Karma — Dysis

Nyu ne se sentait vraiment bien. Le dragon squelette s’était avéré bien plus fort qu’elles, ça ce n’était pas le plus dérangeant, en revanche… la louve avait juste une horrible envie de vomir, alors qu’elle sentait du sang s’écouler au niveau de son cou, juste en dessous de la gorge.
Est-ce que ce combat sera sa dernière chasse ?
Fatiguée, elle s’appuie sur Dysis, visiblement en bien meilleur état qu’elle. Tant mieux. La Chasseuse s’en serait voulu d’avoir blessé l’un de ses amis de chasse. Le but était de s’amuser, pas de revenir en p’tits morceaux.

« — … bruh… »

P’tite remontée d’estomac alors qu’elle ferme ses paupières.

Pour la douleur ? Nyu se retrouve à mâcher des feuilles. Serais-je vraiment efficace ce genre de soin ? Faut dire qu’une chasse ne l’avait jamais dit en un si mauvais état, Dysis semblait bien plus calée sur le sujet.
Allant dans le sens de son amie, Nyu avala le traitement, les paupières à moitié ouvertes cherchaient le regard de la Nakhus.

« — … j’voulais vraiment qu’on l’fume ce monstre… ensemble… »

Au lieu de ça, elles avaient fuit la queue entre les pattes. Nyu cache son museau dans le cou de Dysis, son corps prenant appuie sur celui de sa partenaire de chasse.

« — … t’es blessée toi aussi… c’est ma faute pardon… j’aurais pas du te lancer dans cette chasse… »

C’était trop dangereux.

Dysis continue de la soigner, bande, compresse, promet aussi. Revenir pour abattre ce monstre. Nyu sent un frisson parcourir son corps, sa queue touffue venant se poser sur ses pattes. Oui, affronter ce dragon fut une décision commune, mais… pas assez réfléchi.
La chasseuse n’avait jamais été confrontée à adversaire aussi imposant.
La Nakhus veut bouger, pour la ramener à la frontière. Nyu sert les crocs.

« — … restons ici… ils ne remarqueront pas là-bas, si je suis absente… »

Même Reo ne s’alarmerait pas, si elle n’était pas au Castel ce soir. L’avantage d’être le membre fantôme du clan… l’inconvénient aussi en cas de problème. L’Etelkrus laisse échapper un léger ronronnement.

« — … t’crois que ça a quel goût un os de dragon squelettique couvert de mousse ? »

Un mouvement du museau en guise d’approbation. Nyu leva le museau vers le ciel pour étirer son dos, retenant une grimace. Ces blessures là, mettraient un peu de temps que les autres à se remettre. C’était le jeu, au moins elles n’avaient pas complètement perdu. L’Etelkrus s’approche de son amie, pour essayer de l’aider dans le soin des blessures, apposant un bandage sur les plaies les plus importantes.
De nouvelles cicatrices.
À la question, un sourire qui étire les babines de la féline.

« — J’aime bien les goûter, pour mieux les connaître. Les plus communs, je me contente de leurs yeux, les autres… hum ça dépend de leur apparence. Le crapaud de notre première rencontre, je n’aurais pas goûté sa chair, à moins de bien la cuire. »

Mais là, fallait se lancer dans la cuisine. Nyu pouvait à la limite faire de la viande séchée, mais des ragouts et le reste…

« — Certains membres de ma famille se contentent juste d’abattre les monstres, pour calmer la fin de leur marque. » Elle désigna le serpent dorée qui marquait son corps. « Parfois cela suffit, j’imagine que ça dépend des marques… je sais que la mienne apprécie quand je mange un peu de nos proies. Puis certaines ont bon goût ! »

La queue de la louve ondule doucement.

« — Tu ne les gouttes jamais toi ? »

Jadis, peut-être que certains chasseurs avaient cette compétence. Au fil des générations, certaines choses s'étaient perdues, des rituels, des traditions, des compétences. Les maux du temps. Les anciens chasseurs quand ils vivaient assez longtemps, transmettaient leurs connaissances que leur avait transmis leurs prédécesseurs.
Vivrais-je assez longtemps pour transmettre quoique ce soit ?

« — Non, la marque ne me permet pas à cela, mais à force de goûter... on peut apprendre quelques informations. Ce qu'ils mangent le plus, dans quel environnement ils vivent, parfois même de quelle espèce ils se rapprochent. Les reptiliens n'ont pas le même goût que les marins, ni la même texture. »

A la question de son amie, Nyu conserva le silence quelques secondes, avant de répondre, un sourire étirant ses babines.

