Sweet dreams [Fini]

Pour sa première visite de l'île des songes, Grumpy avait le privilège de pouvoir l'apercevoir sous un manteau blanc et brillant, neiges survivantes de l'hiver pourtant passé, entretenus par une température plutôt fraîche.
Encore assis sur le rivage, le crêteux put apercevoir les côtes de l'île principale qui constituait Punk Wolf, quelque peu dissimulée toutefois par une brume printanière. Le mâle, expirant, s'aperçut que le dioxyde de carbone qu'il rejetait était visible, formant une fumée blanche pas très épaisse, qui se dissipait aussitôt.
Cette ambiance lui rappelait la louve brune qu'il avait rencontré un soir, sous la neige... C'était là son plus beau souvenirs...

Relevant sa patte et l'observant, le brun s'aperçut que la neige et le sable ne faisaient pas bon ménage, formant une espèce de pate sale et dégoutante. Il agita vivement ses membres, mais cela n'eut aucun effet sur la matière qui s'agglutinait entre ses coussinets. Grommelant, il releva la tête, et son regard vint immédiatement se poser sur d'immense rochers noirs, qui semblaient pouvoir être escaladés, malgré leur pente ardue. Le loup courrut alors, pressé de rejoindre son perchoir, d'où il ne pourrait plus s'embourber, mais également, d'où il aurait une meilleure vue.

Il semblait que l'air salin ait creusé la roche, permettant au mâle de placer ses pattes à des endroits stratégiques. Il manque de glisser, plusieurs fois, à cause de la condensation qui rendait son ascention plus périlleuse, mais peu lui importait. Lorsqu'il eut atteint son objectif, il fut ébahi par la mère, aux tons gris et pastels, surplombé par un ciel blanc, cotonneux, qui promettait un avenir plus beau.

Le mâle ne put s'empêcher de sourire, comme apaisé, puis se tourna vers l'intérieur de l'île. Sa patte rippa et il faillit atterir en bas du rocher, mais il sut se retenir.
L'autre côté offrait une vue tout aussi belle, mais d'un autre genre, toutefois. On y voyait une flore abondante, ainsi que de l'eau, encore, mais sous forme de lacs. Vraiment, ce lieu semblait magique...
Et il aurait aimé pouvoir partager ce spectacle avec une autre âme...

Un bruit fit tendre l'oreille de Grumpy, quui détourna immédiatement la tête, possédant toujours ses réflexes de chasseur. Un canidé, qu'il avait tout d'abord pris pour un mâle, avait marché sur un branche, la faisant craquer. La louve, visiblement affolée, voulut courir, mais trébucha. Le brun chercha à se grandir, afin d'en voir plus, sans succés. Toutefois, il s'aperçut que la bête au pelage blanc ne se redressait pas.

Intrigué, le mâle glissa jusqu'en bas du rocher noir, puis s'approcha de la louve en trottinant.
Au premier regard, Grumpy ne sut dire si la femelle -car, son odeur ne pouvait tromper, c'était là une femelle; avait encore ses esprits ou non. Il posa sa patte sur son omoplate, tenta de l'agiter un peu.
"Ca va ?"
Les sourcils froncés du Brun montrait son inquiétude pour la pauvre créature.

Aucune réponse ne se fit entendre, mais Grumpy vit les yeux de la louve blanche s'entrouvrir très lentement. Bon, c'était déjà ça... Il allait renouveler sa question, lorsque la créature le surpris en se redressant à une vitesse folle, brusquement, d'une façon plus qu'inattendue. Toutefois, comme elle reculait, visiblement apeurée par son interlocuteur, elle se heurta à la paroi dure et froide des grands rochers noirs. Le crêteux grimaça, observant la petit manège de la femelle. Il lui semblait que le coup devait être responsable de cette attitude.

Grumpy tressaillit devant l'horreur qu'exprimait les yeux bleus. Il ne s'approcha pas, ne voulant pas faire pire que mieux, et se contenta d'un : "Qu'est-ce qu'il se passe ?", tout en penchant la tête sur le côté, d'un air dépité.

