Lettres de Sang | Tequeela

L'eau goutait du plafond et glissait sur les murs, dans une lente descente jusqu'au bassin turquoise qui entourait l'autel. Une ouverture, tout en haut, laissait passer un peu de lumière lunaire. La nuit devait être bien avancée. Il avait prit le temps de bien se préparer, physiquement, moralement, et de faire en sorte que ce moment reste à jamais gravé dans sa mémoire. Son invitée n'était pas n'importe laquelle, il se devait de bien marquer le coup ...

Il lâcha son emprise autour du coup de l'Alpha et la laissa purement et simplement tomber. Il se pourlécha les babines pour gouter le sang qui avait perlé, là où ses dents s'étaient un peu trop enfoncées dans sa chair. Délicieux. Avec un râle de plaisir, il s'assura que le Purgatoire était prêt, et revînt vers elle, la traînant jusque sur la pierre et la hissant dessus sans douceur.

Il y avait encore du sang dessus. Il y avait toujours du sang dessus. Quelques touffes de poils maculées, aussi. Il l'attrapa du bout des griffes et la déposa devant le nez de la femelle anthracite.

- Khal. Queue coupée. Et encore, on a été gentils.

Il avisa ensuite la mare de sang qui avait ruisselé le long de la pierre.

- Hlynn. Mais ce n'est qu'une Brethen, je suppose que tu te contrefiches bien de son sort.

Il recula et leva les yeux au ciel d'un air songeur.

- On a eu aussi un drôle d'énergumène ... Tout vert. Ah ! Marcus. Il poursuit son originalité jusque dans l'angle de ses pattes. Je me demande s'il sera toujours apte à chasser, après ça.

Un sourire condescendant anima son visage d'un éclat inquiétant.

- Et maintenant, c'est ton tour.

La pulsion battait dans tout son corps et emmenait son coeur dans sa danse effreinée.
Le grand mâle dévoré par ses instincts prit le temps de plonger son museau dans le cou de la femelle pour humer son odeur à pleins poumons, la gueule entrouverte pour mieux absorber son effluve. Le désir de sang battaillait avec une autre sorte d'envie, et le tout le rendait à moitié fou. Alors que la frénésie s'emparait de lui, il se força à se souvenir de l'aptitude au combat de la louve, de sa dextérité, de sa concentration, incomparable à tout autre Séide.

Il essaya de se concentrer, de se contenir, chose qui ne lui arrivait jamais. Il ne fallait pas trop l'abîmer. Elle pouvait servir. Si jamais elle les entendait vraiment, il y avait moyen de bâtir de sérieux projets avec elle.

Ses griffes raclèrent la pierre dans un bruit strident, alors qu'il y prenait appui pour se hisser sur l'autel pour débuter son rituel.

Dés

Il ouvrit grand la gueule sur un grondement sauvage. Ses puissantes pattes antérieures maintenaient la louve en place, dont le pelage était souillé par la sueur et le sang. Tout ce qu'elle put entrevoir, ce fut une rangée de crocs jaunes fondre vers sa gueule et se planter à la base de son oreille gauche. Lorsque Rengar serra les mâchoires, il le fit avec tant de force que ses dent s'entrechoquèrent. Puis, il tira de toutes ses forces, se délectant de la souffrance de sa victime, jusqu'à ce que la chair ne cède complètement et que l'oreille ne finisse au creux de sa gueule.

La frénésie achevée, il redescendit sur terre et desserra son emprise. Il bascula en arrière et relâcha la femelle. Quelques griffures légères apparaissaient, là où il l'avait tenue. Tout son corps était tuméfié par les blessures qu'elle avait reçues lors de son combat contre les sbires. Rengar prit le temps de l'observer. Elle avait encore les yeux fermés.

Mais il savait pertinemment ce qu'il verrait lorsqu'elle les ouvrirait de nouveau.

De la rage, de la colère, de la vigueur, une force sans nom qu'il convoitait plus que tout au monde.

