Le créneau de Mylo ✡ Mylo

Aujourd'hui, il sort avec Papa Dez.
Et ça lui fait plein de sensations, dans son corps et dans son cœur. Il est surtout... Content, ouais, de se dire qu'il va voir autre chose que les abords immédiats de la tanière, et surtout ! Qu'il va pouvoir passer un moment privilégié, avec juste son papa et lui, sans 'Zil qui essaye de faire le malin et de se rendre intéressant, sans Vali' qui fait Meep partout et se jette du haut d'un truc avec des ailes qui fonctionnent même pas, sans Naga qui a l'air d'être vachement plus mature qu'eux trois quand même et qui leur vole un peu la vedette de l'exemplarité.
Il sait jamais sur quelle patte danser, lui.
En tout cas, aujourd'hui, c'est tout nouveau. Et en plus de ce sourire qui illumine son visage et de l'excitation qui accélère les battements dans sa poitrine, ya aussi un peu d'autre chose. Un p'tit truc qui se tortille dans son ventre, qui le serre parfois un peu.
C'est p'têt qu'il angoisse un peu, aussi ?
Parce que c'est cool, la nouveauté, mais ça chamboule complètement ses repères. Et surtout... Il veut pas paraître nul devant papa.
Il est silencieux et pas très expressif, papa. Pas comme maman qui a toujours un grand sourire quand elle les regarde et les yeux qui pétillent ; qui rit aussi beaucoup de leurs bêtises et de tout le reste.
P'pa, il l'a jamais entendu rire.
Enfin bref. Ça lui va aussi, ya même quelque chose... D'apaisant à tout cela, qui lui donne la même envie d'être calme et attentif. Et il sait que Papa Dez les aime quand même, que leur famille est juste un peu différente dans sa façon de fonctionner.

Il espère juste qu'il va pas l'embêter ou l'ennuyer.

Mylo redresse soudain les oreilles au son de la voix grave de son père, les yeux ronds, brusquement sorti de ses pensées. Ah, ouais. Il avait même pas remarqué qu'il y a un nouveau paysage qui se dessine entre les arbres, maintenant. Waou, ils sont pratiquement sortis de la Moere !
Sa gueule s'entrouvre et il se penche vers l'avant, il s'enthousiasme de cette nouveauté et capture de son regard les hautes herbes - bel et bien rouges - qui s'étendent à perte de vue.

—   ... Et elle est quelle couleur après, l'herbe, quand elle est pu rouge ?

Il braque ses yeux grenat vers le visage de son père qui le surplombe, penche la tête sur le côté. Il espère que la question est pas trop stupide. Mais il en a pas encore vu beaucoup, des herbes, et dans les marais, elles étaient pas que d'une seule couleur - y'a du vert, du marron, du jaune. Et s'il peut y'en avoir de la rouge, pourquoi pas de la bleue ou de la ROSE ?

Verte, puis jaune s'il fait chaud. Ah ! Donc comme les marais. Est-ce que tout le continent ressemblait un peu au marais, au-delà de juste les herbes ?
... Non, c'est probablement con comme réflexion. Il verrait bien, t'façon, quand il serait amené à aller voir un peu plus loin. Puis il a jamais vraiment connu le chaud non plus, à part celui de la tanière, blotti contre les corps de sa famille. Ils sont des enfants de l'automne, et ça, c'est déjà quelque chose qu'il a appris : après l'automne viendra l'hiver, où il fera encore plus froid.
Enfin bref. Papa Dez' a repris la parole, il parle de proies et de chasseurs. Les yeux de Mylo se mettent alors à filer de nouveau vers l'étendue d'herbe rouge, comme si la simple évocation de leur présence allait faire apparaître l'une des fameuses proies.
Mais il n'y a rien à l'horizon - et son seuil d'attention est un peu trop faible pour qu'il ne s'acharne davantage à essayer d'en voir une. Il tourne plutôt le visage dans la direction de son père, se dévissant la nuque, un sourire enthousiaste sur les lèvres.

—   T'aimes bien chasser toi, p'pa ?

De la nourriture, il leur en a déjà apporté. Souvent.
Mais il sait que les adultes font souvent des choses qui leur plaisent pas - nul - parce que c'est comme ça, et qu'ils ont des responsiba- resposs - responsabilités.