Le corps de la pauvre louve s'agitait avec violence. Grumpy supposa qu'il s'agissait de peur, même s'il ne comprenait pas une réaction aussi violente. Pourquoi était-elle si horrifiée ? C'était visiblement lui qui lui faisait cet effet là mais... Pourquoi donc ? Il n'était pas affreux, n'était pas d'humeur agressive... Non, il n'avait rien dit, rien fait...
Pour une fois.

Semblant oublier un instant cette terreur qui lui collait tant au corps, la femelle s'ébroua. Mais elle sembla contrariée. Là, le crêteux comprit que ce dernier geste était dû à la crasse qui collait ses poils, qui ne voulait se détacher d'elle. Il aurait aimé l'aider, mais s'approcher semblait ne pas être une chose à faire.

De plus, la Bmlanche avait repris sa posture initale, montrant à quel point la présence de Grumpy la contrariait. Et encore, le mot était faible.
Malgré tout, le mâle voulait l'aider, penser pouvoir résoudre la situation... Puisqu'après tout, il était la cause de cet effroi furieux...

Quand l'attitude de celle que Grumpy prendra alors pour une schyzophrène changea du tout au tout. Elle sembla oublier l'état dans lequel elle était plongé précédemment, et le salua, timidement toutefois. Possédait-elle deux personnalités ? S'était-elle résolue à abandonner sa peur ? Le choc lui avait-il fait perdre la tête ?

Grumpy ne s'aventura pas à s'approcher de la femelle.
"Bonjour", se contenta-t-il de répondre, d'une voix douce et calme.

Il la laisserait mener le dialogue, c'était bien plus sage ainsi.

La louve était toujours aussi nerveuse, et demanda à Grumpy de ne pas faire attention à elle. Il ne sut pas vraiment comment réagir, alors, il se contenta de baisser ses yeux sur le sol, voulant respecter la pudeur de la bicolore.
Toutefois, lorsque la femelle grogna, Grumpy ne put s'empêcher de relever les yeux, moment que choisit la louve pour le regarder. Là, il sentit bien que quelque-chose clochait. Il eut un peu honte, et rougit sous son pelage épais. La tension était plus que palpable.

Il amena de nouveau son regard sur le sol, le gratta de ses griffes.

La louve, elle, s'expliqua brièvement sur son attitude. Le mâle fut saisi de curiosité.
"Ce serait alors certainement impoli de vous demander quelle est cette raison ?"

Il avait l'impression que, si cette barrière tombait, ils pourraient se trouver des points communs...

La louve ne s'offusqua pas, au contraire, elle semblait hésitante. C'était déjà un bon début, puisque l'idée de conter son histoire était envisageable. Grumpy sourit, pensant que ce serait la bonne occasion pour qu'un véritable échange débute. Il était toujours à la recherche d'amis, et il ne pouvait en compter qu'une pour l'instant...
Une amie, ou bien...
Non, ça, ce n'était pas possible. Surtout pas maintenant.

Enfin, la femelle commença son récit. Lorsqu'elle évoqua une famille, un pincement au coeur le saisit. Il s'oublia, consacrant sa penée à la vengeance qui lui était racontée, et la fatalité qui entourait cette pauvre créature. Le Brun fut saisi de pitié. Non, il ne pensa pas à lui-même, n'eut pas peur. D'ailleurs, il voulut l'approcher lorsqu'il la vut pleurer. Il se rappela toutefois les paroles de la Bicolore, et se contenta de grimacer.

"Je suis bien obligé de vous plaindre..."
Il n'avait qu'une envie, la consoler... Mais c'était tellement difficile, tout en devant conserver cette distance... Il aurait aimé lui poser des questions sur cette malédiction, mais ce n'était pas son genre de retourner le couteau dans la plaie.

"Malgré tout", pensa-t-il tout haut, "sur Punk Wolf ces désagréments sont toujours compensés... Alors, une telle horreur... Peut-être y a-t-il... Autre chose ?"

Lorsqu'il s'aperçut de ce qu'il venait de dire, il remua violemment la tête de gauche à droite, puis s'empressa de dire : "Excusez-moi, je... Je ne voulais pas dire ça..."

Il baissa la tête, s'aplatissant presque au sol. Il était vil. Cette pauvre louve devait déjà suffisamment souffrir, alors, ce n'était pas la peine d'appronfondir le sujet de la sorte.
A cet instant, le crêteux aurait aimé être puni.

