Jamais n'avait-elle autant couru.

Ses pattes ne s'arrêtaient pas, ses coussinets touchaient à peine le sol par moment. Alors que son souffle était bruyant, sa vision périphérique était tout simplement indécelable. Des larmes coulaient sans arrêts sur ses joues, séchant instantanément avec le vent produit par la vitesse de sa fuite... la louve se dirigeait vers sa dernière raison de se lever chaque jour.

Le temple de Kiro, la divinité où elle avait pu trouver refuge et une certaine paix intérieure.

Sauf qu'elle ne détenait pas le prénom d'un volcan par hasard.

La verte bouillait de l'intérieur, ne savait plus quoi faire d'elle-même. Elle se sentait violente, trahie, incomprise.

Seule.

Rien de son intervention chez Aka n'avait amélioré la situation, au contraire, elle se sentait encore plus perdue qu'avant. Elle avait éveillé de nouveau la colère du rouge, s'avait probablement mis des membres de son clan à dos, avait mise Anita dans l'embarras... elle savait d'ailleurs que cette dernière était derrière elle.

L'alpha ailée était trop gentille, Etna ne méritait pas autant de patience de sa part.

À bout de souffle et d'énergie, Etna était à présent au sol, au milieu du temple de l'Anaconda.

Elle avait fermé les yeux, voulant que tout cela ne soit qu'un horrible cauchemar.

Lancée derrière elle, Anita non plus ne prit aucune pause dans la poursuite.
Il ne lui fallut que peu de temps pour constater aussi que son intuition fut juste quant à la direction que prendrait la verte tant c'était un itinéraire qu'elle parcourait souvent.
Etna courait vite, très vite, mais l'Alpha était loin d'être en reste dans les disciplines de la rapidité et de l'agilité. Elle garda une certaine distance avec la fugitive pour ne pas l'oppresser de son ombre chasseresse sur ses talons et avalait avec naturel et aisance les obstacles de plus en plus nombreux qui se dressaient sur leur route à mesure que la forêt des Dents de Roc transitionnaient dans le sol traître et dans la végétation fournie de la Moere.

Elle qui prenait si souvent son temps à son entrée dans ces lieux pour se faire discrète et devenir une ombre parmi d'autres, allant et venant entre les mares et les racines pour ne faire plus qu'un avec la faune riche et discrète de l'endroit, n'eut en ce jour aucun égard pour leur tranquillité alors que ses amples foulées déclenchaient de bruyantes éclaboussures.
L'autre disciple de l'Anaconda avait déjà du alerter tout le marais de leur présence, de toute manière.
La silhouette de l'Arbre finit par se découper et la louve verte s'y engouffra comme un animal blessé cherchant un ultime refuge pour échapper au prédateur qui le harcelait.
Ou bien l'affronter une fois acculé.
La Prêtresse ralentit dès qu'elle vit Etna passer l'entrée. Elle réduisit son galop à un trot, cassa son allure pour qu'à l'intérieur elle ait quelques instants de paix pour se remettre et reprendre son souffle. Haletante elle aussi, l'hybride prit le temps que réguler sa respiration - moins chaotique que celle qu'elle entendit résonner dans l'autre gueule, elle qui fut moins assaillie par les émotions et put contrôler son effort et la cadence de son souffle.

Puis à son tour elle entra.
A pas lents Anita alla trouver la forme ramassée au sol et surlignée du jaune environnant.
La douceur et le réconfort qu'inspirait le lieu aidait à réduire le son du sang qui battait à ses tempes alors qu'elle fit halte à un mètre de Etna, restant dans son dos, entre la sortie et elle. Elle doutait fortement qu'il lui prenne encore l'envie de partir, mais on ne savait jamais. Sa gueule s'entrouvrit mais avant de dire quoi que ce soit, ce fut vers la statue que ses yeux améthystes allèrent.
Et à Kiro elle adressa une demande singulière, aux antipodes de toute pensée jamais adressée à son Dieu. Celle de ne pas se montrer tout de suite.