« — Uniquement ma famille... mais au fil des générations la marque se modifie. Mon frère n'est pas soumis aux mêmes contraintes que moi au sujet de la " malédiction des chasseurs." Notre famille n'est pas très grande, notre but n'est pas de vivre éternellement, juste d'éliminer un maximum de monstres avant que ce ne soient eux qui s'occupent de nous.
Quand c'est comme ça qu'on nous a appris à grandir, ce n'est pas très choquant... je crois que mon père lui a du mal avec cette vision des choses, parce que c'est un extérieur. Reo, mon aîné, c'est pareil. J'pense qu'il chasse quand ça l'amuse, parce que sa marque ne l'y oblige pas ou n'en a pas besoin, mais cela ne l'intéresse pas plus que ça. »

Lui tant que ce n'est pas une jolie louve en mesure de battre des cils, ce n'était guère intéressant. Nyu ne lui en veut pas, ne lui en voudrait jamais. Leurs parents non plus, leur mère l'avait vite compris quand il avait fallu inculquer les valeurs des chasseurs. En soupirant, l'Etelkrus se laissa tomber sur le dos, le museau levé vers le ciel.

« — Je ne veux pas être la dernière à porter l'héritage des chasseurs, à le défendre. »

Il faut maintenir l'équilibre.
Les yeux dorés cherchent le regard de Dysis.

« — Tu ne parles jamais des autres... es-tu seule à chasser ? »

Presque seule. Nyu à la vision de son amie, tel le loup parmis les agneaux cherchant à s'y faire une place. Essayant d'éloigner le danger, quand les siens la voyait comme une propre menace. Les autres ne commprenaient-ils donc pas, quel était ce poids qui pesait sur les épaules des chasseurs.
Un souhait émis. L'Etelkrus ne sait pas si c'est une bonne idée. Les siens sont différents, tout comme elle est différente d'eux. Peut-être que son amie serait déçue, de ne pouvoir être aux côtés de chasseurs. Vivre aux côtés de loups qui lui ressemblent.
Nyu se redressa un peu, venant poser une patte sur le poitrail de la Nakhus, son museau à quelques centimètres du sien.

« — On pourrait partir, parcourir toutes les terres pour traquer tous les monstres existants. Juste toi et moi. Jusqu'à croiser la route de d'autres chasseurs qui seraient prêts à nous suivre. »

Un sourire qui étire les babines de la chasseuse.

« — Rien ne serait plus fort que les liens de la chasse qui nous uniraient. Nous éliminerons chaque monstre qui croiserait notre route, réfléchirions à des stratégies nous permettant d'éliminer les plus dangereux, comme ce dragon squelette. »

Sans dieux.
Sans clan.
Juste les chasseurs.

Nyu était insouciante, depuis son plus jeune âge. Les conséquences de ses choix, de ses actes, cela ne lui avait jamais importé. Récemment elle s'était surprise à s'inquiéter pour certains de ses partenaires de chasse, des camarades de chasses, craignant qu'ils ne soient blessés par sa faute.
Peut-être avait-elle un peu grandi au final.
Pourtant c'est sans penser à ce que Dysis pouvait laissé derrière elle en acceptant sa proposition. C'est sans se soucier de si elle aurait peut-être des regrets. En elle, Nyu voyait la partenaire de chasse idéale, l'amie aux côtés de laquelle elle souhaitait toutes les chasses possibles.
La liberté.
Les yeux dorés étudient la réaction de la Nakhus.
Défions toutes les frontières.
Défions tous les clans et leurs principes.
Pour ne respecter que les notres.
Ceux de la chasse.

Le sourire de Nyu se fait différent face au refus. Un soupir qui franchit ses babines. Ah oui la famille. L'une des raisons qui contraignait les loups à ne pas sortir des sentiers battus.
M'en voudrais-tu Reo si je quittais les Etelkrus ?
Comprendrais-tu ?
Nyu ne retire pas sa patte, vient frôler le museau du sien, taquine.

« — D'accord. »

Je ne sais pas si je comprends.

« — Je traquerai les monstres pour nous deux dans ce cas, sans relâche.
Jusqu'à ce que je rencontre celui qui ne peut être vaincu. »

Ce n'est pas une fatalité qui l'inquiète, loin de là.