Gueule de bois [PV Désastre]

-Iris-

Il s'en était passé, du temps, depuis qu'Iris s'était battu contre le lion dans la Rougelande. Elle aurait aimé dire qu'elle avait mûri, depuis, mais elle n'en avait pas vraiment l'impression. Elle alternait des phases où la réflexion primait sur tout, mais bien souvent elle se trouvait dans un étrange brouillard sans avoir de phare pour la guider. Elle savait ce qui manquait, quel était ce phare, et la réponse résidait dans son identité propre. Une drôle de pensée, si on lui demandait. Comme si elle n'avait jamais su qui elle était, se contentant de chercher à plaire, pour ne jamais être seule peut-être.

Heureusement, elle pouvait se noyer dans ses projets pour chercher à oublier ses questions trop prenantes, et les rêves qu'elle continuait à faire depuis celui avec la demoiselle rose. le retour du printemps avait signé un regain d'entrain, et elle avait encore beaucoup à faire. Cependant, elle avait trouvé le temps de réfléchir de nouveau à cette rencontre avec le lion, au détour d'une petite mare où elle y avait vu miroiter la cicatrice sur ses flancs bleutés. Elle craignait moins son propre reflet, depuis : chaque jours, ses épaules et ses pattes devenaient plus puissantes, plus larges. Et bien qu'elle reste haute et assez fine, le changement était assez marqué pour la satisfaire. Elle ne pouvait pas dire qu'elle aimait son corps, surtout pas après le rêve qu'elle avait fait avec la demoiselle rose et qui la hantait encore, mais du moins elle avait appris à le tolérer, à le façonner pour pouvoir s'en contenter quelque temps.

Elle était allé dans la forêt de pins près de la mer pour y choisir un beau morceau de bois. Il faisait beau, et chaud, alors elle décide de rester près de la mer. A son flanc, un couteau emprunté aux panseurs, qu'elle sort pour commencer à travailler le bois. Elle voulait faire quelque chose de spécial, pour celui qui l'avait sauvé ce jour là. Un remerciement qui ne valait pas grand chose, mais montrait au moins sa reconnaissance. C'était important, de se montrer reconnaissant, même lorsque quelqu'un ne faisait que son travail. Elle l'apprenait, doucement. Sa sculpture lui prit la journée, alors elle retourna se coucher avant d'avoir totalement terminé.

Le lendemain, elle finit les quelques détails avant de se diriger vers la tanière des panseurs. Désastre n'y était pas, mais elle obtint une information : il était au Marais. Elle s'y dirigea avec précaution (les crocodiles n'étaient pas vraiment sa tasse de thé, et elle ne tenait pas à glisser et devoir de nouveau se faire sauver) jusqu'à trouver le mâle gris et blanc, aux pupilles marquée d'une étoile. Peut-être était-il avec Serpent, qui sait : elle ne le connaissait pas assez bien.


Perchée sur une branche au dessus de l'eau, elle s'avance avec précaution pour regagner un semblant de fermeté. Là, elle lui sourit avec politesse, se sentant un peu honteuse d'un coup. Et s'il n'acceptait pas son cadeau ? Il n'était pas très bien fait, après tout ce n'était que sa seconde oeuvre et elle maniait très mal le couteau. Elle déglutit. Trop tard, de toute façon. Elle sort de sa ceinture sa sculpture, et la présente au mâle : un petit serpent gravé dans le bois, aux motifs réguliers. L'oeuvre était grossière, mais l'effort d'avoir orné de deux pierres les yeux était fait. C'était ce qui lui avait pris le plus de temps. Elle explique, en posant son oeuvre au sol.


Elle garde un sourire un peu contrit sur la face, les yeux baissés sur son pauvre serpent de bois. Elle s'était promis qu'elle ferait plus attention dans le futur, ou du moins qu'elle n'aurait plus de peur à aller voir un panseur plus rapidemment. Mais pouvait-elle vraiment le garantir ? Ses pilules, données par Tawana, n'avaient pas assez d'effets et elle n'était jamais retournée le voir, sans savoir pourquoi. Mentait-elle encore ?

