Sang de licorne, jamais je ne cogne ♖ Onyx

Onyx, s’arrêta, perturbée.
Elle n’avait pas pensé saisir ces quelques mots au vol et savoir, alors, que quelque chose n’allait pas. Quoi ? Elle l’ignorait encore, mais déjà ne voulait plus de cet insupportable secret.
Presque vexée de n’avoir rien vu venir.

- Salut ‘pa.

Il lui offrait de grands sourires, comme souvent, mais quelques secondes plus tôt, il avait l’air si fatigué et si inquiet, son vieux papa. Les oreilles de la licorne se couchèrent sur l’arrière de son crâne et elle lui rendit, un peu maladroitement, son étreinte, sans parvenir à sourire pour autant.
L’on lisait toujours en elle comme dans un livre ouvert tant Onyx peinait à mimer d’autres émotions que celles qui lui traversaient le coeur.

L’inquiétude, en l’occurrence, venue en même temps qu’un très mauvais pressentiment.
Un frisson courut le long de son dos, hérissant ses poils malgré la chaleur ambiante.

Ce n’était, pour une foi, ni pour Ao ni pour Maman qu’Onyx était venue ici, mais pour lui, effectivement. Y’avait des trucs qui lui trottaient dans la tête, le besoin de parler.
Sa soeur, la plus p’tite et la plus grande en même temps lui manquait, depuis sa disparition soudaine du refuge. Ca l’avait surprise, un peu, par ce que Gathou lui avait donné l’impression de s’être un peu plus posée ces derniers temps, et elle avait pensé qu’elle les préviendrait, leurs diraient au revoir, si la lubie du voyage revenait la frapper.
Elle s’en était attristée, mais s’était dit que ça ressemblait, tout de même, assez à Gathou de partir comme ça et qu’il y avait pas de raisons pour psychoter là dessus, que p’tet que Papa en saurait un peu plus, sur ce qui l’avait poussée à mettre les voiles…

- Tu sais où est Agathe ?

Le coeur battant et la gueule pâteuse, elle recula un peu pour planter son regard de chat, dans celui dont elle avait emprunté la couleur, de son père.
P’tet que ce n’était pas grand chose, p’tet qu’elle se faisait juste des idées et que son père se faisait juste du soucis pour un autre gus’ qui avait nettement moins d’importance à ses yeux que sa petite soeur.

Mais oui, bien sûr.

Le couperait tombe en même temps que ses mots.

Sous son petit corps, ses pattes se mirent à trembler, mais elle s’efforça de rester droite, Onyx.
Disciple de la dragonne, elle se voulait représenter la force mentale et ne pas céder aux émotions.

Ce serait si facile : Elle aimait les gens et, partageait avec son père le syndrome du héros.
Plus que les gens, elle aimait sa petite soeur.

Les mots qui suivent sont des coups de poignard.

La licorne inspira.
Comment Gathou qui, depuis des années, respectait la vie, pouvait, aujourd’hui, être accusée d’avoir cédé à la violence ? Et si c’était vraiment le cas, est ce que ça se pourrait, que son sang, leur sang maudit, l’aient déjà emportée ?
Non.

- Ca va aller. Raconte moi ce qu’il s’est passé, et ensuite on part à sa recherche. Y’a bien un gus’ sur ces terres qui l’a vue, elle peut pas passer inaperçue, notre grand caillou.
On va faire comme ça, on la trouve, et on la protège. Elle a une famille qui l’aime pour la secourir.

Car il était évident que Papa souhaitait aussi sauver sa fille.
Elle, ignorait évidemment ce qu’il s’était passé, alors en vadrouille depuis quelques jours. Les quelques mots de son père la laissaient envisagé le pire.
La chasse lui semblait exclue, Agathe savait se nourrir autrement, et bien.
Peut-être qu’on l’avait agressée et qu’elle s’était défendue, comme elle pouvait. Peut-être qu’elle n’avait pas pu fuir.

Peut-être qu’elle n’avait pas voulu fuir.
Elle avait un sacré caractère, ‘Gathou.

Onyx posa une patte, qui se voulait être rassurante, sur l’épaule de son vieux père.

C'était la première fois qu'elle voyait papa si défaitiste, et clairement, c'était pas quelque chose qu'elle aimait voir, cette fatalité, lorsqu'elle voulait croire, si fort pouvoir sauver sa sœur.
Et alors, on se contente de ça ?