C'était de louve à louve qu'elle souhaitait d'abord parler avec Etna.

— J'ai toujours aimé venir ici pour mieux penser.

Le sourire aux lèvres, elle garda les yeux dans la direction de la fontaine et s'assit.

La voix d'Anita parvint aux oreilles basses d'Etna.

Elle ne releva pas pendant quelques instants, ayant le sentiment que son esprit était encore au temple du rouge plutôt que chez le jaune. Les visions qui avaient habitées son crâne rejouaient encore, encore et encore.

Avait-elle plus nuit à son frère ? Mais pourtant... c'était tout le contraire de ses intentions. Elle avait tant de cœur Etna, ou du moins, c'était ce qu'elle pensait, mais elle doutait à présent.

« C'pas mon point fort à moi, m'dame Anita... »

Elle soupira bruyamment, bien que la verte était encore sous l'adrénaline. Elle ouvrit les yeux, regardant sans émotions la lumière émanant de sa bague... Méritait-elle encore ce privilège ?

« J'sais plus qui défendre, ni quelle place prendre. Comme Sushi... j'ai p't'être jamais eu ma place ici, en fin d'compte. »

À trop vouloir se foutre de l'opinion des autres, voilà qu'elle ne pouvait échapper le jugement d'Aka, car elle l'avait reçu en plein dans la gueule, devant les yeux de tous... l'avait-elle cherché ?

Que penserait Joy et Kalashnikov ?

Elle grogna, jugeant inutile de s'attarder à penser à ses parents défunts, car c'était inutile.

Ils l'avaient abandonné après tout, laisser à gérer la merde qu'était son existence sans importance. Peut-être aurait-elle pu mieux tourner avec plus d'amour, de compréhension, mais pour elle, il était trop tard maintenant.

Mais du point de vue d'Anita, au dirait que ce n'était pas le cas.

Pourquoi ?

Son sourire se fit un peu plus prononcé à la remarque de la verte et si la situation s'y était davantage prêtée, Anita l'aurait sans doute ponctuée d'un rire.
Mais l'expression d'Etna et ce qui émanait d'elle appelaient avant tout à son empathie et à son envie de l'aider. Car de toute évidence, elle souffrait - de la situation initiale comme de ses conséquences. Et maintenant que la colère qui l'avait saisie plus tôt était retombée et l'avait recrachée, comme un raz-de-marée aurait balayé un corps pour ensuite le laisser brisé sur la rive, elle ne pouvait que souhaiter la relever.
Elle était convaincue qu'il y avait quelque chose à faire et qu'il était hors de question de simplement l'abandonner dans un malheur et une perdition dans lesquels elle pourrait se noyer.

Un soupir fut d'abord sa seule réponse aux mots suivants d'Etna alors qu'elle se rapprocha encore un peu, de ses antérieurs glissant sur le sol pour allonger son corps et se mettre au même niveau que sa co-disciple.
Anita voulait la ramener à la raison, mais comment ? Ses yeux à nouveau trouvèrent le jaune de la fontaine et elle s'y arrima quelques instants, puisant l'espoir de trouver les mots justes.

— Bien-sûr que tu as ta place. Tout comme Sushi en avait une, même si nous avons manqué de la faire valoir et qu'en conséquence il n'a su la trouver.

C'était là son plus grand regret, que ceux qui ne correspondaient pas au modèle standard des Etelkrus n'aient pu s'y sentir chez eux. C'était aussi ce qu'elle aurait le plus voulu faire évoluer, maintenant qu'elle était à leur tête, même si c'était tâche difficile.

— Nos Dieux ont pour meilleure qualité ce qui est aussi leur plus gros défaut, et c'est de ne voir qu'à travers le prisme de la valeur qu'ils incarnent. Je comprends ta peine et ta colère pour ce qu'il s'est passé entre Aka et ton frère, mais chacun d'entre eux a agi selon ce qui leur était cher.

