Brocolis et poivrons grillés à l'érable • Marcus

Elle était étendue dans une jolie clairière pleine de fleurs blanches et bleues. L'herbe était moelleuse et émeraude, l'air était chaud et doux. C'était l'été. C'était impensable puisque l'hiver était arrivé, mais les rêves ne dépendent pas de la logique. Ses petits marmots, ses adorables enfants, jouaient les uns avec les autres, riant, criant, courant. Joshua jouait au vertueux protecteur, comme à son habitude, et faisait mine de protéger Sawyer d'une Blair à l'air revêche. Insane regardait plus qu'elle participait, mais elle avait toujours semblé préférer rester dans son coin. Au moins s'amusait-elle en regardant évoluer sa fratrie. Un doux sourire aux babines, Fireheart contemplait ses enfants adorés avec une émotion proche de la vénération. Comme elle était bien, là, dans cette clairière perdue au fond de nulle part, sous le ciel bleu… Mais le ciel s'assombrit brusquement. Les enfants eurent un mouvement collectif de peur, courant se réfugier dans le giron de leur génitrice. Fireheart se redressa sur ses pattes, ses enfants sous elle, son regard se fixant automatiquement sur un point de la lisière entre forêt et clairière. Une vague de peur, de terreur pure, la traversa. Et de l'ombre sortit Edan. Il n'était pas aussi beau qu'il avait pu l'être. Non, son corps était tel qu'elle l'avait laissé après l'avoir tué. De son ventre pendaient ses intestins et elle cru voir tomber quelque chose ressemblant à un foie. Il était brûlé, profondément, mais ses yeux bicolores brillaient fortement dans ses orbites. Le mort-vivant eu un sourire démoniaque qui fit craquer la peau brûlée de son visage, des lambeaux de chairs cramées tombant au passage. L'odeur de brûlé était écœurante. Il avança. La louve de feu recula automatiquement, butant sur Joshua, et tomba sur son arrière-train. La peur la rongeait de l'intérieur. Non, non, il était mort, elle l'avait tué. Il ne pouvait pas… c'était impossible…

« Tu croyais que me tuer suffirait à te débarasser de moi, ma belle ? »

Il avança encore, l'ombre de ce qui fut autrefois une expression charmeuse s'affichant sur ses traits défigurés. Joshua se rua vers lui, dans un élan protecteur. La louve voulu crier, mais aucun son ne sortit de sa gueule, aussi le gamin n'écouta pas son cri silencieux. Les crocs d'Edan déchirèrent l'enfant et Fireheart ne pu que regarder, incapable de quoi que ce soit, paralysée par sa peur. Les fillettes pleuraient, quémandant de leur mère sa protection alors qu'Edan s'approchait à nouveau. Elle ne pu que regarder alors qu'il réduisit Sawyer, puis Blair en charpie, et finalement Insane. Elle ne pu que regarder alors qu'il s'avança à nouveau et se retrouva son nez presque contre le sien, son haleine de mort sur sa peau.

« Maintenant, c'est plus que toi et moi, chérie ~ »

Dans une petite cavitée éloignée des autres, la louve de feu s'éveilla, complètement paniquée, dans un hurlement silencieux. Ses yeux mirent quelques secondes à s'adapter à la noirceur et son odorat à réaliser qu'elle n'était pas dans une clairière. L'air était frais, froid même, et il n'y avait pas la moindre odeur de brûlé. Elle sentit remuer et observa avec soulagement les boules de poils contre elle. Ses petits grandissaient si vite. Insana fuguaient régulièrement, l'inquiétant énormément. Elle avait aussi peur qu'ils apprennent - peut-être le savaient-ils déjà - l'origine de leur existence. Les réactions de Fireheart n'avaient pas laissé le doute planer très longtemps au sein de la meute. Plusieurs avaient devinés qu'Edan s'était forcé père de ses enfants. Elle avait peur de ce qu'une telle nouvelle leur ferait, eux qui étaient si jeunes. Si innocents.

Fireheart se leva avec précaution, laissant les petits se recroqueviller les uns sur les autres, puis sortit de son repaire. Elle avait choisit cet endroit comme tanière lorsqu'elle était tombé enceinte parce qu'elle avait aussi eu peur de la réaction des siens. Elle avait pensé que les petits ne seraient peut-être pas accepté, à cause de leur ascendance paternelle. Et puis, cette cavité à l'écart des autres lui seyait. Même si elle avait été faites Gamma, la louve ne trouvait plus la motivation de faire quoi que ce soit. Faire bonne figure devant les petits lui prenait toute son énergie. Elle avait abandonné son amure peu avant leur naissance et ne l'avait pas remise depuis. Elle avait laissé son Glowstick au fond de la tanière où il avait fini par s'éteindre, lorsqu'elle s'en était éloignée. Elle avait enfilé un foulard blanc afin de combler le trop grand vide que laissait l'absence de son armure ainsi que quelques bracelets tressés - parce qu'un minimum d'accessoires est demandé -, mais elle se sentait toujours aussi nue, aussi sans défenses. Mais l'armure ni changeait rien. L'armure n'avait pu la protéger quand elle en avait eu vraiment besoin. Ni son pouvoir. Alors elle avait rejeté les deux en bloc.

