La chasse aux épines [Ft. Samaël]

Bastille avait enfin abandonné sa vie de solitaire pour se joindre aux rangs de la nation Etelkru. Ce n'était pas facile pour quelqu'un qui n'avait connu presque que la solitude et le rejet. Son dégoût pour les autres bien trop ancré en lui avait du mal à se défaire, mais il faisait des efforts chaque jour pour s'intégrer malgré tout. Parmi le clan il avait croisé de tout : des camarades très ouverts qui l'avait accueilli avec sympathie, et d'autre qui se contentait de le reluquer avec un certains dégoût. Peu importe ce qu'ils peuvent penser après tout, lui il ne voulait qu'apprendre à s'intégrer.

Aujourd'hui il avait décidé de s'accorder un petite journée seul, sans pour autant chômer. Il avait décider de chasser un peu du côté de la forêt de pin. Ça l'aidait aussi un peu à cartographier petit à petit le territoire Etelkru. Le jeune loup roux ne savait pas encore trop vers quel rôle il aimerait se tourner une fois sa formation terminée, mais il savait qu'il lui serait toujours utile de connaître le territoire sur le bout des doigts. Il s'arrêta de trottiner (et essaya d'arrêter de penser par la même occasion) et tenta de repérer les sons et les odeurs de potentielles proies alentours. Il avait déjà reçu quelques conseils de ses aînés et il tentait de les appliquer pour s'améliorer à la chasse. Ce n'était pas évident, surtout en ce début d'hiver, mais il faisait de son mieux.

Un léger bruissement lui fit tourner l'oreille. Probablement un petit mulot vu la faible intensité. Il s’aplatit au sol et prit la direction des vibrations. C'est au détour d'un rocher qu'il tomba sur le petit animal, tout juste sorti de sa cachette. Il fouillait le sol à la recherche de nourriture. Lorsque ce dernier eut trouver de quoi se sustenter et commença à grignoter une petite graine sans trop bouger, Bastille se figea et se prépara à bondir. Il attendit le bon moment et... Il s'élança !

Trop tard !

Avant même qu'il ait eu le temps de toucher le sol, la petite souris avait disparu dans son trou. Le jeune mâle se retrouva à atterrir gauchement sur le sol, laissant s'échapper un grognement de frustration. Pas vraiment son jour visiblement, mais la prochaine sera peut-être la bonne.

Samaël

Samaël évitait le plus possible les chemins trop fréquentés, n'empruntant plus que ceux finement tracés pas quelques passages, trop peu pour avoir dégagés herbes et branches. Ses cheveux trop longs s'entremêlaient dans la broussaille, les ronces piquaient son pelage. Elle était loin l'époque où le mâle brun ne se montrait que dans une apparence impeccable, maintenant il devait certainement avoir la même gueule que les exilés du Désert Blanc, quelle ironie. Plus que le désordre de son pelage, Samaël avait beaucoup maigri, s'il était d'un naturel fin, son ossature commençait à apparaître derrière ses muscles tandis que la fatigue des cauchemars permanent avait creusé son visage par dessus lequel pendait des mèches mal attachées entre elle. Et plus que ce triste état général, la décoloration de son pelage ici et là, tâches grossissant au fur et à mesure des jours pour rappeler que l'errance était bien là si jamais Samaël en doutait malgré les cauchemars.
Il n'avait plus grand chose à voir avec ce noble prince venu de lointaines contrées exotiques, il n'était plus que cet étranger déchu qui ne s'intégrait même pas parmi les Etelkru mais qui avait au moins l'avantage d'être un guerrier relativement efficace.

C'est un peu par hasard que le mâle brun assista à l'échec du petit jeune, apparaissant entre deux buissons alors que le mulot regagnait son trou, l'expression un instant surprise de croiser un autre loup avant de muer vers une neutralité maussade.
Ce jeune mâle là était un peu comme lui, un nouvel arrivé au sein des Etelkrus qui avait encore tout à prouver. Pas de compassion naissante pourtant pour ce jeune, il n'était qu'un individu qui participerait lorsqu'il se sera intégré à renforcer que Samaël entretenait envers la tournure de sa vie. Ceci dit, le mâle brun n'allait pas se mettre à le haïr pour autant le petit nouveau, ce serait aussi futile que puéril, Samaël était trop épuisé pour ce genre de chose.

« Les petits rongeurs sont vifs, tu devrais laisser ça aux renards. Il y a des coq de bruyère un peu plus haut dans la montagne. »

Il est évident que Bastille n'avait pas vraiment envie de croiser qui que ce soit à ce moment là, et encore moins que quelqu'un ait été témoin de son échec. Pourtant c'est ce qui arriva, et lorsqu'une voix derrière lui retentit, il retint un soupir de frustration. Il devait encore faire bonne figure devant ses camarades, après tout il était encore en quelques sortes en "période d'essai". Le solitaire roux n'avait aucune envie de se faire mettre dehors et retourner à sa vie insupportable de solitaire mal aimé.

Il fit face à son semblable et constata dans un premier temps un loup aux traits très marqués par la fatigue, recouvert d'un pelage couleur sable. Bastille s'efforça de ne pas trop le dévisager, de toute façon comme à son habitude, son regard était particulièrement fuyant.