Et chacun d'entre eux ne pouvait, par conséquent, considérer avoir été dans l'erreur.

— Nous, mortels, avons le pouvoir de diversifier nos valeurs et de ne pas voir les choses sous une seule couleur. C'est là notre force.

Ses yeux violets dans les siens, Anita posa l'une de ses pattes sur celle d'Etna qui fut la plus proche.

— Ce n'est pas à toi d'assumer les choix de Sushi, tout comme tu n'avais pas à vivre dans l'ombre de tes parents et de celle d'Aka. Tu es Etna, fidèle disciple de l'Anaconda. Peut-être un peu bête, c'est vrai.

Elle laissa échapper un petit rire, le regard devenu malicieux.

— Mais courageuse au point de tenir tête à un Dieu, et que je serai fière d'avoir à nos côtés dans de futurs combats, si tu le veux.

Pour Kiro.
Et avant tout, pour elle-même.
Pour se trouver une voix propre.

« Je crois... »

Etna fronça les sourcils, fixant la boue entre ses griffes.

« ... Que je vais avoir besoin de temps. »

Un long silence s'en suivit, mais Etna avait encore quelques mots à dire. Elle avait seulement de la difficulté à trouver les bons mots. Elle n'était pas douée avec les mots, ne le serait sans doute jamais. La verte regarda encore les environs, le regard un peu nostalgique tout d'un coup. C'était ici qu'elle trouvait toujours refuge, ici qu'elle avait eu des entrainements avec Narcisse, ici qu'elle avait passé son épreuve haut la patte...

« Je... ne suis pas heureuse ici. Malgré tes bonnes intentions Anita... je me connais trop bien, je sais que je vais me perdre encore dans ma routine et ... que la solitude va me reprendre. »

Son poil se redressa légèrement à cette triste réalité, car le dire à voix haute semblait rendre la situation encore plus réelle, encore plus triste et misérable. Oh Etna.

« Pourtant, ici, c'est tout ce que je connais. Ça me fait chaud au cœur ce que tu me dis, mais pourquoi ne suis-je pas heureuse ? Pourquoi cela me semble t-il... pas assez ? Il- il me manque quelque ch- »

Sa voix se brisa, ressentant le poids des émotions prendre le dessus sur son corps entier. Elle posa sa tête sur la patte de son alpha, hochant la tête de gauche à droite, tentant de faire disparaître ses pensées noires.

Elle hocha d'abord la tête à la réponse d'Etna, compréhensive. Et lui laissa tout le temps dont elle aurait besoin pour formuler la suite, sentant qu'il y avait encore des choses qui devaient s'extraire de ses pensées.
Ses oreilles s'affaissèrent un peu à son aveu. Pas heureuse. Ces mots tant redoutés, ces mots qu'elle aurait tant aimé ne plus entendre dans davantage de gueules. Même si cela était quelque peu évident au vu de la situation, la phrase d'Etna révélait un inconfort apparemment plus profond qu'elle ne l'avait soupçonné, un sentiment enraciné depuis longtemps. Celui qui avait été la malédiction de beaucoup d'enfants Etelkrus.
Malgré le coup au cœur, Anita fit en sorte de garder un sourire encourageant pour que la louve verte continue de livrer tout ce qui lui pesait sur le cœur, jusqu'à ce qu'elle s'affaisse sans parvenir à tout à fait achever sa phrase.

Mais l'idée était là.

Anita la laissa reposer sa tête sur sa patte et posa son propre menton sur les cheveux de la louve, enroulant son encolure contre la sienne.
Elle laissa à nouveau passer quelques instants dans le silence avant d'élever la voix, douce et basse.

— Il m'a fallu du temps pour apprendre à aimer la routine, tu sais.  Plus jeune elle m'effrayait. J'avais peur de m'y perdre et d'oublier le goût de la vie, que je croyais ne pouvoir trouver que dans l'inattendu et les sensations fortes.