-Iris-

Le regard du mâle s'allume, un peu, lorsqu'ils voit la gravure. Iris l'avait déjà remarqué avant : Désastre n'était pas très expressif. Mais les serpents, c'était sa corde sensible, et elle avait apparemment vu juste. Il la touche de ses doigts précis, de ceux ayant déjà recousu des dizaines de plaies, l'examine un peu avant de la remercier. Elle, sourit : ça lui plait, ça s'entend dans ses paroles plus que dans sa voix. Et elle se sent fière, un peu, pas tellement d'avoir sculpté le serpent (beaucoup auraient pu y arriver) mais d'avoir trouvé quelque chose que le panseur aimait. C'était agréable.

Puis, il la félicite pour son glowstick. Elle penche le museau vers son épaule, où brillait la lumière rouge qui signifiait qu'Aka l'avait acceptée parmi les siens. Elle hoche la tête, acceptant la félicitation, mais pourtant une question lui trottait dans la tête. Une question lancinante, qui avait hanté ses nuits pendant longtemps et qui ressurgissait, sûrement parce qu'il était panseur et qu'il était gentil. Un air plus neutre se peint sur son visage et elle se lance, non sans hésitation :


Elle s'arrête. Elle n'avait pas envie de demander à Aka directement, la simple idée lui semblait bizarre, surtout quand elle était basée sur un drôle de rêve. Mais Desastre, avec son glowstick jaune, lui saurait ... Peut-être. Il était médecin après tout : il avait déjà du demander de l'aide à Kiro pour soigner des plaies insoignables. Ou alors, elle se trompait sur la relation qu'il entretenait avec le Serpent. Dans tous les cas, cela ne coûtait rien de demander, tant qu'elle ne le retenait pas trop longtemps :


Elle fronce légèrement les sourcils. Ce n'était pas très clair.


Son coeur bat un peu plus fort dans sa poitrine alors qu'elle avance sur le terrain avec grandes précautions. Car si l'espoir ne peut s'empêcher de venir pointer son coeur, elle essaye de l'étouffer de tout son poids pour ne pas être déçue. Car s'il disait oui, pourquoi son mentor avait-il la patte coupée ?

-Iris-

La jeune louve écoute avec attention les paroles du panseur. Evidemment, elle garde en tête que Kiro n'est pas Aka, et qu'elle connait mal le Serpent. Mais les Dieux avaient, elle le supposait, tous des pouvoirs similaires : ce que Kiro pouvait, Aka le pouvait aussi. Le reste était plutôt une affaire de volonté. Elle note les pouvoirs divins : arrêter les saignements, probablement sauver des loups sans pour autant leur enlever les conséquences de leurs combats. Inconsciemment, elle jette un bref regard à ses cicatrices sur ses pattes, restées après les combats qu'elle avait mené chez Aka. Les Dieux ne supprimaient pas leur histoire, leurs marques.

Lorsqu'elle relève les yeux, elle croise le regard inquisiteur de Désastre. Elle rougit, légèrement : il cherchait le pourquoi de la question, bien sûr. C'était un panseur après tout. Mais elle s'était couverte, en parlant de membre amputé : il n'était pas un secret que Dough était son mentor, peut-être aurait-elle voulu simplement lui rendre la patte qu'il avait perdu. De toute manière, elle ne pouvait pas expliquer ses propres questions sans passer pour une idiote. Tout ce qu'elle voulait, c'était essayer d'apaiser ses rêves, de comprendre pourquoi ils ne la laissaient plus en paix. C'est tout. Elle se redresse légèrement, reprend un air sérieux avant de secouer la tête pour rassurer le panseur :


Desastre était un excellent panseur, elle n'en doutait pas. Il avait su soigner sa fièvre et sa plaie sans sourciller, et elle ne doutait pas qu'il ai déjà vécu beaucoup sur les champs de bataille. Mais est-ce que ses capacités ne s'arrêtaient-elles pas, à un moment ? Elle prend un air plus absorbé, cherchant à obtenir des précisions :


Elle repense soudain au monstre dont maman avait parlé à la réunion de meute. Mais elle retient la remarque qui la brûle le plus, de peur de paraître irrespectueuse : si cet être pouvait le faire, pourquoi pas les Dieux ? Était-il plus puissant ? Pouvait-il, lui, s'amuser du corps des loups sans aucune scrupules, d'un pouvoir absolu, terrifiant et -elle devait l'avouer- absolument attirant ? Son coeur tambourine dans sa poitrine, mélange de peur et d'espoir, qu'elle ne parvient plus à calmer.

