Une sortie | Etna (solo)

echapp a écrit:

Tu vieillis, Etna. Tu vois les nouvelles générations se faire de plus en plus jeunes, alors que ton corps commence à sentir le passage du temps. L'hiver n'est pas clément, et les températures qui baissent sont rudes pour tes articulations. Et en plus, tes sens commencent à t'isoler peu à peu de ce que tu aimais faire avant. Tu ne sais pas trop quoi penser, de tout ça. Alors, tu décides de partir en ballade, sur ton fidèle kiro-board. Que pourrait-il t'arriver, hein ? T'es la plus agile de tous !
Oui, mais.
C'était sans compter l'arbre qui surgit un peu trop vite, et te propulse hors de ton board. Cette fois, tu n'as plus assez d'agilité pour empêcher la chute, et elle fait mal. Si la blessure n'est pas forcément grave (au choix du joueur), l'honneur, lui, est peut-être un peu plus douloureux. Qu'est-ce qu'il te reste, si tu perdais ces capacités là ? Peut-être alors qu'une petite méditation sur ce qui rend la vie plus belle même en tant que senior s'impose. Pas facile, dans un clan de guerrier ! Mais il y a des jeunes à former, et des histoires à faire perdurer. Et puis, des vocations jaunes à inspirer encore !

Ces derniers temps, elle dormait pas mal chez sa jumelle.

Il y avait aussi dans la tanière Jenkins et Leeroy qui, bien qu'ils étaient des adultes à présent, n'avaient toujours pas quitté le cocon familial. Cela ne lui dérangeait aucunement - elle avait été dans leur situation aussi, avant que la mort emporte ses parents beaucoup trop tôt. Elle se souvenait qu'elle adorait dormir bien entourée au chaud, et sans parler du fait qu'elle pouvait réveiller ses proches à l'aurore, afin d'aller chasser en groupe ! Elle avait par la suite trouvé refuge auprès de son dieu, adorant dormir dans les arbres tel un félin. C'était tout simplement un lieu qu'elle se sentait parfaitement chez elle.

Sauf que, ces derniers temps, elle ne voulait pas dormir seule.

Ces derniers temps, elle était un peu fragile la verte.

La mort récente de Zen planait encore dans sa tête, lui qui avait prit une place d'importance dans son cœur au fil des années. Elle le trouvait si sage, et avait été plus que fière en apprenant que Myrtille avait décidé de partager sa vie avec lui. Il était un loup bon, un etelkru apprécié de tous, et surtout, un frère de couleur.

Elle trouvait ça encore bizarre de ne pas le voir débarquer au Castel, ou de ne pas sentir son odeur alors qu'il allait prier au temple de l'Anaconda. Il lui arrivait de se réveiller le matin et d'oublier pendant un petit moment qu'elle ne le reverrait plus. Le pire de tous cependant, était de voir ses traits dans les visages de ses deux fils. Il était encore là, mais ce n'était pas pareil.

Puis, un frisson parcourra sa colonne vertébrale, l'extirpant de sa rêverie et elle poussa un éternuement. Couvrait elle un petit rhume à cause de la fraiche température ? Elle s'étira, ses os craquant de partout, et décida de sortir de l'abri, ne voulant pas rester plus longtemps à faire la sieste. Elle n'était pas de ces vieillards qui restaient la journée à ne rien faire, il fallait qu'elle se déplace et qu'elle suit un semblant de routine. Elle avait remarqué qu'on lui donnait de moins en moins de choses à faire, lui disant qu'elle en profite pour se dorer au soleil ou pour aller passer du temps avec les plus jeunes, mais c'était pas son truc. Elle était disciple de Kiro bon sang, pas une louve mourante !

Personne n'osait lui dire ce qu'elle savait déjà : elle était rendu trop âgée pour servir le clan. Elle était devenu une plaie, une bouche de plus à nourrir, une louve que l'on regardait autant avec respect qu'avec pitié. Du genre oh, elle est encore là elle ? Elle peut me voir, m'entendre ? Alors la louve ne passait pas trop de temps avec les autres, préférant aller faire des trucs en solitaire, loin des regards. Au moins, son kiroboard ne la jugeait jamais, et se promener avec lui permettait d'extérioriser ses frustrations.

Sa bague se mit à briller, et voilà que sa planche était là, l'invitant à bord. Elle embarqua dessus tranquillement, puis se laissa guider par celle-ci, lui laissant parfois le choix de destination. Au bout d'un moment, Etna savait la destination : rien de mieux pour se réchauffer que la Rougelande ! Sa planche avait eu une sale bonne idée, et la verte souria, regardant le ciel bleu et les oiseaux qui volaient, inconsciente, donnant toute sa confiance à sa fidèle planche.

Elle tapota cette dernière, lui indiquant sans mot qu’elle voulait qu’elle s’arrête ici un instant. La planche obéit, tandis que la verte regarda les piafs avec attention, ayant toujours été de ceux qui admiraient ceux pouvant voler. Cet intérêt venait sans aucun doute de son grand attachement à Te Hari, cette louve chocolat pouvant danser dans les airs à l’aide de ses magnifiques ailes de cuir. Anita aussi avait de jolies ailes, et sa petite dernière aussi avait hérité de ce don. Des fées, les plus belles du clan à son avis.