Ce qui faisait battre le cœur à un rythme désordonné comme les courses folles à la Moere ou aux Dents de Roc.

—  Puis peu à peu, sans même y faire attention... Elle s'est quand même installée, la routine. Il faut l'apprivoiser pour savoir l'aimer et y débusquer le réconfort qu'il y a dans la stabilité.

Ce qui faisait battre le cœur plus lentement, d'une mélodie sereine et régulière ; ce qui réveillait l'amour plutôt que l'adrénaline.

—  Venir ici chaque jour, par exemple. Penser à Kiro et honorer ce qui nous unit à lui. C'est une routine saine.

Anita bougea un peu pour détacher leurs deux crânes l'un de l'autre et entrechoquer une nouvelle fois leurs regards.

—  Le monde est vaste, Etna. Ce qui te manque chez les Etelkrus... C'est peut-être en t'intéressant à ce qu'il y a en-dehors que tu sauras quoi chercher. Que tu pourras aussi mettre en perspective ta vie d'ici et constater si oui ou non, un autre quotidien te conviendrait davantage.

Ce n'était pas une façon de lui dire qu'il lui fallait partir. Plutôt qu'il lui serait sans doute plus aisé de mettre des mots sur ce qui la dérangeait si elle prenait plus de temps pour voir ce qu'il y avait hors de leurs frontières et de découvrir d'autres modes de vie, afin de réaliser qu'il y avait une infinité de quotidiens sans doute inadaptés à ses envies... Tout comme elle pourrait avoir la réalisation d'un mieux et du désir d'un lendemain complètement différent.
Anita serait triste, si elle décidait de les quitter.
Mais les Etelkrus n'avaient jamais été une prison et si la clé d'un bonheur qu'elle ne semblait pas atteindre pour le moment se trouvait sans le clan dans l'équation... C'était ainsi.
Il lui fallait tout de même clarifier certains points, un petit sourire revenant sur ses lèvres.

—   Il n'a jamais été officiellement interdit de se faire des amis en-dehors d'ici, tu sais. Ni de passer plusieurs heures de la journée hors du territoire. C'est peut-être ça qui lui manque, à ta routine. Ne vivre que par le clan peut être étouffant, il faut voir d'autres choses, voir d'autres têtes. Tu es une fille de Kiro, comme moi. Nous autres avons besoin de stimulation.

Sur ces mots, ses yeux dérivèrent vers la statue de l'Anaconda et elle dirigea ses pensées vers lui.
Lors de leur première vraie conversation, Anita lui avait assuré en toute sincérité que Kiro ne l'avait jamais déçue et qu'il ne pourrait jamais la décevoir. Si Etna était venue ici, il était évident qu'elle cultivait un lien et un espoir forts envers le Dieu.
Elle avait aussi besoin de ses conseils et de sa présence à lui, afin que la preuve de ce qu'elle avança ce jour-là lui soit transmise : que Kiro était présent pour les siens et ceux qui lui étaient fidèles, qu'elle trouverait en lui le refuge que Aka n'avait pas été.
Et, plus que cela, l'Anaconda lui donnerait peut-être un but.

Etna était dans un sombre tunnel et avait besoin d'aide pour trouver la lumière. Un objectif donné par le Dieu lui-même pouvait la rallumer, cette lumière.

Etna respira un grand coup, de nouveau prête à écouter ce qu'Anita avait à lui dire.

L'alpha avait toujours eu les bons mots, ce qui contrastait énormément avec elle-même. Quand même bien qu'Etna avait la tête chaude et les muscles bousillés par les émotions, elle arrivait à garder son attention. Anita lui partagea ses propres démons aussi, la fameuse routine, sans oublier de parler du cher Kiro... mais aussi qu'il était important de sortir, de découvrir l'ailleurs.

Chose qu'Etna ne faisait que très rarement, elle pouvait compter ses explorations hors des terres de son clan sur les griffes d'une patte.

