Résurréction | Elely

En voilà une bien belle idée que d'aller provoquer une meute comme les Etelkrus. Parce que tu les as provoqué Elely, n'est-ce pas ? Sinon pourquoi ont-ils fait ça, pourquoi t'ont-ils assassinée ?

Non. Tu n'as rien fait.

La vérité tu la connais, ta mère t'avait déjà mis en garde Elely. Tu ne mérites pas ça.

Ne leur donne pas raison, ma fille.

C'est un assassinat injuste, une preuve indiscutable de leur barbarie. Quoi, parce qu'il te fallait vraiment une preuve en plus ? Comme si les horreurs qu'ils ont fait à ta famille ne suffisaient pas, voilà que tu es toi aussi une de leur victime. Ils ne sont qu'un troupeau de bêtes sauvages, des racistes qui ne tolèrent pas ceux qui refusent de s'incliner.

C'est eux qui devraient s'incliner devant toi pourtant.  

Alors tu espérais quoi en allant la bas seule, Elely ? Bon sang, te voilà dans un triste état maintenant, laissée là comme une viande avariée jetée à la poubelle. Des journées et des nuits entières se sont écoulées sans que personne ne t'enterre. La neige et les températures hivernales t'auraient conservée plus longtemps si les corbeaux ne s'étaient pas déjà régalés de ta chair. Ta peau a commencé à s'effondrer entre tes os et ton sang, lui, a donné un festin royal aux insectes grouillant sous ta carcasse. Quel gâchis. Quelle monstruosité.

Relève-toi, ce n'est pas encore fini.

C'est trop tôt pour toi Elely. Il n'est pas question d'abandonner, il n'est pas question de laisser passer ça. Quelqu'un t'attend dans ce bas monde et s'inquiète pour toi. Tu devais prendre soin de lui, le protéger, te rappelles-tu ?

Tu m'avais promis.

Tandis que la neige continue de tomber inlassablement et que le vent souffle sur les arbres quelque chose semble perturber le temps autour de toi, Elely. Comme si des êtres invisibles étaient présents tout autour de ton corps et le manipulaient, les tissus se recréèrent et s'assemblèrent pour reformer tes muscles, ta peau, ta chair. Tes os bougèrent et se remirent en place, tandis que ton sang, dispersé en petites particules fines dans les airs forma un fluide épais et pénétra lentement dans ta chair.

Relève-toi, Elely.

Les voix sont nombreuses à murmurer et à t'encourager. Elles sont puissantes et te redonnent de la force. Tu reconnais celle de mère, de père, celles de ta fratrie et même celle d'Akira. Ils sont là tout près, ce sont eux les êtres invisibles qui te font renaître.

Vis, sois forte. Pour toi, pour nous.

Ton corps est relevé, soutenu par de multiples épaules. Tu ne les vois pas mais sens leur chaleur, sens leur amour alors que ton cœur fait son premier battement, là, entre quelques côtes encore apparentes. Tes pattes, ton visage, tout reprend formes et les sensations avec : le froid mordant de la neige sous tes coussinets et sur ta peau nue, l'humidité sur ta truffe, le vent glacé sur ton crâne qui se recouvre doucement de tes cheveux écarlates. Le goût amère et infecte de la moisissure dans ta gorge. Une odeur, lointaine et presque imperceptible de roses. Et même la chaleur étrange de ton sang qui circule et colore progressivement ton visage pâle.

Sois heureuse Elely.

Alors que ta fourrure reprend forme poil après poil, tu fais un pas en avant, puis deux. Ta renaissance touche à sa fin.

Ouvre les yeux maintenant, ma fille.

Un dernier murmure, un dernier soupire à tes oreilles et toute la force qui te maintenait debout s'évapora emporté par la brise froide. Tu t'arrêtes, tête basse et ouvre lentement les paupières. Il te faut du temps avant d'accepter la lumière, mais lorsque tu y arrives enfin tu perçois un décors tristement blanc. Le soleil semble s'être déjà couché au vu de l'obscurité, tu peux encore discerner les arbres autour de toi ainsi que les buissons mais tu ignores où tu es. Tu te sens complètement perdue, là debout dans le froid, au milieu de nul part.Tu ignores comment tu es arrivée là. Une sensation de vide creuse ta poitrine, puis tes yeux s’écarquillent, soudainement, lorsqu'un souvenir te revint. Tu te souviens Elely, tu te souviens de ta mort. Tu te souviens de ces voix, de cette chaleur. Tu te souviens du visage de celle qui t'a assassinée, de la peur, de la douleur, des ténèbres qui ont suivis. Ton cœur s'accélère, paniqué et d'un coup l'air arriva dans tes poumons et tu te mis à respirer très fort. Le froid te glaça la gorge et te brûla les bronches mais bordel Elely, tu respires de nouveau. Tu es de retour parmi les vivants.