Respirant fort, elle commençait à bien se réchauffer, et cela lui faisait le plus grand bien. Elle voulait repartir, ayant déjà pris une trop longue pause à son goût. Elle lança un cri de guerre, un son que sa planche connaissait trop bien : c’était le cri qui annonçait une course ! La verte était en position, le sourire aux babines, adorant le vent qui faisait virevolter les rubans de ses cheveux alors qu’elle zigzaguait sur son board à tout allure.

Elle qui avait passé au travers de tant de défis au fil de sa longue vie, il était important - primordial même, de reconnaître que la vieillesse ne signifiait pas nécessairement une perte totale des sens, mais plutôt des changements qui nécessitent souvent une adaptation. Sauf que ces réflexions étaient trop avancées pour une etelkru comme elle, et elle ne savait pas comment adopter ces changements. Peut-être venait-il du fait qu’elle n’avait jamais vu ses parents arriver à cet âge, et ne pouvait donc pas s’imaginer qu’une louve comme elle puisse en arriver là.

Après tout, il était crucial de reconnaître la valeur de l'expérience et de la sagesse accumulées au fil des ans. Même lorsque les sens se détérioraient, la richesse de ses souvenirs, de ses relations et de ses réalisations étaient des choses qui pouvaient continuer à enrichir sa vie et à lui donner un sentiment de but et de satisfaction. En fin de compte, la vieillesse et la perte des sens faisaient partie intégrante du cycle de la vie après tout ! C'était en acceptant ces changements et en cherchant des moyens de s'adapter, qu'il serait alors possible de trouver de la joie, de la signification et du confort dans chaque étape de son long parcours.

Sauf que toutes ces réflexions là, eh bien Etna ne les avait pas vraiment. Elle vivait dans le présent et le passé, ne comprenant pas pourquoi les choses qu'elle faisait avant devenaient de plus en plus difficiles. Elle dormait plus, pour le peu qu'elle faisait. Elle tentait vraiment de se dire que c'était juste un petit rhume qui se pointait... mais ce dernier ne se pointait jamais, ou s'appelait plutôt la vieillesse, tout simplement. Son poil, un mélange de vert et de blanc, n'était pas un signe de son âge, c'était tout simplement un petit virus - surement, et pas autre chose.

Alors qu'elle allait encore à cent mille à l'heure, Etna éternua de plus belle, faisant vriller son skate. Elle s'enfargea, manquant de débarquer du 'board, et alors qu'elle avait réussit à reprendre l'équilibre, voilà qu'elle-

BAM !

La planche explosa à la force de l'impact, envoyant la pauvre voler de quelques mètres. La poussière volait, et seul le vent sur les fougères pouvaient se faire entendre pendant un long moment. La verte grinça, ses sourcils froncés, avant d'ouvrir le regard de nouveau, voyant quelques points noirs dans sa vision. Elle se releva instantanément, avant de retomber, ses cuisses douloureuses. Elle respira fort, criant de frustration, détestant être dans une fâcheuse situation comme cela. Comme si elle n'avait jamais encore monter un planche de sa vie, comme si elle n'était pas une fille du serpent, comme si -

Comme si elle était vieille et incapable.

Elle attend encore, toujours au sol, avant de regarder de plus près ses antérieurs. Elle avait une patte tordue, c'était certain. Il ne fallait pas un génie pour voir que sa patte était du mauvais sens, et l'autre, elle pouvait y voir quelques coupures, avec du sang qui commençait déjà à sécher un peu. Elle n'était pas de ceux qui se plaignaient, et elle se mordit la langue plusieurs fois, évitant de rendre la situation pire qu'elle était. La verte tenta de se relever encore une fois, se disant qu'il serait temps de rentrer et de se faire examiner par un panseurs, mais même résultat - elle était de retour la tête au sol.

Elle frappa le sol, en colère, et invoqua finalement de nouveau la planche, se sentant vaincue. Seulement faite de sable cette fois-ci, et plus large, elle s'approcha de sa maîtresse, plus bas vers le sol. Etna s'y accrocha du mieux qu'elle pouvait, se tirant le reste du corps.

« Va falloir faire ça gentiment, et être patiente 'vec moi. Okay mon amie ? »

Elle tenta de s'avancer encore plus, afin que ses jambes soient sur la surface et qu'elles pendent le moins possible. Si elle savait un truc depuis ses nombreuses blessures, c'était que le moins de mouvements possible, meilleure la guérison était. La verte avait déjà trop forcé sur ses pattes, et elle regrettait déjà ses tentatives de marcher. Elle espérait que rien n'était perdu, et que quelques pansements allaient faire le job.

Mais pourquoi son cœur était-il si serré, et que ses yeux étaient humides ?

« Aller... maison. Vi- Non. Maison, juste maison... »

Force d'habitude, de vouloir se dépasser, d'aller vite, rapidement, toujours plus. Cette fois-ci, c'était avec délicatesse et lenteur que la bouclier retourna chez elle.

Cette sortie avait mal tourné.

Tout cela pour se réchauffer, pour se sentir jeune.


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