Peur, jugement de l'inconnu ? Elle n'avait jamais ressentie le besoin d'aller voir ailleurs, car elle se devait d'être fière du royaume de sa famille après tout... mais est-ce que cela avait été une erreur de sa part, de s'enfermer sur soi-même ainsi ? Est-ce que les autres étaient aussi intéressants que les loups d'ici, plus même ?

Une lumière jaune apparaît, avec une voix taquine et familière. Leur dieu à elle et Anita, Kiro l'anaconda. Etna hoquète de surprise, toujours aussi heureuse lorsque sa divinité passait faire un tour dans le monde physique, aussi courte ses visites soient-elles.

« ...ce qu'il se passe chez mon frère reste chez mon frère. »

Ces paroles rassure la verte et enlève un grand poids sur ses épaules. Elle tourne ses oreilles pointus vers la silhouette lumineuse, plus attentive que jamais. Elle sourit, regardant sa bague portant sa couleur. En effet, sa lueur n'avait aucunement changée depuis. Elle respire encore un grand coup, la morve de son museau faisant un petit bruit de trompette.

« ... M-merci Kiro, Anita. »

Elle regarda le ciel, pensive.

« Je... je vais tenter de sortir de ma zone, ma zone de confort... parce que je n'y trouve plus de confort, en effet.  », dit-elle en riant, se sentant plus bête que jamais. « Je veux me sentir entourée, appréciée, accomplie... Je le suis déjà plus que je le croyais, avec vous deux autour de moi ! »

Elle donna une lèche sur la joue d'Anita, puis un grand sourire à Kiro.

Puis elle rougit soudainement.

« ... J'crois qu'il serait sage de ma part ne pas retourner voir Aka, n'est-ce pas ? »

Et Kiro ne tarda pas à répondre, tant à l'appel silencieux de sa Prêtresse qu'à la détresse évidente de la plus jeune disciple.
Anita laissa un sourire envahir son visage à la vue de l'Anaconda comme chaque fois qu'il faisait son apparition. L'interaction se fit surtout entre Etna et lui, en toute logique, et elle y assista en retrait d'un pas, acquiesçant ponctuellement aux remarques du Dieu.

Et au fur et à mesure, elle vit renaître des choses positives dans le regard perdu et triste de la louve verte. Comme elle l'avait soupçonné, le soutien et les conseils de la divinité qu'elle avait choisi d'aimer et d'honorer seraient salutaires.
La Prêtresse se laissa gagner par un petit rire aux paroles de la louve, soulagée, et rendit une brève étreinte à sa marque d'affection.

— Alors pour recevoir de l'amour et de la compagnie, donnes-en sans retenue. La réciproque viendra d'elle-même.

N'était-ce pas finalement la façon la plus simple d'être entouré que de se montrer ouvert aux autres ? Etna avait des qualités à revendre. Si elle laissait un peu plus de loups l'apprivoiser, elle oublierait bien vite ses regrets et surmonterait ses rancunes.
Pour le reste en ce qui concernait Aka... Anita eut un sourire plus discret et glissa un regard vers Kiro.

— Si tu ressens un jour le besoin de revenir sur ce que tu as dis et de faire la paix avec lui, je suppose que les portes de son temple te demeurent ouvertes. Mais... Autrement, j'imagine qu'il vaut mieux en effet ne pas t'attarder sur ce qu'il reste de rouge dans ta vie.

La Prêtresse haussa les épaules et se lécha les lèvres - après tout, Aka n'avait pas exigé qu'Etna revienne s'agenouiller pour régler cette affaire, et Anita espérait le Grizzly assez compréhensif pour admettre la décision de son frère Anaconda comme étant aussi valable que la sienne. Si Etna avait coupé les liens avec le Dieu rouge, elle avait néanmoins entendu raison comme il l'avait demandé et elle restait Etelkrus.

— En revanche... Il me semble que Holly mériterait des excuses, non ? Pour le coup de planche qu'elle a manqué de recevoir dans le dos.

