Winter & blue spring — Vanhir

Vell était affalée sur une branche. Ses multiples crocs broyés un chétif lapin attrapés au cours de sa chasse. Ce n’était guère chose aisé dans ce bas-monde, de traquer du petit gibier. Ombre les effrayait tous.
Un soupir.
Cela l’obligeait à s’en prendre à plus gros, mais demanderait beaucoup trop d’efforts pour un simple repas… Où diable était passé le temps des offrandes qu’apportaient les petits mortels pour la contenter ?

« — Une bien belle époque… mais peut-être que lui pourra nous aider ? »

Vell redressa la tête, sa longue queue dessinant des formes étranges dans le vide. Oui, peut-être que ce loup pouvait se montrer utile. Il avait l’air bien vieux.
Trop pour que nous puissions le manger.
Peut-être assez pour nous apprendre quelque chose d’utile.

L’estomac du démon gargouilla. Hum… décidément la magie blanche avait affaibli son organisme, la rendant vulnérable aux maux des mortels. Serait-elle capable d’attraper comme eux des choses aussi ridicules qu’un rhume ? Ou une indigestion ?
Nous ne sommes pas aussi chétifs.
Le museau vint se poser sur sa patte, alors que ses yeux vairons étudient cet étranger (n’aurait-il pas pu lui apporter une quelconque offrande ?).

« — Drôle ? »
« — C’est bien plus drôle quand c’est nous qui les y mettons ! Tu te souviens quand… »
« — Mmmmmh »

Vell observa le loup gris un moment avant de finalement sauter de son perchoir d’une démarche souple.

La manière dont-il l’étudiât indifférait complètement la solitaire. Jadis, sa forme était bien plus… imposante et effrayante que celle-ci. Sur ce monde, elle ressemblait à une vulgaire petite peluche.
La punition des êtres à cornes est bien pire qu’escompté.
Grande de taille, Velle du baisser le regard.

« — Nouveaux, le sommes-nous, Ombre ? »
« — Nous n’avons pas d’âge. »
« — Ici, ils aiment en donner un. »
« — Cela fait combien de temps que nous prenions la poussière sur cette bibliothèque ? »

Vell toisa Ombre avant de reporter son attention sur le solitaire, s’asseyant.

« — Passons un accord, tu m’attrapes de quoi manger, et je répondrai à tes questions. »

Aussi futiles soient-elles allons bon.

Non. Non ?
Un grognement monte chez Vell, alors qu’elle dévoile ses crocs. Le petit mortel osait-il vraiment lui refuser cet échange ? Si il refusait de lui attraper de quoi manger, alors ce serait lui le repas. Le démon se redressa, avant de se stopper d’un coup.
Chassons ensemble.
La solitaire étudia le vieux loup, sans donner de réponse, avant d’observer Ombre.

« — Tant que nous mangeons quelle importance ? »
« — Mmmhhhh. »

Chasser avec un mortel.

« — D’accord. »

Et comme si rien ne s’était passé, Vell aborde de nouveau cette expression quelque peu fatiguée, ses paupières à moitié clauses, la lumière du jour l’incommodant.

Chacun suivait une piste ? Hum… À la question du loup un grognement qui monte chez Vell.

« — Ne nous prends pas pour des incapables. »
« — C’est juste que tu ne sais pas attraper de petites proies. »
« — Fermes-la. »

Ombre ricana.
Sans ajouter de commentaire, le démon entreprit de trouver une piste. Les proies semblaient bien moins abondantes ici que dans son monde d’origine. Bien que… mis à part lors des batailles, Vell n’avait jamais vraiment pris part à des chasses, les fidèles s’étaient occupés de la nourrir.

(Lancé dé ING)

Ce monde l’agaçait. Manger ou se laissé manger. Étais-ce réellement pour cela qu’elle avait été emprisonnée des années durant ? Le démon s’approcha de l’étranger, s’intéressant à la piste qu’il avait trouvé. Un cerf.

« — Dévorons-les maintenant ! »
« — Les ? »
« — Lui et la proie ! »

Le démon fit claquer sa mâchoire à proximité d’Ombre, menaçante.

« — Quand comprendras-tu… »

… que je ne mange pas de ça.

Un grognement qui monte dans la gorge de Vell. Pour qui se prenait-il à lui donner des ordres ? C’est un regard noir qu’elle pose sur Ombre. Si ce dernier n’avait pas ruiné ses dernières chasses, elle n’aurait pas besoin de faire équipe avec… ça.
Agacée et essayant d’ignorer sa moitié, le démon s’avança.
Des embuscades…

« — Et puis quoi encore. »

Très peu pour elle.
Aussi, elle serait celle qui attaquerait.

Les méthodes de l’autre loup étaient particulièrement ennuyantes. Pourquoi ne pas allé directement à la rencontre de l’adversaire ? Vell avait l’avantage, de par sa grande taille et sa force de démon. Sa longue queue vint s’enrouler autour d’une des pattes du cerf, alors que les crocs se referment sur la gorge. Tout en exerçant une pression sur la mâchoire, la queue tire sa la proie pour lui faire perdre l’équilibre et l’empêcher de lutter. Le tout était d’éviter les cornes.
Pourquoi luttent-ils lorsque la fin est inévitable ?
Vell retira brusquement sa gueule, arrachant la chair. Le cervidé s’écroula, suffoquant pendant que le démon avait une bouchée. L’autre était parti, probablement utilisé sa stratégie ailleurs…

« — Un jour peut-être nous partagerons de nouveau un repas avec nos frères. »
« — Ou nous serons le repas. »
« — C’est ainsi. »

Vell dépeça sa prise, mangeant à sa faim, avant de saisir la carcasse et la traîner. Après de longues minutes, elle rejoignit le vieux mâle et lâcha ce qui restait du cerf. Une bonne moitié, un partage plus ou moins équitable. Ses prunelles vairons le fixèrent.

« — Un démon paie toujours ses dettes. »

Tu l’as trouvé, je l’ai chassé.
Elle passa sa langue noir couverte d’yeux multicolores sur ses babines.

Le démon se sentait rassasié. Après plusieurs jours à chercher une porte, pour satisfaire l’appétit de ce corps de mortel ainsi que d’Ombre, les voilà repus. La queue noire claque. Vell n’a que faire des remerciements, ils n’ont pas lieu d’être. Laissant le vieux loup face à son repas, la solitaire repris sa route.
Après tout, sa place n’était plus en ce lieu.