Il déposa l'oreille de la louve devant elle, hors de sa portée cependant. D'une voix de velours, il susurra :

- Ceci va rejoindre nos autres trophées.

Il lécha la plaie béante laissée par la torture qu'il venait d'exécuter.

- Tu en auras des choses à raconter à ton copain.

Il la poussa du piédestal sans ménagements.

- Je sais que tu vaux largement mieux que lui. Je sais que tout ce qui te retient, c'est ta dévotion envers lui. Tu t'es tournée vers le mauvais guide spirituel, ma douce, et je sais que tu es assez intelligente pour t'en rendre compte.

Il se pencha sur elle et, au lieu de l'achever, l'aida à se relever.

- Si tu as le courage de revenir ... Seule ... J'aurai sûrement des choses fort intéressantes à t'apprendre. Mais note bien que si tu revenais dans le seul but de nous faire perdre notre temps, je serai nettement moins magnanime qu'aujourd'hui.

Il lui pinça l'arrière-train du bout des dents.

- Maintenant, dégage.

L'Alpha se sentit traînée, un long moment. Celui qui la tirait ainsi ne ménageait pas son corps endoloris. La louve sombre aurait voulu se tourner, attraper entre ses crocs le mâle qu'elle reconnut à l'odeur, et lui broyer une patte. Un grondement faible sortait de la gueule de Tequeela. Mais sa tête cognant contre la roche humide et sale et elle perdit connaissance à nouveau. Puis elle eut vaguement conscience qu'on la hissant sur quelque chose. Mais elle avait si mal, partout à la fois, et surtout à la tête, qu'elle ne parvenait pas à se redresser, ni même à ouvrir ses paupières lourdes. La voix de Rengar parvint aux oreilles de la femelle anthracite aux toiles d'araignées violines, la ramenant vers la réalité de manière brutale. Marcus. Ils avaient eu Marcus. La disciple de la Dragonne s'agita mais le meneur des Precursors grimpa sur l'autel et la maintint fermement. Tequeela sentit la truffe froide et le souffle brûlant du mâle dans son cou. Elle frisonna instinctivement. Sûrement de dégoût. Peut-être. Elle ne savait meme plus les sentiments qui l'animait. Si. La rage l'a maintenait en vie. Elle s'agira à nouveau, posant ses yeux bleu topaze sur l'autel ensanglanté et l'eau turquoise qui illuminait la pièce. Et les crocs jaunies de Rengar s'abattre sur son museau dans un grognement.

Mais c'est l'oreille qu'il mordit. L'oreille qu'il arracha. Étouffant a peine un grognement bas, Tequeela voulut se retourner, le pousser, mais elle n'avait pas la force. Ses yeux se refermèrent et ses griffes raclèrent la roche rougie par le sang. Finalement, l'Alpha Séide lâcha un aboyement de rage, la souffrance étant telle que son cerveau avait momentanément coupé les transmissions nerveuses. Comble du dégoût il lui déposa sous le museau l'oreille coupée et donna un coup de langue baveux sur sa tête avant de la pousser à terre. Elle tomba mollement sur le sol. Puis inspira avec difficultés avant de se redresser, tremblante de haine, écumante de rage. Rengar l'avait bien cernée, mais elle ne pouvait pas le savoir. Elle comprit à ses mots qu'il avait été clément avec elle. Qu'il voyait en elle quelque chose de mieux. La surprise et la suspicion renversèrent le règne de la hargne qui l'animait, l'espace de quelques secondes. Puis elle deguerpit, lui promettant d'un regard assassin qu'ils n'en resteraient pas la. Il lui devait une oreille. Et tandis que Tequeela s'efforçait de quitter ce lieu le plus vite dont son corps meurtri le lui permettait. A cause de la douleur qui se réveillait vivement t la ou aurait dû se trouver son organe auditif, l'équilibre de la femelle sombre se retrouvait précaire. Mais elle tint bon. Pour rentrer à la maison. Si maison il y avait encore...