Le p'tit dej au pieu - Elely

Ce n'était pas si loin que ça de son ancienne tanière, tout de même à plus d'une heure de marche alors Elely s'était rapprochée du Gouffre pour épargner les petites pattes d'Onyx. Elle n'aimait pas vraiment l'idée de revenir aussi près de l'ancienne demeure Lazuli mais elle n'avait pas vraiment le choix.. Alors elle s'était trouvée un petit coin près de rochers où une petite grotte s'enfonçait dans le sol verdoyant. Elle l'avait recouvert de branches, comme à son habitude, pour camoufler l'entrée. Afin qu'Onyx la retrouve aisément, elle avait même déposé des fleurs un peu partout pour lui donner des indices sur son emplacement.

Ce matin là elle s'était réveillée très tôt, Elely, avant le soleil. A cause d'un sommeil agité elle avait mal dormi, trop pensive, alors elle avait fini par bouquiner en attendant que les premières lueurs traversent le ciel étoilé. Elle s'était fait un petit brin de toilette en attendant Onyx, lavant ses cheveux et les dressant en un chignon parfait. Malgré le peu d'heures qu'elle avait dormi, son visage était toujours aussi radieux. Son poil, doux et brillant était brossé avec soins. Elle était d'ailleurs entrain de finir sa queue à l'extérieure, lorsqu'elle vit la petite silhouette d'Onyx s'approcher à l'horizon.

Bonjour Onyx. Salua-t-elle d'une voix enthousiaste et calme.

Elle déposa son peigne et lui offrit un sourire jovial.

Qu'as-tu ramené de bon ?

Elle pencha la tête au dessus du récipient en pierre pour observer son contenant d'un regard impatient et curieux. Elle haussa un sourcil, étonnée et déçue.

Bah, t'avais pas de viande ?

Le visage d'Elely se décomposa lorsqu'elle comprit la sournoiserie de la licorne. Oui, c'est vrai qu'elle l'avait oublié ce détail..

Une semaine sans viande au petit déjeuner hm.. Rumina-t-elle en détournant son regard, vexée.

Elle fronça les sourcils puis après un soupire exagéré, elle finit par rapprocher sa truffe sur l'un de ces fruits.

C'est quoi ça ?

Elle toucha du bout de la langue un morceau blanc crème et rond, pas plus gros que l'un de ses coussinets. Elle le mâcha, c'était sucré et moelleux, ça accrochait même un peu à ses belles dents. Elle fit de même avec un fruit rouge cette fois, tacheté de minuscules petits pépins sur toute sa surface lisse. Il était légèrement acide en bouche celui là et elle grimaça, n'ayant pas l'habitude.

Et ça c'est quoi ? Demanda-t-elle en tirant la langue, le visage tordu en une grimace ridicule.

Elely était une carnivore depuis la naissance, à part un peu d'herbes pour se purger elle ne mangeait que de la viande d'habitude, en tout genre.

Un sourire espiègle se dessina sur ses babines tandis qu'elle releva ses prunelles sur Onyx.

Cela reste encore à prouver..

Elle passa sa langue sur ses babines pour y retirer le reste d'acidité.

Pour ne pas dire gâtée, même ! Ce n'est pas donné à tous le monde.

Le ton était ironique, Elely se savait exceptionnelle dans un sens mais dans un autre, elle savait à quel point c'était paradoxal au vu de ses tourments personnels. Elle ne pouvait, cependant, pas s'empêcher de jouer le jeu avec la licorne.

C'était immonde tu veux dire ! Ça me laisse un arrière goût désagréable ! S'exclama-t-elle en lui tirant la langue.

Elle préférait sans aucun doute le goût du sang, Elely. Le cartilage qui craque sous ses crocs acérés, la tendreté de la chair qui se déchire, encore chaude, les petits morceaux de gras fondants sur sa langue.

Peut importe, je vais en goûter un autre..

Elle mis la truffe cette fois-ci sur de toutes petites boules noir bleuâtres, comme de minuscules petites baies accolées les unes aux autres. Elle en avait déjà vu dans de grands buissons de ronces sans y prêter attention. Lorsqu'elle en mis une en gueule, elle apprécia le goût sucré et léger qu'elle dégagea et elle en reprit quelques unes. Certaines semblaient plus acides toutefois et elle arrêta les frais, repoussant le panier de la patte.

Je ne suis vraiment pas habituée à ce goût la... Peut-être que mélangé à de la viande ça pourrait être mieux. Ou cuit au feu, pourquoi pas..

Elle souffla par le nez, la simple pensée de la viande fit gargouiller son ventre.

Je vais aller chasser, comme ça on pourra essayer ça !

Elle se leva aussitôt que ses mots furent prononcés, motivée par son insatiable gourmandise.

A nous deux on va le faire ce petit déjeuner royal, j'en suis convaincue. Dit-elle les babines relevées en un sourire émoustillé.

Alors qu'elle était prête à partir, exaltée, un malaise inattendu s'installa et Elely observa, clignant des paupières d'un air surpris, Onyx bégayer. Elle n'eut pas le temps de réagir ou de comprendre ce qu'il se passait que la violette était déjà entrain de s'éloigner, de la fuir. En l'espace de quelques secondes elle se retrouva seule et son visage chaleureux se décomposa, balayé par un vent glacial, pour redevenir impassible et sans vie. Comme du sel répandu sur les plaies de son cœur elle sentit une douleur vive et intense dans sa poitrine mais elle resta de marbre, Elely, comme si elle s'y était préparée, comme si elle était habituée. Si elle le pouvait elle exprimerait du chagrin, mais ce fut une émotion toute autre qui vint l'envahir à ce moment là : la frustration.

Ça devait bien arriver tôt ou tard, tu t'y attendais ma sœur.

Figée sur place, observant l'horizon où la silhouette d'Onyx venait de disparaître, elle ne daigna même pas tourner son regard vide vers l'origine de cette voix. Semblable à un démon, il revenait à chaque fois que ses émotions la tourmentaient. Il était sa folie.

Tu as joué avec le feu et maintenant tu te brûles, c'était prévisible.

D'un coup son corps se jeta sur le côté et ses mâchoires se refermèrent brutalement sur l'ombre de son frère qui s'évapora dans l'air.

TU NE PERDS RIEN POUR ATTENDRE MERIDOR !! Gronda-t-elle d'une voix furieuse.

Les crocs serrés, le poil hérissé, elle était devenue une furie, Elely, son visage n'était plus du tout le même, il était assombri par la haine et la douleur. Consumée par la noirceur de ses émotions, elle se rua comme un guépard dans les fourrées à la recherche de proies sur lesquelles se défouler. Pourvu que ce ne soit pas un canidé, cette fois-ci.