Elle s'assit devant l'entrée menant à sa tanière et frissonna. Il faisait froid, quand même. Un fin tapis de neige poudreuse recouvrait tout. Son soufle dessinait des volutes dans l'air. Elle tendit l'oreille, mais n'entendit pas les ronflements de Marcus, celui dont la tanière était la plus près de la sienne. Ne dormait-il pas ? Elle éprouva une once de remord. Elle aimait bien le manchot vert. Et il avait perdu une patte. Et elle ne l'avait pas revu depuis leur passage aux mines. Parce qu'elle était trop occupée à pleurnicher sur son sort. Maintenant qu'elle y pensait, elle était inquiète pour lui. Pourrait-il un jour chasser à nouveau ? Comment enseignerait-il la pêche maintenant ? Comment pouvait-il bien aller ? Ne pensant pas du tout au fait qu'il était en plein milieu de la nuit et que - bien que l'absence de ronflement dise le contraire - il était fort probable que le loup vert dorme, Fireheart se dirigea vers son chez lui.

Invité

Marcus avait eu du mal à s'endormir ce soir-là. Ce n'était pas la première fois. En ce moment, c'était le gros bordel dans sa vie.

Déjà, il s'était ridiculisé au concours de chasse en ne ramenant rien du tout malgré tous ses efforts. Il avait eu l'impression de vivre un cauchemar. Flamme était passée Gamma. Valka était devenue Bêta. Caïn était devenu Bêta. Et lui ? On lui remettait le titre de pêcheur officiel du Clan. Il avait eu envie de fondre sur place. C'était pire que si on ne lui avait rien donné du tout. C'était l'étoile de papier doré 'u tried', le lot de consolation, la médaille du participant pour éviter de dire tout bonnement le perdant. Loser, loser, loser. L'insidieuse petite voix résonnait et ricochait dans sa caboche.
Par-dessus cela se rajoutait l'horreur d'apprendre que le loup qu'il exécrait le plus au monde était maintenant son supérieur. Entre deux sessions d'auto-lavage de cerveau pendant lesquelles il se répétait inlassablement qu'il n'était qu'un bon à rien, il était hanté par les mots qu'avait prononcés autrefois le grand dadet gris : le jour où je le deviendrais, crois-moi je te le ferai payer en t'humiliant au possible, voire en te prenant ton petit tube lumineux. Caïn avait réussi. Il s'était hissé au-dessus de lui. Peut-être avait-il gagné en sagesse depuis ; peut-être n'étaient-ce après tout que des menaces en l'air, prononcées sur le coup de la colère, presque légitimes après s'être violemment bouffé un mérou poisseux en pleine gueule. Mais le fait est que Marcus s'était fait un devoir de ne pas se laisser surpasser. Non seulement pour tenir tête à son rival imaginaire. Mais également pour se montrer à la hauteur de ses amies.
Et il avait lamentablement échoué.

La suite n'était pas vraiment plus joyeuse. Marcus avait perdu une patte, et était longtemps resté convalescent, reclus au fond de sa tanière. Malgré sa jambe de bois, il ne savait pas s'il s'en remettrait totalement un jour. Il n'avait même pas essayé de faire à nouveau usage de son pouvoir. Il avait peur. Peur du résultat. Peur de ce qu'il était maintenant. En se transformant, peut-être se rendrait-il compte qu'avec une patte palmée en moins, il ne serait même plus capable de plonger. On lui arracherait la seule chose en laquelle il avait jamais été doué. Ce qui devait être une bénédiction des Dieux deviendrait un véritable calvaire, un rappel au quotidien qu'il ne pouvait plus rien faire. Un pêcheur incapable de pêcher.
Le monde avait continué de tourner sans lui, en bien comme en mal. Surtout en mal. Les Precursors étaient partis en laissant derrière eux de terribles séquelles. Partout où il posait les yeux, un autre que lui avait été éclopé par leur meute. Flamme avait été violée par l'un d'eux. Le jour où il avait appris la nouvelle, il avait eu envie de vomir. Mais il n'avait pas osé parler à la rouquine depuis. Il n'avait pas eu le courage d'affronter son regard. De l'autre côté, Valka faisait sa vie avec sa gosse Tatsu que de nombreux bruits chez les Séides disaient être de nul autre que l'Alpha Raw, et la situation était donc tout aussi gênante. Affaibli, et éloigné de ses deux seules amies, le pêcheur se sentait plus isolé que jamais.
La seule chose qui avait réussi à lui arracher un sourire sans joie, c'était la triste ironie de s'apercevoir que Caïn, face à une Precursor, avait perdu la même patte que lui. Mais ce sourire avait disparu aussitôt qu'il avait vu qui portait secours au percé. Illa. Une petite femelle Brethen. Brethen. Du Clan adverse. Qui s'avérait être secrètement sa compagne depuis déjà plusieurs années. Mais sérieusement, qu'est-ce qu'il foutait encore aux rênes du Clan des Séides ?! Il n'y avait que Marcus pour s'inquiéter de la tournure des événements ou quoi ?

