Black Sea — Samaël

Les émotions revenaient par phases. Nirvana se souvenait juste de s’être endormi contre Samaël à la lagune… puis d’Iberis. Le reste… Quand elle rouvrit les yeux, elle était entourée de pierres.
Quand elle referma, il n’y eut que des souvenirs et des rêves étranges qui défilèrent.
Le sommeil fut agitée la première nuit, les émotions étaient brutales, se mélangeait. Cela était encore difficile à gérer. Le panseur qui s’occupait d’elle ne lui donnait pas de quoi dormir. Craignait-il qu’elle ne se réveille pas ? Ce sommeil fractionné était fatiguant.
Et à un moment, elle ouvrit les yeux assez longtemps. Releva la tête lentement, grimaçant à cause de ses muscles engourdis. La migraine était encore là, mais supportable… Ce n’était pas l’antre des panseurs, c’était plus calme. Probablement sa tanière.
Il y avait quelqu’un d’autre avec elle.
Les yeux pâles fixent un instant la silhouette, avant que les babines ne viennent s’étirer en un sourire un peu timide.

« — Samaël ! »

Elle est un peu rassurée, de voir un visage connu. Amical.

« — Merci. »

Samaël

Du repos.
Essentiellement du repos.
C'est ce qu'on lui avait dit pour Nirvana. Ils l'avaient également ramener à sa tanière pour qu'elle soit plus au calme. Samaël passait de temps en temps, après ses patrouilles, ne restait jamais bien longtemps pour ne pas devenir invasif aux yeux de la famille, pour qu'on ne lui fasse aucune réflexion également. En général, il se contentait de déposer quelques herbes apaisantes à faire infuser ou brûler lorsqu'elle se réveillerait – et dont l'odeur rappelait fortement ce qu'on lui donnait également pour son propre sommeil sans pour autant apaiser ce dernier – puis il repartait, ne restant au final jamais plus que quelques minutes.
Peut-être était-il resté un peu plus longtemps aujourd'hui ? Dans tout les cas, il était là lorsqu'elle ouvrit les yeux à nouveau.
L'agitation du réveil fit redresser les oreilles du mâle, attirant son attention.

« Ce n'est rien. »

Il n'offre pas de sourire en retour, garde cette expression plus neutre et fatiguée qu'il abordait quotidiennement Un peu moins froide cependant, peut-être.
Il n'avait fait que répondre à son rang, celui de veiller sur les autres Etelkrus. Peut-être faisait-il du surplus à passer de temps en temps à la tanière de la petite tachetée pour surveiller l'évolution de sa santé. Il vint déposer près d'elle les herbes qu'elle devait prendre ainsi qu'un peu d'eau chaude. Il ajouta un rayon de miel, ayant gardé l'habitude de son pays d'origine de boire thé et infusions toujours très sucrés.

« Le temple a été entretenu »

Il avait échangé les offrandes périssables et arroser les fleurs.

C’est un loup si sérieux. Nirvana ne pouvait qu’admirer son professionnalisme, bien que cela était déconcertant. Tant d’Etelkrus de naissance étaient bien moins noble que cet ancien solitaire. Cela était d’une tristesse. Grimaçant, elle laissa les plantes infuser dans l’eau.
Je t’en aurais bien proposé, mais pas sûr que tu apprécies.
Les oreilles se redressent quand le temple est mentionné. Nirvana regrette son état qui l’empêche de se rendre auprès de la renarde.

« — C’est parfait. »

Au moins quelqu’un de confiance veillait.
La sirène but une gorgée, observant Samaël.

« — J’imagine que tu dois avoir des questions. »

Sa façon à elle de l’autoriser à en poser, si tant est qu’il avait besoin de sa permission.

Samaël

Parce qu'elle est réveillé, peut-être s'accordera t-il un peu plus de temps au sein de cette tanière, aux côtés de la prêtresse affaiblit, auu moins jusqu'à l'arrivée d'un autre loup sans doute. Il prend le temps de s'asseoir un peu à côté de la petite louve tachetée, lui permettant au passage à ce qu'elle ne bouge davantage, son dernier œil doré encore vivant posé sur elle l'espace d'un instant avant que son regard se fasse plus évasif alors qu'il haussa des épaules.

« Chaque individu possède ses propres maux. »

Sa propre errance. Il n'était pas le loup qui pouvait juger alors qu'il cachait sur son pelage les petites marques grises et blanches de cette maladie qui ravageait son peuple d'origine, alors que chaque nuit n'étaient que cauchemars et réveil en sueur.
Samaël ne lui poserait pas de questions, elle était prêtresse quand lui était simple bouclier.

« Il y a des choses que je devrais savoir ? »

Peut-être que derrière la demande de la louve, il y avait celle plus muette qui réclamait le besoin de parler et d'être écouté. Il avait à une époque maintenant bien lointaine, tant confié ses petits tracas à ceux, celles surtout, qui le servaient.

Il la traite comme une enfant. Nirvana trouve cela un peu amusant, ne s’en plaint pas pour autant. Elle but une gorgée de sa boisson, réfléchissant à sa question. Que devait-il savoir ?

« — Non. Tout va bien. »

Pour le moment. Simple calme avant la tempête.
Nirvana but une nouvelle gorgée, avant de lever le museau vers le loup des sables, légèrement curieuse.

« — Que s’est-il passé après que tu m’aies trouvé ? »

Samaël

Non, tout allait bien.
Donc il n'y avait rien qui n'aurait été un minimum imposer si Samaël avait poser ses questions. Il y avait toujours des petits secrets qu'on préférait garder pour soit, même en se retrouvant au pied du mur. La petite tachetée dans une situation suffisamment délicate pour ne pas être davantage accablée.