Une nouvelle fois, le Brun cessa de parler, levant la tête afin d'observer l'horizon.
"Êtes-vous seulement certaine que vous êtes la cause de ces décés ? Et... Si oui, savez-vous pourquoi ?"

Selon le mâle, la solution passait par la connaissance de ces faits, sous toutes leurs coutures.

La louve vacilla, mais se reprit avant même que Grumpy eut le temps de réagir. Et, alors que le Brun la regardait inquiet, elle planta son regard dans le sien, comme il avait pu le faire auparavant. Ce n'était plus de la colère qui brûlait de façon viscéral au sein de ce corps. Non, il s'agissait bien là d'incompréhension. Il y avait également de la haine, de la rancune, un gouffre de tristesse. La vie de cette pauvre femelle devait être un calvaire.

Le mâle la vit s'écrouler contre le seul. Pour lui, ce n'était pas de sa faute. Ceci était impossible. Et, puisqu'il y croyait, il était prêt à approcher cette petite louve au coeur dévasté.
Le crêteux vint se nicher contre la femelle, lui adressant un regard suppliant. Puis, il susurra : "Je te fais la promesse de ne pas mourir de mort non naturelle." Grumpy savait que c'était là une lourde tâche, mais il avait toujours tout fait pour tenir ses promesses. Il n'était pas un menteur, ni un beau parleur, loin de là. Mais bien un loup de foi.

"Tu peux me croire." ajouta-t-il, lui souriant.

La louve ne regardait pas Grumpy, mais il pouvait ressentir sa crispation, et le doute qui reignait en elle. Elle prit soin de continuer à éviter son regard. Le mâle ne sut pas très bien si c'était par honte, par tristesse... En tous cas, elle n'avait pas opposé de résistance lorsqu'il s'était approché...

La bicolore parla enfin. Elle, elle n'y croyait pas. Le Brun ne put s'empêcher d'être déçu. Sa mine se fit déconfite. Toutefois, il essaya de montrer sa bonne fois à celle qui pourrait être une nouvelle amie.
"Alors, traitez-moi d'idiot."

Se détachant un peu de la louve, le crêteux posa sa tête sur le sol, puis ferma les yeux. Il ressentit la fraicheur du sol, et entendit l'écume s'abattre sur la pierre.

Lui, il voulait croire qu'elle était innofensive.

La réaction de la louve fit plaisir à Grumpy, bien qu'elle lui parût exagérée. Le mâle se redressa, se contentant d'adresser un joli sourire compatissant à la demoiselle. Elle, était totalement paniquée. Mais il savait très bien qu'il n'était pas fou, et qu'il pouvait se permettre une telle promesse.
Sinon, il ne se le serait jamais permis.
Jouer avec les sentiments d'un individu est la pire chose que l'on puisse faire.

Alors qu'elle restait à le regarder, impuissante, le mâle s'approcha une nouvelle fois d'elle pour poser sa tête au creu de son cou. La pauvre avait besoin d'être rassurée.
"Vous n'avez pas à être désolée. Vous vous faites déjà bien trop de soucis !" dit le crêteux d'une voix mielleuse, tentant de se faire grand-frère, figure rassurante dans une tempête de désespoir.

Grumpy fut rassuré lorsqu'il sentit que la femelle se laissait aller, participant elle aussi à l'étreinte. Elle avait relaché sa garde et ne pensait plus à cette histoire de malédiction idiote. Tant mieux. Il sentit également le liquide salés s'abattre parmis ses poils après avoir roulé contre la joue de la femelle, dont il ne connaissait toujours pas le nom. Le crêteux se dit que, enfin elle pouvait confier ses craintes à quelqu'un et que ces larmes étaient nécessaires pour accéder à un nouveau bien être. Il ne pu s'empêcher de sourire à nouveau. Il eut envie de lui lécher la joue, mais la louve choisit cet instant pour renouer avec le dialogue. Et les mots qu'il entendit le touchère au plus profond de son âme. C'est à ce moment qu'il décréta qu'il veillerait sur celle qui venait à peine de rencontrer comme sur un soeur. Petite ou grande ? Il le lui demanderait plus tard, après son nom... D'abord, on lui avait posé une question.

