Happy Face (ft. Désastre)

Cela faisait maintenant près de six lunes que Dough était revenu du temple d'Aka changé : le regard moins terne, tout comme son poil, qui grisonnait moins. Près de six lunes, donc, qu'il profitait de cette année qui lui avait été accordée, pour faire ses adieux à ses proches, tout en continuant à honorer sa routine habituelle.
Et, si près de six lunes s'étaient déjà écoulées, cela signifiait qu'il avait entamé la moitié de son sursis.
Oh, il n'était pas du genre à compter, Dough. Mais ici, il y était quelque peu contraint, car il désirait réellement faire les choses correctement, et assurer que ceux qu'il aimait puisse anticiper son décès avec le moins de souffrance possible.
Cela voulait donc dire qu'il ne pouvait plus s'offrir le luxe de procrastiner.
Car, oui, ces aux revoirs n'étaient pas sans émotion. Et il y avait un loup que le vieillard craignait particulièrement de cocher sur sa liste.
Parce qu'ils en avaient vécu, des choses, ensemble. Parce-que des deuils, ils en avaient partagés, et traversé, ensemble.
Et que le rouquin ne pourrait pas être présent pour celui-ci.

L'oncle déglutit à cette pensée.
Il était en route vers la tanière des panseurs, où il savait pouvoir trouver son neveu sans risque. Après le temps qu'il y avait passé, il connaissait maintenant les créneaux du fils de Pepper par cœur - sa mémoire ne lui faisant plus défaut, cela aidait grandement. Et, s'il ne s'abusait, ce devait être la fin de son service.
- 'Lu.
Un sourire triste et une certaine appréhension débordant de son cœur comme il abordait son seul descendant, avec la ferme intention de lui annoncer son décès.
Bon, c'était peut-être un peu brut de pomme, dis comme ça.
Bon sang, comment est-ce qu'il allait bien pouvoir formuler la chose.
Il n'avait pas réfléchit aussi loin.
En même temps, c'était pas vraiment son truc, de réfléchir.

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Heureusement, Désastre sait être direct. Sinon, Dough serait sans doute resté là un long moment, à mâchonner ses mots.
- Pour toi.
Il soupire, avant de se détourner, prêt à accompagner Désastre vers son prochain créneau.
Ce sera peut-être plus facile de parler en marchant, plutôt que de rester statique.
Il se râcle la gorge, l'oncle, ne sachant par quel bout aborder la chose.
Il essaie de repartir sur la question posée précédemment, histoire d'avoir un départ cohérent.
- J'ai pas b'soin d'me faire soigner. Pas 'jourd'hui.
Et bientôt, j'en aurai pus b'soin du tout.
Ça lui fait penser à la façon dont il aimerait partir, le récent Maillon - mais l'information a sans doute mal circulé. Une façon qu'il a choisie, et pourtant, qui pourrait être choquante pour certains de ses proches.
- En fait… J'veux pus êt' soigné.
Il adresse un regard concerné à son neveu.
- Bientôt viendra mon dernier combat, et faudra pas essayer d'me sauver.
C'est beaucoup demander. Il le sait.
Mais c'est important, que son neveu le sache.

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C'est son neveu qui met fin à la marche qu'il a initié, et Dough ne peut s'empêcher de déglutir bruyamment, appréhendant la suite de la conversation.
Cette situation lui paraissait complètement folle : lui qui n'avait jamais eu peur de la mort durant toutes ces années et les combats menés, venait à craindre la réaction de Désastre, qu'il tentait de ménager au mieux. Après tout, il aurait u mourir de bien des façons - il en aurait fallu de peu qu'il perde la vie plutôt qu'une patte, contre le croco. Et là, il n'aurait rien pu préparer du tout.
Alors, quoi ? Pourquoi est-ce que sa poitrine lui était si douloureuse, après que le loup gris se soit figé de la sorte ?
Tout un tas d'émotions, loin d'être positives, traversaient l'oncle : doute, colère, peur, tristesse, regrets. Un beau cocktail qui ne présageait rien de bon.
Mais, encore une fois, l'attitude de Désastre est aidante. L'aîné s'apaise, comme le neveu questionne, gardant la tête froide. Il baisse toutefois le regard, balaie quelques cailloux d'un antérieur. Son projet, il n'en a parlé, jusque-là, qu'à la principale concernée. Il relève toutefois la tête, et les iris bleus viennent trouver ceux orangés.
- Un dernier combat d'vant Aka.
Une petite nuance qui faisait pourtant toute la différence.
L'oncle hésite à poursuivre.
Il n'est pas certain qu'offrir davantage de détails ne serait pas traumatisant.
Ce n'est pas le but de la démarche.

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Dough sourit, ne brisant pas le contact visuel.
- Mon ami Sakura.
Ça lui paraissait important de formuler la chose comme ça. Parce que ça expliquait pourquoi il l'avait choisi elle. Ce n'était pas anodin, comme choix. Parce qu'il avait fallu prendre en compte plusieurs facteurs. Ne pas seulement choisir une louve contre qui il avait souvent mené des joutes amicales, mais aussi qui en serait capable. Physiquement et mentalement. Il était par exemple persuadé que ce serait trop en demander à Pep's.
La louve cornue était suffisamment forte sur tous les plans. Et le combat était prometteur.

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