« Hé bien, tu t'es endormie et je t'ai ramené au castel pour que les panseurs fassent quelque chose, tu saignais. »

De la truffe et surtout des yeux, un fait suffisamment anormal pour ne pas être alarmant. Les panseurs avaient au moins réussi à stabiliser son état, pour le moment.

« Ta mère a autorisé ton frère Ibéris à venir te voir. »

Rien de trop tendu entre les deux mâles du coup. Nirvana ne lui demande pas par quels procédés il était parvenu à la ramener ici… son petit gabarit ne faisait pas d’elle un poids. Les coussinets effleurent les yeux. Oui, elle s’en souvient maintenant.
Ça n’avait pas été agréable.

« — C’est vrai. Jamais ça n’était arrivé auparavant… pas comme ça. »

Elle est un peu pensive.
Cela aurait-il pu être plus grave ? Si il n’avait pas été là serait-elle morte ?
La sirène tapota doucement les couvertures à ses côtés.

« — Viens te reposer un peu. »

Peut-être que les panseurs ne l’assommeraient pas de plantes et mixtures si elle ne dormait pas seule cette nuit.
La prêtresse but une gorgée de la boisson, observant Samaël.

Samaël

Nirvana devait prendre garde à toutes potentielles rechutes futures. Les Etelkrus avaient beau être un petit clan qui permettait que chacun puisse à peu prêt se soucier de la santé de tout le monde, Nirvana demeurait prêtresse et donc haut rang, sa santé demeurait plus importante et précieuse que celle des autres. Elle ne pouvait pas simplement s'éloigner des frontières en crachant du sang et en espérant que ça passe.
Ce n'était cependant pas le rôle de Samaël de lui faire ce genre de réflexion, celui-ci revenait plutôt aux panseurs et à sa mère et dirigeante Hollyrock. Le mâle brun n’ajouta rien aux réflexions de la louve. Il leva un sourcil lorsqu'elle lui proposa de la rejoindre.

« Ce n'est pas vraiment moi qui ait besoin de repos actuellement. »

Le prince déchu accepta pourtant l'invitation. En était-ce vraiment une ? Les paroles avaient été plutôt impérative, dans un passé plus que lointain maintenant, il avait été celui qui les prononçait. Samaël pouvait comprendre que Nirvana, dans sa convalescence, ne veuille pas se retrouver seule, tant de fois la pierre froide et le silence avaient déjà été un poids à supporter pour le mâle brun.
Il vint s'installer à côté de la petite tachetée, un spasme parcourut son pelage à la sensation de cette présence à proximité, ayant perdu depuis longtemps l'habitude alors qu'il garda cette stature droite, noble et sérieuse dans sa posture. Il attendrait qu'elle s'endorme, s'apaise peut-être, avant de la laisser tranquille.

Une lueur de défi qui brille dans les yeux pâles de Nirvana, aux mots du loup. Lui rappeler son état, n’était peut-être pas la meilleure des idées… surtout quand elle ne proposait rien de méchant. Pourtant, le loup du désert s’exécute. La prêtresse finit sa boisson, s’appuyant sur lui.
Tout ceci était un peu assommant.
En tout cas Samaël avait une drôle de façon de dormir. La prêtresse posa son museau sur son dos, l’observant en biais, un sourire aux babines.

« — Tu ne songerais pas à me faire faux bond, Samaël ? »

La sirène ferma ses paupières, restant pour autant encore éveillée. De ses pattes s’écoule un peu de brume.

« — Ne sois pas si sérieux. »

Je ne vais pas te manger.

« — Dors. »

Ça pourrait presque sonner comme un ordre. Lovée contre le loup du désert, Nirvana elle se laisse rapidement gagner par le sommeil, les remèdes y étant beaucoup pour quelque chose.
Un sommeil encore empli de cauchemars. La brume maintenant dissipée, les souvenirs émotionnels revenaient plus rapidement, essayaient de s’allier aux souvenirs pendant l’emprise. Une grimace qui parfois déformait ses babines pendant son repos, alors que son corps se resserrait un peu plus contre celui de Samaël.
Il y a tant de souvenirs.
Les aurais-je guidé de la même manière, ceux aspirant à Dairo sans la brume ?

Samaël

Cela fait si longtemps qu'il n'avait pas eu de corps chaud contre le siens, sentit la respiration d'une louve en parallèle à la sienne. Nirvana était pourtant si différente de toutes celles que Samaël avait connu. Des pattes plus courtes, une silhouette plus trapue, un pelage plus long mais moins laineux, des cheveux plus raides, une odeur de sel mouillé plutôt que celle de l'encens ou de la poussière chaude.
Une oreille tomba légèrement en arrière à la question de la tacheté. Ah l'attention avait été devinée, obligeant le mâle brun à l'abandonner. En guise de réponse, il vint poser sa tête sur ses pattes avant.

« Non »

Il ne partirait pas, doucement il ferma les yeux également.

Nirvana avait fini par s'endormir, Samaël lui parvenait à conserver cette somnolence superficielle qui l'empêcherait de cauchemarder tout en lui permettant de se reposer tout de même un peu. Se serrant contre lui, le mâle brun pouvait sentir le corps de la prêtresse s'agiter et se tendre. A elle non plus, ses rêves semblaient loin d'être paisible alors pour rester sur cette somnolence de surface, Samaël s'accroche à cette agitation, pour être là sans apporter ses propres maux, laissant l'errance à l'extérieur de cette tanière.
Cette nuit, il ne devait pas retourner dans ce désert.