Il fut déconcentré par le mouvement de tête de la louve, qui semblait ne plus hoqueter et apprécier l'étreinte. Quelque part, Grumpy était comblé, et il avait le sentiment que cette rencontre était un cadeau de l'existence.

Le solitaire se racla la gorge avant d'esquisser une réponse :
"Peut-être. Je ne sais pas, à vrai dire... En fait... Je n'ai aucun souvenir de ce que j'ai vécu avant mes un an, environ..."

Il disait "environ", parce-qu'il avait du s'inventer une date de naissance, tout comme un prénom. En fait, crêteux n'avait jamais su qui il était, et c'était ce genre de moments qui donnait un sens à sa vie.

Se reprenant, il allait retourner la question à sa nouvelle amie, lorsqu'il se rappela son histoire. C'est parce-qu'elle avait perdu sa famille qu'elle était plongée dans une telle détresse.
Lui, n'en avait plus aucun souvenir. Etait-ce tant mieux ou tant pis ?

Sans se séparer de Grumpy, elle colla sa langue rapeuse dans son poil. Il écarquilla les yeux, frissona, trouvant cette proximité subite surprenante, sachant qu'il ne connaissait même pas le prénom de la bicolore.
De plus, elle le vouvoyait toujours, ce qui eu le don de faire un drôle d'effet au crêteux.

Toutefois, il ne bougea pas d'un pouce, il se sentait comme paralysé. Et puis, le Brun avait peur de frustrer la jeune femelle, qui semblait ne pas profiter souvent de ce genre d'instants. Elle se blottit une nouvelle fois contre le mâle, avant de recommencer à promeener sa langue entre ses poils.
Notre Grumpy, qui était de nature assez maladroite avec les femelles, ne savait pas vraiment ce qu'il devait faire. A vrai dire, il était plutôt géné.

Sans qu'il n'ait à demander son prénom, celle qui était encore une inconnue l'énonça. Grumpy ressentit une satisfaction étrange, et des fourmis envahirent ses quatres membres, il vacilla légérement, imperceptiblement.
"Je me prénomme Grumpy." dit le crêteux en rougissant sous son pelage.

Soit Rikku avait ressenti la gène du mâle, soit elle avait estimé qu'il était temps de mettre fin à cette étreinte. Toujours est-il qu'elle recula, rompant le contact avec le pelage du Brun, et promena son regard sur le sol. Encore une fois, Grumpy ne sut pas vraiment de quelle façon il était censé réagir. Attendait-elle qu'il revienne vers elle ? Voulait-elle une nouvelle preuve de sa compassion ? Ou, au contraire, voulait-elle qu'il la laisse tranquille un instant ?
Enfin, les yeux bleus vinrent se reposer sur la silhouette du Solitaire, qui ne put retenir un air ébahi. Il paraissait un peu niais, avec cette expression sur la figure. Toutefois, celà devait bien être la première fois qu'il développait une relation aussi rapide aussi rapidement.
Quoique... Il avait sauvé Aëlan de la Mort, après tout...
Mais c'était différent... Elle était inconsciente... Et ce qu'il avait fait été nécessaire...
Il ne put s'empêcher d'oublier un instant la petite Rikku, repensant à Aëlan, celle qu'il voulait sienne. Que devenait-elle, depuis cet hiver ? Avait-elle trouvé l'amour ? Avait-elle eu des petits ?
Comme le crêteux aurait aimé savoir...

La voix de la bicolore sortit Grumpy de ses pensées. Tout ça ? Tout ça quoi ? Il suivit le regard de la louve à l'écharpe, qui se promenait sur son torse. Toutefois, il revint vite vers le regard du mâle, qui le baissa, géné.

"Faites-vous référence à mes cicatrices ?"

Le brun ne voyait pas vraiment ce qui pouvait tant interpeller la femelle, mis à part ses cicatrices. Il attendit, sa queue battant l'air. D'un air un peu enfantin, il ne put s'empêcher de suivre une luciole du regard.
Il n'était qu'un enfant enfermé dans un corps d'adulte. Peut-être parce-qu'il lui manquait un an de sa vie ?