Ce mélange pas si subtil de désarroi et de haine faisait donc tourbillonner sa matière grise dès qu'il tentait de se reposer. Impossible de vider son esprit. Il n'en pouvait plus, autant physiquement que moralement. C'était dans un sommeil agité qu'il avait sombré au moment où la lune était déjà bien haut dans le ciel.

Il se réveilla en sursaut.

Ses muscles amaigris étaient douloureux, courbaturés par le froid hivernal. Il avait l'impression de suffoquer, comme s'il avait oublié de respirer pendant qu'il était inconscient : les grandes goulées d'air glacé firent souffrir ses poumons. Il balaya les alentours de son regard paniqué, intimement convaincu qu'il avait oublié quelque chose, mais il n'y avait rien autour de lui. Rien à part les parois austères, et l'herbe séchée de sa couche. Il était seul.

Son souffle redevenait régulier, quand il aperçut une lueur du coin de l’œil. Marcus fit volte-face. Il déglutit. Flamme était apparue dans l'embouchure de sa tanière.
Elle avait beaucoup changé depuis leur première rencontre, au cœur du Bois des Oublis. Elle avait troqué son armure contre divers bracelets et bandages, faisant apparaître la louve vulnérable qui se cachait sous les lourdes plaques de fer. Sans tous ces pics qui jaillissaient de son corps, elle avait l'air infiniment plus petite et plus fragile... On aurait dit un oisillon nu, et Marcus se sentait une tendresse presque maternelle à son égard, bien qu'elle soit plus âgée que lui de plusieurs années. C'était ça qui était particulier chez elle depuis les récents événements. Elle donnait l'impression à la fois d'être née à nouveau, dans le plus simple appareil, à la fois d'être beaucoup plus vieille qu'elle ne l'était en réalité. Son corps maigre était couturé de cicatrices, et son regard cerné était d'une tristesse désemparante.

C'était la première fois qu'il s'en rendait compte.
C'était la première fois qu'il osait la regarder en face.

Mais déjà épuisé par sa bravoure, il détourna les yeux pour se contempler les orteils, comme s'ils étaient soudain très intéressants.

« Ah... Salut... Qu'est-ce que tu fous là ? » marmonna-t-il.

Marcus avait un don pour donner l'impression qu'il ignorait totalement que l'ancienne guerrière était muette. Lui-même ignorait s'il attendait la moindre réponse de sa part. Après un temps de silence, il enchaîna.

« T'es pas... avec tes gosses ? »

Il eut brièvement en tête l'image des quatre boules de poils lovées dans la pouponnière, assoupies les unes sur les autres, n'ayant pas remarqué que leur mère s'était éclipsée. Mais en toute honnêteté, l'image en question était assez floue. Il ne voyait pas trop à quoi ils pouvaient bien ressembler. Marcus n'osait déjà pas regarder Flamme, alors comment aurait-il était capable d'épier ne serait-ce que pendant une seconde entière le fruit de sa portée non désirée ?

Mais oui, qu'est-ce qu'elle foutait là ?

Fireheart avait d'abord tenter d'esquisser un sourire à son ami vert - au passage, seul sourire qu'elle avait fait n'étant pas destiné à ses enfants depuis le viol - mais elle avait bien vite abandonné à ses mots. Que faisait-elle là, en effet ? Ses inquiétudes pouvaient attendre le matin, une heure décente. Après tout, Marcus n'avait pas besoin, qu'en plus, on le réveille au beau milieu de la nuit. Surtout qu'elle ne pouvait que difficilement lui faire part de quoi que ce soit. Fireheart baissa les yeux et piétina un peu sur place, mal à l'aise. Pourquoi était-elle là ? Ce n'était pas vraiment pour faire causette avec le loup vert. Pourquoi alors ? Parce qu'elle se sentait si seule. Elle ne supportait plus son isolement - qu'elle s'imposait pourtant elle-même. Mais, aussi, parce qu'elle ne voulait pas dormir. Elle savait que si elle restait dans sa tanière, elle se rendormirait et cauchemarderait à nouveau. Et elle avait peur.