"Je tâcherai de m'en rappeler, merci." Posa-t-il simplement. "J'ai très peu d'expérience à vrai dire, je viens d'arriver dans la meute et avant ça j'avais l'habitude de très peu manger, je n'attrapais pas grand chose."

Vu la silhouette du mâle sable, il en savait sûrement quelque chose concernant la malnutrition. Mais ses traits traduisaient également un lourd vécu, peut-être aurait-il encore d'autre choses à lui apprendre s'il avait de l'expérience derrière lui et au sein de la meute.

"Ça fait longtemps que vous êtes chez les Etelkrus ? Je n'ai pas l'impression que vous datez de la dernière pluie de votre côté."

Bastille se figea. Oh mince, est-ce qu'il venait de le traiter de vieillard ? Bof, le mal est fait de toute façon.

Samaël

Son œil doré reste poser sur le jeune, son visage ou son attitude générale n'exprimant rien de plus que la neutralité et la fatigue du corps. Aucune émotion naissante non plus lorsque rouquin se perdit dans des explications inutiles, là où peut-être un autre Etelkru aurait pu s'en amuser, le prendre en pitié ou le mépriser selon les individus.

« Raison de plus pour tenter en premier lieu avec les coqs de bruyère. Ils sont lourds, leur vol est lent et ils ne montent jamais très haut. En cette saison, les mâles ne sont pas très attentifs non plus. »

Trop occupés à courtiser leurs femelles. C'était une bonne proie pour un débutant, adulte du moins, ça restaient de gros oiseaux qui auraient mis à mal un louveteau un peu gauche.
La mention de l'âge avancé tire enfin une réaction au prince déchu dont le pelage gonfla légèrement dans un spasme qui lui parcouru le dos. Plus les années passaient, plus se concrétisait la preuve formelle de tous ses échecs.

« Suffisamment »

Pas assez pourtant pour qu'il oublie ses origines et ses regrets. Trop longtemps pourtant pour que ne lui colle à la peau comme une nuée de moustiques ce mal de pays dont il ne parvenait pas à se débarrasser. Suffisamment longtemps pour que finisse par apparaître sur son pelage les marques de l'errance.

« Pour quelles raisons les Etelkrus t'ont-ils accepté parmi eux ? »

Lui parce qu'il avait des notions de combats acquises par sa vie d'ancien prince. On l'avait nommé bouclier sans qu'il n'est eu le choix d'expérimenter autre chose, ainsi avait été les conditions de son acceptation. Si ce jeune ne savait pas chasser, Samaël doutait qu'il ait quelconque valeur guerrière, de son point de vu ce n'était pas nécessairement un mal. Par conséquent, quelles étaient les qualités qui avaient su convaincre les Etelkrus?

Il lut une légère réaction suite à sa question chez le mâle sable qui semblait avoir piqué quelque chose qu'il ne put identifier. Sa réponse resta brève et vague, Bastille se contenta d'hocher lentement la tête sans insister. Il ne se doutait pas du potentiel vécu de ses nouveaux camarades, pour le moment il était encore très autocentré sur son propre vécu. Il espérait que l'avenir au sein des Etelkrus l'aiderait à s'ouvrir un peu plus. Le jeune mâle aux cheveux sombre avait beau avoir toute la volonté du monde, il ressentait encore une certaines repousse vis-à-vis des autres en général, bien que ce soit contre sa volonté.

Il serra discrètement les dents suite à la question du vétéran. Visiblement c'était à son tour de recevoir des questions piquantes, bien que cette dernière n'avait pas de mauvaise intention à l'origine, du moins il l'imaginait. Il se rendait bien compte que sa confiance en lui était maigre quand malgré tout les arguments qu'il a pu avancé pour se faire accepter, il ne savait toujours pas s'il avait sa place ici. En tout cas pour le moment il était bien inutile, c'est sûr. On l'avait accepté dans les rangs sur de simples promesses, maintenant il devait les tenir.

Bastille posa tant bien que mal ses yeux sur le loup sable, bien que comme à son habitude son regard dévia rapidement sur le décor.

"Si l'on se base sur mes capacités pures il est vrai que je n'ai pas grand chose à apporter." souffla-t-il "J'étais déterminé à apprendre et à servir les Etelkrus, et c'est sur cette simple base qu'on m'a laissé ma chance."

Il baissa la tête sur, fixant quelques instants ses pattes noires enfoncées dans la terre.

"Je ne sais pas si j'y parviendrai en fait." se confia-t-il. "Mais si je n'arrive pas à prouver que j'en suis capable, je ne sais pas si j'aurai d'autres raisons de perpétuer mon existence."

Il arbora un sourire crispé. C'était extrêmement négatif comme façon de penser et il n'aimait pas du tout avoir à sortir ce genre de choses. Pourtant c'était la vérité, c'était ce qu'il ressentait. Il avait presque dépassé la moitié de sa vie et pourtant c'est comme si la première moitié n'avait jamais existé. Dès sa naissance, ses propres parents n'avaient pas voulu de lui, et le reste du temps il n'avait fait qu'errer seul et avait frôlé la mort une première fois. Il ignorait si ce monde voulait vraiment de lui en fait. Si la deuxième partie de sa vie doit se résumer à le même chose, à quoi bon avancer ?