- Elle est peut-être tombée quelque part, où a été téléportée, ça m'était arrivé quand j'me suis retrouvée face au dinosaure des Nakhus. On peut pas écarter ces options là. De toutes manières, si elle était partie, de son plein gré, t'aurais pu suivre sa piste au delà de la plaine.

Onyx s'agita un peu, trahissant son impatience.
Elle avait entendu, bien sûr, les paroles qui avaient précédées cette conclusion de papa. Y'avait des chances, si grandes, pour que Gathou ait, effectivement, blessé un gus'.
Mais qu'est ce qu'il foutait dans sa tanière, aussi. On avait pas idée de venir faire chier 'Gathou.

- C'est pas de sa faute, à Gathou', il avait rien à foutre chez elle, c'gars, qui qu'il soit. J'pense pas qu'elle l'ai défonce pour rien. Il a du bien le méri-

Sang de licorne, jamais ne cogne.
Alors elle se tut.

- Enfin, j'vois pas ma sœur taper sans raison, surtout au point de repeindre sa tanière.

Il lui était désormais évident que sa pauvre petite soeur s'était juste défendue d'un connard.

Nan, il était pas défaitiste, Papa.
Il était fatigué. Quoi de plus normal ? Il traînait, derrière lui, bien plus d'années que la plupart des parents et n'pourrait pas mettre autant d'énergie qu'elle dans cette affaire.
C'était quelque chose dont elle prenait conscience.
Ce serait à elle, de venir en aide à sa petite sœur.

- J'aurais besoin que tu me montres où elle a disparu précisément. Toi, tu devrais l'attendre au Refuge, au cas où elle revient, tu sauras trouver les mots pour l'apaiser. Pendant ce temps là, j'la chercherai dans la plaine, avec qui voudra bien m'aider.
J'ai bien retrouvé une louvette minuscule enlevée par un monstre, alors c'est pas notre grande 'Gathou qui va m'échapper.

Onyx n'était pas cette personne, capable de sonder l'usage de magie, mais s'y était déjà retrouvée assez confrontée pour ne plus la considérer comme quelque chose de nouveau.

Elle secoua la tête.

- Non.
Mais nous n'sommes pas exactement comme Maman, à cause du sang que tu nous a apporté. J'ai, pour ma part, une sensibilité moindre que la sienne quand j'me retrouve confrontée à la mort. Elle, elle culpabilisait.
J'veux penser que c'est la même chose pour Gathou et Prudy, il y a sûrement des choses sur lesquelles elles sont moins touchées. Peut-être que ton sang à toi pardonne ce genre de choses.

Elle haussa les épaules et décida de croire, de toutes ses forces, en ce qu'elle disait.

Elle agita une patte avant dans un geste désinvolte.

- Bah, t’inquiètes pas, j’suis une grande fille maintenant !

Malgré ce qu’elle voulait laisser paraître, Onyx était consciente du danger. Mais c’était plus fort qu’elle, elle pourrait pas laisser ceux auxquels elle tenait dans la difficulté.

- Mais oui, t’inquiètes pas, ça va aller. On va la retrouver ‘notre Gathou. Si Ted et Prudy veulent bien participer aux recherches aussi, ce serait cool

Enfin, elle voyait pas pourquoi ils le feraient pas. C’était leur frangine, aussi, et si Ted avait l’air de s’en inquiéter…

- Pense à te ménager, aussi.

- Un demi-dieu avec les cheveux tout blancs et les pattes qui craquent !

Depuis si longtemps, déjà, certes.
C’était une force de la nature, son papa et elle avait tellement, tellement, de chance de profiter de sa présence à ses côtés, maintenant, alors que sans la magie elle ne ferait même plus partie des jeunes pousses de c’monde.

Elle était inquiète, malgré tout, de le voir ainsi. Est-ce qu’il l’était vraiment, immortel ? Onyx aimait penser qu’il l’était.
P’tet que Moiro l’aimait assez pour le garder vivant encore longtemps.
Éternellement.

- Tu t’inquiètes toujours pour nous. Tu j’pourrais pas m’empêcher de me faire du soucis pour toi. Je t’aime, Papa.

Ses courtes pattes tentèrent, vainement, d’entourer les larges épaules de son père en une étreinte affectueuse.