Elle eu un mouvement de panique, se tournant pour regarder derrière elle. Elle pouvait voir sa tanière de là. Il n'y avait aucun signe, rien que ses propres traces de pas dans la beige. Tout allait bien. Pourquoi b'était-elle pas avec ses gosses ? Peut-être parce qu'elle était si fatiguée. Lorsqu'elle était avec eux, elle ressentait le besoin de sourire et d'être forte, et calme. Même lorsqu'ils dormaient. Et, la nuit, elle avait beaucoup de mal à y arriver. En cet instant, elle n'aurait pas pu sourire tranquillement à ses enfants. Peut-être était-ce pour cela qu'elle s'en était éloignée un peu. Pour qu'ils ne voient pas l'air pitoyable de leur mère. Pour qu'ils ne puissent voir cette maudite larme rouler sur sa joue carmin.

Elle regarda Marcus à nouveau, son regard brouillé par un voile de larmes contenues. Elle pouvait quand même voir sa " patte " de bois. Une autre larme glissa. Pauvre Marcus. Quelle mauvaise amie elle était. Elle avait passé son temps à s'apitoyer alors que lui… alors qu'il avait perdu lui aussi… quelle égoïste elle était. Elle ne méritait pas l'amitié du manchot vert. Elle aurait dû partir, le laisser à son sommeil. Mais retourner là-bas lui semblait trop difficile. Il lui faudrait remettre son masque et il lui semblait si lourd alors. Elle aurait voulu s'excuser au pêcheur. S'excuser de ne pas avoir été là après qu'il ait perdu sa patte. De ne pas avoir pu le protéger dans les mines aussi. Et même de ne pas être allée chasser avec lui lors de l'événement lancé par les alphas.

Mais tout ce qu'elle pu faire, ce fut de s'asseoir et de pleurer.
Pour la première fois depuis ce jour fatidique, elle laissait libre cours à ses larmes.
Et elle n'était pas certaine qu'elles aient une fin.

Invité

Et merde, elle se mettait à pleurer.
Valka, et maintenant Flamme ?
Marcus avait vraiment un truc pour toutes les faire chialer.
Dans un ralenti qui n'existait que dans sa tête, il avait vu le coin de ses lèvres trembler, son regard fuir, ses yeux devenir humides, et intérieurement il n'arrivait qu'à crier NON NON NON NON NON NON NON ME FAIS PAS CA FLAMME NON NON NOOOONNN
Eeeet les larmes avaient coulé.
Échec critique.

Elle avait posé ses fesses comme pour entamer un long suicide par noyade dans sa propre morve, et à cette heure tardive, le manchot était le seul éveillé. Ne pas l'aider, ça aurait donc été non assistance à personne en danger, n'est-ce pas ? C'était curieux quand même, de voir cette louve muette s'attrister, ne produisant ainsi aucun son en sanglotant. Si Marcus l'ignorait, qui d'autre pourrait remarquer sa peine et venir à son secours ?

Bon, il fallait bien qu'il agisse alors : il allait pas rester là le cul au chaud à la regarder se vider de toute son eau.
Marcus se redressa, abandonnant le confort de sa couche de feuilles, et esquissa un geste pour aller vers la rouquine, mais hésita au dernier moment.

« Mais... Mais non. Pleure pas. STP. » bafouilla-t-il maladroitement.

Gênant.

Il se résolut finalement à claudiquer jusqu'à elle, mais demeura de nouveau coi lorsque quelques centimètres seulement les séparèrent. Il décida de s'asseoir. Leva la patte. Hésita à nouveau.
Il lui tapota gentiment la tête.
Encourage par son silence - parce qu'elle pouvait tout à fait se défendre à haute voix oui - il renouvela le geste, jusqu'à lui grattouiller gentiment le haut du crâne. Le mouvement lui paraissait tellement naturel qu'il en oubliait presque qu'il était censé la réconforter : c'était plutôt comme s'il caressait un petit animal.

Au bout de quelques secondes, il se rendit quand même compte qu'il devait avoir l'air vachement creepy, et il s'arrêta aussitôt pour fixer le sol, embarrassé.

« Ehhhhh... Tu veux te mettre au chaud ? » se hasarda-t-il à balancer. « Y'a des courants d'air là. Et je sais pas si... depuis que t'as plus ton glow... tu... t'auto-réchauffes encore... ou un truc du genre... »

Très gênant.

« Tu veux grignoter un morceau ? »

» Poissons grillés (Narcisse)
» Fricassée de poivrons [Tamani] [Chasse]
» En souvenir || Pv. Marcus
» Fuir | Marcus
» Nous reconstruire | Marcus - Event Séides