Et qui avait plutôt marqué son épaule à elle.
Son ton ne se fit pas cependant celui du reproche, mais le petit sourire espiègle et ses sourcils haussés étaient évocateurs : elle encourageait fortement que ce dialogue s'établisse.
Derrière une certaine radicalité chez sa consœur bleue et une aptitude à trancher une situation promptement, elle la savait autant affectée qu'elle par la désunion qui pouvait parasiter la meute - différemment, certes, mais affectée quand même.
Elle ne doutait pas que Holly serait heureuse de recevoir des excuses en face à face, et soulagée de constater que certaines âmes abîmées pouvaient se mettre sur la voie de la guérison.

Pour Etna, il y avait encore de l'espoir et de la lumière.

Le coup de planche ?

Bien que ce n'était pas techniquement de sa faute - le kiro'board avait sa propre conscience, il restait sous sa responsabilité. Une partie d'elle était ravie que son bout de terre lui était aussi loyal, mais il fallait quand même (peut-être) s'excuser à Hollyhock...

Sauf qu'Etna ne pu s'empêcher de pouffer de rire, surtout qu'Anita était loin d'avoir une mine sérieuse en lui reprochant cela.

« B-bien sûr dame Anita ! », dit-elle en lui donnant par la suite un clin d'œil.

Elle prit note les conseils de l'alpha, bien que la verte savait qu'elle tirait à présent un trait sur Aka. Trop longtemps la présence agressive et lourde de l'ours lui pesait sur les épaules et elle était heureuse de savoir qu'elle pouvait faire partie des Etelkrus sans porter importance sur toutes les divinités du clan. Il va sans dire qu'il allait être difficile de s'entendre avec ses disciples cependant, car sa rancune était encore fraîche dans son cœur, mais elle allait tenter de contrôler ses émotions du mieux qu'elle pouvait.

Car quelque chose lui disait qu'elle n'avait plus droit à l'erreur à présent.

Elle chassa ce pessimisme de son esprit, car Kiro semblait déjà repartir dans l'au-delà. Même s'il venait d'arriver, il n'allongeait jamais sa présence trop longtemps, préférant rester dans le mystère et dans l'esprit de ses enfants jaunes.

« AU REVOIR TONTON KIRO ! »

Elle agita la queue avec excitation, contente d'avoir eu sa visite, aussi courte soit-elle.

À présent, seulement le son environnant de la Moère habillait l'ambiance et Etna posa de nouveau son regard orange vers Anita.

« ... Longue journée, n'est-ce pas ? », Etna rit jaune. « Erm ... Je crois que je vais peut-être rester ici un moment, question d'apporter une proie ou deux au Castel, pour le clan. »

Le temps de laisser la poussière tomber.

Les derniers mots de Kiro eurent toute son attention alors qu'elle tourna vers lui sa tête. Un sourire reconnaissant et empli d'affection et d'admiration mêlées se dessina sur ses lèvres, puis un signe de tête dans sa direction salua sa disparition.
Kiro en avait fini ici... Et elle aussi, presque, puisque Etna amorça elle aussi une conclusion à ce moment après un temps de calme.
Anita ne put s'empêcher de répondre d'un rire discret à sa remarque. Puis nouvel acquiescement.

— Bien, prends ton temps. Nous nous verrons bientôt. Je n'oublie pas que tu me dois un duel !

La Prêtresse tira la langue et accorda un dernier contact à la verte en venant asséner un petit coup d'épaule contre la sienne puis en touchant sa joue du bout de sa truffe pointue.
Elle se détourna ensuite et prit congé du Temple pour regagner l'extérieur de la Moere. Sans doute y trainerait-elle un moment en prenant son temps à déambuler dans l'atmosphère apaisante des marais avant de retourner au Castel.

En attendant, elle s'éloignait au trot de l'Arbre aux Serpents pour laisser à Etna son intimité.
Le cœur plus léger de savoir qu'un nouvel orage avait été évité.