Emilitia

Il y avait proche de la frontière Etelkru, les restes de cette morte laissés là comme un avertissement à tout autres solitaires. Les corbeaux avaient formés au dessus une colonne que Emilitia n'avait pas dérangée cette fois-ci comme pour le cadavres des autres malchanceux de la montagne. Oh la demi démon s'était bien demander si elle ne récupérait pas la tête pour décorer sa petite tanière mais beaucoup d'événements s'étaient enchaînés et bousculés, finalement la morte et ses restes étaient tombés dans l'oubli.
Ce n'était pas pour elle que Emilitia était revenue dans le coin, ni même pour Iris – bien que la solitaire noire n'aurait pas dit non à l'idée de me croiser, peut-être à cause de l'approche de cette période plus propice à la proximité des uns avec les autres – Emilitia remontait simplement la montagne depuis la plage en direction de sa tanière délaissée, le chemin longeant la frontière s'avérant être plus plus aisé grâce à la présence de ces si valeureux guerriers qui l'entretenaient.

Elle fut assez surprise, Emilitia, de sentir une magie aussi familière qu'inconnue lui hérisser le poil non pas de désagrément mais presque d'excitation. La devant elle, entre les arbres et la végétation d'hiver, se détacha du sol le corps oublié de cette morte inconnue. Si la demi démon connaissait plusieurs relevés, c'était bien la première fois qu'elle voyait ce mécanisme de restauration à la vie. C'était comme l'opposé direct de sa nécrose, là où elle provoquait la fin de toute chose se jouait devant elle le recommencement, celui d'un nouvel espoir. L'événement lui fit relever une babine et dévoiler un croc instinctivement dans un rictus partagé entre deux émotions.
Et définitivement, alors que s'entendait la première goulée d'une respiration retrouvée, la morte oubliée revint à la fin.

« Hé bien, c'était plutôt impressionnant ! »

Emilitia se stoppa à plusieurs mètres, devait parler fort pour être entendue sans doute mais ne franchit pas la frontière.

« Qu'est-ce qui vous a ramené ? »

Les ombres elle l'espérait, ça serait si barbant si c'était un dieu.

Tu ne sais quoi penser dans toutes ces émotions qui te traversent, Elely. Tu sens tes griffes s'enfoncer dans la neige et dans les feuilles, ton cœur cogner contre ta poitrine, tu sens ce vide, cette solitude revenir te ronger l'esprit. Était-ce pour te venger que tu étais revenue ? Pour « être heureuse » ? Pour « vivre » ? Mais tu ne connaissais pas ça toi, ta vie se résumait à de la survie depuis ta naissance. Peut-être que finalement cette renaissance était le déclic qui devait changer ta triste existence de solitaire. Ton souffle est encore haletant et sa chaleur dégage des gouttelettes d'eau semblable à de la fumée dans l'air. Là, une voix t'interpelle et tu lèves tes yeux azur pour croiser celui d'une louve sombre, ou plutôt, celui du masque qu'elle porte pour dissimuler son visage. Impressionnant, c'est peu de le dire.

L'envie de tous les massacrer.

C'est ce que tu ressens en cet instant mais tu sais que ce n'est pas la réponse attendue. Tu t'efforces de calmer ton souffle et la colère qui te domine, ta voix bien que froide se détend elle aussi.

Je l'ignore car je n'ai rien vu. Rien du tout.

C'était donc ça qui les attendaient tous après la mort ? Rien du tout ? Le néant.

J'ai seulement entendu les voix de mes proches.

Et tu savais très bien que seule ta famille existait dans ton cœur, Elely. Tu n'as personne d'autre, pas d'amis et d'ailleurs tu es peut-être même la dernière de cette grande fratrie à être en vie. Finalement c'était peut-être pour ça que tu étais revenue, parce que ton sang refusait de s’éteindre de la sorte.

[Emilitia n'a pas de masque en ce moment, elle se l'est fait voler là ]

Emilitia

Un sourire apparaît sur son visage aux premières paroles. Les ombres donc...
Mais la louve s'efforce à reprendre calme et lucidité, ça valait bien la peine de revenir d'entre les morts, dompter la fatalité même pour se restreindre ensuite dans plus de convenue.

« Hé bien, ils ont l'air d'avoir placé beaucoup d'espoir en vous si leurs voix vous à ramener. »

Si cela lui arrivait à Emilitia, y aurait-il quelques voix pour la ramener elle ? Probablement pas mais elle arracherait celles de toutes les gorges de ce monde jusqu'à se tirer elle même de ces même ténèbres ou se ferait reine au bout du tunnel de la fin de toute chose. C'était des perspectives enthousiasmante mais sans doute que ce n'était pas le lieu pour les envisager.

« J'aurais pu me contenter de la raison première, elle semblait si sincère. Cependant, s'ils sont parvenus à vous tuer une fois, je doute qu'à l'heure actuelle, ils ne puissent pas recommencer. Vous ne devriez pas rester si proche de ce côté ci de la frontière. »

Elle non plus d'ailleurs, pas avec une ancienne exécutée. Tant pis pour Iris, ce ne serait pas pour aujourd'hui et d'un pas d'une habituelle légèreté, la queue relevée, ondulant au gré de sa marche et de sa bonne humeur, Emilitia bifurqua vers la forêt moins Etelkru. Elle ne conclue pas cette conversation pour si l'ancienne morte souhaitait la suivre le temps d'une conversation, la demi démon n'avait rien contre l'idée de prolonger cette rencontre.