Papa Dez parle de devoir, mot qui fronce un peu le nez de Mylo sur une moue d'aversion. Il a pas envie d'être obligé de faire des trucs, lui ! Est-ce qu'il aura encore le temps pour juste s'amuser, après, s'il a des devoirs ? Y'a déjà tellement de trucs à faire dans la vie sans avoir à être forcés de rajouter des choses qui leur plaisaient pas...
Bon, Papa Dez dit quand même qu'il y a quelque chose qu'il préfère - donc qu'il aime bien ? - dans cette histoire, et c'est la traque. Les yeux de Mylo se lèvent au ciel, pensifs. Il est pas sûr de savoir ce que c'est. Il pourra demander, et p'tet même que Papa Dez lui montrera comment faire. Mais il a même pas fini de parler, son père : c'est cette fois avec un léger sourire - il est discret, ce sourire, il faut apprendre à les guetter sur son visage ! - qu'il mentionne ce qu'il aime vraiment faire : soigner. Ah bah oui, c'est son métier, à papa ! Ça, il savait. Mais c'est bien de savoir qu'il aime ça.
... Enfin... Y'a quand même une nuance, dans tout ça. Il a précisé pour la meute, et ça fronce de nouveau les sourcils de Mylo sur un air dubitatif, son cerveau travaillant à toute allure. Si c'est ce qu'il aime le plus faire pour la meute, c'est peut-être pas ce qu'il aime le plus faire tout court ?
Y'a p'tet autre chose qui lui plaît encore plus, juste pour lui ?

Mais son père, déjà, lui pose une question : il range pour un instant ses réflexions de côté, son regard s'illumine à l'idée de montrer un truc.
Il s'enthousiasme et commence à chercher autour de lui, là où à l'abri des hautes herbes peuvent se balader des insectes et autres petites bestioles.

—   Euh ouais, enfin p'tet, j'sais pas si c'comme chasser pour de vrai mais j'ai d'ja attrapé une gue- une grenouille à côté d'la maison, puis aussi une fois une lubellule !

Il est un peu content de ça, il l'admet - les lubellules vont super vite, et il a pris du temps avant de pouvoir enfin la garder sous ses pattes, après beaucoup de bonds infructueux.
Puis il l'avait laissée partir, avec pas mal d'émerveillement devant son vol à quatre ailes.
Pour le moment, cependant, Mylo ne trouve rien autour de lui pour montrer comment il se débrouille pour attraper des trucs et une fois de plus, il se désintéresse assez vite pour plutôt laisser tomber son arrière train sur le sol. Ses interrogations, laissées pas très loin dans son esprit, sont revenues sur le devant de la scène.

—   Mais p'pa, t'as dit que soigner c'est c'que tu préfères pour la meute. Si t'avais pas d'meute, tu le f'rais pas ? Pi si y'a personne à soigner, tu fais quoi quand tu t'ennuies ? Juste pour toi ?

Il penche la tête sur le côté, l'une de ses oreilles tombant par la même occasion.
Les adultes ont quand même pas que des devoirs pour s'occuper, si ?!
Ce s'rait super triste.

Son père s'est figé, et il espère ne pas avoir dit de bêtise.
Il est pas sur de l'avoir déjà vu s'immobiliser comme ça, ses yeux rouges toujours dans les siens mais différents, complètement ailleurs. Mylo se mord les lèvres pour quelques secondes, tortille une moustache du bout d'une griffe, de plus en plus mal à l'aise à mesure que s'étend le silence. Il a quand même pas posé une question interdite, si ? Ça existe, les questions interdites ?
Mais finalement, Papa Dez fait un son et Mylo en sursaute presque. Son sourire revient et il oublie rapidement les doutes qui l'ont saisi : p'pa est pas en colère, il réfléchissait !
Sa queue s'agite quelques instants derrière lui avant qu'il ne boive ses paroles, concentré sur les explications fournies par son père.
Il s'est jamais ennuyé ?! Ça lui paraît assez fou, à lui, qui a du mal à se concentrer longtemps sur une seule chose et qui cherche toujours quelque chose qui pourrait piquer son intérêt pour quelques minutes de plus, ne trouvant parfois rien qui le motive assez. Il est pour lui plus fréquent de se sentir désintéressé que absorbé. Comment il fait, son père, pour que tout lui paraisse utile et important à faire ?

Un léger soupir s'échappe de sa truffe, mais il reste attentif à ses derniers mots. Ah ! Les tours pour Serpent, ouais, c'est p'têt bien un truc de pas très commun et que le clan considère pas comme un devoir, ça c'est sur. Ça ranime le sourire sur son visage.

—   J'savais pas, qu'il sait faire des tours ! Tu pourras me montrer ?

Et si ça se trouve il pourra apprendre à Slurp aussi ! Comme ça, son serpent aurait quelque chose d'un peu plus fun.
Il pourra narguer devant Zil, aussi.