-Iris-

Le regard de la louve s'est fait plus intense, et Desastre a du le remarquer car elle se sent scrutée par ses yeux bicolores. Ou bien, elle s'imagine des choses : de toute façon le panseur n'est pas du genre à se moquer, ou à chercher la petite bête dans ce qu'elle demandait. Il ferme à moitié les yeux, laissant à Iris le soin de décortiquer ses paroles. Il lui parle du monstre aux yeux tourbillon et de son étrange capacité à faire naître des enfants -comme lui ?- et de Kiro, qui aurait aidé les mères d'Alexandrine à avoir une portée.

Iris cille, intègre les informations. La plus surprenante était que Desastre fut -en quelque sorte- le fils du monstre aux yeux tourbillons. Apparemment, les Dieux avaient bien des pouvoirs spécifiques, il suffisait de demander. Et son coeur ne peux s'empêcher de caresser l'espoir que ... Mais elle s'arrête, avant de formuler son désir. L'espoir lui gangrène le coeur à elle qui s'est habituée, pendant si longtemps, à essayer d'aimer son corps, son apparence, son rôle. Pouquoi est-ce qu'elle ne pouvait pas seulement se contenter de ce qu'elle avait ? Si elle allait voir Aka ... Non. Jamais elle ne pourrait. Et pourquoi ?

Soudain, la remarque la prend de court. Elle redresse un regard rond, sentant le rouge lui monter aux joues. Un ... Enfant ? Elle entr'ouvre la gueule avant de se redresser, soucieuse d'éclaircir au plus vite la situation :


Elle passe une patte un peu gênée dans ses cheveux, épaules tendues et sourire un peu éberlué sur la face. Un enfant, elle ! La surprise l'avait tirée de ses pensées, et elle décide de tenter une pirouette pour échapper à la gêne qui rougissait encore légèrement ses joues.


Un glowstick, c'était un peu comme un mariage, non ? Elle n'en savait rien.

-Iris-

La conversation dévie légèrement vers le sujet des Dieux, ce qui va parfaitement à Iris. Encore encombrée de la gêne de l'échange d'avant, elle tend les oreilles pour écouter d'un air absorbé la réponse, peut-être un peu trop concentrée pour que ce soit naturel. Elle ne peut s'empêcher de remarquer que Desastre ne relève pas son trait qui se voulait être de l'humour. Elle avait probablement mal du le faire passer, mais une réponse sincère lui allait également parfaitement. Son glowstick était tout neuf, les coutumes l'entourant aussi : elle était heureuse d'entendre qu'Aka n'allait pas la radier pour être allé voir Kiro.

Elle hoche la tête, s'imprégnant un instant de ce que le panseur lui disait. des réponses que les autres n'avaient pas. Elle savait qu'aller voir Aka n'était pas une bonne idée si l'on voulait parler, mais n'en avait jamais vraiment ressenti le besoin. Les Dieux ... n'étaient pas faits pour conseiller les mortels, sauf ceux assez bon pour se hisser au rang de prêtres. Elle préférait demander à Aka de lui rendre honneur par les combats qu'il savait bien lui fournir. Elle déglutit, alors qu'un silence passe, et que la gêne revient. Le regard de Désastre se fait plus cuisant, l'obligeant à détourner le regard. Elle s'éclaircit la gorge, et répond finalement :


Elle hoche la tête, encore. Puis, s'efforçant de reprendre un air neutre, elle tend vaguement une patte pour saluer le loup afin de prendre congé. La sensation de malaise s'éloigne au fur et à mesure de ses pas, remplacée par un drôle de sourire impossible à contenir. Sans savoir pourquoi, elle se sentait heureuse. Peut-être que c'était parce qu'il n'avait pas dit non, et que l'étendue des pouvoirs des Dieux était belle et bien totale.