriver, s'allonge d'une grimace près du cours et entreprend de nettoyer tant qu'elle peux. Elle écarte la terre et la poussière, dégage le sang séché pour mieux voir la plaie. La peau est déchirée, et la couleur sombre du sang qui s'écoule ne laisse présager rien de bon. Elle grimace, encore, et panse la plaie avec ce qu'elle a trouvé : de l'herbe séchée et de l'argile. Elle appuie jusqu'à ce que le saignement s'arrête, et finit son pansement en attachant le cataplasme autour de sa taille.

Une fois cela fait, il fallait encore rentrer. Iris boit et un instant, croise le regard de son reflet. Elle y voit un instant un inconnu, le visage à moitié enflé et contusionné, du sang séché collant ses poils. Elle y voit un guerrier fort, un bouclier, responsable de la protection des frontières, intimidant et courageux. Et un instant, une étrange sensation l'envahit. Couverte de sang, juste après un combat où elle a failli y laisser la peau, elle n'a pas fière allure, et pourtant ... Le regard violacé brille, et elle prend le temps de regarder, juste encore une fois, les courbures de son visage. C'est autre chose encore, qu'elle ressent. Cette impression d'être ... à sa place.

La tête lui tourne, et elle s'écarte de l'eau. Une peur étrange lui tenaille le ventre, devant quelque chose qu'elle n'a que très rarement ressenti avant. Un instant, elle s'est sentie elle-même. Et cela soulève tout un autre lot de questions, qu'elle n'a ni le temps ni la force de traiter maintenant. La raison lui revient : ll faut qu'elle rentre avant la nuit. Alors, elle se met en route vers le Castel, de son pas chaloupé et douloureux, la tête pulsant au rythme de son sang, et une réalisation qui de plus en plus l'envahissait et la perturbait.

Elle était bien loin d'être elle-même.

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