Fin de journée [Aendil]

Il l'avait senti, que ce combat touchait à son terme.
A peine ses crocs eurent-ils touché le Precursor qu'il sentit un coup violent le projeter au sol. Et cette fois ci, il ne trouva pas la force de se relever. Des étoiles dansèrent quelques secondes devant lui et, sans même qu'il s'en rendre compte, il sombra dans l'inconscience.
Lorsqu'il se réveilla, Aendil se trouvait dans une vaste pièce baignée de lumière. Son précédent adversaire se trouvait à ses côtés et il lui suffit de tourner légèrement la tête pour apercevoir la queue de Khal sur le sol. Il ferma les yeux.
Il prit pleinement conscience de ce qui l'attendait lorsqu'il vit la patte de Zerfall s'approcher dangereusement de son œil droit. Cette torture, il l'avait vécues, quelques années auparavant, au cœur d'un désert. La peur et la douleur ressentie ce jour là s'était profondément ancrée dans son être et, bien qu'il ai pardonné, il n'avait jamais réussi à les oublier, elle et le traumatisme qui l'avait accompagnée. Et avant même que les griffes de son ennemi n'effleurent sa paupière, il sentit de nouveau cette peur surgir d'entre ses entrailles. Cet horrible sentiment qui le poussait à vouloir mourir, là, maintenant et sans plus de cérémonie plutôt que de vivre cela une nouvelle fois.

Non, je ne veux pas. Je ne veux plus. Laissez moi oublier.
Dans un dernier effort, il tenta de reculer jusqu'à sentir la paroi de la salle contre son dos.
La dernière chose qu'il vit fut ce loup sombre au sourire carnassier.

Sans qu'il ne puisse le retenir, un cri s'échappa de sa gorge et il crut défaillir de nouveau tant la douleur était intense. Ca avait beau être la seconde fois, il ne pouvait s'accomoder à cette sensation. A ce liquide visqueux dont il ne pouvait même plus voir la couleur déferler le long de sa joue pour finir sa course sur ses pattes.
Et dire qu'il avait cru avoir touché le fond, la première fois.

Il regrettait presque ce jour. Regrettait de ne pas pouvoir rattraper Suète dans le désert. Regrettait de ne pas pouvoir lui lancer ce regard, avec toute l'intensité que son oeil valide le lui avait permis, empli de tristesse et de regrets. Regrettait la chaleur de son corps alors qu'il se blottissait une nouvelle fois contre elle. Regrettait de ne plus jamais pouvoir la voir. Regrettait de ne plus pouvoir choisir les plus belles fleurs pour les déposer sur la tombe d'Eandir. Regrettait de ne plus jamais pouvoir voir ses fils évoluer et sa fille grandir.
Il regrettait tant.

Les Precursors lui avaient presque tout volé. La tranquillité au sein de son clan, son ego et son avenir. Il n'était plus rien qu'un loup en marge de la société. Faible et défiguré. Incapable d'assurer à ses frères que tout allait bien puisque rien n'allait plus. Plus mort que vif, il se recroquevilla sur lui-même, attendant que la faucheuse daigne venir le chercher.
Jamais plus, il n'oserait rentrer à la maison. Que ces monstres l'achèvent si l'envie les prenait.

Non.
Il ne devait pas lâcher prise. Pas maintenant. Suète devait l'attendre quelque part. Il devait la trouver, lui parler, lui expliquer. Et ce, même si elle devait le voir dans le pire état qu'il soit, couvert de plaies sanguinolentes, aveugle et gémissant de douleur. Il devait la voir, une dernière fois au moins. Et si il devait trépasser, ce serait à ses côtés. Pas dans l'antre de ces monstres. Il ne pouvait leur donner cette satisfaction là.

Peu importait le reste du monde. Seule Suète comptait désormais.

Puisant dans ses dernières forces, il parcourut les longs dédales de la mine dans le sens inverse, se fiant à sa propre odeur pour avancer et ressenti un intense soulagement lorsqu'il sentit l'air frais dans son pelage. Jamais il n'avait été si heureux de retrouver le monde extérieur. Mais rien n'était terminé. Il devait retrouver son dolmen, sa maison. Il devait la retrouver. En dépit des blessures graves qui zébraient son corps et du sang qui s'écoulait.