Alors il va même pas avoir besoin d'attendre !!
L'enthousiasme le gagne encore un peu plus quand Papa Dez annonce que la démonstration aura lieu non pas au prochain créneau, ni demain, ni même dans une heure, mais tout de suite ! Il en apprend par la même occasion davantage sur le lien entre son père et son reptile et Mylo se dévisse la nuque à garder ses deux grands yeux braqués sur le visage au-dessus de lui, suspendu à ses babines. Derrière lui, sa queue balaie sans pitié les hautes herbes.
Il sait pas trop c'qui l'rend heureux, mais il l'est. Il saurait pas dire si c'est parce qu'il a enfin l'impression de pouvoir toucher du doigt un sujet qui l'intéresse et qu'il a vraiment envie de voir ce que sait faire Serpent, ou si c'est parce qu'à travers cette discussion il a soudain l'impression de bien mieux connaître son père, de se rapprocher de lui, et que ça balaie une bonne partie de ses angoisses.
P'têt un peu de tout ça en même temps.
La description des aptitudes de Serpent évolue même jusqu'à un partage d'un souvenir, récit du jour où Papa Dez obtint son glowstick. Les yeux de l'enfant s’arrondissent encore, sa gueule s'ouvre dans une exclamation muette et - il doit l'avouer - un peu fascinée.

Puis une question dans sa direction.

De nouveau, il vient se gratter l'arrière de l'oreille d'une patte. Son regard se détache des yeux rouges de son père pour aller fuir sur le paysage et son sourire, sans disparaître, s'fait un peu plus embarrassé.
Mais ce coup-ci, il ne se pose pas trop de question avant de répondre avec honnêteté et un brin d'amusement, quelques éclats de rire venant entrecouper ses syllabes.

—   Euuh ben, j'sais pas trop en fait ! Chuis pas sûr que j'le comprenne et qu'je sais c'qu'il veut, y m'embête un peu des fois...

Slurp est du genre à venir l'envahir aux moments où il n'veut pas qu'on vienne l'embêter, et à n'en faire qu'à sa tête les quelques fois où au contraire Mylo a envie de s'intéresser à la petite créature.
C'est p'têt parce qu'il y connait rien et qu'il a pas eu la patience d'en savoir plus.
... Ou p'têt que Slurp est aussi chiant que 'Zil, c'est possible aussi.

—   Mais maint'nant j'sais qu'je peux faire tout ça 'vec lui ! Alors p'têt on s'ra un peu mieux copains, comme toi et Serpent !

Cette fois il se lève, la queue toujours battante et le sourire étincelant, mû par l'intensité de son enthousiasme.

De nouveau très concentré sur le visage de son père, Mylo fait en sorte d'enregistrer tout ce qui sort de sa bouche.
Ah, p'têt qu'il s'ennuie. Mhh. Il réalise qu'il y avait pas pensé, que p'têt même il s'était pas posé la question de savoir si un serpent pouvait s'ennuyer. Alors que c'est logique, en fait : ils sont un peu pareils, et lui aussi quand il s'ennuie il va parfois embêter d'autres trucs.
Son père est vraiment trop trop intelligent, il a compris ça d'un coup, comme ça ! Son visage s'est froncé dans une moue de réflexion pour suivre le rythme de toutes les nouvelles choses qu'il apprend, s'efforçant de se les répéter dans sa tête pour pas les oublier. Parce qu'il sait qu'il a un peu tendance à oublier les trucs, Mylo : il lui faut pas grand chose pour que son attention se dissipe aux moments où il est censé suivre un long fil d'informations. Mais là, ça lui paraît particulièrement clé, et il a vraiment envie d'améliorer sa relation avec Slurp.
Toute angoisse qui aurait pu se former à l'idée de pas réussir à retenir toutes les recommandations de son père est écartée avant même de survenir : de lui-même, Papa Dez lui propose de pouvoir lui réexpliquer des trucs ou d'répondre à ses questions !

Son regard reste brillant d'un intérêt tout neuf quand à la question il répond en bombant un peu le torse, d'un ton un peu fort comme s'il en était fier, avec un grand sourire qui dévoile toutes ses dents.

—   Y s'appelle Slurp !

Eh non, c'est pas tellement plus recherché que Serpent.
Mais il est pas sûr d'être d'une grande créativité - ni très poétique - en c'qui concerne les prénoms, et le nom lui était venu, tout jeune (enfin, encore plus gamin que c'qu'il n'est actuellement, quoi), en essayant simplement d'imiter le mouvement de langue de son serpent et en produisant un slurp au lieu du silence qui caractérise les reptiles.
En parlant de reptile, voilà que celui de son père fait son apparition et remonte le long de sa patte dans un mouvement fluide sous les yeux fascinés de l'enfant.
Qui s'approche devant cette langue bifide qui pointe vers lui, pour venir du bout des pattes poser sa truffe une seconde contre le museau froid dans une salutation de son cru.

—   B'jour Serpent !

Il attend maintenant, piétinant presque, de voir la démonstration de quelques uns de ses tours.